Lors de la
Journée des travailleurs accidentés de l'Ontario,
le Réseau ontarien des groupes de travailleurs
accidentés a organisé deux événements en ligne,
qui ont attiré un grand nombre de participants,
pour célébrer leur travail et leur force
collective dans la lutte pour la justice pour les
travailleurs accidentés. Cette année est
le 37e anniversaire de la première journée
des travailleurs accidentés, le 1er
juin 1983, lorsque 3 000
travailleurs accidentés et leurs alliés se sont
réunis à Queen's Park pour faire connaître leurs
revendications à l'occasion d'une enquête publique
sur le régime d'indemnisation.
Le rassemblement en ligne de la Journée des
travailleurs accidentés, le 1er juin, a réuni
plus de 200 participants inscrits, tandis que
d'autres se sont joints par le biais de Facebook
et YouTube. La pandémie actuelle de la COVID-19 a
mis en évidence la nécessité que la société tout
entière lutte pour des conditions de travail
sécuritaires pour tous les travailleurs et pour
une indemnisation complète et en temps requis pour
tous ceux qui sont blessés ou deviennent malades à
cause de leur travail.
Après une introduction de Maryam Nazemi, qui a
apporté un message de salutations de la part de la
vigile de Femmes d'inspiration, la présidente du
Réseau ontarien des groupes de travailleurs
accidentés, Janet Paterson, a pris la parole. Dans
les conditions de la pandémie actuelle, a-t-elle
souligné, il est d'autant plus important que la
Commission de la sécurité professionnelle et de
l'assurance contre les accidents du travail
(CSPAAT) prenne ses responsabilités envers les
travailleurs accidentés qui ont accepté de
renoncer à leur droit de poursuivre les employeurs
pour blessures et maladies professionnelles, en
échange d'une juste indemnisation qui dure aussi
longtemps que persiste la blessure ou la maladie.
Au lieu de cela, les cotisations des employeurs
ont été réduites tandis que de moins en moins de
travailleurs accidentés reçoivent l'indemnisation
qui leur est due. Dans le cas de la COVID-19, au
lieu de présumer que les travailleurs essentiels
ont contracté la maladie au travail, la CSPAAT
tranche chaque cas séparément, ce qui laisse
actuellement dans les limbes plus de 4000
travailleurs ontariens qui ont déposé des demandes
en attendant les décisions de la Commission. Cette
situation doit cesser, a déclaré Janet.
Le projet de loi 191 d'initiative
parlementaire qui vise à résoudre ce problème a
passé l'étape de la première lecture à l'Assemblée
législative de l'Ontario. S'il
est
adopté
et
qu'un
travailleur de première ligne contracte la
COVID-19, celui-ci sera présumé être atteint
d'une maladie professionnelle en raison de la
nature de son travail, sauf preuve du contraire.
Patty Coates, la présidente de la Fédération du
travail de l'Ontario, a parlé de la situation des
travailleurs de première ligne pendant la
pandémie. Alors que les gouvernements ont pris
l'habitude de parler des travailleurs de première
ligne comme des héros, beaucoup d'entre eux ne
reçoivent pas la protection dont ils ont besoin de
la part de leurs employeurs, a-t-elle dit. Il
incombe au ministre du Travail, a-t-elle dit, de
protéger tous les travailleurs et cela ne se fait
pas en abandonnant les travailleurs à leur sort.
Pendant le
rassemblement, des travailleurs accidentés ont
parlé de ce qu'ils vivent. Plusieurs autres ont
participé à la réalisation d'une vidéo à
l'occasion de la Journée 2020 des
travailleurs accidentés (voir ci-dessous). Un
militant de Travailleurs accidentés en action pour
la justice a souligné que, bien avant l'avènement
de la COVID-19, les travailleurs essentiels
travaillaient de longues heures dans des
conditions dangereuses et étaient confrontés à de
longues attentes avant que leurs demandes
d'indemnisation ne soient traitées. S'ils se
voient refuser une indemnisation, les travailleurs
accidentés sont laissés à eux-mêmes, sans aucun
moyen de soutien. Gabriel, ancien ouvrier agricole
migrant et désormais organisateur, a évoqué leur
situation, devenue d'autant plus dangereuse au
cours de cette pandémie. Les travailleurs
agricoles migrants n'ont pas accès à
l'assurance-emploi, ni à des soins de santé
complets, et s'ils sont blessés ou tombent
malades, ils sont rapatriés dans leur pays
d'origine, a-t-il dit.
Le rassemblement a également reçu un message
vidéo de salutations de Paul Healey, secrétaire du
Syndicat des services communautaires et de la
santé de l'Australie à Victoria, qui a célébré,
le 1er juin cette année, sa première Journée
des travailleurs accidentés.
Janice Martell, du projet McIntyre Powder, a
parlé de la nécessité de changer ce régime
d'indemnisation des accidents du travail qui est
conçu pour ne pas rendre justice aux travailleurs
accidentés, pour épuiser les travailleurs
accidentés jusqu'à ce qu'ils abandonnent ou
meurent (présentation vidéo ci-dessous). Pour les
travailleurs de première ligne qui contractent une
maladie au travail, la COVID-19 est une maladie
professionnelle, a-t-elle ajouté, mais qualifier
les travailleurs de première ligne de «
héros » vise à dissimuler le refus du
gouvernement et des employeurs de protéger
adéquatement les travailleurs contre l'exposition
à des substances toxiques.
Le dernier à prendre la parole a été Fred Hahn,
le président du Syndicat canadien de la fonction
publique (SCFP) pour l'Ontario. Son syndicat
représente de nombreux travailleurs de première
ligne, en particulier dans les domaines de la
santé et des soins aux aînés, et a été actif dans
la lutte pour leur sécurité ainsi que
celle des personnes dont ils s'occupent
pendant la pandémie. Il a souligné que bien que la
pandémie ne soit pas la cause des problèmes dans
les services publics, elle les a mis en évidence
et a créé une opinion publique favorable à prendre
en main la santé et la sécurité au travail. Nous
devons être en mesure d'exercer pleinement notre
droit de refuser un travail dangereux, a-t-il
dit.
La vigile de Femmes d'inspiration, tenue chaque
année à Queen's Park à la veille de la Journée des
travailleurs accidentés, a elle aussi eu lieu en
ligne. Cette année est le 15e anniversaire de
l'événement et la vigile a été ouverte par une de
ses fondatrices, Maryam Nazemi, qui a rendu
hommage à tous ceux et celles, dont les nombreux
travailleurs de première ligne, qui ont perdu la
vie pendant la pandémie de la COVID-19. La
pandémie a révélé de nombreux problèmes sociaux
dont les activistes parlent depuis des décennies,
a-t-elle dit. Notre message au gouvernement,
a-t-elle ajouté, est qu'une économie forte peut
être bâtie seulement si la santé et la
sécurité de tous est la priorité. Cela veut dire
Non ! à la privatisation et à la réduction
des garanties de la santé et de la sécurité des
travailleurs, et que les travailleurs essentiels
ne doivent pas être forcés de travailler dans des
conditions dangereuses et indignes.
Le programme comprenait une chanson inspirante de
Heather Cherron Von-Atzigen qui appelle les
travailleurs accidentés à prendre la parole parce
que leur voix est importante, et il comprenait
aussi des poèmes et des interventions des
travailleurs accidentés et de leurs alliés. Parmi
ceux-ci, Sharnette, de Travailleurs accidentés en
action pour la justice, a évoqué les difficultés
grandissantes auxquelles font face les
travailleurs accidentés pendant la pandémie. La
Commission de la sécurité professionnelle et de
l'assurance contre les accidents du travail
(CSPAAT) n'a fourni aucune aide supplémentaire aux
travailleurs accidentés pour couvrir les charges
financières supplémentaires auxquelles ils sont
confrontés afin de demeurer en sécurité pendant
cette pandémie, comme le transport vers les
rendez-vous médicaux et les coûts de la livraison
de l'épicerie. Sharon, également une travailleuse
accidentée, a parlé de la nécessité de mettre fin
à la pratique consistant à réduire les prestations
des travailleurs accidentés sur la base de la
présomption qu'ils occupent des emplois alors que
ce n'est pas le cas.
Leila Paugh, une paramédic et représentante en
santé et sécurité pour la section locale 911
du Syndicat canadien de la fonction publique
(SCFP), a parlé des défis auxquels les activistes
sont confrontés en tant que travailleurs de
première ligne pour protéger la sécurité de leurs
membres et du public pendant la pandémie. Sa
présentation a fait ressortir que ce sont les
travailleurs, organisés dans leur collectif, qui
assurent à la fois leur propre santé et leur
sécurité et celle de chacun.
Sultana Jahangir, de l'Organisation des droits
des femmes sud-asiatiques, a parlé des effets de
la pandémie dans leur communauté de Scarborough.
Beaucoup ont perdu leur emploi, environ 70 %
des femmes, et bon nombre de celles qui étaient
employées comme travailleuses temporaires et de
garde ne sont pas éligibles aux programmes d'aide
du gouvernement. Beaucoup de celles qui
travaillent le font dans des lieux de travail
dangereux qui ne respectaient pas les normes en
matière de santé et de sécurité avant la pandémie
et encore moins maintenant. Elles travaillent en
tant que travailleuses de première ligne dans les
commerces de détail, les usines de transformation
des aliments et les entrepôts et introduisent dans
la communauté des infections dues à la COVID-19 et
ramenées des lieux de travail. La sécurité de la
communauté dépend de la garantie de la sécurité au
travail, a-t-elle dit.
Cynthia Ireland, de la section locale 1750
du SCFP, représentant les employés de la CSPAAT, a
parlé de la campagne Cover Me (Assurer ma
protection) pour étendre l'indemnisation des
accidents du travail à tous les travailleurs et à
tous les endroits de travail. À l'heure actuelle,
en Ontario, seulement 76 % des
travailleurs sont couverts, ce qui est le plus bas
pourcentage de toutes les provinces. La pétition
de la campagne est disponible ici.
La « réouverture » de
l'économie et le droit des travailleurs à la
sécurité au travail
Partout au Canada, après plus de deux mois de
confinement, de rester à la maison, de fermetures
d'entreprises non essentielles et d'autres mesures
visant à ralentir la propagation de l'infection de
la COVID-19, nous en sommes maintenant à la
deuxième phase —- repartir alors que nous sommes
toujours en situation de pandémie.
Les avertissements
appropriés sont faits de pratiquer la
distanciation sociale, de bien se laver les mains,
et ainsi de suite. Ces avertissements doivent bien
sûr être réitérés et constamment appliqués,
puisque les politiciens qui les font négligent
eux-mêmes ces règles telles que la limitation du
nombre de membres d'une famille qui visitent la
maison d'un des leurs ou la règle rigoureuse de
limiter à cinq le nombre de personnes qui se
réunissent, au-delà du cercle familial.
Différents niveaux de gouvernement ne cessent de
nous rassurer que la « réouverture » se fait
selon les meilleurs conseils de la science et de
la santé publique. Mais ce n'est tout simplement
pas le cas. Et les mesures revendiquées par les
travailleurs en première ligne et leurs
organisations sur ce qui est requis en ce moment
pour aller de l'avant ne sont pas prises au
sérieux. Elles sont marginalisées, mises de côté,
discutées un moment puis écartées.
Par exemple, le 19 mai, l'Ontario a
officiellement entrepris des mesures de «
déconfinement ». Le gouvernement ontarien
décrit, dans « Un cadre visant le déconfinement de
la province », comment il compte repartir
l'économie, tout en tenant compte, selon lui, des
recommandations de la santé publique.
En fait, la décision de commencer le «
déconfinement » de l'Ontario n'était pas
conforme aux critères minimaux établis par le
premier ministre lui-même il y quelques semaines à
peine, soit de faire en sorte de constamment «
aplanir la courbe » des nouvelles infections
de la COVID-19. Ceci était absent de l'annonce du
premier ministre sur la « réouverture » et,
dix jours plus tard, l'Ontario annonçait toujours
de 300 à 400 nouveaux cas par
jour ! L'Ontario est toujours loin d'avoir
atteint sa capacité de dépistage pour l'infection
de la COVID-19 et, par décision, ne teste même pas
les personnes asymptomatiques. Un spécialiste des
maladies infectieuses, Zain Chagla, du Centre de
santé St-Joseph à Hamilton et professeur associé à
l'Université McMaster, a dit récemment que pour
que l'Ontario puisse émuler la Corée du Sud, elle
devrait faire des investissements supplémentaires
« de l'ordre de dizaines de millions de dollars
pour atteindre une même capacité de dépistage par
tests ».
Il en va de même au niveau national. Le président
de l'Association médicale canadienne (AMC), le
docteur Sandy Buchman, a dit récemment que le pays
n'est pas prêt à faire face à la possibilité d'une
deuxième vague de la COVID-19. « À mon
avis », a-t-il dit, « le système de santé
publique est à un point de rupture à cause des
pénuries d'équipement de protection individuelle
(ÉPI) et de l'épuisement des médecins, et les
conséquences pourraient être catastrophiques s'il
y avait une recrudescence de cas de la COVID-19 à
l'automne ». Buchman a dit qu'il y avait un «
besoin urgent » de consolider la capacité du
système de santé public de faire davantage de
tests et de traçage de contacts.
Les organisations d'infirmières ont averti les
autorités provinciales dès janvier que le système
de santé public était très mal préparé à une
recrudescence de la demande qu'une pandémie de la
COVID-19 pouvait créer. Elles ont souligné les
pénuries de personnel dans les établissements de
soins de longue durée, la nécessité d'équipement
de protection individuelle dans les hôpitaux et
les résidences de soins de longue durée. Ces
travailleuses de première ligne n'ont toujours pas
l'ÉPI dont elles ont besoin.
La deuxième phase n'est pas différente. À la
conférence de presse sur la « réouverture »,
la ministre du Transport de l'Ontario Caroline
Mulroney a parlé à tort et à travers en prétendant
que le transport en commun était « crucial pour
appuyer l'économie... alors que la province
commence à repartir » et que « la santé et le
bien-être de tous les travailleurs du transport en
commun sont une priorité absolue ». Mais à
quoi riment ces phrases creuses en l'absence de
mesures concrètes pour protéger la santé publique
et la sécurité dans l'utilisation du transport en
commun ?
Par exemple, Carlos
Santos, le président de la section locale 113
du Syndicat uni du transport (SUT) qui représente
les travailleurs du transport en commun de la
région de Toronto et de York, a dit regretter que
le gouvernement provincial n'ait pas traité de la
nécessité d'investissements sociaux requis pour
préserver la sécurité du transport en commun
pendant la deuxième phase. Il a demandé : «
Comment les municipalités vont-elles payer pour
les mesures supplémentaires pour protéger les
travailleurs et les passagers du transport en
commun ? Sans fonds d'urgence de la province
ni du gouvernement fédéral, il sera tout à fait
impossible de maintenir les niveaux de services
requis à la Société des transports de Toronto
(TTC) dans le transport en commun pour répondre à
l'augmentation des passagers et pour assurer la
distanciation sociale. À Toronto, près
de 1200 travailleurs du transport en commun
ont été mis à pied et le service a été réduit
pendant le confinement. « Toronto doit pouvoir
compter sur le gouvernement provincial et le
gouvernement fédéral pour qu'ils interviennent et
soutiennent le transport en commun avec des fonds
d'urgence », a dit Santos.
Donc, prêt pas prêt, la deuxième phase de la
lutte contre la pandémie de la COVID-19 est en
cours. La science n'est pas le guide à l'action en
ce qui concerne les preneurs de décisions. La
classe ouvrière est marginalisée face à la prise
de décision. Il faut créer les conditions pour
l'activation du facteur humain/conscience sociale,
faire en sorte que la classe ouvrière soit à la
tête du travail pour élaborer comment les
problèmes de sortir du confinement se posent,
comment élaborer et mettre en oeuvre des mesures
qui permettent à la société d'avancer, en
protégeant la santé et le bien-être du peuple, de
son économie et de sa société. Ces enjeux sont à
l'ordre du jour et c'est ce qui nous permet
d'aller au-delà de la « vieille normalité »
que la pandémie a révélée comme étant un désastre
total.
Des attaques inacceptables contre
les droits des travailleurs
Le premier point à l'ordre du jour du
gouvernement Kenney, lorsque la législature
albertaine a repris ses travaux le 27 mai,
était le projet de loi 1, la Loi sur la
défense des infrastructures essentielles. La
Loi a été adoptée le jour suivant.
La Loi donne au gouvernement et aux pouvoirs de
police arbitraires le pouvoir d'attaquer les
femmes, les jeunes, les aînés, les autochtones et
tous ceux qui affirment leurs droits et mettent de
l'avant leurs réclamations. La Loi 1 érige en
infraction le fait d'« obstruer, interrompre ou
entraver de manière délibérée, sans droit,
justification ou excuse légaux, la construction,
l'entretien, l'utilisation ou l'exploitation de
toute infrastructure essentielle d'une façon qui
rend cette infrastructure dangereuse, inutile,
inopérante ou inefficace ».
Elle érige aussi en infraction le fait d'aider,
de conseiller ou d'ordonner à une autre personne
de commettre une infraction en vertu de cette loi,
que l'autre personne commette l'infraction ou non.
Il est aussi considéré comme une infraction
d'entrer dans une infrastructure essentielle en
ayant obtenu la permission de le faire sur la base
de prétextes. Tout ceci crée une infraction qui
est si vaste qu'elle peut comprendre à peu près
n'importe quoi, et c'est d'ailleurs là son
intention.
En plus
d'une longue liste d'« infrastructures
essentielles » qui comprennent les pipelines,
les raffineries et les sites de production et
d'exploitation des produits gaziers et pétroliers,
les mines, les installations énergétiques, les
autoroutes, les chemins de fer, les
télécommunications, les sites agricoles, et le
territoire sur lequel l'infrastructure est située,
la Loi définit aussi l' « infrastructure
essentielle » comme « un édifice, une
structure, un équipement, ou toute autre chose
prescrite par réglementation ». Les
règlements sont mis en place en vertu des pouvoirs
de prérogative ou de police de l'exécutif et
peuvent être changés en tout temps par une
décision exécutive. Autrement dit, l'«
infrastructure essentielle » est tout ce que
le gouvernement déclare être une infrastructure
essentielle, et cela comprend l'espace public. En
vertu de cette loi, la police peut procéder à des
arrestations sans obtenir un mandat ou une
injonction.
La Loi 1 prévoit des amendes s'élevant
jusqu'à 10 000 $ pour une première
infraction, puis 25 000 $ pour des
infractions conséquentes, plus une peine de prison
pouvant atteindre six mois, et des amendes
s'élevant jusqu'à 200 000 $ pour «
des entreprises qui aident ou dirigent les
intrus ». Chaque jour qu'il y a «
contravention » constitue une nouvelle
infraction.
La Loi a suscité de nombreuses critiques de la
part des peuples autochtones, des travailleurs et
de leurs organisations, des organisations des
droits humains, des experts juridiques et de
plusieurs autres personnes, et la prétention du
gouvernement qu'il « défend la loi et
l'ordre » a été reçue avec le mépris qu'elle
mérite.
Le projet de loi 1 avait été présenté
le 25 février, tout de suite après le
discours du Trône, et le gouvernement avait
attaqué ceux qui appuyaient les Wet'suwet'en et
les avait blâmés pour tous les problèmes de
l'économie albertaine. Le premier ministre Kenney
et d'autres ont qualifié les défenseurs de la
terre de « voyous » et d'«
écoterroristes » à un moment donné, et d'«
enfants gâtés » et de « protestataires
professionnels » à un autre moment.
En présentant le projet de loi en février, le
ministre de la Justice de l'Alberta, Doug
Schweitzer, avait dit : « Ces dernières
semaines, nous avons été témoins d'un non-respect
de la loi croissant au pays, qui a paralysé nos
lignes de chemin de fer. C'est totalement
inacceptable. Cela tourne en dérision notre pays
fondé démocratiquement. Nous entrons maintenant en
action d'une façon décisive en réponse à cette
situation. »
Aucune déclaration de cette nature n'a été faite
au sujet de la négligence du CN et du CP et du
nombre croissant d'accidents ferroviaires au
Canada, 1 170 accidents uniquement
en 2018, ce qui a causé non seulement des
perturbations temporaires du système ferroviaire,
mais également la mort de travailleurs du rail. La
loi et l'ordre ne s'appliquent pas aux oligarques
de l'énergie quand il est question d'atténuer les
dommages qu'ils causent à l'environnement. La
pandémie est même devenue un prétexte à la
suspension de l'ensemble du régime réglementaire
qui gouverne les opérations des entreprises de
pétrole et de gaz. L'état de droit n'existe pas
lorsque les gouvernements agissent comme si le
droit autochtone a été éteint, violent les traités
par lesquels les peuples autochtones ont accepté
de partager le territoire sur une base de nation à
nation et refusent de reconnaître les obligations
du Canada en vertu du droit international.
Manifestation des travailleurs du secteur public
de l'Alberta, le 20 novembre 2019,
contre le saccage néolibéral par le gouvernement
des services publics
La Loi 1 vise aussi les travailleurs qui
défendent leurs droits en faisant la grève et elle
vise la résistance contre l'offensive antisociale
et la position unie et le Non ! des
travailleurs du secteur public que le gouvernement
qualifie aujourd'hui de héros et qu'il va jeter à
la rue plus tard. La Loi vise les travailleurs qui
défendent leurs lignes de piquetage, lesquelles
sont déjà limitées par des injonctions et d'autres
moyens pour les rendre inefficaces. La Loi 1
augmente l'arsenal qui est utilisé pour imposer de
lourdes amendes aux syndicats qui soutiennent le
droit des travailleurs de déterminer les salaires
et les conditions de travail qu'ils jugent
acceptables.
Les ressources qui sont
à la disposition de l'État proviennent de la
valeur que créent les travailleurs. Au lieu d'être
utilisées d'une façon qui bénéficie au peuple,
elles sont utilisées pour imposer le diktat des
riches. La nation crie du lac Beaver (BLCN) est
devant les tribunaux une fois de plus parce que
les gouvernements fédéral et albertain ont
interjeté appel d'une décision d'une cour
inférieure de verser des fonds à la BLCN pour lui
permettre de poursuivre son action en justice
visant à faire reconnaître que les instances
réglementaires doivent tenir compte des impacts
cumulatifs du développement sur leurs territoires
traditionnels. Cela fait 12 ans que la BLCN a
intenté son action en justice et les gouvernements
ont essayé depuis le début de la bloquer et
d'épuiser ses ressources financières. Des amendes
s'élevant à des centaines de milliers de dollars
sont imposées aux syndicats qui défendent le droit
de leurs membres de déterminer les salaires et les
conditions de travail qu'ils jugent acceptables,
et des lois injustes sont utilisées qui
criminalisent les actions collectives des
travailleurs. La Loi 1 illustre ce que le
gouvernement veut dire lorsqu'il déclare qu'il
fera « tout ce qui est nécessaire » pour
défendre les intérêts des oligarques de l'énergie
et elle démontre que le gouvernement a perdu toute
prétention à la légitimité. Tout ce qui reste de
l'autorité publique, c'est le recours aux pouvoirs
de police pour mettre en oeuvre le diktat des
riches, peu importe les conséquences.
On qualifie peut-être ceci d'« état de
droit » mais il n'en est rien. Il y a déjà
une série de contestations de la Loi 1 pour
la déclarer illégale et une violation de la Charte
ou du droit civil de liberté d'expression et
de liberté d'association. Elle sera certainement
contestée par ceux qui sont en action pour
défendre leurs droits humains et leurs droits
civils. Lorsque les lois ne reconnaissent pas les
droits qui appartiennent aux personnes en vertu de
leur être, y compris les droits souverains des
peuples autochtones et les droits des travailleurs
en tant que producteurs de toute valeur sociale,
cela crée un sérieux problème. Ce refus crée un
conflit entre l'autorité et les conditions
modernes. Il s'agit-là d'un sérieux problème
auquel le peuple et la société font face, auquel
on doit s'attaquer et qu'il faut résoudre. Ce
problème ne peut pas être résolu par le recours à
la force et la violence au nom de la « loi et
l'ordre ».
Il est possible que cette loi soit déclarée
inconstitutionnelle, et elle est certainement une
violation du concept moderne de l'objectif d'une
loi, qui est de servir la cause de la justice.
Lorsqu'une loi n'est pas considérée comme étant
juste et qu'elle est imposée au moyen de pouvoirs
arbitraires dans le but de menacer, d'intimider et
de criminaliser ceux qui défendent leurs droits et
les droits de tous, elle ne peut pas être déclarée
une expression de l'état de droit.
Le besoin du renouveau démocratique pour donner
au peuple son mot décisif dans la gouvernance et
pour des relations de nation à nation entre le
Canada et les peuples autochtones n'a jamais été
aussi urgent. La Loi 1 doit être
abrogée !
Notre
sécurité
est dans la lutte pour les droits de
tous !
Je pense que le
gouvernement et les employeurs profitent de la
crise de la COVID-19 pour essayer d'affaiblir le
mouvement syndical. On le voit avec les
infirmières et tout le personnel de la santé.
C'est désolant de voir que le gouvernement se
donne le droit d'annuler leurs conventions
collectives et de changer unilatéralement leurs
conditions de travail. Je sympathise beaucoup avec
eux. La situation des infirmières est très
difficile, elles travaillent d'arrache-pied, elles
nous protègent, elles font un travail remarquable
et pourtant le gouvernement ne prend pas leur
situation au sérieux. Le temps supplémentaire
obligatoire en 2020, c'est impensable. C'est
impensable aussi que ceux qui font le travail
n'ont pas leur mot à dire sur les conditions de
travail qui doivent exister et reçoivent des avis
disciplinaires quand ils dénoncent des situations
dangereuses. Il y a des cas où une planification
d'avance a été faite et des ententes ont été
faites avec les infirmières pour respecter leurs
droits et leurs conditions et lutter contre la
pandémie. Donc c'est possible. Le gouvernement les
appelle des anges gardiens, comme si elles étaient
bénies et protégées des maladies et des tragédies
qui peuvent survenir, mais ce n'est pas le cas. Ce
sont des travailleurs et des travailleuses en
chair et en os qui doivent être respectés.
Quand le gouvernement fait ses conférences
quotidiennes sur la pandémie, il dit que les
choses vont bien, que la situation est sous
contrôle, que tout le monde a les équipements de
protection individuelle nécessaires, mais la
réalité sur le terrain est bien différente, et pas
seulement dans le domaine de la santé. Le
gouvernement est déconnecté des conditions de
travail réelles. Les conditions de travail
ont été gagnées par les travailleurs à la sueur de
leur front et il y en a qui ont donné leur vie
pour nous donner les conditions que nous avons
maintenant. Ce sont nos parents et nos
grands-parents qui nous ont donné ces conditions.
On n'a pas oublié que pendant le lockout des
travailleurs d'ABI, le premier ministre Legault ne
s'est pas mêlé de ses affaires et a publiquement
accusé les travailleurs d'ABI d'être des enfants
gâtés pour appuyer les attaques contre leurs
conditions de travail.
Cette situation n'existe pas seulement dans le
domaine de la santé. À l'heure actuelle, le
gouvernement et des employeurs de la construction
essaient de reporter les vacances des travailleurs
de la construction. Il y a eu une levée de
boucliers là-dessus par les travailleurs de la
construction et la situation n'est pas encore
réglée à ce que je sache. Il faut que tous les
travailleurs veillent au grain parce que sinon des
choses encore plus inacceptables vont être faites
contre nous.
En terminant, je veux dire que vos articles qui
défendent les droits des travailleurs sont très
utiles parce qu'ils donnent une information
crédible. On n'est pas gêné de partager ces
articles avec d'autres. Ils se basent sur ce qui
se passe sur le terrain et sur ce que les
travailleurs qui sont au front vivent. C'est au
front qu'on trouve la vérité.
La FIQ organise un camp devant l'Institut
universitaire de gériatrie de Montréal le 2 juin
2020.
Les travailleurs et les travailleuses de la
santé et des services sociaux continuent de tenir
des manifestations contre les arrêtés ministériels
de l'exécutif gouvernemental au Québec qui donnent
plein pouvoir à la ministre et aux administrations
d'annuler les conventions collectives négociées et
de modifier unilatéralement les conditions de
travail dans le secteur. L'outrage de qualifier
les membres du personnel d'« anges
gardiens », tout en niant leurs droits et en
les considérant comme une sorte de chair à canon
qui doit simplement obéir et peut-être même mourir
en vertu d'ordres au sujet desquels ils n'ont pas
voix au chapitre, est un sujet de grande
préoccupation pour tous les travailleurs.
En ce moment, les
manifestations se concentrent beaucoup sur la
question des vacances alors que l'été approche,
que les travailleurs du secteur sont épuisés,
qu'on entend beaucoup parler d'une possible
deuxième vague de la COVID-19 dans les mois qui
viennent et que les administrations exercent des
pressions multiples pour annuler et reporter des
vacances et des congés.
Le 2 juin, la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec - FIQ a
inauguré un camping de deux jours devant
l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal
pour protester contre les employeurs de la santé
qui s'appuient sur l'ordonnance ministérielle du
gouvernement pour refuser de reconnaître aux
professionnelles en soins leur droit aux vacances
tel que prévu dans leur convention collective. Le
thème de l'action est « Camping forcé : c'est
ici qu'on passe l'été ».
Les membres de la FIQ demandent aux employeurs de
s'entendre avec leur syndicat local sur les
modalités des vacances. En entrevue le 2 juin,
Nancy Bédard, la présidente de la FIQ, a dit
que sept CISSS ou CIUSSS au Québec ne se sont
toujours pas entendus avec leur syndicat respectif
de la FIQ sur la prise de vacances.
« Les professionnelles doivent avoir du repos
partout au Québec, c'est une priorité pour soigner
nos patient-e-s et pour continuer de lutter contre
la pandémie de COVID-19. Il est plus que temps que
ces employeurs récalcitrants se mettent en
action ! Quand on prend le temps de
s'asseoir, on trouve des solutions sans avoir
recours aux arrêtés ministériels. Les
professionnelles en soins, qui sont au combat
depuis près de trois mois, doivent avoir ce moment
de répit, car il en va de leur santé physique et
mentale. Ce repos sera bénéfique autant pour elles
que pour l'ensemble des patient-e-s », a dit
Nancy Bédard dans le communiqué de presse
du 2 juin de la FIQ.
Le 28 mai, les plus
de 6 200 travailleurs et travailleuses
du CISSS des Laurentides, membres du Syndicat des
travailleuses et des travailleurs des Laurentides
en santé et services sociaux - CSN ont entrepris
des manifestations quotidiennes devant les
différents établissements du CISSS pour exiger une
confirmation que leurs vacances vont être
respectées.
Dans son communiqué de presse du 28 mai, le
syndicat indique que la direction du CISSS utilise
l'arrêté ministériel imposé par le gouvernement
Legault, le 21 mars dernier, pour restreindre
l'accès aux congés et aux vacances. Selon le
syndicat, les administrateurs utilisent l'arrêté
pour reporter et monnayer une partie des congés et
des vacances du personnel. Il met en garde le
CISSS contre cette pratique et demande à la
présidente-directrice générale de donner le signal
que les vacances seront respectées.
« Alors que le personnel était déjà épuisé avant
l'arrivée de la pandémie, il faut tout faire pour
éviter que les travailleuses et travailleurs
tombent au combat. Nous invitons la population de
la région à appuyer les anges gardiens et à
montrer leur appui dans les prochains jours en
klaxonnant. Votre appui peut faire la
différence », écrit Dominic Presseault, le
président du STTLSSS - CSN.
Également le 28 mai, les quatre syndicats du
CISSS de la Montérégie-Ouest (CISSSMO) ont
organisé une manifestation afin de réclamer du
répit et une normalisation de leurs conditions de
travail. Dans un communiqué de presse, les
syndicats écrivent que pour le personnel du
CISSSMO, la crise de la COVID-19 « sape
dangereusement un édifice déjà gravement fragilisé
par des années de compressions et de
restructuration ».
Les
quatre
syndicats
sont
la
section locale 3247 du Syndicat canadien de
la fonction publique (SCFP), l'exécutif local de
l'Alliance du personnel professionnel et
technique de la santé et des services sociaux
(APTS), la FIQ-Syndicat des professionnelles en
soins de Montérégie-Ouest et le Syndicat des
travailleuses et travailleurs du
CISSSMO-Estrie-CSN.
La manifestation a pris la forme d'un convoi de
voitures qui a emprunté plusieurs grandes artères
couvertes par le CISSS.
« Depuis le mois de mars, les arrêtés
ministériels et les gestionnaires ont, notamment,
chamboulé les horaires et les assignations,
allongé les heures de travail et les déplacements
pour se rendre au travail, déplacé du personnel
dans des résidences et des CHSLD privés
complètement désorganisés, annulé des vacances et
des congés, etc. », lit-on dans le
communiqué. « Ces difficultés se sont conjuguées à
de grands défis comme la garde des enfants et
l'application des mesures de protection sanitaire.
Pour pouvoir tenir le coup d'ici à la prochaine
vague de contamination, les travailleuses et
travailleurs réclament du répit. »
Le communiqué souligne que les travailleurs et
travailleuses du CISSSMO réclament que les
gestionnaires collaborent avec eux pour évaluer
les besoins réels en personnel, trouver des
solutions et alléger le fardeau et qu'ils écoutent
leur voix au lieu de se faire l'instrument du
diktat ministériel.
Des mesures concrètes sont
nécessaires pour défendre les droits
des plus vulnérables
- Entrevue avec Jennie-Laure
Sully, de la Concertation des luttes contre
l'exploitation sexuelle (CLES) -
Lesorganismes
communautaires
qui oeuvrent auprès des femmes démunies et
violentées sont confrontés à de nombreux
obstacles pour répondre à leurs besoins dans ce
temps de pandémie. Ils veulent rompre avec la
position de quémandeurs dans laquelle le
gouvernement les place et demandent des fonds
récurrents en cette période et en tout temps.
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement
diffuse régulièrement des annonces à la
télévision pour dire que les femmes ne doivent
pas accepter la violence et qu'il y a de l'aide
possible. C'est un double discours quand on
regarde les difficultés des groupes d'aide qui
manquent de ressources. Forum ouvrier a
interviewé Jennie-Laure Sully qui oeuvre au sein
de la Concertation des luttes contre
l'exploitation sexuelle (CLES) pour briser le
silence sur leurs conditions de travail pour
assurer de répondre aux besoins des femmes
qu'elle dessert.
Forum ouvrier : Peux-tu nous
parler de votre organisme et des défis rencontrés
avec la pandémie ?
Jennie-Laure Sully : Le
travail de la Concertation des luttes contre
l'exploitation sexuelle (CLES) a trois principaux
volets : les services aux femmes qui ont un
vécu dans l'industrie du sexe et leurs proches, la
sensibilisation et la formation, et l'action
politique.
Au début de la pandémie, nous avons écrit au
ministère de la Santé et des Services sociaux pour
que notre organisme soit reconnu comme service
essentiel. C'était important pour nous cette
reconnaissance comme service essentiel, car les
besoins des femmes en situation de prostitution et
la nécessité d'y répondre se sont amplifiées. En
effet, les femmes exploitées sexuellement avaient
déjà des difficultés à se trouver un logement
sécuritaire, de l'aide alimentaire, des soins de
santé mentale et physique avant la pandémie, et
cela a empiré.
Au niveau du travail à faire, on fait souvent la
liaison entre les femmes et les services
gouvernementaux comme l'aide sociale. On aide les
femmes à obtenir l'aide financière ou les
indemnisations auxquelles elles ont droit en tant
que victimes d'actes criminels.
La CLES est basée à Montréal, et on a des
organisations membres dont une majorité sont les
centres d'aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel (CALACS) et il y en a partout au
Québec. Alors nous sommes reconnus comme un
organisme national. Ce sont des organismes qui
interviennent en matière de violence envers les
femmes : agression sexuelle, inceste,
exploitation sexuelle, violence conjugale. Cela
fait partie du continuum des violences. Par
exemple, une jeune fille qui a vécu l'inceste dans
son enfance a plus de chance d'être victime
d'exploitation sexuelle à son adolescence.
En parlant avec les CALACS au Québec, on a appris
que les groupes devraient recevoir entre
30 000 à 45 000 $ comme
montants d'urgence. Il y avait une crainte du
point de vue du gouvernement que ces femmes se
retrouvent à la rue et donc que le confinement ne
soit pas respecté. Par exemple, si vous ne trouvez
pas de place en hébergement pour des femmes, pas
de place au Y des femmes, dans les refuges, alors
les fonds reçus peuvent servir à lui payer
l'hôtel. On regarde toutes les options pour
s'assurer qu'elles ne se retrouvent pas à la rue.
Les femmes sans statut sont particulièrement
touchées par toutes les formes d'exploitation, y
compris l'exploitation sexuelle. Un exemple récent
auquel nous avons eu à faire face à la CLES :
une femme sans statut qui s'est retrouvée dans une
situation de traite. Ces cas-là ne sont
généralement pas signalés. On a des personnes qui
fuient leur pays d'origine à cause de nos
politiques internationales et qui se retrouvent
ici sans statut et à risque d'être exploitées. Il
faut reconnaître que parmi les personnes qui ont
fait des demandes d'asile, les besoins sont encore
plus criants en temps de pandémie.
Avant la pandémie, on organisait des groupes de
soutien, des femmes venaient dans nos locaux. On
pouvait accueillir 8-10 femmes à la fois. Et
cela était très important pour briser l'isolement.
Un des besoins numéro 1 qu'elles nomment,
c'est justement le besoin de briser leur
isolement, de surmonter la stigmatisation, ne plus
se sentir seule au monde. Maintenant, on ne peut
plus les accueillir et c'est un problème majeur.
On a organisé des groupes de soutien virtuels par
des vidéos sur Messenger, Face Time, Zoom et
Skype. On a tout essayé pour garder ce contact
visuel, pour leur faire savoir qu'elles ne sont
pas seules, qu'il y a d'autres femmes qui vivent
des difficultés et qu'ensemble on va s'en sortir.
Mais là ce qui nous est dit par les femmes avec
qui nous sommes en contact ou par téléphone, ou
par Skype, c'est qu'elles vivent encore plus de
précarité.
FO : Peux-tu nous parler du
financement et des difficultés que vous rencontrez
actuellement ?
JLS : En fait, comme d'autres
organismes communautaires, nous sommes déjà sous
financés. Il y a le Programme de soutien aux
organismes communautaires (PSOC) qui déjà est en
deçà de ce qu'il nous faut pour fonctionner de
manière à réellement aider les femmes à se sortir
de leur situation. Ce qu'ils font généralement,
c'est éparpiller les subventions sur l'ensemble
des organismes communautaires sans tenir compte de
la mission de chaque organisme. Souvent, cela nous
met dans une situation où nous devons répondre à
des appels de projet pour obtenir la subvention et
cela nous met pratiquement en concurrence avec
d'autres organismes.
La revendication de tous les organismes
communautaires est d'avoir des montants
récurrents, un financement à but non lucratif.
Chaque année, nous sommes obligés de demander que
le financement du PSOC soit augmenté parce qu'en
faisant le budget, nous constatons que le montant
reçu ne couvre que notre loyer. Nous sommes
toujours obligées de quémander, de prouver note
raison d'être.
FO : Vous avez, avec tous vos
efforts, réussi à obtenir des fonds spécifiques du
gouvernement durant la pandémie. Peux-tu nous en
parler ?
JLS : Pour faire pression, on
s'est mis à envoyer des courriels, à faire des
appels afin d'insister notamment sur l'importance
d'un programme pour sortir de la prostitution.
Nous avons parlé avec le Secrétariat à la
condition féminine du Québec, avec Condition
féminine Canada, et contacté Centraide, nos
différents paliers de gouvernement, et là nous
avons senti une volonté et, tout à coup, il y a eu
de l'argent ! Au début avril, il y a des
sommes d'argent qui ont été débloquées pour l'aide
d'urgence aux femmes. C'est ce qui nous a permis
d'acheter des cartes d'épicerie, de pharmacie, des
cartes visas et Mastercard prépayées pour donner
aux femmes. Cela leur permet de payer l'épicerie
et toutes sortes de dépenses.
Plusieurs femmes qui sont encore dans l'industrie
du sexe ont moins d'entrées d'argent ou vivent des
risques accrus pour conserver les mêmes entrées
d'argent ; plusieurs qui étaient en train de
s'en sortir et avaient trouvé des emplois dans des
petits commerces comme des restaurants ou des
boutiques ont perdu leur emploi ; il y en a
beaucoup qui n'ont pas droit à l'aide sociale et
aux autres mesures de dernier recours. Le
gouvernement a dit qu'il allait débloquer des
milliers de dollars pour les maisons d'hébergement
pour femmes parce qu'il y a des situations de
violence conjugale accrue.
L'argent reçu doit vraiment aller à l'aide
d'urgence pour les femmes, mais ce n'est pas
suffisant. Nous avons dû fait un appel aux dons.
Mais ce qu'on dit c'est que - et cela n'est pas
juste lié à la période de la pandémie - nous on
veut que les femmes aient des alternatives, à
court, moyen et long terme. Il faut donc qu'il y
ait des programmes pour sortir les femmes de la
prostitution. C'est cela le plus important et cela
doit être en tout temps, pas juste à cause de la
pandémie. Nous demandons des programmes pour les
femmes qui veulent sortir de la prostitution, pour
de l'aide au logement, l'aide pour un retour à
l'école, l'aide au niveau de la santé physique et
mentale. C'est tout cela.
FO : Quels autres problèmes
confrontez-vous ?
JLS : La situation est qu'il
n'y a pas suffisamment de place et de ressources
pour combattre ce problème de la violence. Ce sont
les mêmes revendications partout : accès à la
santé, au logement, etc. Une autre chose qu'ils
font, c'est de négliger tout l'aspect de la santé
mentale. C'est très problématique. On a appris
qu'il y a un groupe de psychologues qui se sont
regroupés pour offrir de l'aide dans le cadre de
la pandémie et le gouvernement l'a refusé. C'est
une vision fragmentée de la santé et ce n'est pas
efficace.
De l'argent sera donné aux entreprises. Mais sur
quelle base ? Est-ce acceptable que de vastes
sommes d'argent venant des contribuables soient
données à toutes les entreprises sans
exception ? Les contribuables sont-ils
d'accord pour renflouer le secteur financier,
l'industrie de l'armement et d'autres industries
non essentielles ou carrément nocives ? Par
exemple, en temps normal, la Banque de
développement canadienne ne fait pas de prêt à
l'industrie du sexe ni au secteur du jeu et des
alcools. Mais là, en temps de pandémie,
l'industrie du sexe peut recevoir des prêts sans
intérêt. Cela inclut les agences d'escorte, des
sites où il y a de la traite, toutes ces
entreprises sont considérées éligibles en ce
moment alors que des organismes communautaires se
font couper leurs subventions destinées à aider
les femmes exploitées sexuellement à sortir de
l'industrie du sexe. Est-ce le choix de société
que nous voulons faire ? La prostitution
n'est pas un filet social ! En tant que
société, nous devons cesser d'entériner le droit
des hommes à acheter l'accès aux corps et à la
sexualité des femmes. Il faut résolument affirmer
que toute personne a le droit de ne pas être
prostituée pour vivre.
Les personnes assistées sociales sont parmi les
plus vulnérables de la société et elles mènent
depuis près de 50 ans une lutte inlassable
pour la pleine reconnaissance de leurs droits.
Plus de 272 680 ménages sont
prestataires des programmes d'assistance sociale
au Québec et ceux-ci doivent composer avec la
brutalité de l'offensive antisociale.
La
situation s'est aggravée avec la pandémie et le
confinement recommandé par les autorités
publiques. Le confinement relève de l'utopie pour
les personnes à faible revenu qui doivent se
rendre dans les banques alimentaires encore
ouvertes et faire la course aux spéciaux dans
plusieurs épiceries différentes pour se nourrir.
Les déplacements essentiels se multiplient quand
on ne peut pas stocker la nourriture. Les gens se
mettent malgré eux en danger d'attraper la
COVID-19 et de la propager, alors qu'elles font
partie d'une population à risque. Ils doivent se
déplacer davantage, prendre l'autobus. C'est ainsi
qu'est la vie sur l'assistance sociale.
Quatre-vingt groupes de la société civile ont
joint leur voix au Front commun des personnes
assistées sociales du Québec (FCPASQ) pour
demander un soutien suffisant pour aider les
personnes sans emploi à faire face à la crise et
plus spécifiquement en cette période austère et
critique de pandémie. Avec la tenue de la 47e
Semaine de la dignité des personnes assistées
sociales au Québec qui s'est tenue du 4
au 8 mai 2020, ces demandes ont été
réitérées. Ils ont organisé des activités en
ligne, lancé une vidéo dénonçant la situation,
préparé des vignettes de témoignages, panels et
bien d'autres activités.
Les personnes assistées sociales reçoivent un
revenu de survie avec 690 $ par mois,
alors que le gouvernement fédéral fixe le montant
nécessaire pour bien se protéger
à 2000 $ par mois. Le gouvernement a
remis des fonds aux banques alimentaires, mais
cela ne règle en rien la situation d'extrême
pauvreté vécue par les personnes assistées
sociales. Selon la Mesure du panier de
consommation (MPC), le montant nécessaire pour
couvrir minimalement ses besoins de base a été
fixé, pour une personne seule habitant à Montréal
en 2019, à 18 424 $ par année.
Le 690 $ que reçoivent les personnes
assistées sociales est bien en dessous de cela.
À Montréal,
le taux de résidents vivants sous le seuil de la
pauvreté est de 29 %, selon les chiffres
avancés par la ville de Montréal en 2019. Ce
nombre est plus élevé que dans les autres villes
canadiennes, devant Vancouver (27 %), Toronto
(25 %) et Calgary (14 %).
Ainsi, 16,2 % de la population
montréalaise de plus de 12 ans est aux prises
avec l'insécurité alimentaire. Qui plus est, les
jeunes de 12 à 39 ans sont les plus
touchés, et particulièrement les 30 à 39
ans. En conséquence, un nombre sans cesse
grandissant de gens ont recours aux banques
alimentaires.
La dernière attaque est venue du gouvernement
libéral de Philippe Couillard avec le programme
Objectif emploi mis de l'avant le 1er
avril 2018 et qui incite les nouveaux
prestataires de l'aide sociale à entreprendre des
démarches pour se trouver un emploi. Ceux qui
acceptent d'y participer sont récompensés par une
hausse de leur prestation de 240 $ par
mois, alors que des pénalités pouvant
atteindre 224 $ sont prévues pour ceux
qui refusent de s'engager. Le programme
controversé a été dénoncé dès son lancement par
les prestataires, les groupes communautaires ainsi
que les fonctionnaires.
Jusqu'à maintenant, le gouvernement Legault n'a
annoncé aucune aide pour les personnes assistées
sociales, ce qui est inacceptable. Maintenant que
le déconfinement est à l'horizon, loin de se
laisser abattre, les personnes assistées sociales
regroupées dans leur collectif poursuivent leur
lutte pour la pleine reconnaissance de leurs
droits.
Un revenu
décent pour tous et toutes !
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