Les droits des travailleurs migrants MAINTENANT!

Rassemblements mobiles à la défense de la dignité à Montréal

Le samedi 6 juin, pour la deuxième fois en autant de semaines et dans les conditions de la pandémie de la COVID-19, des activistes de Montréal se sont rassemblés à l'appel de l'organisation Debout pour la Dignité en appui aux droits des travailleurs migrants. En l'espace de deux semaines seulement, le nombre de personnes qui ont participé à cette deuxième manifestation mobile a triplé, avec environ 300 personnes présentes dans le stationnement situé à côté des bureaux de la circonscription de Papineau du premier ministre Justin Trudeau, sur le boulevard Crémazie Est.

Ils sont venus avec des drapeaux haïtiens et mexicains, des bannières, des pancartes et des affiches, criant encore et encore : « Assez bonne pour travailler - assez bonne pour rester ! » ; « Québec-Haïti : Solidarité ! » ; « Solidarité avec les demandeurs d'asile ! » ; « La résidence permanente pour tous les travailleurs essentiels maintenant ! »

Ils ont été rejoints par un certain nombre de personnalités politiques dont, pour la deuxième fois, le député néodémocrate de Rosemont-La Petite-Patrie Alexandre Boulerice qui, le 25 mai, avait présenté à la Chambre des communes une motion défaite par les conservateurs et qui demandait la régularisation du statut des demandeurs d'asile en reconnaissance de la contribution des centaines de travailleurs essentiels. Était aussi présente Catherine Fournier, députée indépendante de l'Assemblée nationale du Québec pour la circonscription de Marie-Victorin, qui a déposé le 13 mai une motion à l'Assemblée nationale du Québec appelant à la reconnaissance de centaines de demandeurs d'asile travaillant dans les établissements de soins de longue durée et les résidences pour aînés au Québec et demandant au gouvernement du Canada de rapidement reconnaître leur statut d'immigration. Cette motion a été défaite par le parti au pouvoir, la CAQ. Andrés Fontecilla de Québec solidaire et député de Laurier-Dorion y était, de même que le chef par intérim du Parti québécois (PQ) et député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé et le président du PQ Dieudonné Ella Oyono. Des membres du PMLQ et du PCC(M-L ont aussi participé à l'action. Les membres du Parti libéral fédéral et du Parti libéral du Québec qui représentent des circonscriptions dans lesquelles la communauté haïtienne est très présente brillaient par leur absence.

Portant drapeaux et bannières, affiches et pancartes en appui aux travailleurs essentiels sans statut, les manifestants sont ensuite descendus dans la rue pour une procession de plusieurs kilomètres à pied, en vélo et en convoi de véhicules. Ils ont déambulé pendant plus d'une heure dans le quartier de Villeray, passant devant l'hôpital Jean-Talon, lançant des slogans et faisant du bruit pour alerter la population de l'importance de la contribution et du sacrifice de nos travailleurs essentiels et de leur accorder la résidence permanente MAINTENANT ! Pendant tout le trajet, ils ont été accueillis chaleureusement par les gens qui les saluaient de la main, les applaudissaient, levaient le poing et agitaient des drapeaux. C'était vraiment un spectacle à voir !

Une fois de retour devant le bureau de circonscription de Trudeau, le Dr Wilner Cayo, président de Debout pour la dignité, l'organisateur de cette action, a dit : « Nous sommes profondément touchés par cette solidarité de la part des Québécois. [...] Personne ne devrait oublier le combat que plusieurs travailleurs essentiels continuent de mener pour sauver des vies dans nos hôpitaux, nos résidences pour aînés, nos CHSLD, etc. » Un hommage a ensuite été rendu à tous ceux qui sont décédés dans la lutte contre le coronavirus.

En référence aux nombreux travailleurs essentiels qui mènent également une bataille pour le statut de résident permanent, il a déclaré : « Ils ont peur d'être déportés, une fois la pandémie passée. Ils ont besoin d'alliés. »

« Ensemble, a-t-il dit, nous pouvons faire bouger les choses dans la bonne direction. » Il a fait remarquer que « quarante-huit heures après notre première manifestation, point culminant de beaucoup d'autres efforts, [le premier ministre du Québec] François Legault s'est senti obligé d'initier politiquement un changement majeur de ton ! Qu'on ne s'y trompe pas ! C'est la même réalité de fond. Nous sommes là pour continuer la lutte. C'est grâce à vous, Québécois et Québécoises de coeur, organismes et regroupements communautaires, élus et groupes de pression, protestataires, élus, les gens qui croient en la dignité humaine ! »

Le Dr Cayo a expliqué que la déclaration de Legault remerciant les demandeurs d'asile avait été accueillie avec un soupir de soulagement par les demandeurs d'asile épuisés qui travaillent dans les CHSLD et qui estiment que leur sacrifice est finalement reconnu par le gouvernement. « Puis, lorsque Legault a annoncé son intention de créer 10 000 postes de préposés aux bénéficiaires bien payés, avec des avantages sociaux, nos gens se sont mis à rêver. »

« Puis arrive le mardi noir ! [en référence à l'annonce faite par le premier ministre Legault le mardi 2 juin lorsqu'il a déclaré qu'il fallait 'avoir la citoyenneté pour s'inscrire']. Dans le temps de le dire, a commenté le Dr Cayo, nos gens sont de nouveau des indésirables ! »

« Quand il était question des CHSLD, de compter sur le travail qui s'apparentait à l'esclavage moderne, on avait besoin de ces gens. Quand il fallait travailler pour un salaire de misère, on avait besoin de ces gens. Quand il fallait risquer sa vie et même mourir au travail, ces [...] demandeurs d'asile étaient des travailleurs humanitaires. Quand les conditions de travail en CHSLD étaient exécrables, elles étaient assez bonnes pour travailler ! Avec leur expérience et leur expertise, quand les conditions deviennent humaines, elles ne sont plus assez bonnes pour le mériter. »

« La réponse était catégorique [...] Ces travailleurs essentiels ne participeront pas au programme de formation de préposés aux bénéficiaires. »

« François Legault envoie un message clair ! Quand vous êtes une femme racisée, surtout fragilisée par votre statut migratoire précaire, même si vous vous sacrifiez pour le Québec, n'attendez rien du Québec ! »

« Aucune humanité envers les plus défavorisés, aucune reconnaissance ! Seulement des petits calculs électoralistes dépourvus de compassion, pour rester impassible aux cris et devant la douleur de ces travailleurs essentiels. »

« L'insensibilité du premier ministre Legault n'est pas digne des valeurs humaines des Québécois. Pourquoi vouloir refermer ces gens dans des conditions de travail misérables ? », a demandé le Dr Cayo. Il s'est ensuite adressé directement au premier ministre Legault : « Vous pourriez réserver, par une mesure de votre ressort, des places pour des gens qui sont déjà à l'intérieur du système et qui le tiennent à bout de bras. C'est une question de gros bon sens ! »

« Ils auront pris soin de nos aînés au plus fort de la pandémie [...] au risque de leur vie ! Ne les abandonnez pas à eux-mêmes, aux mains des agences rapaces qui continuent de les exploiter avec la moitié du salaire que les autres vont gagner. »

« Ces gens sont là, a continué de dire Dr Cayo, ils travaillent déjà, ils sont déjà impliqués. [...] Ils nous soignent, ils sont dans nos épiceries, dans nos abattoirs, dans nos boucheries, dans nos résidences privées pour aînés, dans nos CHSLD. Ils sont préposés, commis de toutes sortes, gardiens de sécurité et autres que vous avez vous-même identifiés comme des travailleurs essentiels. »

« Votre politique de cas par cas [...] sera encore une politique d'exclusion ! Nous n'en voulons pas ! Nous demandons de considérer la contribution de ces travailleurs essentiels [et] de porter un geste humanitaire par une mesure exceptionnelle de votre ressort en les recevant comme immigrants [...] en leur octroyant leur certificat de sélection [du Québec]. »

Puis, s'adressant au premier ministre du Canada Justin Trudeau, le Dr Cayo a demandé qu'il traduise ses paroles en actes et accorde à « ces personnes la résidence permanente. » « C'est une question de dignité », a-t-il affirmé en conclusion.

La députée indépendante Catherine Fournier a noté que « depuis des jours et des jours, on parle de toute la question de la discrimination et c'est essentiel dans le combat qu'on mène toujours aujourd'hui parce qu'il faut réfléchir au fait que quand on laisse des groupes, des minorités dans la précarité en leur laissant des emplois aux mains des agences de placement de personnel qui bien souvent sont malveillantes, ça aussi ça participe à la discrimination systémique dans la société.

« Il faut absolument continuer de mener ce combat, car il y a eu un changement de ton à la suite de la motion que j'ai déposée face à la mobilisation citoyenne extraordinaire, a dit la députée. Mais il faut maintenant que le Québec assume son plein leadership. Ça suffit d'attendre après le Canada et les délais inhumains de la Commission des réfugiés. Il faut que le Québec assume tout son leadership en immigration et offre enfin, une fois pour toutes, le statut de résident du Québec à tous les anges gardiens qui oeuvrent présentement auprès des plus vulnérables », a conclu Catherine Fournier.


(Photos : V. Desrochers)


Cet article est paru dans

Numéro 40 - Numéro 40 - 11 juin 2020

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