Des serres de propriété «canadienne» devenues des foyers de la COVID-19 dans l'État de New York

La chose n'a pas fait les manchettes au Canada, mais une éclosion majeure de la COVID-19 parmi les travailleurs agricoles migrants des États-Unis est liée à ce qui se produit au Canada, plus précisément à la situation dans le sud-ouest de l'Ontario. Cette année, le plus grand exploitant de serres du comté d'Essex, la société Mastronardi Produce, dont le quartier-général est à Kingville, a ouvert ce qui est en voie de devenir la plus grande serre de toute l'Amérique du Nord, Green Empire Farms, à la périphérie de la ville d'Oneida, dans le nord de l'État de New York, sa septième exploitation aux États-Unis. La compagnie, qui est spécialisée dans les tomates gourmet, les poivrons, les baies et d'autres produits spécialisés, a des installations dans d'autres pays et des plans d'expansion à l'échelle mondiale.[1]

Les médias de la région de Syracuse, dans l'État de New York, signalent qu'au 19 mai, 168 des quelque 300 travailleurs migrants de Green Empire Farms avaient été déclarés positifs pour la COVID-19, faisant de cette mégaserre un important foyer du virus. On croit généralement que l'éclosion ne provient pas de la nouvelle serre gigantesque où des mesures sanitaires et de distanciation sont censées être en place, mais des sites d'hébergement surpeuplés et hors-normes que l'entreprise a mis à la disposition des travailleurs. Ces derniers sont logés quatre ou plus par chambre et souvent deux par lit dans trois hôtels loués par l'entreprise parce que ses propres résidences, situées près de la serre, seraient toujours en construction. Ces conditions étaient en place avant que la pandémie soit annoncée et ont continué pendant la pandémie.

Une employée de longue date qui a nettoyé les chambres des travailleurs de l'un des hôtels a été infectée par la COVID-19 et l'a transmise à son mari, qui en est décédé. Elle a sans aucun doute contracté le virus au travail. Le propriétaire de l'hôtel a également été infecté. L'employée a déclaré que les travailleurs migrants lui ont dit qu'ils avaient peur. Un jeune travailleur lui a demandé peu de temps après son arrivée : « Comment peuvent-ils nous faire dormir ensemble dans un même lit ? » Elle lui a dit qu'elle ne savait pas, que ce n'était pas la décision de son patron à elle, mais de son patron à lui, celui qui l'avait embauché et l'avait fait venir pour travailler. Le travailleur lui a dit qu'il avait peur d'être renvoyé chez lui s'il parlait et qu'il avait besoin de cet emploi.

Dun et Bradstreet, une firme qui produit des profils financiers des entreprises, indique sur son site Web que les revenus annuels de Mastronardi Produce dépassent 946 millions de dollars américains. Un rapport de l'entreprise médiatique de l'État de New York, CNY-Central, indique que la société a reçu un total de 15,3 millions de dollars en allégements fiscaux et en subventions de l'État de New York et du comté de Madison et des crédits d'impôt du programme Excelsior pour ouvrir ses nouvelles serres géantes appelées Empire Farms. Le programme Excelsior accorde aux entreprises admissibles des crédits d'impôt représentant entre 6,85 % et 7,5 % des salaires par emploi nouvellement créé. Selon le rapport, le propriétaire canadien a promis que Green Farms créera 200 nouveaux emplois à temps plein, au moins 175 emplois dans la construction, et un investissement combiné du secteur privé de 120 millions de dollars américains.

Il note cependant que répondre aux questions sur la santé et la sécurité des travailleurs et de la communauté ne faisait pas partie de l'accord, et que pendant près de deux semaines après que l'éclosion de la COVID-19 a été révélée, les appels de CNY-Central à Green Empire Farms n'avaient pas été retournés. « Nous leur avons envoyé des courriels et des messages via les réseaux sociaux. Vous pouvez voir que quelqu'un a lu le message, mais personne n'a répondu. »

Sur le site Web de la société, Mastronardi se vante d'avoir été désigné pendant dix années consécutives « une des sociétés les mieux gérées au Canada ». Peter Brown, partenaire de Deloitte et codirigeant de son programme « Sociétés les mieux gérées au Canada », a dit : « Les sociétés bien gérées sont importantes pour la santé économique de notre pays. Ces sociétés servent de modèles pour aider à faire de toutes les entreprises canadiennes de meilleures entreprises. »

Il est douteux que les travailleurs migrants et les autres travailleurs qui ont fait les frais de cet abus et ont souffert aux mains de ce monopole mondial, qui proclame la passion de ses propriétaires pour donner aux gens un plus grand « accès à des fruits et des légumes locaux cultivés de manière durable », seraient d'accord qu'il soit un modèle de quoi que ce soit.

Note

1. Par exemple, dans un article promotionnel d'août 2019 paru dans le magazine de l'industrie, Greenhouse Canada, Mastronardi Produce a annoncé une nouvelle entreprise appelée Green International Ventures LLC (GIVE) formée en partenariat avec un investisseur américain. Le premier projet de GIVE, prévu pour un pays du Moyen-Orient dont le nom est tenu secret, devrait être « le plus grand et le plus avancé d'un point de vue technologique des projets de culture en serre au monde ». Le PDG Paul Mastronardi affirme que « cela nous permettra d'atteindre plus de la moitié de la population mondiale en moins de huit heures, et ce n'est que le début ».

(Sources: Syracuse.com, CNYCentral.com)


Cet article est paru dans

Numéro 40 - Numéro 40 - 11 juin 2020

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