La « réouverture » de l'économie et le droit des travailleurs à la sécurité au travail

De sérieuses préoccupations en Ontario

Partout au Canada, après plus de deux mois de confinement, de rester à la maison, de fermetures d'entreprises non essentielles et d'autres mesures visant à ralentir la propagation de l'infection de la COVID-19, nous en sommes maintenant à la deuxième phase —- repartir alors que nous sommes toujours en situation de pandémie.

Les avertissements appropriés sont faits de pratiquer la distanciation sociale, de bien se laver les mains, et ainsi de suite. Ces avertissements doivent bien sûr être réitérés et constamment appliqués, puisque les politiciens qui les font négligent eux-mêmes ces règles telles que la limitation du nombre de membres d'une famille qui visitent la maison d'un des leurs ou la règle rigoureuse de limiter à cinq le nombre de personnes qui se réunissent, au-delà du cercle familial.

Différents niveaux de gouvernement ne cessent de nous rassurer que la « réouverture » se fait selon les meilleurs conseils de la science et de la santé publique. Mais ce n'est tout simplement pas le cas. Et les mesures revendiquées par les travailleurs en première ligne et leurs organisations sur ce qui est requis en ce moment pour aller de l'avant ne sont pas prises au sérieux. Elles sont marginalisées, mises de côté, discutées un moment puis écartées.

Par exemple, le 19 mai, l'Ontario a officiellement entrepris des mesures de « déconfinement ». Le gouvernement ontarien décrit, dans « Un cadre visant le déconfinement de la province », comment il compte repartir l'économie, tout en tenant compte, selon lui, des recommandations de la santé publique.

En fait, la décision de commencer le « déconfinement » de l'Ontario n'était pas conforme aux critères minimaux établis par le premier ministre lui-même il y quelques semaines à peine, soit de faire en sorte de constamment « aplanir la courbe » des nouvelles infections de la COVID-19. Ceci était absent de l'annonce du premier ministre sur la « réouverture » et, dix jours plus tard, l'Ontario annonçait toujours de 300 à 400 nouveaux cas par jour ! L'Ontario est toujours loin d'avoir atteint sa capacité de dépistage pour l'infection de la COVID-19 et, par décision, ne teste même pas les personnes asymptomatiques. Un spécialiste des maladies infectieuses, Zain Chagla, du Centre de santé St-Joseph à Hamilton et professeur associé à l'Université McMaster, a dit récemment que pour que l'Ontario puisse émuler la Corée du Sud, elle devrait faire des investissements supplémentaires « de l'ordre de dizaines de millions de dollars pour atteindre une même capacité de dépistage par tests ».

Il en va de même au niveau national. Le président de l'Association médicale canadienne (AMC), le docteur Sandy Buchman, a dit récemment que le pays n'est pas prêt à faire face à la possibilité d'une deuxième vague de la COVID-19. « À mon avis », a-t-il dit, « le système de santé publique est à un point de rupture à cause des pénuries d'équipement de protection individuelle (ÉPI) et de l'épuisement des médecins, et les conséquences pourraient être catastrophiques s'il y avait une recrudescence de cas de la COVID-19 à l'automne ». Buchman a dit qu'il y avait un « besoin urgent » de consolider la capacité du système de santé public de faire davantage de tests et de traçage de contacts.

Les organisations d'infirmières ont averti les autorités provinciales dès janvier que le système de santé public était très mal préparé à une recrudescence de la demande qu'une pandémie de la COVID-19 pouvait créer. Elles ont souligné les pénuries de personnel dans les établissements de soins de longue durée, la nécessité d'équipement de protection individuelle dans les hôpitaux et les résidences de soins de longue durée. Ces travailleuses de première ligne n'ont toujours pas l'ÉPI dont elles ont besoin.

La deuxième phase n'est pas différente. À la conférence de presse sur la « réouverture », la ministre du Transport de l'Ontario Caroline Mulroney a parlé à tort et à travers en prétendant que le transport en commun était « crucial pour appuyer l'économie... alors que la province commence à repartir » et que « la santé et le bien-être de tous les travailleurs du transport en commun sont une priorité absolue ». Mais à quoi riment ces phrases creuses en l'absence de mesures concrètes pour protéger la santé publique et la sécurité dans l'utilisation du transport en commun ?

Par exemple, Carlos Santos, le président de la section locale 113 du Syndicat uni du transport (SUT) qui représente les travailleurs du transport en commun de la région de Toronto et de York, a dit regretter que le gouvernement provincial n'ait pas traité de la nécessité d'investissements sociaux requis pour préserver la sécurité du transport en commun pendant la deuxième phase. Il a demandé : « Comment les municipalités vont-elles payer pour les mesures supplémentaires pour protéger les travailleurs et les passagers du transport en commun ? Sans fonds d'urgence de la province ni du gouvernement fédéral, il sera tout à fait impossible de maintenir les niveaux de services requis à la Société des transports de Toronto (TTC) dans le transport en commun pour répondre à l'augmentation des passagers et pour assurer la distanciation sociale. À Toronto, près de 1200 travailleurs du transport en commun ont été mis à pied et le service a été réduit pendant le confinement. « Toronto doit pouvoir compter sur le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral pour qu'ils interviennent et soutiennent le transport en commun avec des fonds d'urgence », a dit Santos.

Donc, prêt pas prêt, la deuxième phase de la lutte contre la pandémie de la COVID-19 est en cours. La science n'est pas le guide à l'action en ce qui concerne les preneurs de décisions. La classe ouvrière est marginalisée face à la prise de décision. Il faut créer les conditions pour l'activation du facteur humain/conscience sociale, faire en sorte que la classe ouvrière soit à la tête du travail pour élaborer comment les problèmes de sortir du confinement se posent, comment élaborer et mettre en oeuvre des mesures qui permettent à la société d'avancer, en protégeant la santé et le bien-être du peuple, de son économie et de sa société. Ces enjeux sont à l'ordre du jour et c'est ce qui nous permet d'aller au-delà de la « vieille normalité » que la pandémie a révélée comme étant un désastre total.


Cet article est paru dans

Numéro 39 - Numéro 39 - 9 juin 2020

Lien de l'article:
La « réouverture » de l'économie et le droit des travailleurs à la sécurité au travail: De sérieuses préoccupations en Ontario - Steve Rutchinski


    

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