1er mai-25 juin
100e anniversaire de la Grève générale de Winnipeg

Fière histoire de résistance organisée et de défense des droits des travailleurs canadiens


Rassemblement au parc Victoria durant la Grève générale de Winnipeg

Introduction

Cette année marque le 100e anniversaire de la grève générale de Winnipeg, qui a eu lieu du 1er mai au 25 juin 1919. La Première Guerre mondiale avait pris fin, mais elle n'a pas mis fin à la cupidité des hommes assoiffés de pouvoir qui l'avaient déclenchée en premier lieu. Au Canada, la guerre a été un prétexte pour réprimer la résistance à la guerre impérialiste et l'objection de conscience contre la participation à cette guerre, ainsi que pour attaquer les syndicats et la politique révolutionnaire.

La Loi sur les mesures de guerre est restée en vigueur pendant plus d'une année après la fin de la guerre et a été utilisée contre les organisateurs de la grève générale de Winnipeg de 1919. Après la guerre, l'armée canadiennes et les armées de 14 autres pays, à l'instigation de la Grande-Bretagne et de la France, ont également été envoyées pour envahir la Russie soviétique dans une vaine tentative de maintenir les privilèges du régime tsariste renversé par la création du premier État socialiste du monde. En même temps, les soldats qui avaient survécu à la guerre de tranchées, dont beaucoup étaient revenus invalides, avaient été gazés par le gaz moutarde et souffraient du stress post-traumatique, alors non-reconnu, étaient accablés par l'inflation et le chômage d'après-guerre. La grippe espagnole a également causé des millions de morts.

Dans cette conjoncture, les ouvriers de l'industrie de la construction et de la métallurgie de Winnipeg sont entrés en grève ; ils exigeaient des salaires plus élevés et la réduction des heures de travail. Ils ont été rejoints par des travailleurs du fer qui luttaient pour la reconnaissance de leur syndicat, le Conseil des métiers de la métallurgie. Le 15 mai, avec l'appui massif de ses 12 000 membres, le Conseil des métiers et du travail de Winnipeg déclenche la grève générale. Trente mille travailleurs syndiqués et non syndiqués débrayent. Les téléphonistes de la ville ont été parmi les premières à entrer en grève. Winnipeg a été privé de service téléphonique pendant une semaine. Des grèves de solidarité ont été organisées à Edmonton et à Calgary pour appuyer la grève générale de Winnipeg.

Le contexte de cette grève était la grave crise économique dans laquelle la Grande-Bretagne et, par extension, le Canada étaient plongés après la Première Guerre mondiale, ainsi que le traitement des travailleurs à leur retour de la guerre de tranchées au cours de laquelle, abreuvés par l'euphorie pour l'empire, des millions ont servi de chair à canon. La guerre a détruit rapidement cette euphorie et mis le Canada à la croisée des chemins, car l'ancienne base de son économie avait été brisée par la guerre ainsi que son but qui reposait sur l'édification d'empire. L'asservissement des gouvernements aux intérêts étrangers et aux molochs du capital auquel les travailleurs ne s'identifiaient absolument pas pesait lourdement sur la capacité des gouvernements à maintenir la paix sociale.


Grand rassemblement au parc Victoria pendant la grève générale de Winnipeg

Le gouvernement du Canada ainsi que le gouvernement provincial craignaient clairement une révolution semblable à celle qui venait d'avoir lieu en Russie. Ils ont répandu le mensonge que les « immigrants » étaient à l'origine de la grève.

Le gouvernement du Canada a modifié la Loi sur l'immigration pour que même les immigrants nés en Grande-Bretagne qui, à l'époque, avaient automatiquement des droits de citoyenneté puissent être expulsés. Le gouvernement a mobilisé les forces de police contre les grévistes et a eu recours à la violence pour écraser la grève. La réaction du gouvernement à la situation terrible dans laquelle se trouvaient les travailleurs à l'époque et la répression des luttes des travailleurs qui avaient fait tant de sacrifices dans la guerre des tranchées de la Première Guerre mondiale a montré clairement le rôle de l'État.

En juin, les autorités fédérales ont officiellement recouru aux menaces de déportation pour réprimer la politique de la classe ouvrière, bien qu'elles aient tenté de tromper le public en évitant le mot « politique » dans leurs accusations. Les amendements à l'article 41 de la Loi sur l'immigration définissaient un « immigrant interdit » comme « toute personne intéressée à renverser un gouvernement organisé soit dans l'Empire (au niveau provincial également au Canada) ou en général, soit par la destruction de biens ou par la promotion d'émeute ou de désordre publics, ou qui est membre d'une organisation secrète qui tente de contrôler des personnes par la menace ou le chantage. » [1]

Après presque un mois de grève, le maire de Winnipeg a demandé l'intervention de gendarmes spéciaux dont la présence a attisé la résistance des grévistes. Les dirigeants de la grève ont été arrêtés. La Police à cheval du Nord-Ouest (qui est devenue la Gendarmerie royale du Canada en 1920) et les gendarmes spéciaux ont tiré sur les travailleurs, tuant deux hommes. Trente-quatre autres personnes ont été blessées et 80 arrêtées. Quelques jours plus tard, le 21 juin, la grève a pris fin par une marche de protestation organisée par les anciens combattants.


Un des dirigeants de la grève, Roger Bray, s'adresse à une foule de grévistes au parc Victoria.

La grève générale de Winnipeg est devenue la plus grande révolte sociale de l'histoire du Canada. Elle fait l'objet de nombreuses études concernant non seulement le rôle du gouvernement et des forces de police, mais aussi celui des syndicats, des communistes, des socialistes et des partis politiques traditionnels. La grève reste d'une grande importance pour le développement ultérieur du mouvement émancipateur de la classe ouvrière canadienne.


Protestation de la Fête du travail de 1919 contre les procès des dirigeants de la grève
de Winnipeg arrêtés le 16 juin 1919

Les ouvrières ont eu un rôle important dans la grève. Elles sont entrées en grève et ont appuyé les autres travailleurs en grève. Elles ont créé des cuisines populaires tout en prenant soins de leurs familles. Les téléphonistes en grève ont débranché les lignes téléphoniques, sont descendues dans les rues pendant les manifestations et ont affronté les briseurs de grève. Des femmes étaient membres du Comité central de grève ainsi que de la Ligue ouvrière des femmes. Le 20 mai, le Western Labour News a annoncé une réunion d'organisation d'une journée pour toutes les travailleuses. En fait, le 15 mai 1919, les femmes ont entamé une grève générale de solidarité avec les travailleurs des métiers de la métallurgie et de la construction, qui étaient déjà en grève. Lorsque 500 téléphonistes, dont 90 % étaient des femmes, ont quitté à la fin de leur quart de travail à 7 heures du matin, aucun travailleur n'est venu les remplacer.

Notes pertinentes

Les causes de la grève générale de Winnipeg étaient multiples. Le premier ministre Wilfrid Laurier avait déclaré aux Canadiens que le XXe siècle « appartiendrait au Canada ». De 1898 à 1912, la croissance économique a été rapide et l'Ouest canadien a connu une croissance démographique. Il y avait un air d'optimisme et la classe dirigeante entretenait l'euphorie autour de l'empire. Winnipeg était un important centre industriel au coeur du Canada, le dépôt de trois grandes compagnies ferroviaires, le Canadien Pacifique, le Canadien-Nord et le Grand Tronc du Pacifique. Le transport ferroviaire des nouveaux immigrants d'Est en Ouest et du grain d'Ouest en Est créait beaucoup de richesse pour les détenteurs de capitaux.

Les cheminots de Winnipeg ont commencé à créer leur organisation dans les années 1890. Les machinistes et les outilleurs ont été les premiers à s'organiser et d'autres travailleurs ont suivi. Un Conseil des métiers et du travail a été créé pour unifier les travailleurs, un journal à vocation syndicale, le Western Labour News, a été fondé et un candidat travailliste a été élu à l'assemblée législative. Les cheminots ont mené plusieurs grèves militantes au cours desquelles ils ont fait face aux mitrailleuses et aux briseurs de grève amenés de l'extérieur. Cependant, l'économie locale continuait sa croissance et le chômage était bas en raison du grand nombre d'emplois disponibles, en particulier dans la construction.

La situation a changé lorsque la Grande-Bretagne a commencé à fermer certaines de ses installations de production. Quand la Première Guerre mondiale a été déclarée en 1914, Winnipeg était plongé dans la récession et un grand nombre de chômeurs étaient à la rue. Ceux qui avaient un emploi travaillaient de longues heures pour de bas salaires dans de mauvaises conditions de travail et l'inflation était galopante.

La production de matériel de guerre et de munitions a commencé à Winnipeg en 1915, mais le volume était relativement petit. Beaucoup de travailleurs s'opposaient à la conscription, car ils considéraient la guerre principalement comme un stratagème pour envoyer des travailleurs à leur mort pour augmenter les profits des capitalistes. C'était un fait bien connu que certaines personnes réalisaient des profits énormes en fournissant du matériel de guerre. Les agriculteurs étaient confrontés à des tarifs élevés et à la chute du prix des céréales. Lorsque la guerre a pris fin, les soldats sont rentrés chez eux, non pas dans un monde « sûr pour la démocratie », mais dans un monde en proie au chômage, à la pauvreté et à l'abandon.

Pendant la guerre, le nombre de travailleurs syndiqués à Winnipeg a augmenté d'un tiers. Le foyer principal de l'action syndicale était le Conseil des métiers de la métallurgie, créé en 1918 pour représenter les machinistes et les outilleurs. Les travailleurs des trois ateliers appartenant à des compagnies ferroviaires travaillaient pour un salaire. Les ateliers commerciaux où travaillaient des ouvriers non syndiqués appartenaient à Manitoba Bridge (Deacon), Vulcan (les frères Barrett) et à Dominion Bridge (des capitalistes montréalais). Ces entreprises payaient leurs travailleurs moins que les travailleurs des ateliers de chemin de fer en utilisant un système de travail à la pièce. L'un des principaux objectifs du Conseil des métiers de la métallurgie était de faire respecter la parité salariale dans les six ateliers. À l'origine de la grève générale de Winnipeg se trouve la grève du syndicat des métiers de la construction du 1er mai et la grève des ouvriers des métiers de la métallurgie du 2 mai dans les trois ateliers commerciaux La grève générale a duré 41 jours et plus de 25 000 ouvriers ont été en grève.

Fortement inspiré par la victoire de la Révolution bolchevique de 1917, un éditorial du 22 mai 1919 du Western Labour News disait : « La lutte est engagée. Elle a renversé le gouvernement en Russie, en Autriche, en Allemagne, etc. » À Winnipeg, un des dirigeants de la grève, William Pritchard, dans sa plaidoirie de défense au tribunal a souligné avec militantisme les contributions de Marx et d'Engels au mouvement ouvrier. De l'autre côté, le « Comité des 1000 », le comité contre la grève des capitalistes locaux et nationaux, dont étaient membres l'Association des manufacturiers canadiens, l'Association des banquiers et Imperial Oil, a déclaré que la grève était un début de révolution bolchevique au Canada et que tous les travailleurs étaient de dangereux radicaux décidés à détruire les institutions en place et à instaurer un gouvernement soviétique.

Les grévistes remplissent les rues le 4 juin 1919, devant le quartier général
du « Comité des 1000 » antigrève.

Le 22 juin 1918, le premier ministre Borden avait approuvé l'envoi d'un corps expéditionnaire de soldats canadiens en Sibérie pour se joindre à la vaine croisade réactionnaire des 14 États qui voulaient écraser la révolution bolchevique. Le 22 décembre 1918, une assemblée de masse s'est tenue à Winnipeg pour condamner cette intervention.

Les conditions au moment de la grève

La Première Guerre mondiale et la crise de l'après-guerre avaient fortement affaibli la position de monopole de la Grande-Bretagne parmi les États capitalistes. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les grandes puissances luttaient pour s'emparer d'une plus grande part de marché, principalement aux détriments de la Grande-Bretagne. La guerre avait ébranlé les relations d'avant-guerre et de nouvelles forces avaient surgi sur le marché. Ces forces comprenaient non seulement les États-Unis, mais l'Allemagne, le Japon et d'autres pays, ainsi que les dominions et les colonies britanniques, dont le Canada, qui avaient réussi à développer davantage leur propre économie pendant la guerre. À cause de cette nouvelle concurrence et de la perte de parts de marché, il était plus difficile pour la Grande-Bretagne d'extraire des profits du pillage des marchés et des sources de matières premières, y compris de ceux du Canada. En réaction, les capitalistes britanniques s'efforçaient de limiter la production ou, en tout cas, de ne pas l'élargir aveuglément.

Ces pertes de profits de la Grande-Bretagne et de ses colonies et la diminution encore plus grande des quelques miettes que recevait la classe ouvrière se sont accompagnées de l'intensification des luttes directes des travailleurs contre le capital. Le Canada était encore principalement dominé par la Grande-Bretagne. Réaliser le profit maximum de l'exploitation du travail, sans tenir compte des besoins des travailleurs et de la société, était le but de la Grande-Bretagne et de l'élite capitaliste au pouvoir au Canada, au Manitoba et à Winnipeg même. Dans les conditions de la guerre et de l'après-guerre, une telle exploitation intense entraîna inévitablement la résistance des ouvriers et de leurs luttes, pour des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail, entre autres.


Une foule en colère contre les attaques contre les grévistes à Winnipeg le 21 juin 1919
renverse partiellement un tramway.

Contrairement au mythe selon lequel la grève générale de Winnipeg était une « anomalie » parce que le mouvement de la classe ouvrière au Canada s'est « bien conduit » tout au long de son histoire, un examen même sommaire de l'histoire du mouvement ouvrier confirme que les travailleurs ont mené de nombreuses luttes organisées et de nombreuses grèves contre le capital au cours des décennies.

En Nouvelle-Écosse, il y a eu la grève générale de Halifax et d'autres luttes. Juste avant la grève générale de Winnipeg, les employés municipaux de Winnipeg, appuyés par d'autres syndicats des services publics, avaient remporté leur grève.

La grève générale a été une des nombreuses grèves de ce genre, bien qu'elle soit l'une des plus importantes, des plus longues et qu'elle marque une étape importante pour l'avancée de la lutte pour les droits des travailleurs et de leurs réclamations à la société qui leur appartiennent de droit. Les travailleurs ont affronté héroïquement l'intransigeance des propriétaires, dont le mépris pour les travailleurs, la brutalité et le recours à l'État pour protéger leurs intérêts étaient sans limites.

Les efforts continus des capitalistes pour réduire les coûts de production dans leur secteur étaient une partie intégrante de l'expansion du capitalisme canadien. Que les métallurgistes aient été la cible principale n'était pas un fait du hasard. C'étaien des travailleurs qualifiés qui avaient un haut niveau de savoir-faire et d'expérience et qui connaissaient leur valeur dans le processus de production. Leur travail produisait d'importants profits pour les capitalistes des chemins de fer, l'un des groupes de détenteurs du capital les plus puissants au Canada. De plus, parce que les métallurgistes avaient été les premiers et le plus grand groupe de travailleurs à se syndiquer à Winnipeg, ces ouvriers étaient un détachement avancé de la classe ouvrière. La stratégie de l'élite dirigeante était de les écraser afin d'abaisser leurs salaires, allonger leur journée de travail et ainsi s'assurer de la soumission et de la docilité du reste de la classe ouvrière. Tout le monde doit rentrer dans le rang. Mais c'est le contraire qui s'est produit. Loin d'être intimidés, des milliers de travailleurs de Winnipeg et d'autres villes du Canada, notamment à Toronto, Vancouver, Regina, Edmonton et Calgary, ont soutenu avec militantisme les métallurgistes en déclenchant des grèves.

En 1919, c'était le gouvernement du Parti conservateur de Robert Borden qui était au pouvoir et s'est révélé être un ennemi impitoyable. En juin 1918, le premier ministre Borden a participé à la rédaction d'une résolution britannique demandant une « assistance armée alliée immédiate à la Russie » dans le but d'écraser la révolution ouvrière en Russie. Deux mois plus tard, Borden ordonnait l'envoi de troupes canadiennes en Sibérie. Pendant la grève générale de Winnipeg, Robert Borden a violemment attaqué les grévistes et leurs alliés, en même temps que la presse monopolisée au service des détenteurs du capital accusait les immigrants et les bolcheviks d'avoir fomenté la grève.


Réunion « Ne touchez pas à la Russie » à Victoria en 1918 pour dénoncer l'envoi de troupes canadiennes en Sibérie

Comme le montre le déroulement de la grève, les capitalistes canadiens et le gouvernement du Parti conservateur se sont montrés plus expérimentés, mieux organisés et donc plus forts que les travailleurs de Winnipeg et leurs dirigeants. Ils sont entrés dans le conflit lourdement armés et prêts à écraser les travailleurs.

Le 22 mai, le gouvernement fédéral a envoyé des bataillons de soldats armés de mitrailleuses à Winnipeg. Le 6 juin, le gouvernement a modifié la Loi sur l'immigration pour permettre l'expulsion d'immigrants accusés de « sédition ». Le 10 juin, les « gendarmes spéciaux » recrutés parmi les briseurs de grève et les voyous ont attaqué une manifestation pacifique. Le 16 juin, plusieurs dirigeants de la grève ont été arrêtés, emprisonnés et menacés d'expulsion du Canada. Ensuite, le « Comité des 1000 » s'est arrangé pour que des dirigeants syndicaux dociles à sa solde entrent en scène pour combler le vide laissé par ces arrestations et sapent la grève.

Le 21 juin est passé dans l'histoire comme le « samedi sanglant ». Des membres de la Police à cheval du Nord-Ouest et des soldats armés ont violemment attaqué une manifestation pacifique des travailleurs non armés et ont tué deux grévistes et fait 30 blessés. Les dirigeants syndicaux semblent avoir été pris au dépourvu et désorganisés face à cette violence. Moins d'une semaine avant la grève, ces dirigeants se déclaraient convaincus qu'elle ne serait pas nécessaire.


La Police montée du Nord-Ouest charge la foule, le 21 juin 1919, à Winnipeg, connu sous le nom du Samedi sanglant.

Le 23 juin, le président du Congrès des métiers et du travail du Canada a annoncé que la grève était « officiellement terminée « et qu'il était temps que les travailleurs investissent leurs énergies à ragner des sièges au conseil municipal par les élections. En réalité, le comité de grève avait déjà prévu de maintenir les services essentiels au niveau municipal, témoignant de la capacité de la classe ouvrière d'organiser la société selon ses besoins.

J.S. Woodsworth, le futur dirigeant de la Fédération du commonwealth coopératif, le précurseur du Nouveau Parti démocratique, a pris le contrôle du Western Labour News, l'organe des travailleurs, lorsque son rédacteur a été arrêté. Ses discours et ses éditoriaux étaient remplis d'illusions réformistes et de la promotion de la voie parlementaire pacifique comme voie de la victoire pour les travailleurs.

Plusieurs dirigeants de la Grève générale de Winnipeg avaient été formés en tant que dirigeants syndicaux en Grande-Bretagne, au cours de cette période lorsque le capital britannique amassait des super profits et pouvait offrir des avantages aux dirigeants syndicaux et s'en servir pour obtenir des compromis auprès de la classe ouvrière britannique. Plusieurs de ces dirigeants s'étaient laissé séduire par le capitalisme et s'étaient éloignés des travailleurs. Plutôt que de se battre pour les travailleurs, ils ont adopté l'idéologie capitaliste et se sont fixés comme objectif leur propre avancement. Engels disait de ces dirigeants qu'ils étaient embourgeoisés. Ramsay MacDonald, le premier politicien travailliste à devenir premier ministre, en est un exemple. Après 1931, MacDonald a systématiquement été dénoncé par le mouvement ouvrier britannique pour avoir trahi leur cause, bien que certains de ces individus eux-mêmes n'étaient pas des grands modèles de leadership ouvrier.

Le Parti conservateur dirigé par Borden s'est rendu compte que la grève générale de Winnipeg était un événement politique majeur, et qu'une telle grève ne pouvait être combattue que par un ensemble de mesures politiques, telles que les changements à la législation sur les immigrants, et par des mesures militaires, comme la mobilisation de la police et de troupes pour écraser les travailleurs. Le comité de grève n'avait pas l'expérience voulue pour reconnaître l'importance politique de la grève générale et a mené l'action uniquement dans le cadre de revendications économiques, la lutte pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail et une journée de travail plus courte.

L'état-major des capitalistes a compris qu'un large appui syndical à la grève générale de Winnipeg serait dangereux pour eux, ce qui n'a pas tardé à alimenter la propagande anticommuniste et antiimmigrante. Le ministre fédéral du Travail, lui-même un ancien vice-président du Syndicat des typographes, a fait une agitation féroce contre les travailleurs et a appelé à la détention de ses dirigeants. Le One Big Union, qu'on appelait les Wobblies, a appuyé la grève mais n'a rien fait pour l'organiser ou pour la diriger. D'autres dirigeants de syndicats internationaux se sont ouvertement opposés à la grève sous prétexte que son véritable ordre du jour n'était pas de faire progresser la cause des travailleurs mais de mettre fin au syndicalisme international.

Il y a même eu des déclarations publiques à l'effet que les grévistes n'avaient pas l'intention de transformer la lutte en une lutte politique et que le comité de grève n'avait aucune intention de soulever la question du pouvoir politique. Comme l'histoire l'a démontré, une grève générale qui n'est pas transformée en lutte politique va laisser la classe ouvrière sans préparation dans sa confrontation avec le pouvoir politique organisé de la classe capitaliste.[2]


Une foule rassemblée devant l'hôtel de ville de Winnipeg pendant la grève générale

La situation à laquelle les capitalistes et leur gouvernement était confrontés était aussi aggravée par le fait que plusieurs soldats qui étaient de retour de la guerre ont joué un rôle important dans la grève. Pour résoudre ce problème, le gouvernement et les médias capitalistes en ont appelé à la loyauté des soldats pour diviser leurs rangs. Ainsi, l'exécutif de l'Association des vétérans de la Grande Guerre (GWVA) a tenté d'inciter le racisme en répandant que tandis que les soldats combattaient outremer, des travailleurs « étrangers », autrement dit les immigrants, avaient volé leurs emplois et que ce sont ces « étrangers « qui avaient déclenché la grève. De son côté, le Western Labour News, dans un éditorial du 20 mai, exhortait les travailleurs qui étaient des vétérans à contribuer à renverser l'exécutif réactionnaire de la GWGA. De façon générale, les soldats qui étaient aussi des travailleurs appuyaient la grève, tandis que d'autres étaient soit indifférents ou s'y opposaient. Les soldats favorables à la grève étaient les principaux organisateurs de ce qu'ils appelaient les « parades « qui amenaient les travailleurs dans la rue pour manifester. Les soldats qui étaient contre la grève organisaient des contre-manifestations.

Plusieurs organisations ouvrières qui étaient actives à cette époque comme le Parti travailliste indépendant (Winnipeg, 1895), le Parti socialiste du Canada (1904), le Parti du travail du Manitoba (1910) et le Parti social-démocrate (1911) ont organisé des réunions et des conférences dont la grande Conférence du travail de l'Ouest du Canada qui a eu lieu à Calgary en mars 1919. Cette conférence a adopté des résolutions fermes en appui au socialisme et à la défense de la Russie soviétique et déclarant même « l'acceptation entière du principe de la dictature du prolétariat ». Le Parti communiste du Canada a été fondé deux ans plus tard et a tenu son premier congrès les 18 et 19 juin 1921 à Guelph en Ontario.

Certaines leçons à tirer

L'expérience directe de la grève a enseigné aux travailleurs que le principal obstacle à ce que les travailleurs réalisent leurs objectifs était le pouvoir politique des capitalistes, qui à ce moment-là était exercé par le gouvernement du Parti conservateur. Tandis que le Congrès des métiers et du travail du Canada semblait craindre de reconnaître le lien inséparable entre la lutte économique et la lutte politique, les travailleurs, par leur lutte, ont saisi de plus en plus la question fondamentale qui est quelle classe détient le pouvoir politique et que l'État n'est pas neutre dans la lutte entre le capital et le travail. La grève a arraché le voile du pouvoir politique, montrant que celui-ci est indivisible et que la lutte des travailleurs doit viser ce pouvoir pour qu'ils puissent déployer la force de leur nombre et de leur organisation en leur faveur pour contrecarrer ceux qui se servent de ce pouvoir contre les travailleurs.

La conduite de la grève et son résultat ont montré aux travailleurs l'inaptitude de ces dirigeants syndicaux qui étaient infectés par des ambitions bourgeoises de richesse personnelle, de pouvoir et de privilège. La grève a démontré que ces dirigeants doivent être remplacés par des dirigeants révolutionnaires qui n'ont pas ces ambitions. La grève a aussi démontré aux travailleurs de Winnipeg et d'ailleurs au Canada à quel point il était vital que toute la classe ouvrière appuie les grèves individuelles afin de garantir leur succès. La grève a enseigné aux travailleurs à quel point cette leçon importante est vraie.

Enfin, et chose très importante, la grève a enseigné aux travailleurs, surtout aux moments les plus difficiles, que les partis existants n'étaient pas capables de soutenir de façon audacieuse et ferme les intérêts de la classe ouvrière et que celle-ci a besoin de son propre parti politique qui exprime sa politique, ses tactiques et ses revendications indépendantes. La formation, peu après, du Parti communiste du Canada en 1921 visait à fournir une solution à ce problème. Elle l'a fait jusqu'à ce que ce parti perde pied au début des années 1950, en pleine guerre froide, et se mette à créer des illusions sur la démocratie bourgeoise.

La situation a changé, cependant, depuis le 31 mars 1970, lorsque le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a été fondé sur la base des principes organisationnels léninistes pour mener à bien les tâches requises pour ouvrir la voie au progrès de la société. Dans ce travail, le PCC(M-L) accomplit sans relâche toutes les tâches politiques et idéologiques sur la base du travail organisationnel qui est au service de la tâche fondamentale de faire avancer la cause d'investir le peuple du pouvoir.

Le 31 mars 2018, à l'occasion du 48e anniversaire de la fondation du Parti, il a encore une fois, de manière succincte, exprimé sa mission et comment la réaliser : « Toutes les activités que le PCC(M-L) a menées depuis près de 50 ans ont ceci en commun : elles participent au développement du rôle dirigeant de la classe ouvrière dans la société. La force du PCC(M-L) est dans sa théorie révolutionnaire, dans sa ligne politique et dans le fait que ses organisations à tous les niveaux portent une attention particulière à la réalisation des tâches qui permettent d'ouvrir la voie au progrès de la société. Le tranchant de l'intervention dans la période actuelle est la lutte idéologique et la mobilisation dans le travail politique pour définir la politique pratique requise pour bâtir le mouvement politique contre la destruction nationale. La politique pratique est requise pour mobiliser les travailleurs, les jeunes et les étudiants dans un projet d'édification nationale sur une base moderne.

« L'accent sur le travail d'organisation est pour activer le facteur humain/conscience sociale pour assumer ensemble la responsabilité de transformer la situation. En bâtissant les comités qui prennent des positions politiques indépendantes, les travailleurs, les jeunes et les étudiants peuvent faire des percées importantes. Ces comités doivent être établis dans les endroits de travail, dans les maisons d'enseignement et dans les quartiers ainsi que parmi les personnes âgées, où leurs membres assument la responsabilité de leurs décisions et des actions de leurs pairs. Ils peuvent donner suite à leurs préoccupations et à celles de la société et de l'humanité. En développant la politique indépendante de la classe ouvrière, ils se donnent l'outil décisif pour priver les oligarques financiers internationaux et les gouvernements à leur service du pouvoir de priver le peuple, qui dépend de la société pour son bien-être, de ce qui lui appartient de droit. » [3]

Notes

1. Barbara Roberts, Whence They Came : Deportation from Canada (Ottawa : Presse de l'Université d'Ottawa, 1988), p. 84.

2. Un exemple frappant est la grève générale de 1926 en Grande-Bretagne qui a mobilisé 1,7 million de travailleurs et a duré 9 jours, mais n'a pas produit de gains permanents en fait de pouvoir pour les ouvriers.

3. Le Marxiste-Léniniste, numéro du 31 mars 2018

(Photos : Archives du Canada et du Manitoba)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 24 - 22 juin 2019

Lien de l'article:
1er mai-25 juin: Fière histoire de résistance organisée et de défense des droits des travailleurs canadiens - Dougal MacDonald


    

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