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Des attaques inacceptables contre les droits des travailleurs

Le gouvernement de l'Alberta adopte la Loi 1, Loi sur la défense des infrastructures essentielles

Le premier point à l'ordre du jour du gouvernement Kenney, lorsque la législature albertaine a repris ses travaux le 27 mai, était le projet de loi 1, la Loi sur la défense des infrastructures essentielles. La Loi a été adoptée le jour suivant.

La Loi donne au gouvernement et aux pouvoirs de police arbitraires le pouvoir d'attaquer les femmes, les jeunes, les aînés, les autochtones et tous ceux qui affirment leurs droits et mettent de l'avant leurs réclamations. La Loi 1 érige en infraction le fait d'« obstruer, interrompre ou entraver de manière délibérée, sans droit, justification ou excuse légaux, la construction, l'entretien, l'utilisation ou l'exploitation de toute infrastructure essentielle d'une façon qui rend cette infrastructure dangereuse, inutile, inopérante ou inefficace ».

Elle érige aussi en infraction le fait d'aider, de conseiller ou d'ordonner à une autre personne de commettre une infraction en vertu de cette loi, que l'autre personne commette l'infraction ou non. Il est aussi considéré comme une infraction d'entrer dans une infrastructure essentielle en ayant obtenu la permission de le faire sur la base de prétextes. Tout ceci crée une infraction qui est si vaste qu'elle peut comprendre à peu près n'importe quoi, et c'est d'ailleurs là son intention.

En plus d'une longue liste d'« infrastructures essentielles » qui comprennent les pipelines, les raffineries et les sites de production et d'exploitation des produits gaziers et pétroliers, les mines, les installations énergétiques, les autoroutes, les chemins de fer, les télécommunications, les sites agricoles, et le territoire sur lequel l'infrastructure est située, la Loi définit aussi l' « infrastructure essentielle » comme « un édifice, une structure, un équipement, ou toute autre chose prescrite par réglementation ». Les règlements sont mis en place en vertu des pouvoirs de prérogative ou de police de l'exécutif et peuvent être changés en tout temps par une décision exécutive. Autrement dit, l'« infrastructure essentielle » est tout ce que le gouvernement déclare être une infrastructure essentielle, et cela comprend l'espace public. En vertu de cette loi, la police peut procéder à des arrestations sans obtenir un mandat ou une injonction.

La Loi 1 prévoit des amendes s'élevant jusqu'à 10 000 $ pour une première infraction, puis 25 000 $ pour des infractions conséquentes, plus une peine de prison pouvant atteindre six mois, et des amendes s'élevant jusqu'à 200 000 $ pour « des entreprises qui aident ou dirigent les intrus ». Chaque jour qu'il y a « contravention » constitue une nouvelle infraction.

La Loi a suscité de nombreuses critiques de la part des peuples autochtones, des travailleurs et de leurs organisations, des organisations des droits humains, des experts juridiques et de plusieurs autres personnes, et la prétention du gouvernement qu'il « défend la loi et l'ordre » a été reçue avec le mépris qu'elle mérite.

Le projet de loi 1 avait été présenté le 25 février, tout de suite après le discours du Trône, et le gouvernement avait attaqué ceux qui appuyaient les Wet'suwet'en et les avait blâmés pour tous les problèmes de l'économie albertaine. Le premier ministre Kenney et d'autres ont qualifié les défenseurs de la terre de « voyous » et d'« écoterroristes » à un moment donné, et d'« enfants gâtés » et de « protestataires professionnels » à un autre moment.

En présentant le projet de loi en février, le ministre de la Justice de l'Alberta, Doug Schweitzer, avait dit : « Ces dernières semaines, nous avons été témoins d'un non-respect de la loi croissant au pays, qui a paralysé nos lignes de chemin de fer. C'est totalement inacceptable. Cela tourne en dérision notre pays fondé démocratiquement. Nous entrons maintenant en action d'une façon décisive en réponse à cette situation. »

Aucune déclaration de cette nature n'a été faite au sujet de la négligence du CN et du CP et du nombre croissant d'accidents ferroviaires au Canada, 1 170 accidents uniquement en 2018, ce qui a causé non seulement des perturbations temporaires du système ferroviaire, mais également la mort de travailleurs du rail. La loi et l'ordre ne s'appliquent pas aux oligarques de l'énergie quand il est question d'atténuer les dommages qu'ils causent à l'environnement. La pandémie est même devenue un prétexte à la suspension de l'ensemble du régime réglementaire qui gouverne les opérations des entreprises de pétrole et de gaz. L'état de droit n'existe pas lorsque les gouvernements agissent comme si le droit autochtone a été éteint, violent les traités par lesquels les peuples autochtones ont accepté de partager le territoire sur une base de nation à nation et refusent de reconnaître les obligations du Canada en vertu du droit international.


Manifestation des travailleurs du secteur public de l'Alberta, le 20 novembre 2019, contre le saccage néolibéral par le gouvernement des services publics

La Loi 1 vise aussi les travailleurs qui défendent leurs droits en faisant la grève et elle vise la résistance contre l'offensive antisociale et la position unie et le Non ! des travailleurs du secteur public que le gouvernement qualifie aujourd'hui de héros et qu'il va jeter à la rue plus tard. La Loi vise les travailleurs qui défendent leurs lignes de piquetage, lesquelles sont déjà limitées par des injonctions et d'autres moyens pour les rendre inefficaces. La Loi 1 augmente l'arsenal qui est utilisé pour imposer de lourdes amendes aux syndicats qui soutiennent le droit des travailleurs de déterminer les salaires et les conditions de travail qu'ils jugent acceptables.

Les ressources qui sont à la disposition de l'État proviennent de la valeur que créent les travailleurs. Au lieu d'être utilisées d'une façon qui bénéficie au peuple, elles sont utilisées pour imposer le diktat des riches. La nation crie du lac Beaver (BLCN) est devant les tribunaux une fois de plus parce que les gouvernements fédéral et albertain ont interjeté appel d'une décision d'une cour inférieure de verser des fonds à la BLCN pour lui permettre de poursuivre son action en justice visant à faire reconnaître que les instances réglementaires doivent tenir compte des impacts cumulatifs du développement sur leurs territoires traditionnels. Cela fait 12 ans que la BLCN a intenté son action en justice et les gouvernements ont essayé depuis le début de la bloquer et d'épuiser ses ressources financières. Des amendes s'élevant à des centaines de milliers de dollars sont imposées aux syndicats qui défendent le droit de leurs membres de déterminer les salaires et les conditions de travail qu'ils jugent acceptables, et des lois injustes sont utilisées qui criminalisent les actions collectives des travailleurs. La Loi 1 illustre ce que le gouvernement veut dire lorsqu'il déclare qu'il fera « tout ce qui est nécessaire » pour défendre les intérêts des oligarques de l'énergie et elle démontre que le gouvernement a perdu toute prétention à la légitimité. Tout ce qui reste de l'autorité publique, c'est le recours aux pouvoirs de police pour mettre en oeuvre le diktat des riches, peu importe les conséquences.

On qualifie peut-être ceci d'« état de droit » mais il n'en est rien. Il y a déjà une série de contestations de la Loi 1 pour la déclarer illégale et une violation de la Charte ou du droit civil de liberté d'expression et de liberté d'association. Elle sera certainement contestée par ceux qui sont en action pour défendre leurs droits humains et leurs droits civils. Lorsque les lois ne reconnaissent pas les droits qui appartiennent aux personnes en vertu de leur être, y compris les droits souverains des peuples autochtones et les droits des travailleurs en tant que producteurs de toute valeur sociale, cela crée un sérieux problème. Ce refus crée un conflit entre l'autorité et les conditions modernes. Il s'agit-là d'un sérieux problème auquel le peuple et la société font face, auquel on doit s'attaquer et qu'il faut résoudre. Ce problème ne peut pas être résolu par le recours à la force et la violence au nom de la « loi et l'ordre ».

Il est possible que cette loi soit déclarée inconstitutionnelle, et elle est certainement une violation du concept moderne de l'objectif d'une loi, qui est de servir la cause de la justice. Lorsqu'une loi n'est pas considérée comme étant juste et qu'elle est imposée au moyen de pouvoirs arbitraires dans le but de menacer, d'intimider et de criminaliser ceux qui défendent leurs droits et les droits de tous, elle ne peut pas être déclarée une expression de l'état de droit.

Le besoin du renouveau démocratique pour donner au peuple son mot décisif dans la gouvernance et pour des relations de nation à nation entre le Canada et les peuples autochtones n'a jamais été aussi urgent. La Loi 1 doit être abrogée !


Cet article est paru dans

Numéro 39 - Numéro 39 - 9 juin 2020

Lien de l'article:
Des attaques inacceptables contre les droits des travailleurs: Le gouvernement de l'Alberta adopte la Loi 1, Loi sur la défense des infrastructures essentielles - Peggy Morton


    

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