Supplément
Numéro 2422 juin 2019
D'importants
anniversaires
Journée de
célébrations des peuples autochtones
|
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24 juin
La Fête nationale du
Québec remonte à 1834
• La
signification d'une déclaration historique
23 juin
29e anniversaire de la
défaite de l'Accord de Meech
• Le
renouveau démocratique demeure à l'ordre du jour
1er mai-25 juin
100e anniversaire de la Grève générale de Winnipeg
• Fière
histoire
de
résistance
organisée
et
de
défense
des droits des travailleurs canadiens
- Dougal MacDonald -
19 juin
Jour de l'émancipation aux
États-Unis
• Le
Congrès tient des audiences sur les indemnisations
• Réparation
veut
dire
entière
réparation
pour 400
années
de terreur et autres crimes odieux
- La Coalition
nationale des Noirs pour des réparations
en Amérique (N'COBRA) -
D'importants
anniversaires
24 juin
La Fête nationale du
Québec remonte à 1834
Le 24 juin, le peuple québécois
célèbre sa fête nationale inaugurée
en 1834 par le patriote québécois Ludger Duvernay et
les membres de la société nommée « Aide-toi,
le ciel t'aidera ». Duvernay était également
le rédacteur et l'éditeur du journal patriote La Minerve. Celle-ci avait
été
fondée le 8 mars de la même année avec comme
objectif de « se doter d'un lieu de réflexion
désigné pour
discuter de l'état du pays » et « de ranimer le
feu sacré de l'amour de la patrie, soit en éclairant la
conduite de nos gouvernants, soit en accordant un juste tribut de
louanges aux éloquents et braves défenseurs de nos
droits ».
C'est cette société qui organisa,
le 24 juin 1834, le banquet dans le jardin de l'avocat
MacDonnell pour instituer la fête nationale des Canadiens de
toutes origines. Aujourd'hui, nous disons des Québécois
de toutes origines. Ce fut la première célébration
tenue par le peuple de la nation naissante du Québec, où
Duvernay, les
patriotes, les députés patriotes et leur parti, le Parti
patriote,
reconnaissaient le peuple en tant que « source primitive de toute
autorité légitime ». Ils reconnaissaient donc
la souveraineté du peuple.
Le 24 juin 1834, Ludger Duvernay et les membres de la
société «
Aide-toi, le ciel t'aidera » inaugurent le 24 juin
aujourd'hui fête
nationale du Québec. (mnq.quebec)
Cette célébration nationale
inaugurée par Ludger Duvernay et les députés du
Parti patriote tombait le même jour que la fête de la
Saint-Jean Baptiste mais les deux événements
étaient très différents. En fait, la fête de
la Saint-Jean Baptiste avait été créée il y
a fort longtemps par le roi de France et le haut clergé
catholique dans les colonies de
l'empire de la France pour s'opposer à la fête civile du
solstice d'été le 21 juin, que
célèbrent les nations autochtones.
Avec le Concile de Trente
(1545-1563), l'Église avait tenté de christianiser cette
coutume de la célébration de la lumière autour
d'un grand feu de joie pour lui substituer une représentation de
soumission en la personne de Saint Jean, « l'agneau de
Dieu ». Dans cette même lignée, en 1702,
monseigneur de Saint-Vallier, dans son
Catéchisme du diocèse de Québec à
l'intention des Canadiens, signalait que l'Église catholique au
Nouveau Monde (entendre dans les colonies de l'empire français)
dit qu'il s'agit d'une cérémonie parfaite pourvu qu'on en
bannisse les danses et les superstitions, sous-entendues les croyances
des nations autochtones. Et ce n'est qu'en 1908 que
le pape Pie X, supportant la division du peuple canadien en soi-disant
« Canadiens-français » et «
Canadiens-anglais » que voulait imposer l'empire
britannique, décréta saint Jean Baptiste patron des
« Canadiens-français ». Enfin, ce fut lors des
fêtes nationales du peuple québécois le 24
juin de 1968 et 1969,
en pleine période de résurgence du mouvement pour
l'indépendance du Québec et de la souveraineté du
peuple, que le symbole de la division et de la soumission fut
écarté de la scène et que le peuple dansa autour
d'un grand feu de joie.
Il est intéressant de noter qu'aujourd'hui,
le 21 juin, lors de la Journée nationale des peuples
autochtones est organisé le « Solstice des Nations, une
manifestation d'échange et d'amitié entre les nations qui
peuplent le Québec ». À cette occasion, les
nations autochtones organisent la « Cérémonie du
feu pour le rapprochement des
peuples vivant sur le territoire québécois »
afin que « les braises de ce feu allument le feu de joie du Grand
spectacle de la Fête nationale du Québec, sur les plaines
d'Abraham ».
La célébration de la fête nationale
du peuple du Québec inclut la célébration des
patriotes qui ont lutté pour l'indépendance face à
l'Angleterre au milieu du 19e siècle, les Nelson, De
Lorimier, Côté, Chénier, Duvernay, O'Callaghan, et
plusieurs autres, qui ont combattu pour une patrie indépendante
et une république qui investit le peuple
de la souveraineté. Elle inclut la célébration de
tous ceux qui ont épousé la cause des patriotes du
Québec et en particulier ceux qui sont résolus à
élaborer un projet d'édification nationale conforme aux
exigences de notre temps.
23 juin
29e anniversaire de la défaite de
l'Accord de Meech
Manifestation contre l'Accord du lac Meech devant
l'assemblée législative
du Manitoba le 21 juin 1999
Le 23 juin 1990 échouait l'Accord du
lac Meech, un ensemble d'amendements à la Constitution du Canada
négocié en 1987 derrière des portes closes par le
premier ministre du Canada, Brian Mulroney, et les premiers ministres
des provinces. La défaite de Meech signalait un nouvel
approfondissement de la crise
constitutionnelle, laquelle est maintenant devenue une crise
existentielle à cause de l'intégration du Canada à
l'économie de guerre et aux arrangements des États-Unis.
L'Accord de Meech avait été signé
à cause de la crise qui a fait suite au référendum
de 1980 au Québec sur la place du Québec dans le
Canada et du refus du Québec de signer la Constitution
de 1982 rapatriée par le gouvernement de Pierre Trudeau.
Trudeau avait promis de rédiger une nouvelle entente
constitutionnelle après la
défaite du référendum du Québec et cette
promesse s'est soldée deux ans plus tard par l'ajout de la Charte
des
droits
et
libertés et d'une formule d'amendement
à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
de 1867. Appelées Loi du Canada, elles ont
été adoptées par le parlement britannique
le 29 mars 1982
et on a prétendu qu'avec cette loi la constitution du Canada
était « rapatriée ». On a dit que cela
mettait fin à la dépendance du Canada de la
Grande-Bretagne, en réalité la Reine d'Angleterre demeure
le chef d'État du Canada.
La loi constitutionnelle de Trudeau
(de 1982) était l'« équivalent
canadien » de l' Acte du Canada du parlement
britannique et elle était incluse dans celui-ci avec une formule
d'amendement et la Charte des droits et libertés. Or,
elle ne reconnaissait pas le droit du Québec à
l'autodétermination et par conséquent le
Québec refusa d'en être signataire, ce qui causa une crise
constitutionnelle. C'est pour tenter de la résoudre que le
gouvernement de Brian Mulroney entama en 1985 des
négociations constitutionnelles qui allaient conduire à
l'Accord du lac Meech deux ans plus tard le 23 juin 1987.
Le premier ministre du Québec de l'époque,
Robert Bourassa, a dit que le Québec signerait la Constitution
si cinq modifications lui étaient apportées. :
- la reconnaissance constitutionnelle du Québec
comme société distincte ;
- un veto constitutionnel pour le Québec sur les
changements constitutionnels ;
- une voix au chapitre pour le Québec sur la
nomination des juges de la Cour suprême du Canada ;
- une garantie constitutionnelle de pouvoirs accrus en
matière d'immigration ;
- la limitation du pouvoir fédéral de
dépenser.
Il fallait s'attaquer aux causes de la crise
constitutionnelle. Il fallait notamment garantir des relations de
nation à nation avec les peuples autochtones de façon
à mettre fin à l'injustice coloniale et à offrir
des compensations pour tous les torts commis contre eux ; il
fallait mettre fin à toutes les notions de droits basées
sur le privilège et les
soi-disant limites raisonnables, investir le peuple du pouvoir et non
une personne d'État artificielle, sans parler d'un monarque
étranger et enchâsser des droits égaux pour tous
les citoyens et résidents. Enfin, il fallait reconnaître
le droit du peuple du Québec à
l'autodétermination, y compris la sécession si telle est
sa décision, ce que l'Accord du lac
Meech a refusé de faire.
L'accord de Meech visait en fait à maintenir le
statu quo en déclarant le Québec «
société distincte » au sein du Canada. Il
donnait un veto constitutionnel au Québec, augmentait les
pouvoirs des provinces en matière d'immigration, étendait
et réglementait le droit à une compensation
financière raisonnable pour toute province qui se
retirerait de quelque programme fédéral futur dans un
domaine de juridiction exclusivement provinciale et donnait voix au
chapitre aux provinces dans la nomination des sénateurs et des
juges de la Cour suprême.
Puisque Meech aurait changé la formule
d'amendement de la Constitution et modifié le processus de la
Cour suprême, il fallait obtenir le consentement de toutes les
législatures provinciales et du parlement canadien dans un
délais de trois ans. Les dix premiers ministres provinciaux
s'étaient tout de suite mis d'accord mais le consensus ne dura
pas les trois ans requis pour obtenir le consentement des
assemblées législatives. Une Conférence des
premiers ministres fut convoquée vingt jours avant
l'échéance pour essayer de sauver Meech et il fut convenu
que Meech devait être suivi d'une autre ronde de
négociations constitutionnelles. Le premier ministre de
Terre-Neuve, Clyde Wells,
s'attaqua au secret du processus décisionnel. Le 23
juin 1990, date limite, Elijah Harper, député de
l'assemblée législative du Manitoba membre des
Premières Nations, signala son refus de consentement en
brandissant une plume d'aigle, rendant ainsi impossible
l'unanimité requise de l'assemblée. Wells annula sa
proposition de tenir un
vote à l'assemblée de Terre-Neuve et l'Accord du lac
Meech était officiellement mort.
Une des principales caractéristiques de l'Accord
de Meech était de ne pas clarifier ce que voulait dire «
société distincte » en parlant du
Québec. Il affirmait que le Québec était une
« société distincte » et que « la
législature et le gouvernement du Québec ont le
rôle de protéger et de promouvoir la société
distincte ». La «
société distincte » est restée
indéterminée dans les documents, les aspects «
distincts » du Québec n'y étaient pas
énumérés et il n'y avait pas de critères
par lesquels les préserver et les promouvoir. Le terme «
société distincte » a été le
sujet de nombreuses interprétations mais celle qui a
dominé les cercles politiques officiels était
que le Québec est distinct en raison de la langue
française uniquement. En faisant de la langue la seule question,
la formulation de Meech sur la « société
distincte » niait que le peuple québécois
comprenait une nation ayant évolué au fil de l'histoire
avec une communauté d'économie et de territoire, une
langue et une culture et une
psychologie portant l'empreinte de cette histoire. Qui plus est, elle
niait au peuple québécois le droit à
l'autodétermination. Le fait de dire à l'Assemblée
nationale ce qu'elle devait faire n'a pas été bien
reçu non plus.
Un autre aspect important de l'Accord de Meech est la
promotion qu'il faisait de la désunion et de
l'inégalité. Le fait de définir une nation
uniquement par sa langue mène à la théorie que le
Canada est habité par un grand nombre de « nations
linguistiques », toutes susceptibles d'un statut
indépendant mais dont seulement l'«
anglaise » et la « française »
auraient une place d'honneur.
Meech encourageait la désunion également
en dévoluant certains pouvoirs fédéraux aux
provinces comme s'il s'agissait de dix petites nations (les provinces)
regroupées dans une grande nation (le gouvernement
fédéral). Les deux territoires (le Nunavut n'existait pas
encore) ne furent pas invités au lac Meech (ils ont
participé par téléconférence)
parce que le premier ministre considérait que leur pouvoir
était insuffisant, établissant ainsi la
possibilité de différents statuts selon la région.
D'autre part, Meech accordait à chaque province un pouvoir de
veto en matière législative et il était clair que
chaque province s'en servirait pour avancer les intérêts
étroits des regroupements économiques et
politiques régionaux qui finançaient les gouvernements
plutôt que de mettre de l'avant l'intérêt ou le but
national d'ensemble.
Le troisième aspect de Meech
était son refus d'affirmer ou même d'aborder le sujet des
droits ancestraux des peuples autochtones, ce qui revenait à
supprimer ces droits. Les droits ancestraux des peuples autochtones ne
sont pas un élément périphérique, ils
doivent être enchâssés dans la Constitution. Les
autochtones ont le droit légitime de
revendiquer les terres de leurs ancêtres et d'en disposer comme
ils l'entendent. En tant que peuples souverains, ils ont le droit de
décider de leurs affaires mais aussi de participer à la
décision des affaires du Canada dans son ensemble. Aucune des
modifications proposées par l'Accord de Meech n'abordait ces
sujets. Les chefs autochtones
présentèrent deux autres objections. La première
concernait leur exclusion de l'ensemble des travaux de Meech. L'autre
concernait le transfert possible de services fédéraux aux
provinces prévu dans la clause sur le droit de retrait avec
compensation, ce qui risquait d'entraîner le
démantèlement de programmes essentiels pour les peuples
autochtones.
Le quatrième aspect principal de Meech
était le caractère antidémocratique des
procédures. Toutes les consultations eurent lieu derrière
des portes closes. Les gens disaient que c'était une rencontre
de onze hommes blancs à cravate pour décider du sort du
pays entre eux. Une fois l'accord conclu dans le secret, les onze
premiers ministres
tentèrent de l'imposer au peuple sans autre discussion ou
délibération. Il n'y eut pas de consultation populaire,
l'ordre du jour n'était pas établi suivant les
désirs du peuple et les points discutés et inclus dans
l'accord étaient ceux que les premiers ministres voulaient
discuter et inclure.
L'extrême mécontentement de la population
face aux procédés de Meech fut capté par le Forum
des citoyens sur l'unité nationale de 1990, appelé
Commission Spicer, que Mulroney fut forcé d'établir
après la défaite de Meech, disant que son gouvernement
voulait entendre les opinions des Canadiens. Le rapport de la
Commission Spicer
publié en 1991 permet de constater que les Canadiens
étaient très conscients que quelque chose manquait dans
le processus politique canadien, qu'on ne pouvait pas faire confiance
aux hommes et aux femmes politiques et qu'il manquait les
mécanismes nécessaires pour habiliter le peuple. Beaucoup
ont réclamé la convocation d'une
assemblée constituante qui permettrait au peuple de
délibérer et de décider de la constitution qu'il
veut.
Toutes les recommandations et propositions de la
Commission Spicer ont par la suite été ignorées
par le Gouvernement du Canada.
La signification de Meech aujourd'hui est qu'à l'époque
actuelle les peuples veulent être les arbitres et les
décideurs. C'est le travail pour le renouveau
démocratique qui va ouvrir la voie au progrès de la
société et non le réaménagement du statu
quo au nom du changement, de la modernisation et de faire en sorte que
chaque vote compte.
L'Accord de Meech a confirmé que dans la forme de
pouvoir politique héritée par le Canada, le pouvoir
absolu réside dans les oligarques financiers et leurs
représentants politiques. La suggestion à l'effet que
seul le premier ministre du pays et les dix premiers ministres des
provinces seraient habilités à proposer la Constitution
et que le peuple
reste exclu du processus a été rejetée fermement
parce qu'aujourd'hui l'histoire exige que le pouvoir soit
transféré au peuple qui agit de son propre chef et dans
son propre intérêt. Celui-ci veut retirer la politique des
mains des intérêts en place et la mettre entre les mains
de ceux qui s'attaqueront aux problèmes que le peuple veut
régler, comme
l'insécurité économique qui est devenue la plus
grande priorité à l'heure actuelle.
L'échec de Meech a également mené
à la disparition de la configuration du parlement jadis
fondé sur
l'existence du « parti au pouvoir » (libéraux
ou conservateurs) et du « parti de l'opposition ». Le
Parti conservateur a été à toute fin pratique
radié de la carte à l'élection de 1993 et le
Parti libéral est dans un triste état depuis le «
scandale
des commandites » de 1995, qui a permis de concentrer
toujours plus de pouvoir dans un nombre de mains toujours plus petit.
Depuis, les partis politiques siégeant à la Chambre des
communes ont formé un cartel visant à maintenir le peuple
sans pouvoir et les partis politiques sont élus grâce
à des banques de données destinées leur
permettant de microcibler des électeurs et le fossé
continue de grandir entre les gouvernants et les gouvernés.
Aujourd'hui, aucun gouvernement n'a le consentement des
gouvernés et la nécessité d'un renouveau
démocratique est plus urgente que jamais.
1er mai-25 juin
100e anniversaire de la Grève
générale de Winnipeg
- Dougal MacDonald -
Rassemblement au parc Victoria durant la Grève
générale de Winnipeg
Introduction
Cette année marque le 100e anniversaire de
la grève générale de
Winnipeg, qui a eu lieu du 1er mai au 25 juin 1919. La
Première Guerre
mondiale avait pris fin, mais elle n'a pas mis fin à la
cupidité des
hommes assoiffés de pouvoir qui l'avaient
déclenchée en premier lieu.
Au Canada, la guerre a été un prétexte pour
réprimer la résistance à la guerre
impérialiste et l'objection de
conscience contre la participation à cette guerre, ainsi que
pour
attaquer les syndicats et la politique révolutionnaire.
La Loi sur les mesures de guerre est
restée en vigueur
pendant plus d'une année après la fin de la guerre et a
été utilisée
contre les organisateurs de la grève générale de
Winnipeg de 1919.
Après la guerre, l'armée canadiennes et les armées
de 14 autres pays, à
l'instigation de la Grande-Bretagne et de la France, ont
également été envoyées pour envahir la
Russie soviétique dans une vaine
tentative de maintenir les privilèges du régime tsariste
renversé par la
création du premier État socialiste du monde. En
même temps, les
soldats qui avaient survécu à la guerre de
tranchées, dont beaucoup
étaient revenus invalides, avaient été
gazés par le gaz moutarde et
souffraient du stress post-traumatique, alors non-reconnu,
étaient
accablés par l'inflation et le chômage
d'après-guerre. La grippe
espagnole a également causé des millions de morts.
Dans cette conjoncture, les ouvriers de l'industrie de
la
construction et de la métallurgie de Winnipeg sont entrés
en grève ;
ils exigeaient des salaires plus élevés et la
réduction des heures de
travail. Ils ont été rejoints par des travailleurs du fer
qui luttaient
pour la reconnaissance de leur syndicat, le Conseil des métiers
de la
métallurgie.
Le 15 mai, avec l'appui massif de ses 12 000 membres, le
Conseil des
métiers et du travail de Winnipeg déclenche la
grève générale. Trente
mille travailleurs syndiqués et non syndiqués
débrayent. Les
téléphonistes de la ville ont été parmi les
premières à entrer en grève.
Winnipeg a été privé de service
téléphonique pendant une
semaine. Des grèves de solidarité ont été
organisées à Edmonton et à
Calgary pour appuyer la grève générale de Winnipeg.
Le contexte de cette grève était la grave
crise économique dans
laquelle la Grande-Bretagne et, par extension, le Canada étaient
plongés après la Première Guerre mondiale, ainsi
que le traitement des
travailleurs à leur retour de la guerre de tranchées au
cours de
laquelle, abreuvés par l'euphorie pour l'empire, des millions
ont servi
de chair à
canon. La guerre a détruit rapidement cette euphorie
et mis le Canada à la croisée des chemins, car l'ancienne
base de son
économie avait été brisée par la guerre
ainsi que son but qui reposait
sur l'édification d'empire. L'asservissement des gouvernements
aux
intérêts étrangers et aux molochs du capital auquel
les travailleurs ne
s'identifiaient absolument pas pesait lourdement sur la capacité
des
gouvernements à maintenir la paix sociale.
Grand rassemblement au parc Victoria pendant la grève
générale de Winnipeg
Le gouvernement du Canada ainsi que le gouvernement
provincial
craignaient clairement une révolution semblable à celle
qui venait
d'avoir lieu en Russie. Ils ont répandu le mensonge que les
«
immigrants » étaient à l'origine de la
grève.
Le gouvernement du Canada a modifié la Loi
sur l'immigration pour
que même les immigrants nés en Grande-Bretagne qui,
à l'époque, avaient
automatiquement des droits de citoyenneté puissent être
expulsés. Le
gouvernement a mobilisé les forces de police contre les
grévistes et a
eu recours à la violence pour écraser la grève. La
réaction du gouvernement à la situation terrible dans
laquelle se
trouvaient les travailleurs à l'époque et la
répression des luttes des
travailleurs qui avaient fait tant de sacrifices dans la guerre des
tranchées de la Première Guerre mondiale a montré
clairement le rôle de
l'État.
En juin, les autorités fédérales
ont officiellement recouru aux
menaces de déportation pour réprimer la politique de la
classe
ouvrière, bien qu'elles aient tenté de tromper le public
en évitant le
mot « politique » dans leurs accusations. Les
amendements à
l'article 41 de la Loi sur l'immigration
définissaient un «
immigrant
interdit » comme « toute personne
intéressée à renverser un
gouvernement organisé soit dans l'Empire (au niveau provincial
également au Canada) ou en général, soit par la
destruction de biens ou
par la promotion d'émeute ou de désordre publics, ou
qui est membre
d'une organisation secrète qui tente de contrôler des
personnes par la
menace ou le chantage. » [1]
Après presque un mois de grève, le maire
de Winnipeg a demandé
l'intervention de gendarmes spéciaux dont la présence a
attisé la
résistance des grévistes. Les dirigeants de la
grève ont été arrêtés.
La Police à cheval du Nord-Ouest (qui est devenue la Gendarmerie
royale
du Canada en 1920) et les gendarmes spéciaux ont
tiré sur les
travailleurs, tuant deux hommes. Trente-quatre autres personnes ont
été
blessées et 80 arrêtées. Quelques jours plus
tard, le 21 juin, la grève
a pris fin par une marche de protestation organisée par les
anciens
combattants.
Un des dirigeants de la grève, Roger Bray, s'adresse à
une foule de grévistes au parc Victoria.
La grève générale de Winnipeg est
devenue la plus grande révolte
sociale de l'histoire du Canada. Elle fait l'objet de nombreuses
études
concernant non seulement le rôle du gouvernement et des forces de
police, mais aussi celui des syndicats, des communistes, des
socialistes et des partis politiques traditionnels. La grève
reste
d'une grande
importance pour le développement ultérieur du mouvement
émancipateur de
la classe ouvrière canadienne.
Protestation de la Fête du travail de 1919 contre les
procès des dirigeants de la grève
de Winnipeg arrêtés le 16 juin 1919
Les ouvrières ont eu un rôle important dans
la grève. Elles sont
entrées en grève et ont appuyé les autres
travailleurs en grève. Elles
ont créé des cuisines populaires tout en prenant soins de
leurs
familles. Les téléphonistes en grève ont
débranché les lignes
téléphoniques, sont descendues dans les rues pendant les
manifestations
et ont affronté les
briseurs de grève. Des femmes étaient membres du
Comité central de
grève ainsi que de la Ligue ouvrière des femmes.
Le 20 mai, le Western Labour News
a annoncé une réunion d'organisation d'une journée
pour toutes les
travailleuses. En fait, le 15 mai 1919, les femmes ont
entamé une grève
générale de solidarité
avec les travailleurs des métiers de la métallurgie et de
la
construction, qui étaient déjà en grève.
Lorsque 500 téléphonistes,
dont 90 % étaient des femmes, ont quitté
à la fin de leur quart de
travail à 7 heures du matin, aucun travailleur n'est venu
les remplacer.
Notes pertinentes
Les causes de la grève générale de
Winnipeg étaient multiples. Le premier ministre Wilfrid
Laurier avait déclaré aux Canadiens que le XXe
siècle « appartiendrait
au Canada ». De 1898 à 1912, la croissance
économique a été rapide et
l'Ouest canadien a connu une
croissance démographique. Il y avait un air d'optimisme et la
classe
dirigeante entretenait l'euphorie autour de l'empire. Winnipeg
était un
important centre industriel au coeur du Canada, le dépôt
de trois
grandes compagnies ferroviaires, le Canadien Pacifique, le
Canadien-Nord et le Grand Tronc du Pacifique. Le transport ferroviaire
des nouveaux
immigrants d'Est en Ouest et du grain d'Ouest en Est créait
beaucoup de
richesse pour les détenteurs de capitaux.
Les cheminots de Winnipeg ont commencé à
créer leur organisation
dans les années 1890. Les machinistes et les outilleurs ont
été les
premiers à s'organiser et d'autres travailleurs ont suivi. Un
Conseil
des métiers et du travail a été créé
pour unifier les travailleurs, un
journal à vocation syndicale, le Western Labour News, a
été
fondé et un candidat travailliste a été élu
à l'assemblée législative.
Les cheminots ont mené plusieurs grèves militantes au
cours desquelles
ils ont fait face aux mitrailleuses et aux briseurs de grève
amenés de
l'extérieur. Cependant, l'économie locale continuait sa
croissance et
le chômage était bas en raison du grand nombre d'emplois
disponibles,
en particulier dans la construction.
La situation a changé lorsque la Grande-Bretagne
a commencé à fermer
certaines de ses installations de production. Quand la Première
Guerre
mondiale a été déclarée en 1914,
Winnipeg était plongé dans la
récession et un grand nombre de chômeurs étaient
à la rue. Ceux qui
avaient un emploi travaillaient de longues heures pour de bas
salaires dans de mauvaises conditions de travail et l'inflation
était
galopante.
La production de matériel de guerre et de
munitions a commencé à
Winnipeg en 1915, mais le volume était relativement petit.
Beaucoup de
travailleurs s'opposaient à la conscription, car ils
considéraient la
guerre principalement comme un stratagème pour envoyer des
travailleurs
à leur mort pour augmenter les profits des capitalistes.
C'était un fait bien connu que certaines personnes
réalisaient des
profits énormes en fournissant du matériel de guerre. Les
agriculteurs
étaient confrontés à des tarifs
élevés et à la chute du prix des
céréales. Lorsque la guerre a pris fin, les soldats sont
rentrés chez
eux, non pas dans un monde « sûr pour la
démocratie », mais dans un
monde
en proie au chômage, à la pauvreté et à
l'abandon.
Pendant la guerre, le nombre de travailleurs
syndiqués à Winnipeg a
augmenté d'un tiers. Le foyer principal de l'action syndicale
était le
Conseil des métiers de la métallurgie, créé
en 1918 pour représenter
les machinistes et les outilleurs. Les travailleurs des trois ateliers
appartenant à des compagnies ferroviaires travaillaient pour un
salaire.
Les ateliers commerciaux où travaillaient des ouvriers non
syndiqués
appartenaient à Manitoba Bridge (Deacon), Vulcan (les
frères Barrett)
et à Dominion Bridge (des capitalistes montréalais). Ces
entreprises
payaient leurs travailleurs moins que les travailleurs des ateliers de
chemin de fer en utilisant un système de travail à la
pièce. L'un des
principaux objectifs du Conseil des métiers de la
métallurgie était de
faire respecter la parité salariale dans les six ateliers.
À l'origine
de la grève générale de Winnipeg se trouve la
grève du syndicat des
métiers de la construction du 1er mai et la grève
des ouvriers des
métiers de la métallurgie du 2 mai dans les trois
ateliers
commerciaux La grève générale a
duré 41 jours et plus de 25 000
ouvriers ont été en grève.
Fortement inspiré par la victoire de la
Révolution bolchevique de 1917, un éditorial
du 22 mai 1919 du Western Labour News disait :
« La lutte est engagée. Elle a renversé le
gouvernement en Russie, en
Autriche, en Allemagne, etc. » À Winnipeg, un des
dirigeants de la
grève, William Pritchard, dans sa
plaidoirie de défense au tribunal a souligné avec
militantisme les
contributions de Marx et d'Engels au mouvement ouvrier. De l'autre
côté, le « Comité des 1000 »,
le comité contre la grève des
capitalistes locaux et nationaux, dont étaient membres
l'Association
des manufacturiers canadiens, l'Association des banquiers et Imperial
Oil,
a déclaré que la grève était un
début de révolution bolchevique au
Canada et que tous les travailleurs étaient de dangereux
radicaux
décidés à détruire les institutions en
place et à instaurer un
gouvernement soviétique.
Les grévistes remplissent les rues le 4
juin 1919, devant le quartier général
du « Comité des 1000 » antigrève.
Le 22 juin 1918, le premier ministre Borden
avait approuvé l'envoi
d'un corps expéditionnaire de soldats canadiens en
Sibérie pour se
joindre à la vaine croisade réactionnaire des 14
États qui voulaient
écraser la révolution bolchevique. Le 22
décembre 1918, une assemblée
de masse s'est tenue à Winnipeg pour
condamner cette intervention.
Les conditions au moment de la grève
La Première Guerre mondiale et la crise de
l'après-guerre
avaient fortement affaibli la position de monopole de la
Grande-Bretagne parmi les États capitalistes. Au lendemain de la
Première Guerre mondiale, les grandes puissances luttaient pour
s'emparer d'une plus grande part de marché, principalement aux
détriments de la Grande-Bretagne.
La guerre avait ébranlé les relations d'avant-guerre et
de nouvelles
forces avaient surgi sur le marché. Ces forces comprenaient non
seulement les États-Unis, mais l'Allemagne, le Japon et d'autres
pays,
ainsi que les dominions et les colonies britanniques, dont le Canada,
qui avaient réussi à développer davantage leur
propre économie pendant
la
guerre. À cause de cette nouvelle concurrence et de la perte de
parts
de marché, il était plus difficile pour la
Grande-Bretagne d'extraire
des profits du pillage des marchés et des sources de
matières
premières, y compris de ceux du Canada. En réaction, les
capitalistes
britanniques s'efforçaient de limiter la production ou, en tout
cas, de
ne pas
l'élargir aveuglément.
Ces pertes de profits de la Grande-Bretagne et de ses
colonies et la
diminution encore plus grande des quelques miettes que recevait la
classe ouvrière se sont accompagnées de l'intensification
des luttes
directes des travailleurs contre le capital. Le Canada était
encore
principalement dominé par la Grande-Bretagne. Réaliser le
profit
maximum de
l'exploitation du travail, sans tenir compte des besoins des
travailleurs et de la société, était le but de la
Grande-Bretagne et de
l'élite capitaliste au pouvoir au Canada, au Manitoba et
à Winnipeg
même. Dans les conditions de la guerre et de
l'après-guerre, une telle
exploitation intense entraîna inévitablement la
résistance des ouvriers
et de leurs
luttes, pour des salaires plus élevés et de meilleures
conditions de
travail, entre autres.
Une foule en colère contre les attaques contre les
grévistes à Winnipeg le 21 juin 1919
renverse partiellement un tramway.
Contrairement au mythe selon lequel la grève
générale de Winnipeg
était une « anomalie » parce que le mouvement
de la classe ouvrière au
Canada s'est « bien conduit » tout au long de son
histoire, un examen
même sommaire de l'histoire du mouvement ouvrier confirme que les
travailleurs ont mené de nombreuses luttes
organisées et de nombreuses grèves contre le capital au
cours des
décennies.
En Nouvelle-Écosse, il y a eu la grève
générale de Halifax et
d'autres luttes. Juste avant la grève générale de
Winnipeg, les
employés municipaux de Winnipeg, appuyés par d'autres
syndicats des
services publics, avaient remporté leur grève.
La grève générale a
été une des nombreuses grèves de ce genre, bien
qu'elle soit l'une des plus importantes, des plus longues et qu'elle
marque une
étape importante pour l'avancée de la lutte pour les
droits des
travailleurs et de leurs réclamations à la
société qui leur
appartiennent de droit. Les travailleurs ont affronté
héroïquement
l'intransigeance des
propriétaires, dont le mépris pour les travailleurs, la
brutalité et le
recours à l'État pour protéger leurs
intérêts étaient sans limites.
Les efforts continus des capitalistes pour
réduire les coûts de
production dans leur secteur étaient une partie
intégrante de
l'expansion du capitalisme canadien. Que les métallurgistes
aient été
la cible principale n'était pas un fait du hasard.
C'étaien des
travailleurs qualifiés qui avaient un haut niveau de
savoir-faire et
d'expérience et qui
connaissaient leur valeur dans le processus de production. Leur travail
produisait d'importants profits pour les capitalistes des chemins de
fer, l'un des groupes de détenteurs du capital les plus
puissants au
Canada. De plus, parce que les métallurgistes avaient
été les premiers
et le plus grand groupe de travailleurs à se syndiquer à
Winnipeg, ces
ouvriers étaient un détachement avancé de la
classe ouvrière. La
stratégie de l'élite dirigeante était de les
écraser afin d'abaisser
leurs salaires, allonger leur journée de travail et ainsi
s'assurer de
la soumission et de la docilité du reste de la classe
ouvrière. Tout le
monde doit rentrer dans le rang. Mais c'est le contraire qui s'est
produit. Loin d'être
intimidés, des milliers de travailleurs de Winnipeg et d'autres
villes
du Canada, notamment à Toronto, Vancouver, Regina, Edmonton et
Calgary,
ont soutenu avec militantisme les métallurgistes en
déclenchant des
grèves.
En 1919, c'était le gouvernement du Parti
conservateur de Robert
Borden qui était au pouvoir et s'est révélé
être un ennemi impitoyable.
En juin 1918, le premier ministre Borden a participé
à la rédaction
d'une résolution britannique demandant une « assistance
armée alliée
immédiate à la Russie » dans le but
d'écraser la
révolution ouvrière en Russie. Deux mois plus tard,
Borden ordonnait
l'envoi de troupes canadiennes en Sibérie. Pendant la
grève générale de
Winnipeg, Robert Borden a violemment attaqué les
grévistes et leurs
alliés, en même temps que la presse monopolisée au
service des détenteurs du
capital accusait les immigrants et les bolcheviks d'avoir
fomenté
la grève.
Réunion « Ne touchez pas à la Russie »
à Victoria en 1918 pour dénoncer l'envoi de troupes
canadiennes en Sibérie
Comme le montre le déroulement de la
grève, les capitalistes
canadiens et le gouvernement du Parti conservateur se sont
montrés plus
expérimentés, mieux organisés et donc plus forts
que les travailleurs
de Winnipeg et leurs dirigeants. Ils sont entrés dans le conflit
lourdement armés et prêts à écraser les
travailleurs.
Le 22 mai, le
gouvernement fédéral a envoyé des bataillons de
soldats armés de mitrailleuses à Winnipeg. Le 6
juin, le gouvernement a
modifié la Loi sur l'immigration pour permettre
l'expulsion
d'immigrants accusés de « sédition ».
Le 10 juin, les « gendarmes
spéciaux » recrutés parmi les briseurs de
grève et les voyous ont attaqué une manifestation
pacifique. Le 16
juin, plusieurs dirigeants de la grève ont été
arrêtés, emprisonnés et
menacés d'expulsion du Canada. Ensuite, le « Comité
des 1000 » s'est
arrangé pour que des dirigeants syndicaux dociles à sa
solde entrent en
scène pour combler le vide laissé par ces
arrestations et sapent la grève.
Le 21 juin est passé dans l'histoire comme
le « samedi sanglant ».
Des membres de la Police à cheval du Nord-Ouest et des soldats
armés
ont violemment attaqué une manifestation pacifique des
travailleurs non
armés et ont tué deux grévistes et fait 30
blessés. Les dirigeants
syndicaux semblent avoir été pris au dépourvu et
désorganisés face à cette violence. Moins d'une
semaine avant la grève,
ces dirigeants se déclaraient convaincus qu'elle ne serait pas
nécessaire.
La Police montée du Nord-Ouest charge la foule, le 21
juin 1919, à Winnipeg, connu sous le nom du Samedi
sanglant.
Le 23 juin, le président du Congrès
des métiers et du travail du
Canada a annoncé que la grève était «
officiellement terminée « et
qu'il était temps que les travailleurs investissent leurs
énergies à ragner des sièges au conseil municipal
par
les élections.
En réalité, le comité de grève avait
déjà prévu de maintenir les
services
essentiels au niveau municipal, témoignant de la capacité
de la classe
ouvrière d'organiser la société selon ses besoins.
J.S. Woodsworth, le futur dirigeant de la
Fédération du commonwealth
coopératif, le précurseur du Nouveau Parti
démocratique, a pris le
contrôle du Western Labour News, l'organe des
travailleurs,
lorsque son rédacteur a été arrêté.
Ses discours et ses éditoriaux
étaient remplis d'illusions réformistes et de la
promotion de la voie
parlementaire pacifique comme voie de la victoire pour les travailleurs.
Plusieurs dirigeants de la Grève
générale de Winnipeg avaient été
formés en tant que dirigeants syndicaux en Grande-Bretagne, au
cours de
cette période lorsque le capital britannique amassait des super
profits
et pouvait offrir des avantages aux dirigeants syndicaux et s'en servir
pour obtenir des compromis auprès de la classe ouvrière
britannique. Plusieurs de ces dirigeants s'étaient laissé
séduire par
le capitalisme et s'étaient éloignés des
travailleurs. Plutôt que de se
battre pour les travailleurs, ils ont adopté l'idéologie
capitaliste et
se sont fixés comme objectif leur propre avancement. Engels
disait de
ces dirigeants qu'ils étaient embourgeoisés. Ramsay
MacDonald, le
premier
politicien travailliste à devenir premier ministre, en est un
exemple.
Après 1931, MacDonald a systématiquement
été dénoncé par le mouvement
ouvrier britannique pour avoir trahi leur cause, bien que certains de
ces individus eux-mêmes n'étaient pas des grands
modèles de leadership
ouvrier.
Le Parti conservateur dirigé par Borden s'est
rendu compte que la
grève générale de Winnipeg était un
événement politique majeur, et
qu'une telle grève ne pouvait être combattue que par un
ensemble de
mesures politiques, telles que les changements à la
législation sur les
immigrants, et par des mesures militaires, comme la mobilisation de la
police et de troupes pour écraser les travailleurs. Le
comité de grève
n'avait pas l'expérience voulue pour reconnaître
l'importance politique
de la grève générale et a mené l'action
uniquement dans le cadre de
revendications économiques, la lutte pour de meilleurs salaires,
de
meilleures conditions de travail et une journée de travail plus
courte.
L'état-major des capitalistes a compris qu'un
large appui syndical à
la grève générale de Winnipeg serait dangereux
pour eux, ce qui n'a pas
tardé à alimenter la propagande anticommuniste et
antiimmigrante. Le
ministre fédéral du Travail, lui-même un ancien
vice-président du
Syndicat des typographes, a fait une agitation féroce contre les
travailleurs et a appelé à la détention de ses
dirigeants. Le One Big
Union, qu'on appelait les Wobblies, a appuyé la grève
mais n'a rien
fait pour l'organiser ou pour la diriger. D'autres dirigeants de
syndicats internationaux se sont ouvertement opposés à la
grève sous
prétexte que son véritable ordre du jour n'était
pas de faire
progresser la cause
des travailleurs mais de mettre fin au syndicalisme international.
Il y a même eu des déclarations publiques
à l'effet que les
grévistes n'avaient pas l'intention de transformer la lutte en
une
lutte politique et que le comité de grève n'avait aucune
intention de
soulever la question du pouvoir politique. Comme l'histoire l'a
démontré, une grève générale qui
n'est pas transformée en lutte
politique va laisser la
classe ouvrière sans préparation dans sa confrontation
avec le pouvoir
politique organisé de la classe capitaliste.[2]
Une foule rassemblée devant l'hôtel de ville de Winnipeg
pendant la grève générale
La situation à laquelle les capitalistes et leur
gouvernement était
confrontés était aussi aggravée par le fait que
plusieurs soldats qui
étaient de retour de la guerre ont joué un rôle
important dans la
grève. Pour résoudre ce problème, le gouvernement
et les médias
capitalistes en ont appelé à la loyauté des
soldats pour diviser leurs
rangs. Ainsi,
l'exécutif de l'Association des vétérans de la
Grande Guerre (GWVA) a
tenté d'inciter le racisme en répandant que tandis que
les soldats
combattaient outremer, des travailleurs «
étrangers », autrement dit
les immigrants, avaient volé leurs emplois et que ce sont ces
«
étrangers « qui avaient déclenché la
grève. De son côté, le Western
Labour News,
dans un éditorial du 20 mai, exhortait les travailleurs qui
étaient des
vétérans à contribuer à renverser
l'exécutif réactionnaire de la
GWGA. De façon générale, les soldats qui
étaient aussi des travailleurs
appuyaient la grève, tandis que d'autres étaient soit
indifférents ou
s'y opposaient. Les soldats favorables à la grève
étaient les principaux organisateurs de ce qu'ils appelaient les
«
parades « qui amenaient les travailleurs dans la rue pour
manifester.
Les soldats qui étaient contre la grève organisaient des
contre-manifestations.
Plusieurs organisations ouvrières qui
étaient actives à cette époque
comme le Parti travailliste indépendant (Winnipeg, 1895),
le Parti
socialiste du Canada (1904), le Parti du travail du Manitoba (1910) et
le Parti social-démocrate (1911) ont organisé des
réunions et des
conférences dont la grande Conférence du travail de
l'Ouest du
Canada qui a eu lieu à Calgary en mars 1919. Cette
conférence a adopté
des résolutions fermes en appui au socialisme et à la
défense de la
Russie soviétique et déclarant même «
l'acceptation entière du principe
de la dictature du prolétariat ». Le Parti communiste
du Canada a été
fondé deux ans plus tard et a tenu son premier congrès
les 18 et 19 juin 1921 à Guelph en Ontario.
Certaines leçons à tirer
L'expérience directe de la grève a
enseigné aux travailleurs que
le principal obstacle à ce que les travailleurs réalisent
leurs
objectifs était le pouvoir politique des capitalistes, qui
à ce
moment-là était exercé par le gouvernement du
Parti conservateur.
Tandis que le Congrès des métiers et du travail du Canada
semblait
craindre de reconnaître le
lien inséparable entre la lutte économique et la lutte
politique, les
travailleurs, par leur lutte, ont saisi de plus en plus la question
fondamentale qui est quelle classe détient le pouvoir politique
et que
l'État n'est pas neutre dans la lutte entre le capital et le
travail.
La grève a arraché le voile du pouvoir politique,
montrant que celui-ci
est indivisible et
que la lutte des travailleurs doit viser ce pouvoir pour qu'ils
puissent déployer la force de leur nombre et de leur
organisation en
leur faveur pour contrecarrer ceux qui se servent de ce pouvoir contre
les travailleurs.
La conduite de la grève et son résultat
ont montré aux travailleurs
l'inaptitude de ces dirigeants syndicaux qui étaient
infectés par des
ambitions bourgeoises de richesse personnelle, de pouvoir et de
privilège. La grève a démontré que ces
dirigeants doivent être
remplacés par des dirigeants révolutionnaires qui n'ont
pas ces
ambitions. La grève a
aussi démontré aux travailleurs de Winnipeg et d'ailleurs
au Canada à
quel point il était vital que toute la classe ouvrière
appuie les grèves
individuelles afin de garantir leur succès. La grève a
enseigné aux
travailleurs à quel point cette leçon importante est
vraie.
Enfin, et chose très importante, la grève
a enseigné aux
travailleurs, surtout aux moments les plus difficiles, que les partis
existants n'étaient pas capables de soutenir de façon
audacieuse et
ferme les intérêts de la classe ouvrière et que
celle-ci a besoin de
son propre parti politique qui exprime sa politique, ses tactiques et
ses revendications
indépendantes. La formation, peu après, du Parti
communiste du Canada
en 1921 visait à fournir une solution à ce
problème. Elle l'a fait
jusqu'à ce que ce parti perde pied au début des
années 1950, en pleine
guerre froide, et se mette à créer des illusions sur la
démocratie
bourgeoise.
La situation a changé, cependant, depuis le 31
mars 1970, lorsque le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) a été fondé sur la
base des principes organisationnels léninistes pour mener
à bien les tâches requises pour ouvrir la voie au
progrès de la société. Dans ce travail, le
PCC(M-L) accomplit sans relâche toutes les tâches
politiques et idéologiques sur la base du travail
organisationnel qui est au service de la tâche fondamentale de
faire avancer la cause d'investir le peuple du pouvoir.
Le 31 mars 2018, à l'occasion
du 48e anniversaire de la fondation du
Parti, il a encore une fois, de manière succincte,
exprimé
sa mission et
comment la réaliser : « Toutes les activités
que le PCC(M-L) a menées
depuis près de 50 ans ont ceci en commun : elles
participent au
développement du rôle
dirigeant de la classe ouvrière dans la société.
La force du PCC(M-L)
est dans sa théorie révolutionnaire, dans sa ligne
politique et dans le
fait que ses organisations à tous les niveaux portent une
attention
particulière à la réalisation des tâches qui
permettent d'ouvrir la
voie au progrès de la société. Le tranchant de
l'intervention dans la
période
actuelle est la lutte idéologique et la mobilisation dans le
travail
politique pour définir la politique pratique requise pour
bâtir le
mouvement politique contre la destruction nationale. La politique
pratique est requise pour mobiliser les travailleurs, les jeunes et les
étudiants dans un projet d'édification nationale sur une
base moderne.
« L'accent sur le travail d'organisation est pour
activer le facteur
humain/conscience sociale pour assumer ensemble la
responsabilité de
transformer la situation. En bâtissant les comités qui
prennent des
positions politiques indépendantes, les travailleurs, les jeunes
et les
étudiants peuvent faire des percées importantes. Ces
comités doivent
être
établis dans les endroits de travail, dans les maisons
d'enseignement
et dans les quartiers ainsi que parmi les personnes âgées,
où leurs
membres assument la responsabilité de leurs décisions et
des actions de
leurs pairs. Ils peuvent donner suite à leurs
préoccupations et à
celles de la société et de l'humanité. En
développant la politique
indépendante
de la classe ouvrière, ils se donnent l'outil décisif
pour priver les
oligarques financiers internationaux et les gouvernements à leur
service du pouvoir de priver le peuple, qui dépend de la
société pour
son bien-être, de ce qui lui appartient de droit. » [3]
Notes
1. Barbara Roberts, Whence They
Came : Deportation from Canada (Ottawa : Presse de
l'Université d'Ottawa, 1988), p. 84.
2. Un exemple frappant est la
grève générale
de 1926 en Grande-Bretagne qui a mobilisé 1,7 million de
travailleurs
et a duré 9 jours, mais n'a pas produit de gains permanents
en fait de
pouvoir pour les ouvriers.
3. Le
Marxiste-Léniniste, numéro du 31 mars 2018
19 juin
Jour de
l'émancipation aux États-Unis
Le 19 juin 1865 est
célébré à travers les États-Unis
comme le jour où toutes les personnes encore asservies à
la fin de la guerre civile ont gagné leur liberté. Le
système d'esclavage était tel que, tandis que des
centaines de milliers de personnes asservies se rebellaient contre
l'esclavage et combattaient pendant la guerre
civile pour mettre fin au système, beaucoup restaient esclaves
même après la fin de la guerre civile. Le 19 juin, il
y a 154 ans, des soldats de l'Union sont arrivés à
Galveston, au Texas, pour informer toutes les personnes encore
asservies que le système d'esclaves était vaincu. Depuis
lors, de nombreux Afro-Américains considèrent ce
jour comme le jour de l'émancipation. Des personnes de toutes
les nationalités se joignent à eux pour
célébrer cette journée, également connue
sous le nom de Juneteenth.
Cette année, au Juneteenth,
le sous-comité du Comité de la justice de la Chambre
chargé de la Constitution, des droits civils et des
libertés civiles a tenu une audience dans le but proclamé
« d'examiner, par le biais d'échanges ouvertes et
constructifs, l'héritage de la traite d'esclaves
transatlantique, son impact continu sur la communauté et le
chemin de la justice réparatrice ».
Les audiences du Congrès n'ont pas eu lieu
depuis 2007. C'est malgré les efforts du
représentant John Conyers du Michigan, parrain de longue date de
la résolution 40 de la Chambre, qui avait proposé la
mesure en 1989 d'appeler à une étude sur les
indemnisations, en présentant le projet de loi à chaque
session jusqu'à sa
démission en 2017.
La représentante du Texas, Sheila Jackson Lee, la
nouvelle marraine de la résolution, l'a présentée
plus tôt cette année et a demandé la tenue d'une
audience. Cela est dû en partie au fait que diverses
organisations afro-américaines se sont battues sur la question,
notamment en organisant des assemblées publiques. En outre,
en 2016,
l'ONU a appelé les États-Unis à verser des
réparations pour l'esclavage. Son rapport soulignait qu'«
une indemnisation est nécessaire pour lutter contre les
désavantages causés par 245 ans d'autorisation
légale à vendre des personnes en fonction de la couleur
de leur peau ». Il a averti que les États-Unis
n'avaient pas fait face à leur
héritage de « terrorisme racial ». Le rapport
précise également que les réparations peuvent
prendre diverses formes, notamment un accès à une
meilleure éducation, un soutien psychologique, l'annulation des
dettes et des excuses officielles.
La question des réparations fait désormais
partie intégrante de la course à la présidence de
2020, plusieurs des 20 candidats principaux à la
présidence démocrate ayant manifesté leur soutien
à l'indemnisation des descendants d'esclaves, mais pas au sens
traditionnel de paiements directs aux Afro-Américains. La
plupart sont restés vagues
sur la question, comme cela a longtemps été le cas avec
les élus.
Il reste à voir si l'un des candidats à la
présidence ou l'un des membres du Congrès
présentera des propositions concrètes de
réparations. Cela n'a pas été le cas
jusqu'à présent, même si les organisations
afro-américaines actives dans ce domaine ont
présenté des demandes détaillées en
matière de réparations.
À titre d'information
Juneteenth est la plus ancienne
célébration connue commémorant la fin de
l'esclavage aux États-Unis. Le 19 juin 1865, des
soldats de l'Union dirigés par le major général
Gordon Granger débarquent à Galveston, au Texas, avec
l'annonce de la fin de la guerre civile et de la libération des
esclaves.
Le général Granger a lu au peuple du Texas
l'ordre général numéro 3 qui
commençait ainsi :
« Le peuple du Texas est informé que,
conformément à une proclamation de l'exécutif des
États-Unis, tous les esclaves sont libres. Cela implique une
égalité absolue de droits et de droits de
propriété entre les anciens maîtres et esclaves, et
le lien qui existait auparavant entre eux devient celui entre un
employeur et un travailleur
libre. »
C'était deux ans et demi après la
proclamation d'émancipation du président Lincoln,
officiellement entrée en vigueur le 1er janvier 1863.
La proclamation d'émancipation n'avait que peu d'impact sur les
Texans, en partie à cause du nombre réduit de soldats de
l'Union chargés d'appliquer le nouvel ordre exécutif.
Cependant, avec
la reddition du général Lee en avril 1865 et
l'arrivée du régiment du général Granger le
19 juin de la même année,
les forces sont finalement assez puissantes pour influencer et vaincre
la résistance.
Des tentatives ultérieures pour expliquer ce
retard de deux ans et demi dans la réception de cette nouvelle
importante ont donné lieu à plusieurs versions qui ont
été transmises au fil des ans. On raconte souvent
l'histoire d'un messager qui a été assassiné alors
qu'il se rendait au Texas avec la nouvelle de la liberté. Une
autre est que les
esclavagistes ont délibérément retenu la nouvelle
pour maintenir la main-d'oeuvre dans les plantations. Une autre
histoire encore est que les troupes fédérales ont en fait
attendu que les propriétaires d'esclaves récoltent les
fruits d'une dernière récolte de coton avant de se rendre
au Texas pour faire respecter la Proclamation de l'émancipation.
Certes, l'autorité du président Lincoln sur les
États rebelles était en cause. Quelles que soient les
raisons, les conditions au Texas n'ont pas changé bien
au-delà de ce qui était déjà
considéré statutaire.
- La Coalition nationale des Noirs pour
des réparations
en Amérique (N'COBRA) -
L'année 2019 représente le 400e
anniversaire de l'arrivée des
premiers Africains sur les rives de la colonie de Virginie
en 1619.
C'est le début de la période américaine de
l'esclavage des Africains et
de leurs descendants. La
Coalition nationale des Noirs pour des réparations en
Amérique (N'COBRA) a choisi comme thème de cet
anniversaire : 400 ans de terreur : une dette
jamais remboursée.
Dès le début,
la terreur ou le traumatisme psychique était la
réalité pour ces quelque trois douzaines d'Africains
volés. Non seulement le « Passage du milieu »
était une expérience terrifiante, mais l'histoire nous
apprend que le navire qui a amené ces Africains ici
n'était pas le navire dans lequel ils avaient été
embarqués. Et ce ne sont pas 36 d'entre eux qui ont
quitté l'Afrique pour ce voyage. Ils étaient 350.
En route vers sa destination, Vera Cruz, au Mexique, le
navire original - le San Juan
Bautista - a été intercepté dans le golfe
du Mexique par non pas un, mais deux navires pirates - le Lion blanc et le Trésorier. À la fin
de l'attaque, le Lion Blanc a
livré toute sa cargaison saisie lors de l'attaque soit «
une vingtaine d'Africains », et le Trésorier,
« une demi-douzaine » des 40 Africains dont il
s'était emparé avant de quitter vers les Bermudes.
Comment une soixantaine d'Africains ont-ils
réussi à se retrouver sur ces navires pirates, alors que
le San Juan Batista avait
été détruit lors de l'attaque ? Ont-ils
été tirés de la mer ? Ont-ils
été forcés par une arme à feu ou à
la pointe d'une épée ? Ont-ils choisi un navire
autre que celui qui coulait et qui leur offrait une mort
certaine ? Plus important encore, que sont devenus les 300
autres qui se trouvaient sur le San
Juan Bautista ? Étaient-ils toujours
enchaînés dans la mort comme ils l'avaient
été dans les derniers mois effroyables de leur vie durant
l'horrible Passage du milieu ?
C'est ainsi qu'a débuté notre existence
dans ce qui allait devenir l'Amérique - une terreur qui n'a pas
encore cessé et qui n'a pas encore été
rectifiée. Cette scène a été suivie
de 256 années d'esclavage brutal des Africains et de leurs
descendants. [...]
La période d'esclavage a été suivie
par 100 ans d'apartheid légal, appelé
ségrégation Jim Crow - une séparation sociale
soutenue par une force énorme, des lois injustes et une violence
meurtrière. Après la Guerre civile, d'anciens soldats de
l'armée confédérée, des officiers et leurs
enfants ont créé des groupes terroristes hautement
organisés qui se sont multipliés. Leur influence
s'étendait jusqu'à la Maison-Blanche. Ces groupes - le Ku
Klux Klan, les Chevaliers du Camélia blanc, le Conseil des
citoyens blancs et leurs sosies sont responsables de milliers de
meurtres et d'assassinats, de l'emprisonnement injuste de dizaines de
milliers de personnes, du vol continu de
main-d'oeuvre, du vol de millions d'acres de terres achetés par
les Noirs après l'émancipation et d'au
moins 4 743 lynchages confirmés. Ceci, en plus de la
destruction de nombreuses villes et communautés noires et du
bannissement (nettoyage racial) de leurs habitants. En quelques heures,
ces villes et communautés, dont certaines
comptaient des milliers d'habitants, ont complètement disparu.
[...]
Après 1965 et
l'adoption de lois sur les droits civils, bien que la «
ségrégation » ait pris fin, les actes
d'intimidation violents et les restrictions imposées de force
à la communauté noire n'ont pas cessé.
Bien que les actions de foules blanches
déchaînées aient diminué, la violence
raciale meurtrière de la police est demeurée
régulière et sans merci. La « brutalité
policière », comme on l'a appelée, a
engendré la création du Parti des Black Panthers pour
l'auto-défense et d'autres groupes nationalistes noirs. Ces
groupes se sont soulevés pour
lutter contre le comportement criminel du terrorisme policier, ainsi
que contre la domination et le contrôle social, politique et
économique appliqués par la police. Après la
répression illégale et inconstitutionnelle des Panthers
et d'autres organisations, les services de police comme le service de
police de Chicago ont obtenu ce qui revenait à un
champ libre pour terroriser les descendants d'Africains par la torture,
les aveux forcés et le meurtre d'hommes et de femmes innocents.
Ces exécutions sommaires se poursuivent encore aux
États-Unis : Ayana Stanley-Jones, Tamir Rice, Oscar Grant,
Sandra Bland, Rekia Boyd, Mike Brown, Philando Castile et Laquan
McDonald ne sont que
quelques-unes des milliers de personnes qui ont connu ce sort
après 1965.
Pendant toute cette période de 400 ans, les
Africains et leurs descendants ont lutté contre cette
inhumanité et ont exigé que ces crimes soient
redressés sous forme de réparations garantissant la
liberté, la terre, le rapatriement, les pensions,
l'indemnisation et la restitution.
À la fin du XXe siècle, des accusations
internationales de génocide ont été portées
deux fois par des Noirs auprès de la Commission des droits de
l'homme des Nations unies - une fois en 1957 et l'autre fois
en 1997. (En 2014 et 2016, une nouvelle
génération d'activistes a déposé de
nouvelles mises en accusation).
En 1969, James Foreman a présenté son manifeste noir
à la communauté blanche de l'Église demandant des
ressources pour le développement économique et divers
actes de restitution structurels et institutionnels. Les organisations
de masse se sont multipliées dans les années 1980
pour créer une demande à la base pour des
réparations.
La Coalition nationale des Noirs pour les réparations en
Amérique comptait à une époque des milliers de
membres.
Au début du XXIe siècle, avec l'aide de
N'COBRA, le Mouvement du 12 décembre - D-12 et le Front
national noir uni - NBUF - ont amené près de 400
délégués à Durban, en Afrique du Sud,
à la Conférence
mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la
xénophobie et l'intolérance qui y est associée.
Plus de 14 000 participants ont participé à la
conférence, y compris des délégations
gouvernementales de 195 pays. Pour la délégation
dirigée par la D-12 et la NBUF, les réparations
étaient au centre de leurs
préoccupations.
La conclusion de la conférence a
réaffirmé certains droits fondamentaux des personnes
d'ascendance africaine, notamment le
droit d'être dédommagées à la suite d'actes
criminels et préjudiciables commis par leur propre gouvernement.
Dans
le
document
final
de
la
Conférence,
les
délégués
gouvernementaux ont déclaré
que la traite d'esclaves
transatlantique, l'esclavage, l'apartheid et le colonialisme
étaient des crimes contre
l'humanité. En outre, il y avait une base
économique à ces crimes - comme cela est évident
aujourd'hui - les nations qui en ont lésé d'autres sont
riches et « les effets et la persistance de ces structures et
pratiques ont été parmi les facteurs contribuant aux
inégalités
sociales et économiques durables [pauvreté,
sous-développement, marginalisation, exclusion sociale] dans de
nombreuses régions du monde aujourd'hui ». Et
même plus loin, il y a une obligation de la part des nations qui
ont été enrichies par ces crimes d'offrir des
dédommagements pour les inégalités existantes et
les blessures infligées.
Cette victoire historique des membres du mouvement
mondial des réparations a été une nouvelle phase
et un nouveau mode de lutte pour les réparations pour les
personnes d'ascendance africaine. Partout, ceux d'entre nous
engagés dans la lutte pour obtenir des réparations ont
commencé à parler le même langage, à savoir
que la traite
transatlantique des esclaves, l'esclavage, le colonialisme et
l'apartheid ne constituaient pas simplement des actes
répréhensibles ou immoraux, mais bien des crimes contre
l'humanité, « les
crimes les plus odieux qu'un gouvernement puisse commettre ou permettre
de commettre contre une population civile ».
À l'échelle mondiale, nous avons pris
conscience que les crimes contre l'humanité n'avaient pas de
délai de prescription de nature juridictionnel. Nous nous sommes
rendus compte que l'énorme vol économique continue
d'accumuler de la valeur pour les pays et les entreprises qui ont
usurpé le rendement productif de nos ancêtres ; nous
avons également compris que la richesse qui figure dans les
comptes de nombreux occidentaux blancs extrêmement riches
était aussi une richesse transmise de génération
en génération par les usurpateurs criminels
originels ; nous avons tous clairement pris conscience que les
dysfonctionnements constatés parmi les populations africaines et
de
descendance africaine à l'échelle mondiale ont leur cause
première dans les crimes commis contre l'humanité de
leurs ancêtres et sont aggravés par les actes
préjudiciables perpétrés aujourd'hui. Depuis
Durban, nous avons tous pris conscience que le principal
problème mondial des Africains et des peuples d'ascendance
africaine dans le monde
entier est la réparation pour des siècles de vols,
d'abus, de terreur et de mensonges ciblant notre humanité et nos
contributions fondamentales et substantielles à la famille
humaine bien avant l'avènement de l'Occident.
Aujourd'hui, il y a de plus en
plus de
personnalités publiques et d'autres personnalités qui
reconnaissent soit le besoin de réparations, soit la justesse
des réparations, ou les deux. C'est
de
bon
augure.
C'est le cas en particulier, des candidats à
l'élection présidentielle 2020, Marianne Williams,
les sénateurs Elizabeth Warren, Corey Booker, Kamala Harris et
Bernie Sanders, ainsi que de l'ancien membre du cabinet de la
Maison-Blanche, Julian Castro. Même la présidente de la
Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui aurait
bloqué
la discussion au Congrès sur les réparations au cours de
la présidence Obama, a offert son soutien à une
étude sur les réparations.
Là où quelques-uns errent cependant, c'est
dans leur tentative de dire à nous, descendants d'Africains
réduits en esclavage aux États-Unis (DAEUS), sous quelle
forme et dans quelle mesure réparations se font et ce qu'elles
devraient être. Ils devraient appuyer la demande de
réparations. En outre, ils devraient chercher à
comprendre toute
l'étendue des crimes d'esclavage, l'Amérique de Jim Crow
et l'après Jim Crow, et comment ces crimes ont profité
aux États-Unis. [...]
Les formes et l'ampleur de ces mesure seront
déterminées par nous. Cela a déjà
commencé, en partie, avec le Manifeste de réparation du
XXIe siècle de N'COBRA et les Cinq catégories de
blessures. [Celles-ci incluent le système pénal ;
l'éducation ; la richesse et la pauvreté ; les
concepts de peuple et nation ; la
santé]. Cela a également commencé avec une
série d'assemblées publiques à l'échelle
nationale déjà organisées, et d'autres à
venir, pour présenter, évaluer et débattre le
programme de réparation en 10 points élaboré
par la Commission nationale afro-américaine des
réparations (NAARC). [Les dix points comprennent : 1.
Des
excuses officielles et la création d'un Institut de l'Holocauste
africain/Maafa ; 2. Le droit de rapatriement et la
création d'un programme du savoir africain ; 3. Le
droit à la terre pour le développement social et
économique ; 4. Fonds pour les entreprises
coopératives et le développement entrepreneurial
socialement responsable ; 5. Ressources pour la santé,
le bien-être et la guérison des familles et des
communautés noires ; 6. Programmes éducatifs
pour le développement et l'habilitation des
communautés ; 7. Logement abordable dans le cadre des
programmes pour des communautés noires en santé et la
création de richesse ; 8. renforcement de
l'infrastructure d'information et de communication de l'Amérique
noire ; 9. Préservation des sites et des monuments
sacrés dédiés aux noirs ; 10.
Réparation des dommages pour ceux à qui des torts ont
été causés par le « système
d'injustice pénale »] [...]
C'est le travail effectué après Durban qui
a créé un climat qui exige que ces candidats à la
présidence (et d'autres) fassent de telles déclarations.
Après Durban, c'est N'COBRA qui a maintenu cette question
vivante après l'attaque des tours jumelles de New York qui a eu
pour effet de faire taire l'élan du mouvement de
réparation qui avait été
créé à Durban. Il y avait ensuite des dirigeants
politiques des Caraïbes par l'intermédiaire de leur groupe
- la Communauté des États des Caraïbes (CARICOM) -
qui a créé la Commission des réparations de la
CARICOM (CAR). La CAR a entamé le processus visant à
porter devant la Cour pénale internationale un cas de crimes
contre l'humanité
dirigé contre les nations européennes qui ont
participé à la traite d'esclaves et à l'esclavage
dans les Caraïbes. Les chefs d'accusation : génocide
commis contre les autochtones et réduction à l'esclavage
d'Africains et de descendants d'Africains dans les îles des
Caraïbes.
En outre, la CAR a été à l'origine
de la création de la Commission nationale de réparation
afro-américaine. En 2015, la NAARC a organisé
à New York un sommet international réunissant de nombreux
commissaires et délégués de 17 pays. La NAARC
a incité plusieurs de ces groupes à établir des
commissions de réparation dans
les pays où ils résidaient.
Black People Against Police Torture (BPAPT) a
appelé à une campagne de réparation pour les
victimes de torture par la police à Chicago. Ce succès a
amené une nouvelle génération à demander
réparation, aboutissant à ce que Movement for Black Lives
ajoute les réparations comme un élément politique
majeur de sa plateforme. L'essai de
Ta-Nehisi Coates, A Case for Reparations, a joué un
rôle majeur pour créer un climat propice à cela.
Enfin, nous n'oublierons jamais la persévérance de longue
date du membre du Congrès John Conyers pour rendre le
gouvernement redevable, avec le projet de loi HR 40, The
Commission to Study Reparations Proposals for
African Americans Act, qu'il a révisé à la
suggestion de la NAARC et de N'COBRA, avant son départ du
Congrès.
Encore une fois, c'est grâce à toutes ces
actions et à bien d'autres que ceux qui prennent la parole
maintenant ont ce qu'il faut pour le faire. Mais la plupart d'entre eux
le font à partir d'une base de connaissances et d'actions
extrêmement limitée sur ce que constitue ce mouvement et
sur sa base d'appui. Après Durban, nous nous tournons vers
les organismes internationaux et le droit international pour comprendre
ce que sont les réparations et pour structurer notre
réclamation.
Pour nous, qui sommes dans le mouvement, nous comprenons
que réparation, en vertu des standards et du droit
international, signifie « réparation
intégrale ». [...]
La Cour permanente de justice internationale a
énoncé la « règle générale et
fondamentale » en matière de réparation dans
l'affaire de l'usine de Chorzow de 1928. Dans cet arrêt, la
Cour a déclaré « la réparation doit, autant
que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite
et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement
existé si le dit acte n'avait pas été
commis ».
L'ampleur de « toutes
les
conséquences » a
été précisée dans le Projet d'articles sur
la responsabilité de l'État pour fait internationalement
illicite élaboré par la Commission du droit international
(2001). On lit à l'article 31 : « l'État
responsable est tenu de réparer
intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite ».
La Commission du droit international et d'autres
instances internationales établies définissent ce qui est
considéré comme une réparation intégrale.
Celle-ci inclut :
Cessation, assurances et garanties de
non-répétition - un État responsable d'avoir
causé un préjudice injustifié à un peuple
« est tenu : a) d'y mettre fin si ce fait continue, b)
d'offrir des assurances et des garanties de
non-répétition appropriées ».
Restitution et rapatriement - « le
rétablissement de la situation qui existait avant que le fait
illicite ne soit commis » Rétablir la victime dans la
situation initiale avant que des violations graves du droit
international ne s'est produit. Le comment inclut le
rétablissement de la liberté, de la reconnaissance de
l'humanité, de l'identité,
de la culture, du rapatriement, des moyens de subsistance et de la
richesse.
Indemnisation - L'État fautif est tenu
d'indemniser pour le dommage causé par ce fait dans la mesure
où ce dommage n'est pas réparé par la restitution.
L'indemnisation couvre « tout dommage susceptible
d'évaluation financière ». Une indemnisation
adéquate est telle qu'elle est « appropriée et
proportionnée à la gravité de la
violation et aux circonstances ».
Satisfaction - « en tant que »
signifie « pour obtenir réparation d'un préjudice
moral, tel qu'un préjudice émotionnel, une souffrance
mentale et une atteinte à la réputation ».
Rééducation - la
rééducation consiste en une guérison de l'esprit,
du corps, des émotions et des esprits - des effets durables des
traumatismes de l'esclavage et de la ségrégation.
C'est en utilisant cette structure qu'en 2017 le
membre de la Chambre des représentants du Congrès John
Conyers a présenté une version révisée du
HR 40 lors de la 115e séance du Congrès, qui a
appelé à la création d'une commission
chargée d'élaborer des programmes, des politiques et des
pratiques intégrant ces éléments
et les aboutissements attendus -- The Commission to Study and
Develop Reparations Proposals for African Americans Act. La membre
de la Chambre des représentants Sheila Jackson Lee l'a
présenté à la 116e séance du
Congrès. Lorsque l'on examine le Manifeste de N'COBRA - et la
plateforme de réparation en 10 points de la
NAARC - en détail, ces aboutissements sont
précisés. [...]
(16 mars 2019.
Traduction: LML)
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