La « réouverture » de
l'économie et le droit des travailleurs à la
sécurité au travail
De sérieuses préoccupations en Ontario
- Steve Rutchinski -
Partout au Canada, après plus de deux mois de
confinement, de rester à la maison, de fermetures
d'entreprises non essentielles et d'autres mesures
visant à ralentir la propagation de l'infection de
la COVID-19, nous en sommes maintenant à la
deuxième phase —- repartir alors que nous sommes
toujours en situation de pandémie.
Les avertissements
appropriés sont faits de pratiquer la
distanciation sociale, de bien se laver les mains,
et ainsi de suite. Ces avertissements doivent bien
sûr être réitérés et constamment appliqués,
puisque les politiciens qui les font négligent
eux-mêmes ces règles telles que la limitation du
nombre de membres d'une famille qui visitent la
maison d'un des leurs ou la règle rigoureuse de
limiter à cinq le nombre de personnes qui se
réunissent, au-delà du cercle familial.
Différents niveaux de gouvernement ne cessent de
nous rassurer que la « réouverture » se fait
selon les meilleurs conseils de la science et de
la santé publique. Mais ce n'est tout simplement
pas le cas. Et les mesures revendiquées par les
travailleurs en première ligne et leurs
organisations sur ce qui est requis en ce moment
pour aller de l'avant ne sont pas prises au
sérieux. Elles sont marginalisées, mises de côté,
discutées un moment puis écartées.
Par exemple, le 19 mai, l'Ontario a
officiellement entrepris des mesures de «
déconfinement ». Le gouvernement ontarien
décrit, dans « Un cadre visant le déconfinement de
la province », comment il compte repartir
l'économie, tout en tenant compte, selon lui, des
recommandations de la santé publique.
En fait, la décision de commencer le «
déconfinement » de l'Ontario n'était pas
conforme aux critères minimaux établis par le
premier ministre lui-même il y quelques semaines à
peine, soit de faire en sorte de constamment «
aplanir la courbe » des nouvelles infections
de la COVID-19. Ceci était absent de l'annonce du
premier ministre sur la « réouverture » et,
dix jours plus tard, l'Ontario annonçait toujours
de 300 à 400 nouveaux cas par
jour ! L'Ontario est toujours loin d'avoir
atteint sa capacité de dépistage pour l'infection
de la COVID-19 et, par décision, ne teste même pas
les personnes asymptomatiques. Un spécialiste des
maladies infectieuses, Zain Chagla, du Centre de
santé St-Joseph à Hamilton et professeur associé à
l'Université McMaster, a dit récemment que pour
que l'Ontario puisse émuler la Corée du Sud, elle
devrait faire des investissements supplémentaires
« de l'ordre de dizaines de millions de dollars
pour atteindre une même capacité de dépistage par
tests ».
Il en va de même au niveau national. Le président
de l'Association médicale canadienne (AMC), le
docteur Sandy Buchman, a dit récemment que le pays
n'est pas prêt à faire face à la possibilité d'une
deuxième vague de la COVID-19. « À mon
avis », a-t-il dit, « le système de santé
publique est à un point de rupture à cause des
pénuries d'équipement de protection individuelle
(ÉPI) et de l'épuisement des médecins, et les
conséquences pourraient être catastrophiques s'il
y avait une recrudescence de cas de la COVID-19 à
l'automne ». Buchman a dit qu'il y avait un «
besoin urgent » de consolider la capacité du
système de santé public de faire davantage de
tests et de traçage de contacts.
Les organisations d'infirmières ont averti les
autorités provinciales dès janvier que le système
de santé public était très mal préparé à une
recrudescence de la demande qu'une pandémie de la
COVID-19 pouvait créer. Elles ont souligné les
pénuries de personnel dans les établissements de
soins de longue durée, la nécessité d'équipement
de protection individuelle dans les hôpitaux et
les résidences de soins de longue durée. Ces
travailleuses de première ligne n'ont toujours pas
l'ÉPI dont elles ont besoin.
La deuxième phase n'est pas différente. À la
conférence de presse sur la « réouverture »,
la ministre du Transport de l'Ontario Caroline
Mulroney a parlé à tort et à travers en prétendant
que le transport en commun était « crucial pour
appuyer l'économie... alors que la province
commence à repartir » et que « la santé et le
bien-être de tous les travailleurs du transport en
commun sont une priorité absolue ». Mais à
quoi riment ces phrases creuses en l'absence de
mesures concrètes pour protéger la santé publique
et la sécurité dans l'utilisation du transport en
commun ?
Par exemple, Carlos
Santos, le président de la section locale 113
du Syndicat uni du transport (SUT) qui représente
les travailleurs du transport en commun de la
région de Toronto et de York, a dit regretter que
le gouvernement provincial n'ait pas traité de la
nécessité d'investissements sociaux requis pour
préserver la sécurité du transport en commun
pendant la deuxième phase. Il a demandé : «
Comment les municipalités vont-elles payer pour
les mesures supplémentaires pour protéger les
travailleurs et les passagers du transport en
commun ? Sans fonds d'urgence de la province
ni du gouvernement fédéral, il sera tout à fait
impossible de maintenir les niveaux de services
requis à la Société des transports de Toronto
(TTC) dans le transport en commun pour répondre à
l'augmentation des passagers et pour assurer la
distanciation sociale. À Toronto, près
de 1200 travailleurs du transport en commun
ont été mis à pied et le service a été réduit
pendant le confinement. « Toronto doit pouvoir
compter sur le gouvernement provincial et le
gouvernement fédéral pour qu'ils interviennent et
soutiennent le transport en commun avec des fonds
d'urgence », a dit Santos.
Donc, prêt pas prêt, la deuxième phase de la
lutte contre la pandémie de la COVID-19 est en
cours. La science n'est pas le guide à l'action en
ce qui concerne les preneurs de décisions. La
classe ouvrière est marginalisée face à la prise
de décision. Il faut créer les conditions pour
l'activation du facteur humain/conscience sociale,
faire en sorte que la classe ouvrière soit à la
tête du travail pour élaborer comment les
problèmes de sortir du confinement se posent,
comment élaborer et mettre en oeuvre des mesures
qui permettent à la société d'avancer, en
protégeant la santé et le bien-être du peuple, de
son économie et de sa société. Ces enjeux sont à
l'ordre du jour et c'est ce qui nous permet
d'aller au-delà de la « vieille normalité »
que la pandémie a révélée comme étant un désastre
total.
Cet article est paru dans
Numéro 39 - Numéro 39 - 9 juin 2020
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La « réouverture » de
l'économie et le droit des travailleurs à la
sécurité au travail: De sérieuses préoccupations en Ontario - Steve Rutchinski
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