Numéro 6

Juin 2023

Le couronnement de Charles III le 6 mai

Un couronnement qui sonne le glas de la monarchie

Si le monarque et la monarchie sont des symboles, que symbolisent-ils ?

– Pauline Easton –

Lever le voile sur les secrets d'État

L'anachronique Commonwealth du roi

La monarchie et le « pouvoir de convaincre »

Charles III et le redémarrage du « pouvoir
de convaincre » de la Grande-Bretagne

Lettre à la rédaction concernant le rôle d'une société d'armements britannique au Canada

Au Parlement du Canada

Les menaces proférées contre le chef du Bloc québécois mettent en évidence l'impuissance des forces de l'establishment

Un appui significatif et historique à la motion pour rompre les liens entre le Canada et la monarchie britannique



Le couronnement de Charles III le 6 mai

Un couronnement qui sonne le glas de la monarchie

Le couronnement de Charles III le 6 mai à l'abbaye de Westminster, à Londres, en Angleterre, a donné certaines indications du personnage que Charles veut se donner comme fiction. Il est le personnage qui joue dans une pièce dont il est également l'auteur. Le rôle qu'il s'est donné dans cette pièce est celui d'un homme dit « moderne », « progressiste » et « vert », pour qui le devoir des êtres humains est « d'être au service ». L'archevêque de Canterbury a entièrement consacré son homélie de trois minutes à ce thème du service.

En tant que chef d'État dans une monarchie constitutionnelle, le rôle assigné à Charles est d'incarner l'unité de la nation. À cette fin, il doit rester au-dessus des luttes de factions et servir la faction qui forme le gouvernement quelle qu'elle soit. Le problème évident est que le Royaume-Uni n'est ni uni (sauf par une loi résultant de l'utilisation de la force pour conquérir les nations soumises), ni une nation. C'est un État composé de l'Angleterre, de l'Écosse, du Pays de Galles et d'une partie de la nation divisée de l'Irlande, qu'il traite tous comme des « possessions ». De même, la relation entre le monarque et « ses royaumes et territoires » est acquise par la conquête et les arrangements constitutionnels qui ont fait du roi ou de la reine d'Angleterre le monarque de tous ces « royaumes et possessions ». L'« appartenance » de ces « royaumes et possessions » par le monarque est aussi fictive que l'idée que « leur monarque » est un facteur d'unité. C'est absurde.

Le système qui confère l'autorité suprême à la personne de l'État a été conçu à l'issue de la guerre civile anglaise, la tentative d'Oliver Cromwell d'établir une autorité publique n'ayant pas résolu le problème de la succession. Lorsqu'on parle de succession, il s'agit avant tout d'un système de gouvernement dans lequel le pouvoir suprême est transmis pacifiquement à ceux qui sont désignés pour gouverner selon les dispositions en vigueur au moment et à l'endroit où ils se trouvent.

En France et en Angleterre, la déclaration « Le roi est mort, vive le roi » (ou la reine, selon le cas) a été mise en pratique pour la première fois au XIIe siècle afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de vide de pouvoir. C'était pour conjurer la guerre civile et la guerre pour le contrôle du territoire et de l'autorité spirituelle à un moment où le roi pourrait être absent, même pendant des années, à combattre dans des guerres à l'étranger, comme lors d'une croisade, par exemple. Les guerres entre intérêts conflictuels étaient constantes en Europe au Moyen-Âge. La guerre de Cent Ans est une série de conflits armés entre les royaumes d'Angleterre et de France vers la fin du Moyen Âge. Elle trouve son origine dans les prétentions de la maison anglaise des Plantagenêt et de la maison française des Valois au trône français. Elle a duré 116 ans, de 1337 à 1453, les Anglais tentant de récupérer le duché d'Aquitaine et d'autres terres et de revendiquer la royauté de la France. De l'avis général, ces guerres ont été incroyablement féroces. Selon une description pittoresque qu'on retrouve, lorsque les personnes enrôlées pour combattre dans l'un ou l'autre camp « n'étaient pas massacrées par des flèches tombant du ciel, les soldats étaient tailladés ou frappés à mort par des épées, des haches et des marteaux ».

Aujourd'hui, outre la succession héréditaire des rois et des reines dans les pays où les monarques font encore office de chefs d'État, une succession ordonnée est censée être garantie par le système des élections dans ce qu'on appelle une démocratie représentative. Conformément à la thèse de l'alliance adoptée au XVIIe siècle pour sortir l'Angleterre de la guerre civile, « le peuple » appartient à un État-nation représenté par un chef d'État, soit un monarque héréditaire, soit un président, qui exerce l'autorité suprême et qui, à son tour, est censé le représenter. Cette thèse a fait de l'État-nation européen le modèle adopté ou imposé à tous les pays du monde depuis. À moins qu'un système de gouvernement et de règles ne soit délibérément établi sans se fonder sur la thèse de l'alliance, c'est le monarque ou le chef d'État qui écrit l'histoire de ce qu'il/elle représente – une histoire mise en oeuvre par le biais d'une constitution formelle ou d'une convention constitutionnelle, ou les deux à la fois. Ils définissent ce qu'on appelle les institutions démocratiques et le processus démocratique.

Ce n'est pas le peuple au nom duquel ils parlent qui écrit quoi que ce soit, décide quoi que ce soit ou contrôle quoi que ce soit, parce que le peuple remet son autorité à des représentants. À cet égard, les élections censées lui assurer une représentation sont en fait le moment où sa dépossession du pouvoir est consommée. Son vote autorise d'autres personnes à le représenter, c'est-à-dire à parler et à agir en son nom. En outre, parce que le peuple a conclu un pacte pour créer cette personne d'État et être représenté par elle, ce qu'elle représente est ipso facto ce qu'il veut – et c'est tout. Lorsque le peuple élit un « représentant » pour « agir en son nom », ce représentant représente le monarque, à qui il prête allégeance, ce qui signifie que le représentant doit être une représentation de la représentation du pouvoir suprême représenté par le monarque.

Selon la convention du « roi (ou de la reine) au Parlement », ainsi que dans le cas d'une république, la souveraineté – le pouvoir de décision – est dévolue à l'assemblée législative qui est censée représenter le peuple – les communes – et limiter les pouvoirs autrement illimités du chef de l'État. Le monarque est censé représenter le peuple uni sur la base des valeurs transmises par Dieu et n'est que symbolique.

Malgré cela, il n'y a rien de symbolique dans le système mis en place pour faire respecter ces valeurs, dans lequel la personne du monarque joue un rôle qui fait partie intégrante de tous les aspects de la vie – de la frappe de la monnaie à la nomenclature de la topographie, des rues, des villes, des cités et des provinces, à la signature de chaque loi sans laquelle elle ne peut être appliquée, au commandement des forces armées, à la façon dont les questions de crime et de châtiment sont pesées dans la balance de la justice, et ainsi de suite. Les membres du parlement s'engagent à représenter le monarque ou, dans le cas des États-Unis et d'autres républiques, et maintenant du Québec, « le peuple » ou « la constitution ». La question est donc de savoir ce que représente la constitution, comment elle définit le « peuple », qui constitue le « peuple » et ce que le « peuple » est censé représenter.

Le grave problème aujourd'hui est que les élections ne garantissent plus une transition ordonnée du pouvoir. Si le système électoral d'une démocratie représentative a pour but de dépouiller le peuple du pouvoir en le forçant à remettre son autorité à ceux qui représentent le monarque ou le chef d'État, aujourd'hui le peuple voit clairement qu'il n'a aucun rapport avec le processus. Les élections sont conçues pour former un gouvernement de parti et, aujourd'hui, les partis sont des organisations mafieuses, avec omerta et tout le reste, qui forment des cartels pour écarter du pouvoir ceux qui ne font pas partie de leurs clubs exclusifs. Ils sont façonnés par des oligopoles qui sont payés pour former des partis, les diriger, créer des thèmes, attaquer les autres candidats à l'élection, etc. Il s'agit d'énormes machines électorales qui contrôlent les médias, les tribunaux, le pouvoir judiciaire, le processus électoral, tout cela pour semer la désunion et créer les guerres civiles. La rivalité entre les factions est telle aujourd'hui qu'elles ne reconnaissent plus ce qu'on appelait autrefois « les règles du jeu » ou qu'elles les manipulent d'une manière si intéressée que les personnes qu'elles prétendent représenter ont depuis longtemps cessé de se voir représentées par elles. « Pas en mon nom », « pas dans ma communauté », « pas ma démocratie », « pas mon roi » sont autant d'affirmations qui vont dans ce sens.

Les partis du cartel dans les assemblées législatives font partie intégrante des oligopoles qui ont usurpé le pouvoir de décision par suite de la privatisation de l'État lui-même. Ces oligopoles interviennent dans le domaine politique sous la forme de cartels et de coalitions qui influencent les décisions des États. Leurs luttes de factions échappent au contrôle des formes existantes adoptées il y a 400 ans pour les contenir. Les manigances au sein du Parlement britannique pendant et après le Brexit en témoignent, tout comme le niveau élevé d'anarchie et de violence qui fait des ravages aux États-Unis, où il n'y a absolument aucun consensus sur ce que représente la Constitution, et encore moins sur ce qui constitue « Nous, le peuple ».

L'insurrection qui a eu lieu aux États-Unis le 6 janvier 2021 lors de la session du Congrès destinée à confirmer l'élection du nouveau président semble loin d'être terminée, même si la machine électorale qui présente l'actuel président des États-Unis à la réélection utilise le pouvoir judiciaire pour transformer ses rivaux en hors-la-loi. Le niveau de corruption sans précédent observé dans l'utilisation des prérogatives des présidents, des juges de la Cour suprême et des ministres et, au Canada, la promulgation constante de lois au niveau fédéral et provincial pour donner aux ministres le « droit » d'agir en toute impunité au service d'intérêts privés étroits ne sont que quelques exemples de personnes d'État et de ministres qui revendiquent des mandats en dépit d'élections qui ne sont pas perçues par le peuple comme conférant des mandats de quelque nature que ce soit.

Aujourd'hui, nous voyons une faction briser les limites imposées aux pouvoirs de police par la Constitution au nom du maintien de l'ordre constitutionnel quand il faut assurer une transition pacifique du pouvoir. Nous voyons des factions rivales attaquer directement les Constitutions afin de supprimer les limitations qu'elles imposent aux pouvoirs de police exercés par les chefs d'État et les ministres. Dans cet ordre d'idées, Charles III s'est également fixé pour objectif de briser les limitations qui lui ont été imposées jusqu'à présent par la convention du roi au Parlement et le rôle prétendument symbolique qu'il est censé jouer. Il estime manifestement qu'il est nécessaire de prendre le taureau par les cornes pour défendre les « valeurs unificatrices » qu'il représente en tant que personne de l'État britannique. Il n'a eu de cesse de dire à qui veut l'entendre que les valeurs qu'il défend sont les valeurs des uns et des autres, parce qu'il est leur représentant et qu'ils doivent le reconnaître comme tel s'ils veulent la stabilité de l'ordre constitutionnel.

Lorsque les valeurs que l'État représente ne sont pas perçues par le peuple comme étant celles qu'il défend, que faut-il faire ? Comment forcer un peuple à accepter quelque chose qui est contraire à sa conscience ? L'idée de faire les choses au nom du « plus grand bien » a été abusée une fois de trop. Elle a été piétinée dans la boue une fois de trop. On a demandé aux citoyens de sacrifier leurs intérêts au nom du « plus grand bien » et on leur a fait porter le fardeau en regardant les riches s'enrichir à leurs dépens, une fois de trop. Ils sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir renoncer à leur conscience au nom du « plus grand bien ». De quel bien supérieur s'agit-il, qui convainc le peuple de l'admirer et de considérer qu'il est de son devoir d'« obéir » ?

https://cpcml.ca/wp/wp-content/uploads/2023/05/monaques-JRDsm.pngLe couronnement de Charles III et de son épouse Camilla était une manifestation tellement sordide du pouvoir et des privilèges que seule une très minuscule minorité pouvait s'y reconnaître. Le message qu'il véhiculait sur le service et le volontariat en lieu et place d'une société moderne qui reconnaît l'égalité d'appartenance de tous et le droit de tous de prendre les décisions qui affectent leur vie ne peut pas résoudre le problème de l'incapacité de l'État à répondre aux besoins de la population. L'étalage de la richesse de la famille royale et de ceux qui sont considérés comme ses « pairs » et ce qu'ils font pour protéger cette richesse, est un affront à la conscience moderne. Entretmps, que les institutions de l'autorité publique qui sont censées s'occuper du peuple ont été détruites ou ne fonctionnent plus, met en pièces la fiction de la personne de l'État et les arrangements constitutionnels qu'elle est censée préserver.

Loin que la « tradition » préserve la stabilité de l'ordre constitutionnel, la classe dirigeante détruit d'elle-même l'ordre constitutionnel. Elle détruit les limites imposées à ses propres prérogatives et, ce faisant, le pouvoir est abandonné aux pouvoirs de police qui opèrent au-dessus de la règle de droit. En outre, elle applique les limitations constitutionnelles qui ont été conçues dès le départ pour garder le peuple sous contrôle en imposant des « limites raisonnables » à ses droits et libertés. Ces limitations ont donné naissance à ce qu'on appelait depuis le XIXe siècle une autorité publique fondée sur la philosophie utilitariste du « plus grand bien pour le plus grand nombre ». Des arguments intéressés concernant la sécurité nationale ont maintenant resserré ces limites pour justifier la diffamation, la criminalisation, la marginalisation et même l'interdiction de ceux qui s'expriment en leur propre nom et dont on dit qu'ils déstabilisent l'ordre constitutionnel. Les interventions directes de Charles dans les affaires de l'État ne rendront pas la monarchie et sa conception fondamentalement élitiste modernes ou acceptables.

Le couronnement de Charles III et de son épouse, loin de représenter un nouveau départ pour la monarchie, en a sonné le glas. La voie du renouveau démocratique et d'une constitution moderne peut commencer par l'abolition de la monarchie dans le but d'établir un système qui confère la souveraineté au peuple, telle qu'elle est définie par le peuple lui-même sur une base démocratique de masse.

Note

Le glas est tintement d'une cloche d'église annonçant l'agonie, la mort ou des obsèques. Historiquement, le glas est la deuxième des trois cloches sonnées pour annoncer un décès, la première étant la cloche de passage pour avertir d'une mort imminente, et la dernière la cloche de « lych » ou cloche du cadavre, qui survit aujourd'hui comme le glas funèbre, la cloche sonnée lors d'un enterrement.

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Si le monarque et la monarchie sont des symboles, que symbolisent-ils ?

– Pauline Easton –

Les dirigeants ne cessent de répéter que la monarchie est symbolique. Cela finit par devenir un grave problème, pour les dirigeants, mais pour le peuple aussi. En effet, ce sont des choses significatives qui sont représentées dans le symbolisme. On ne peut pas répéter sans cesse que la monarchie est un symbole de continuité, de stabilité, etc. sans dire c'est la continuité de quoi ? La stabilité de quoi ? Qu'est-ce qu'on essaie de maintenir ? De quoi veut-on prévenir l'effondrement ?

Les dirigeants ont beaucoup de problèmes avec ces questions parce que la réponse ne peut être convaincante que si le peuple accepte les arrangements existants. Ces arrangements sont devenus dysfonctionnels parce qu'ils ne répondent plus aux exigences de l'époque. La théorie qui est à la base, connue sous le nom de théorie de l'alliance (Covenant Thesis) est dépassée et n'est plus utile. En quoi répéter que la monarchie représente la stabilité de l'ordre constitutionnel change-t-il ce fait ? Cela ne change rien.

Les arrangements « symboliques » actuels posent deux problèmes principaux. Premièrement, le peuple ne les accepte pas parce qu'il ne se voit pas représenté par eux et, en effet, il ne l'est pas. Deuxièmement, les arrangements actuels ne permettent plus d'étouffer les luttes de plus en plus intenses, voire armées, entre les sections des élites dirigeantes qui se disputent le contrôle de l'autorité suprême de l'État, ce qui donne lieu à des guerres civiles à l'intérieur du pays et à des guerres impérialistes à l'étranger.

Les arrangements actuels ne permettent pas non plus d'étouffer les soulèvements de plus en plus déterminés des membres de la société pour les réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société. Les élites n'ont pas l'intention de satisfaire ces réclamations. Elles réagissent en recourant aux tribunaux et à la force, tandis que les élections qui servent à légitimer le système de représentation ne résolvent rien en ce qui concerne le besoin de garantir un transfert stable du pouvoir d'une faction à l'autre et la stabilité de l'ordre constitutionnel.

Cela se vérifie également au niveau international, où les guerres ne sont plus la politique par d'autres moyens parce que beaucoup de corps politiques des peuples du monde ont été détruits ou sont en train d'être détruits.

Le système actuel de représentation a été mis en place à la fin des années 1660 sur la base de ce qu'on appelle la thèse de l'alliance ou de la convention. La pression actuelle pour ne pas reconnaître l'importance de ces arrangements qui consacrent l'existence d'un roi britannique en tant que chef d'État du Canada s'exerce en partie par le refus d'admettre leur dysfonctionnement. La bataille de la démocratie est une bataille qui se poursuit au fil du temps et qui fait progresser la société en veillant à ce que les arrangements répondent aux besoins. Aujourd'hui, cette bataille exige l'élimination de ces arrangements obsolètes et de leurs institutions. L'analyse des raisons des dysfonctionnements est nécessaire pour s'assurer que l'ancien n'est pas reproduit. L'ancien n'est pas ce qui guide nos luttes aujourd'hui.

Dans la thèse de l'alliance, ou de la convention, le « peuple » est censé « convenir » qu'il est représenté par le chef de l'État qui existe au-dessus de tous et de tout sous la forme d'une personne fictive qui incarne le fiat de Dieu – les commandements de Dieu. Ceux-ci auraient été transmis au « peuple élu » par Moïse. Sous l'influence des Grecs et des Romains et sous leur tutelle, les commandements de Dieu sont appelés « loi mosaïque ». Ils sont canonisés et la conception d'une alliance « souveraine » avec Dieu est donnée, par laquelle Dieu investit le « souverain » du pouvoir spirituel suprême et du pouvoir temporel suprême en un seul sur les « dominions de Dieu ». Cette alliance des alliances et l'alliance du peuple avec le souverain sont alors déclarées principes fondateurs de la res publica – les affaires publiques, ce qu'on appellera le monde chrétien.

L'image du « Léviathan » de Hobbes. Cliquer pour agrandir.

Selon la thèse de l'alliance, le souverain a reçu l'onction pour représenter Dieu et être le médiateur entre Dieu et le peuple sur les questions relatives à la guerre et à la paix, au crime et au châtiment, à la vie et à la mort. L'épée et la crosse de l'évêque, symboles de ce rôle, représentent son commandement dans les affaires temporelles et spirituelles. Dans l'oeuvre de Thomas Hobbes, cela se traduit par un pacte entre le peuple et le souverain qu'il a chargé de le représenter.

Le souverain peut prendre la forme d'un roi, d'un président ou d'un premier ministre. Hobbes ne défend pas l'idée que les rois ont un droit divin de régner, puisqu'il écrit à une époque où le roi est décapité et où des guerres civiles éclatent. Il crée plutôt un personnage d'État fictif qui exerce le pouvoir suprême. Ce pouvoir se transmet d'un gouvernement à l'autre, représenté par le souverain, la personne de l'État.

Le souverain crée l'image de lui-même comme une fiction de ce qui est représenté. Il essaie de créer une personne qui représenterait la nation, qui est le peuple. Il s'agit d'un échange complexe. Selon Hobbes, le peuple autorise le souverain à le représenter et est représenté par lui. Le souverain, doté du pouvoir suprême, dit ce qu'il représente. Le souverain aurait créé une représentation du peuple parce que celui-ci a convenu d'avoir cette personne de l'État, qui serait le miroir de l'alliance du peuple avec Dieu. C'est comme la logique de la Trinité dans laquelle Dieu a trois personnes : il est à la fois le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ses commandements sont canonisés dans quatre des livres du Nouveau Testament, les évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean qui sont des évangélistes – ils répandent la parole de Dieu et ses commandements.

Nous devons rendre hommage au souverain parce qu'il interprète tout pour nous. Il exige la loyauté, comme l'a fait Charles III, comme le fait le président Biden, car ils sont les seuls à posséder les connaissances et le pouvoir de décider des questions d'État, à la fois spirituelles et temporelles. Aujourd'hui, ces anciens arrangements sont tellement dysfonctionnels qu'on a même cessé d'invoquer le concept de la personne de l'État assumant la responsabilité sociale pour le peuple.

Il n'est pas surprenant de voir que l'actuel évêque de Canterbury est non seulement issu de la même classe et du même milieu que les pairs du « royaume » britannique, mais qu'il est également connu pour être un pasteur évangéliste. Dans son curriculum vitae, on apprend que « le très révérend Justin Welby a fait ses études aux collèges d'Eton et Trinity et à l'Université de Cambridge, où il a étudié l'histoire et le droit. Pendant onze ans, cinq à Paris et six à Londres, il a travaillé dans l'industrie du pétrole et a été trésorier d'une grande société britannique d'exploration et d'exploitation. Il a ensuite commencé sa formation au ministère en 1989, après quoi il est devenu évêque de Durham, doyen de la cathédrale de Liverpool et chanoine de la cathédrale de Coventry, où il a beaucoup travaillé sur la réconciliation. Au cours de l'été 2012, il a été invité à rejoindre la Commission parlementaire sur les normes bancaires. Le 9 novembre 2012, Justin Welby a été déclaré le 105e archevêque du siège de Canterbury. Il est devenu officiellement archevêque le 4 février 2013, succédant au Dr Rowan Williams qui a pris sa retraite à la fin du mois de décembre 2012. »

Ailleurs il est noté : « C'est l'archevêque de Canterbury qui a le privilège de couronner les rois et reines d'Angleterre et se place immédiatement après les princes de sang royal. La résidence officielle de l'archevêque se trouve à Lambeth Palace, à Londres, et sa résidence secondaire au Vieux Palais, à Canterbury[1]. »

Le sermon de l'archevêque lors du couronnement de Charles III à l'abbaye de Westminster le 6 mai aborde le thème du service. Dès le début, à la deuxième phrase, l'archevêque déclare : « Nous sommes ici pour couronner un roi, et nous couronnons un roi pour qu'il serve. » Toute sa présentation explique ce que cela signifie et, ce faisant, il nous dit exactement comment Charles III façonnera son personnage de celui qui « n'est pas là pour être servi mais pour servir ».

Le service est l'un des cinq principes de l'évangélisation dont il existe trois modes : le mode naturel, le mode corps/vie et le mode ministère. Les six styles d'évangélisation sont les styles « par confrontation, intellectuel, relationnel, témoignage, par invitation et par service ». Le principe est que « chaque personne a des dons et des capacités donnés par Dieu qui correspondent à une ou plusieurs de ces six approches ». Dans une communauté ecclésiale, tous les styles sont présents.

Le texte intégral de l'homélie prononcée par l'archevêque de Canterbury lors du couronnement du roi est reproduit ci-dessous afin d'illustrer ce que l'on entend par « service ». Il s'agit également d'éclairer les délibérations sur la manière dont cette conception du service de chaque membre de la société se compare à la demande des peuples aujourd'hui d'une société qui assume ses responsabilités sociales en affirmant les droits qui appartiennent à toutes les personnes en vertu de leur condition d'être humain.

L'exigence des peuples aujourd'hui est qu'on mette fin à l'offensive antisociale brutale et qu'on humanise l'environnement naturel et social. Cette offensive antisociale ne reconnaît pas du tout la société et ses responsabilités. Elle privatise tout et transforme tous les membres du corps politique en objets jetables dont les droits ne sont pas reconnus. Tout est basé sur le volontariat et la demande de charité et de pitié aux gouvernements et à ceux qui sont nos « supérieurs » et qui détiennent le pouvoir de décision.

En cela, le roi et son archevêque donnent un vernis moderne à la vieille conception féodale de noblesse oblige – la reconnaissance que la noblesse avait des obligations envers ses serfs. Cette conception a été introduite aux XIXe et XXe siècles lorsque les rapports capitalistes se sont imposés sur la base de la conception utilitaire du « plus grand bien pour le plus grand nombre ».

Une autorité publique a été créée pour veiller à ce que les pauvres et les démunis soient pris en charge par des institutions caritatives. Les personnes aisées ou mieux loties avaient le devoir de soutenir ces organisations caritatives et de « nourrir les pauvres ». Dans la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale, cela a donné naissance à l'État-providence, tout cela pour maintenir les classes laborieuses soumises au pouvoir de leurs « supérieurs » qui constituaient la bourgeoisie et, avec elle, maintenaient l'aristocratie.

Depuis la période 1989-1991, lorsque le néolibéralisme a pris racine dans l'économie et qu'une offensive antisociale a été déclenchée pour démanteler les structures de l'État-providence, l'autorité publique a été détruite, les programmes sociaux ont été sapés et privés de financement – y compris les systèmes d'éducation et de santé, puis le « volontariat » a été introduit par George W. Bush aux États-Unis, adopté également par les partisans de la « troisième voie » promue par Tony Blair, Bill Clinton et même Justin Trudeau. Le volontariat a été promu dans les années 1960 par John F. Kennedy, qui a déclaré : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. ». Et ensuite par Obama qui a créé des organisations destinées à la jeunesse connues sous le nom de « I Am My Brother's Keeper » (Je suis le gardien de mon frère). Tout cela vise à masquer l'échec des arrangements existants à garantir les droits des peuples, qui est le critère permettant de juger de la validité des arrangements de gouvernance.

Noblesse oblige

Un aspect important de la façon dont la monarchie contribue à préserver le statu quo est son rôle dans le maintien de la conception de « noblesse oblige » pour façonner un système dans lequel les responsabilités sociales d'un État moderne, qui consiste à défendre les droits de tous et à leur donner une garantie, sont abandonnées. Au lieu de cela, les citoyens sont censés implorer la pitié des riches et des gouvernants.

Noblesse oblige est la responsabilité déduite qu'ont les personnes privilégiées d'agir avec générosité et noblesse envers les « moins privilégiés ». Il ne se passe pas un jour sans que des organisations – des hôpitaux à la Société protectrice des animaux, en passant par les refuges pour femmes, les groupes de lutte contre la pauvreté, les banques alimentaires et bien d'autres – n'aient à demander de l'argent et de la charité pour maintenir leurs programmes. Cette conception de la noblesse oblige est utilisée pour légitimer l'acquisition de richesses obscènes et toute la corruption entendue dans la manipulation des avantages fiscaux et des exonérations pour leurs oeuvres de bienfaisance et leurs fondations. Elle vise également à mettre un terme à la discussion sur le fait qu'une société moderne ne peut être fondée sur la charité et la bienveillance de ceux qui tiennent les cordons de la bourse.

Une société fondée sur l'éthique et la pratique médiévales de noblesse oblige perpétue l'idée que ceux qui sont considérés comme ayant réussi, selon les critères établis par la classe dirigeante, sont supérieurs aux autres et « l'idée que la classe supérieure a des dons à offrir au reste du monde, et que les pauvres, les marginaux et les défavorisés sont les récipiendaires reconnaissants de cette bienfaisance ». « Cette générosité perpétue une hiérarchie. Elle maintient les privilégiés derrière un mur de richesse, d'éducation et de pouvoir. Elle maintient également la 'noblesse' hors de contact avec la réalité de la vie à l'extérieur de ce mur, hors de contact avec les misères économiques, hors de contact avec le travail acharné qui ne mène pas à la réussite financière, hors de contact avec la souffrance humaine et avec un large éventail de la diversité humaine[2]. »

L'acceptation de cette notion devient une nécessité pour accéder à cette bienfaisance. La monarchie parle jour et nuit du « devoir » des « royaux qui travaillent » de parrainer telle ou telle oeuvre de bienfaisance. Il s'agit d'accepter que les choses sont ainsi et qu'il n'y a pas d'alternative. En d'autres termes, elle promeut une conception du monde qui enlève le pouvoir de décider – elle prive activement le peuple d'une conception du monde basée sur un point de vue qui lui est propre.

Aujourd'hui, la cupidité de la classe dirigeante est si extrême que des intérêts privés étroits utilisent leur prise de contrôle du pouvoir décisionnel des gouvernements pour réduire le financement public des programmes sociaux, des soins de santé et de l'éducation. Ces domaines sont confiés à des intérêts financiers privés à des fins de profit et, parallèlement, ils les transforment en choses dont doivent s'occuper des « bénévoles ». Même les secours en cas de catastrophe et la prise en charge des réfugiés relèvent du bénévolat en tant qu'obligation sociale.

Cette conception du bénévolat est une autre version de la notion de noblesse oblige. Dans le bénévolat, l'« obligation » de se porter volontaire incombe aux « roturiers » et non à la royauté, à la noblesse ou aux riches. En fait, ces derniers donnent de moins en moins, à moins qu'il n'y ait un avantage fiscal à le faire ou un mécanisme de corruption, comme la promotion par le gouvernement Trudeau de l'association We Charity. L'affaire We Charity a été étouffée pour faire place à d'autres systèmes qui récompensent les flagorneurs et ceux qui sont prêts à faire la génuflexion lorsqu'on leur ordonne de le faire.

La demande faite aux enseignants, aux pompiers, au personnel de santé et à tant d'autres de donner bénévolement de leur temps, de leur expertise, de leurs compétences, etc. heurte les intérêts de la classe ouvrière. La classe ouvrière s'oppose aux conséquences désastreuses des catastrophes naturelles ou de la crise des réfugiés, au manque de personnel dans les hôpitaux, les bibliothèques et les écoles, ainsi qu'à l'idée que des bénévoles peuvent s'occuper de tout cela.

La solidarité sociale dans une société qui place le facteur humain/conscience sociale au centre de ses considérations n'est pas basée sur la conception du monde du « tous pour un », mais sur la défense des droits qui appartiennent à toutes et tous en vertu du fait qu'ils sont humains. Les institutions qui sont guidées par la conception du monde de la solidarité sociale mettront le pouvoir de décision entre les mains du peuple dans tous les domaines de la vie. La recherche de la miséricorde de sauveurs condescendants sera exclue parce que ces sauveurs condescendants n'existeront plus.

Les pratiques fondées sur la noblesse oblige et le volontariat sont quelques-uns des moyens de perpétuer ce système qui impose un pouvoir suprême dont le peuple n'est pas investi. Parler de la monarchie constitutionnelle comme d'un simple symbole, comme si un symbole (et une institution pour laquelle nous payons cher pour être un symbole), n'avait pas de contenu, c'est fermer les yeux sur la façon dont ce système maintient le peuple dans l'ignorance en pratique.

De quoi est-elle le symbole ? Elle est le symbole de la privation du peuple du pouvoir de décider. Quand l'empereur se pavane nu et que ses courtisans s'extasient devant la beauté de ses vêtements, ces derniers cachent non pas que l'empereur est nu, mais que le peuple est nu. Le roi a tout le pouvoir, soutenu par ses courtisans, pour se pavaner nu ou comme il l'entend, tandis que le peuple ne peut rien faire d'autre que de regarder. Il faut plus que le cri de l'enfant qui voit que le roi est nu. Il faut des mesures concrètes par lesquelles le peuple se donne les moyens de discuter des problèmes auxquels la société est confrontée et d'y apporter des solutions.

Les rapports dans lesquels entrent les membres de la société n'est pas une idée sans contenu dans le monde matériel. Et ce n'est pas seulement une question de contenu de classe, c'est aussi une affaire de contenu national – du projet d'édification nationale, ou de son absence dans le cas de la monarchie et de la classe dont elle perpétue la domination.

Les faits montrent déjà qu'une société fondée sur l'idée que les gens peuvent subvenir à leurs besoins grâce à la charité et à la mendicité ou au bénévolat n'est pas viable. Le peuple doit se doter d'une nouvelle conception du monde et de nouveaux modes d'engagement fondés sur des définitions modernes et sur les droits de l'être humain, et non sur ses rapports avec la propriété privée et ses propriétaires. La nation construite à l'image de la bourgeoisie s'est épuisée. C'est maintenant au tour de la classe ouvrière de devenir la nation et d'investir le peuple du pouvoir souverain.

À titre d'information :
La conception du service dans l'homélie de l'archevêque
de Canterbury le 6 mai 2023

Viens, Esprit Saint, et remplis nos coeurs de la flamme de ton amour.

Nous sommes ici pour couronner un roi, et nous couronnons un roi pour qu'il serve.

Ce qui est donné aujourd'hui est pour le bénéfice de tous. Car Jésus-Christ a annoncé un Royaume dans lequel les pauvres et les opprimés sont libérés des chaînes de l'injustice. Les aveugles voient. Les meurtris et les coeurs brisés sont guéris.

Ce Royaume fixe les buts de tout gouvernement juste, de toute autorité. Et le Royaume définit également les moyens de tout gouvernement et de toute autorité. Car Jésus ne saisit pas le pouvoir et ne s'accroche pas au statut.

Le Roi des rois, Jésus-Christ, a été oint non pas pour être servi, mais pour servir. Il crée la loi immuable de la bonne autorité selon laquelle le privilège du pouvoir s'accompagne du devoir de servir.

Le service est l'amour en action. Nous voyons l'amour actif dans les soins que nous apportons aux plus vulnérables, dans la manière dont nous éduquons et encourageons les jeunes, dans la préservation du monde naturel. Nous avons vu ces priorités dans la vie de devoir vécue par notre Roi.

Aujourd'hui, nous avons l'honneur d'être dans cette abbaye avec tant de personnes qui font preuve d'un tel amour; vous travaillez avec des associations et des organisations caritatives, vous construisez des communautés, vous servez la nation dans les forces armées, dans les services d'urgence, et de bien d'autres manières encore. À côté de chez nous, il y a 400 jeunes gens extraordinaires dans l'église St Margaret, dont la vie parle de service. Dans le monde entier, dans les royaumes et le Commonwealth, il y en a tant d'autres. Vous vivez votre vie pour le salut des autres.

L'unité dont vous faites preuve, l'exemple que vous donnez, c'est ce qui nous lie les uns aux autres et nous permet d'offrir des sociétés fortes, joyeuses, heureuses et glorieuses. Ce sont là de lourdes responsabilités envers nous.

Et le poids de la tâche qui nous est confiée aujourd'hui, Majestés, n'est supportable que par l'Esprit de Dieu, qui nous donne la force de donner notre vie aux autres. Avec l'onction de l'Esprit Saint, le roi reçoit gratuitement ce qu'aucun souverain ne pourra jamais obtenir par la volonté, la politique, la guerre ou la tyrannie : l'Esprit Saint nous incite à l'amour en action.

C'est ce que promet Jésus, qui a renoncé à tout privilège, car, comme la première lecture nous le dit, Dieu donnera tout pour nous, même sa propre vie.

Son trône était une croix. Sa couronne était faite d'épines. Ses insignes étaient les blessures qui ont percé son corps.

Chacun d'entre nous peut choisir la voie de Dieu aujourd'hui. Accorde-moi la grâce de trouver dans ton service une liberté parfaite

Nous pouvons dire au Roi des rois, Dieu lui-même, comme le fait le Roi ici présent, « accorde-moi la grâce de trouver dans ton service une liberté parfaite ».

Dans cette prière, il y a une promesse qui dépasse toute mesure, une joie qui dépasse les rêves, une espérance qui dure. Par cette prière, pour chaque roi, chaque dirigeant et, oui, pour chaque personne, pour chacun d'entre nous, nous sommes ouverts à l'amour transformateur de Dieu.

Note

1. « Archbishop of Cantebury », Ben Johnson, Historic UK

2. « The problem with 'Noblesse Oblige' », Amy Julia Becker, 20 février 2019

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Lever le voile sur les secrets d'État

Un autre problème entourant le couronnement a été le souhait avoué du roi Charles d'introduire de la « transparence » dans la partie la plus sacrée de la cérémonie en « levant le voile » au moment où le monarque est oint par l'archevêque de Canterbury. Il a fait savoir qu'il souhaitait permettre aux caméras de filmer la partie la plus sacrée de la cérémonie, celle qui est censée représenter l'onction du souverain choisi par Dieu, créant ainsi un sentiment de révérence et de mystère autour de la personne du roi. Avec tout le reste de l'apparat médiéval, c'est la partie destinée à conférer au monarque, et à l'autorité suprême qui lui est dévolue, la qualité de quelque chose qu'il faut craindre. C'est par « sa relation avec Dieu » qu'il devient le protecteur des « mystères de l'État », c'est-à-dire de tous les secrets auxquels le public n'a pas accès parce qu'il s'agit de toutes les sales besognes réalisées pour préserver l'État bourgeois.

Cependant, après de nombreux va-et-vient, l'annonce a été faite le 13 avril : « Le Roi a maintenant changé d'avis sur un élément de l'onction lors de son couronnement. » Le Royal News annonce que « le roi Charles III suivra la tradition des trente-neuf monarques couronnés avant lui à l'abbaye de Westminster et veillera à ce que la partie la plus sacrée de la cérémonie, l'onction, reste privée ».

En effet, le roi et le palais ont insisté sur ses liens à la chrétienté en rappelant que l'huile d'onction provient d'Israël. Le site officiel de la famille royale indique : « L'huile chrismale [huile parfumée à base d'olives] avec laquelle le roi et la reine consort seront oints, qui a été consacrée dans l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem en mars, sera contenue dans l'ampoule faite d'or et moulée sous la forme d'un aigle aux ailes déployées. L'huile est versée par une ouverture dans le bec. L'ampoule a été fabriquée pour le couronnement du roi Charles II en 1661 par le joaillier de la Couronne, Robert Vyner, et est basée sur un récipient antérieur plus petit, lui-même basé sur une légende du XIVe siècle dans laquelle la Vierge Marie est apparue à Saint Thomas à Becket et lui a présenté un aigle en or et une fiole d'huile pour oindre les futurs rois d'Angleterre. » (Thomas Becket est l'archevêque de Canterbury assassiné sur l'autel de la cathédrale le 29 décembre 1170 par des chevaliers d'Henri II parce qu'il refusait de donner au roi le pouvoir sur l'Église.)


Préparation de l'huile pour l'onction de Charles III lors du couronnement

Dans son discours de Noël 2022, le roi Charles, debout dans la chapelle Saint-Georges du château de Windsor, a parlé de sa foi chrétienne, du fait qu'il se trouvait « si près de l'endroit où ma mère bien-aimée, la regrettée reine, repose », de sa foi en Dieu et de la sienne. Il a évoqué la nécessité de « faire briller la lumière dans le monde qui nous entoure » et a parlé de sa visite à Bethléem et à la basilique de la Nativité où « comme la Bible nous le dit, la lumière qui est venue dans le monde est née ».

Après la mort de sa mère, voulant créer l'image d'un personnage moderne, Charles a essayé de se faire couronner comme le défenseur « de toutes les religions » et « d'aucune religion ». Malgré cette tentative de s'insinuer dans les domaines des autres religions et même des athées c'était de toute évidence une cérémonie de l'Église d'Angleterre, en dépit de la présence de représentants d'autres religions reconnus lors du couronnement.

Néanmoins, le nouveau zèle de Charles à représenter « toutes les religions et aucune » s'inscrit dans la lignée du personnage néolibéral qu'il se donne en tant que chef d'État, censé représenter les personnes de toutes origines, religions et ethnies confondues au Royaume-Uni et dans tous ses « royaumes ». Le masque de « service » sert à vendre la fiction que la personne d'État représente les valeurs chères à tous les habitants des royaumes et que son interprétation de ces valeurs fait de lui l'unificateur, l'incarnation de ce que le peuple veut.

Il s'agit d'une fiction destinée à dissimuler le fait que le pouvoir suprême est détenu par une classe dirigeante qui prend des décisions fondées sur les mystères de l'État auxquels elle est la seule à avoir accès. Le « Nous » royal et le « Nous » du peuple doivent être compris comme l'ensemble des personnes qui se sont entendues pour être représentées par une personne d'État. Ainsi, quoi que dise la personne d'État, elle représente toujours le peuple. En même temps, le roi est oint pour représenter l'alliance des alliances, l'alliance entre Dieu et son peuple par laquelle Dieu fait du roi le révélateur de toute sa sagesse et le gardien de ses secrets, ce qui lui permet vraisemblablement de manier la puissante épée de la justice. Il est important de comprendre que s'il s'agit d'une fiction, cela ne signifie pas que ce pouvoir, le pouvoir suprême que représente la personne d'État, est simplement symbolique. Loin de là.

Le rôle du roi dans le gouvernement britannique

Il est important d'examiner la nature de la « démocratie du roi » et de l'ordre constitutionnel parlementaire auquel elle préside afin d'en tirer les conclusions qui s'imposent. Voici certaines questions pertinentes : comment le « Nous royal » devient-il « nous le peuple » ? Comment « notre souverain » devient-il « nous » ? En règle générale, rien de tout cela n'est discuté présentement.

Voici ce que disent la plupart des sources et cela ne nous éclaire pas beaucoup :

Officiellement, « le roi est le chef de l'État britannique, le plus haut représentant de toutes les nations de Grande-Bretagne sur la scène nationale et internationale ». Tous sont censés prêter serment d'allégeance au roi ou du moins le considérer comme la personne de l'État. Le premier ministre, que le roi nomme officiellement, est le « chef du gouvernement britannique » et parle au nom du roi et du gouvernement de Sa Majesté tant qu'il est en fonction.

Le roi rencontre le premier ministre une fois par semaine, reçoit chaque jour des boîtes de documents d'État à signer et reçoit des informations sur les affaires courantes. Il préside le Conseil privé des ministres du gouvernement, qui se réunit en moyenne une fois par mois. Le roi a officiellement son mot à dire dans la promulgation des lois au Parlement, tout comme le premier ministre et les quelques ministres qui rédigent les lois parlementaires de Westminster.

Depuis la mort de la reine, les membres des parlements d'Angleterre, d'Écosse et du Pays de Galles, ainsi que les militaires, de même qu'au Canada et dans d'autres pays considérés comme les « royaumes du roi » où il est également chef d'État, ont déjà dû prêter serment d'allégeance, ou ont maintenu leur allégeance à la constitution qui consacre Charles III en tant que roi et « commandant » des forces armées. Cette mesure est censée garantir « la stabilité de l'ordre constitutionnel ».

L'ordre constitutionnel, selon le juriste américain Mark Tushnet dans son livre de 2003 The New Constitutional Order, désigne « un ensemble raisonnablement stable d'institutions par lesquelles les décisions fondamentales d'une nation sont prises sur une période prolongée, ainsi que les principes qui guident ces décisions ». « Tant les institutions que les principes constituent un ordre constitutionnel. Ces institutions et ces principes donnent la structure au sein de laquelle se déroule la contestation politique ordinaire. [...] Sur le plan institutionnel, un ordre constitutionnel comprend le pouvoir exécutif, la cour suprême, les assemblées législatives et les partis politiques nationaux. Les principes constitutionnels ne peuvent être compris que dans le contexte des arrangements institutionnels qui existent et prévalent dans les autres branches du gouvernement national. Ils vont au-delà de la doctrine judiciaire et des interprétations juridiques et ne peuvent être véritablement compris que si l'on considère l'état de la société qu'ils régissent[1]. »

Vidéo musicale : Tom Robinson – The Mighty Sword of Justice

Note

1. The New Constitutional Order, Mark Tushnet, Princeton University Press, 2003

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L'anachronique Commonwealth du roi


Manifestations en Jamaïque lors de la tournée du jubilé de la famille royale, en mars 2022

Le Commonwealth du roi reste un moyen de perpétuer le néocolonialisme et constitue un anachronisme au XXIe siècle.

Toute la cérémonie du couronnement a été conçue pour souligner les liens historiques du roi Charles avec le passé, les symboles anciens de l'héritage et du pouvoir, ainsi que son droit divin de régner et d'être ce qu'il dit être. Le site web royal indique que « les insignes royaux du couronnement sont des objets sacrés et profanes qui symbolisent le service et les responsabilités du monarque. Ils jouent un rôle central dans les cérémonies de couronnement depuis des centaines d'années et, conformément à la tradition, ils seront utilisés à l'abbaye de Westminster le 6 mai. »

Cela illustre bien à quel point l'idée que le roi Charles se fait de lui-même et la fiction qu'il essaie désespérément de projeter sont manifestement à contre-temps avec les exigences de l'époque. Il occupe un rôle qui ne fonctionne plus comme il avait été envisagé à l'origine avec la théorie de l'alliance. Selon cette théorie, le souverain incarne le pouvoir suprême et se trouve au sommet du système de représentation où il parle au nom du peuple.

Le personnage que le roi Charles est en train de se créer l'expose comme un acteur de plus dans la lutte des factions au sein de la classe dirigeante pour le contrôle des forces productives et des ressources du monde à des fins d'enrichissement privé. Sa tentative de se réinventer et de valider son autorité ne sert pas seulement à détourner l'attention et à empêcher le peuple de s'investir lui-même du pouvoir souverain, mais elle est également en contradiction avec la conception même de la théorie de l'alliance, selon laquelle le pouvoir suprême doit être perçu comme capable d'unifier les factions en guerre. Ce n'est manifestement pas le cas. Sa royauté est un ultime effort pour ressusciter un arrangement dépassé et moribond, mais elle fera l'inverse.

Les peuples du Royaume-Uni, ses « régions et territoires », ne sont pas disposés à accepter cette fiction, car ils savent qui sont ces individus. Le personnage que Charles III se donne n'est certainement pas moderne et ne donnera pas à l'État une personnalité moderne.

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La monarchie et le « pouvoir de convaincre »

Charles III et le redémarrage du « pouvoir de convaincre » de la Grande-Bretagne

Derry, Irlande du Nord

Dans un article paru en mai dans PoliticsHome sur sa visite en Inde avec le groupe parlementaire multipartite sur l'Inde (commerce et investissement), la baronne Sandip Verma déclare qu'on lui a « rappelé régulièrement au cours de la visite la valeur et l'importance de l'engagement en personne ». Après avoir déclaré qu'à chaque occasion, on leur a rappelé que « la Grande-Bretagne restait un partenaire et un ami important pour l'Inde », elle ajoute cette mise en garde : « Cependant, il a été noté que notre pouvoir de convaincre, qui faisait autrefois l'envie du monde, a besoin a besoin d'un redémarrage en réponse à la dynamique mondiale changeante des nations émergentes telles que l'Inde »[1].

La baronne Verma se penche sur le couronnement du roi Charles III, et explique que « ce fut une excellente occasion de présenter le meilleur de ce que nous avons à offrir au monde, tout en constatant combien il reste de joyaux à découvrir ». Elle tire la conclusion suivante : « Notre nouveau monarque nous offre l'occasion d'établir des liens plus solides et plus étendus en allant à la rencontre des autres par l'intermédiaire d'institutions uniques comme le Commonwealth, mettant en lumière pour aux générations actuelles et futures la force la puissance des valeurs et des causes communes. » Elle termine en « portant un toast à un avenir plus radieux et plus fort pour la Grande-Bretagne et sa place dans le monde et au rôle que nous devons jouer dans cet avenir ».

Dans ces efforts pour définir le rôle constitutionnel du roi Charles en tant que souverain et sa fonction symbolique en tant que représentant de l'État, Charles III est, bon gré, mal gré, appelé à jouer un rôle dans les affaires politiques mondiales, un rôle qui est loin d'être symbolique ou neutre. Il est perçu comme outrepassant son rôle soi-disant symbolique.

L'expression « pouvoir de convaincre » évoque consciemment une influence inoffensive et anodine pour mieux dissimuler des intentions politiques plus sinistres et dangereuses. Mais le « pouvoir de convaincre » de la Grande-Bretagne est tout sauf anodin, puisqu'il implique le recours à la police politique et à des opérations subversives comme les « révolutions de couleurs ». Il est déployé pour tenter de provoquer des changements de régime partout où les États-Unis, la Grande-Bretagne et leurs alliés décident que c'est ce qu'il faut faire pour défendre leurs « valeurs civilisées » et leurs « valeurs et causes communes » qui font, vraisemblablement, la fierté de la baronne.

Certains prétendent que, loin d'être au-dessus de la politique, le monarque doit sauter dans la mêlée et agir davantage comme le font les chefs d'État des États-Unis, de la France et d'autres pays, qui sont les principaux porte-parole de l'industrie de guerre dans leurs propres pays et de l'alliance États-Unis/OTAN, dont ils sont membres. Charles lui-même agit comme s'il faisait partie d'une faction axée sur ses propres intérêts particuliers, qui sont considérables, dans le but d'augmenter son pouvoir et son influence. Avec le règne de Charles III, toutes les illusions sur le caractère symbolique du rôle du monarque constitutionnel s'effondreront.

S'il est vrai que dans la monarchie constitutionnelle britannique il existe une convention voulant que le souverain maintienne une neutralité politique stricte, ce n'est qu'une fiction de la personne fictive de l'État qui est contredite par la réalité actuelle de l'exercice factionnel du « pouvoir de convaincre », qui va de pair avec le « pouvoir de contrainte » de la puissance et de l'agression militaire.

En effet, le roi Charles III a sauté dans la mêlée, promouvant ce genre de « pouvoir de convaincre », qui, au XXIe siècle seulement, a mené la Grande-Bretagne à commettre de nombreux crimes contre l'humanité. C'est l'héritage d'une « tradition » de la monarchie sous laquelle la Grande-Bretagne a déployé sa puissance coloniale et impérialiste pour préserver son empire criminel, comme en témoigne, entre autres, son rôle perfide en Inde, son « joyau de la couronne », dont le peuple lui-même cherche, de par ses luttes, à se défaire.

La monarchie est à tous égards un obstacle au progrès de la société. Pour réaliser une démocratie moderne, le peuple doit s'investir du pouvoir et remplacer le « pouvoir de convaincre » et le « pouvoir de contraindre » par sa propre autorité décisionnelle.

Note

1.  La baronne Sandip K. Verma est une députée conservatrice nommée (paire) de la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement britannique, et ancienne ministre du Développement international. Elle est née à Amritsar, au Pendjab.

(Workers' Weekly. Traduit de l'anglais par LML)

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Lettre à la rédaction concernant le rôle d'une société d'armements britannique au Canada


Le fabricant d'armes britannique BAE Systems est chargé de fournir au Canada
la frégate de type 26 que l'on voit ci-dessus.

Votre article sur le bellicisme de Charles III a montré, entre autres, comment la production de guerre est un fardeau parasitaire pour l'économie britannique. C'est également le cas au Canada, où le gouvernement a conclu des contrats avec la société britannique BAE Systems pour un montant de plusieurs milliards de dollars[1].

En 2018, le gouvernement canadien a choisi la plate-forme de conception du type 26 de BAE pour 15 navires de combat de surface qui coûtent des milliards de dollars. Le gouvernement présente ces dépenses de guerre comme répondant à la « Stratégie nationale de construction navale » du Canada, qui vise à construire une « flotte de haute-mer » capable de marauder dans le monde entier à la demande de l'OTAN et des États-Unis. Irving Shipbuilding à Halifax, en Nouvelle-Écosse, construit les navires de combat conçus par BAE, tandis que Lockheed Martin, le producteur de guerre américain, est le principal entrepreneur chargé de superviser le projet.

La décision d'opter pour le navire de type 26 de BAE a été controversée au moment de sa sélection, car la conception n'existait que sur la planche à dessin. Dans un article publié dans le magazine militaire canadien Esprit de Corps, David Pugliese écrit qu'au début du processus d'acquisition des navires, le gouvernement libéral a promis que « seuls les modèles existants ayant fait leurs preuves ou les modèles de navires déjà en service dans d'autres marines seraient acceptés, parce qu'ils pourraient être construits plus rapidement et seraient moins risqués. Les conceptions qui n'ont pas fait leurs preuves peuvent être confrontées à des défis, car les problèmes sont découverts une fois que le navire est dans l'eau et en service ».

David Pugliese poursuit : « Les critères ont ensuite été modifiés par le gouvernement canadien pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires. (Les autres navires qui participaient à la compétition canadienne pour obtenir le contrat avaient tous fait leurs preuves et étaient en service dans des marines alliées). »

Connaissant l'énorme présence de BAE dans l'économie britannique et ses contacts avec l'élite dirigeante, on peut se demander si la famille royale n'a pas exécuté une « danse des épées » pour que le gouvernement libéral servile s'assure que l'offre de BAE remporte le contrat.

Le budget en constante augmentation de BAE et de ses partenaires donne une idée des ressources publiques qu'ils retirent de l'économie canadienne pour cette production de guerre. L'approbation initiale du Conseil du Trésor canadien était de 26 milliards de dollars. En 2021, le directeur parlementaire du budget a estimé que le prix des 15 navires de type 26 était passé à 77,3 milliards de dollars.

Dans un autre article paru en décembre 2022, David Pugliese écrit : « Les députés membres du Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes ont déclaré qu'ils s'attendaient désormais à ce que le coût des 15 navires avoisine les 100 milliards de dollars ». L'article note également que l'acquisition, l'exploitation et le soutien des navires tout au long de leur cycle de vie d'environ 30 ans coûteront aux Canadiens entre 213,5 et 219,6 milliards de dollars.

Les navires de type 26 construits pour la marine britannique seront équipés d'un système de défense antimissile, d'un canon de calibre moyen de 1270 millimètres, d'une aire flexible sur le pont du navire dédiée à différentes missions, d'un radar à moyenne portée Artisan 997 et d'un réseau de sonars pour la détection sous-marine. Le pont d'envol pourra accueillir des hélicoptères de la taille d'un Chinook, tandis que l'aire dédiée aux missions pourra s'adapter pour accueillir des conteneurs et déployer des navires et des véhicules habités ou non. Au total, les marines britannique, australienne et canadienne exploiteront 32 frégates de lutte anti-sous-marine, toutes basées sur la conception de référence du Type 26.

Notes

1. BAE Systems plc est une entreprise britannique d'armement, de sécurité et d'aérospatiale basée à Londres, en Angleterre. Dans le secteur de la défense, elle est en 2020 la septième entreprise mondiale et la première entreprise européenne sur la base d'un revenu brut applicable de 36 milliards de dollars en 2022, tout en employant 93 100 personnes. Depuis 2017, c'est le plus grand fabricant de Grande-Bretagne. (Wikipedia)

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Au Parlement du Canada

Les menaces proférées contre le chef du Bloc québécois mettent en évidence l'impuissance des forces de l'establishment

Le 25 octobre 2022, une longue session s'est entamée à la Chambre des communes sur une motion présentée par le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet sur les liens entre l'État canadien et la monarchie britannique. La majorité des députés, tout particulièrement les libéraux et les conservateurs, n'ont pas été capables d'avancer des arguments significatifs sur le sujet. Incapables d'engager une discussion pertinente ou de contribuer des arguments significatifs, ils se sont rabaissés à manquer de respect envers ceux qui ne sont pas d'accord avec eux. On peut y voir aussi, en quelque sorte, des idées préconçues profondément intolérantes et anti-québécoises envers ceux qui défendent des positions de principe, positions qui sont importantes pour les électeurs qu'ils représentent.

Le refus de débattre du rapport entre l'État canadien et la monarchie, et entre les Canadiens, les Québécois, les peuples autochtones et la monarchie, ne contribue aucunement à renforcer la démocratie canadienne qu'ils prétendent ardemment défendre.

La session s'est soldée par des menaces proférées contre le chef du Bloc québécois sous prétexte qu'il n'était pas sincère lorsqu'il a prêté allégeance au souverain pour siéger à la Chambre des communes et que, par conséquent, il devrait perdre son siège. C'est une mésinterprétation délibérée et malhonnête des propos du chef du Bloc qui expliquait que l'allégeance au roi d'Angleterre était en violation de la conscience des députés. Certains ont exigé que, puisque son serment d'allégeance au monarque au moment de siéger n'était pas, dans ses propres mots, sincère, il devrait être mis à la porte. L'attaque la plus hystérique contre le chef du Bloc est venue du secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre, Kevin Lamoureux.

Félicitations à Niki Ashton qui est intervenue politiquement dans le débat, expliquant les mérites de la position du Bloc. Le vote sur la motion du Bloc a eu lieu le lendemain et a été défait. Tout ce que l'on peut dire au sujet du bas niveau d'intervention des députés est que, plus on avance, plus se fait ressentir le besoin d'un renouveau démocratique du processus politique et de la modernisation du fondement constitutionnel du Canada.

Les menaces proférées par le secrétaire parlementaire étaient imprégnées d'incivilité, de diversion et d'aveuglement face au sujet du débat, qui requiert des arguments solides de la part de tous concernés, plutôt que des coups bas. Si la Chambre avait mis le député bloquiste à la porte parce qu'il a parlé librement, la crise constitutionnelle en aurait été rapidement exacerbée. Dans ce contexte, les efforts pour criminaliser les opinions à la Chambre des communes font des types comme le secrétaire parlementaire des adversaires indignes, voire même lâches.

La motion du Bloc québécois

La motion du Bloc québécois se lit :

« Que, étant donné que, (i) le Canada est un État démocratique, (ii) cette Chambre croit au principe de l'égalité de tous, la Chambre exprime son désir de rompre les liens entre l'État canadien et la monarchie britannique, et demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ce faire. »

En appui à la motion, le chef du Bloc a essentiellement dit que le Parlement est une institution démocratique, ce qui veut dire que ce sont les citoyennes et les citoyens du Québec et du Canada qui, par l'entremise de leurs élus, une circonscription à la fois, prennent les décisions. Les électeurs choisissent les élus. Ils n'ont pas élu le roi Charles III. Et pourtant, les électeurs se font dire que même s'il s'agit du sommet tout en haut de la pyramide du pouvoir de la structure de la Constitution même du Canada, que ce n'est pas important, que ce n'est pas la priorité et que la Chambre devrait vaquer à autre chose.

Yves-François Blanchet a souligné que la question est d'autant plus importante que le chef du Canada est un chef conquérant étranger, ce qui veut dire que le Canada ne peut être vu comme un État moderne.

La monarchie n'est pas un symbole, a-t-il continué. Il en coûte 70 millions de dollars par année qui pourraient être consacrés aux aînés, au logement social, etc.

La preuve de l'importance du sujet est que pour le résoudre, il faut rouvrir la constitution. L'hésitation à l'ouvrir, a-t-il dit, vient du fait que personne n'est à l'aise avec son contenu, avec le fait, par exemple, que la couronne britannique est protégée sur le dos des Premières Nations dont les droits sont niés.

L'importance est encore plus grande pour le Québec, a-t-il ajouté, puisque le roi d'Angleterre est le roi de l'empire conquérant. C'est important, parce que les Québécois sont encore un peuple conquis, qui doit prêter une allégeance qui vient de l'époque de l'empire britannique, qui était raciste et esclavagiste.

Les milliers de gens qui dans chaque circonscription votent pour un député et par conséquent pour un chef d'État sont plus importants qu'un roi qui ne connaît rien du peuple, a-t-il dit. Les Canadiens et les Québécois ont le droit de savoir si le serment d'allégeance est envers la couronne britannique ou envers le peuple canadien.

Le chef du Bloc québécois a fait valoir que les députés bloquistes ne peuvent pas être sincères lorsqu'ils prêtent serment au monarque britannique puisque c'est un serment imposé, ils sont obligés de s'y prêter s'ils veulent pouvoir s'opposer à l'abandon de l'environnement par le gouvernement canadien dont le véritable serment d'allégeance semble être envers les lobbies; s'ils veulent s'opposer au manque de respect de son gouvernement pour le Québec, pour le français, pour l'égalité et la laïcité, etc.

Le débat qui a suivi

Dans le débat qui a suivi, les libéraux ont pris l'initiative d'abord en affirmant que de rouvrir la constitution n'est pas une priorité, que les Canadiens ont d'autres priorités en tête – les aînés, le système de santé, les emplois, etc., comme si le gouvernement canadien défendait les droits des Canadiens sur toutes ces questions. D'autres ont déclaré que la démocratie canadienne se porte bien en tant que monarchie constitutionnelle, donnant en exemple le fait que c'est la reine d'Angleterre qui a signé la constitution de 1982 et la Charte canadienne des droits et libertés, les piliers de la démocratie canadienne.

Ils ont même nié le fait que cette constitution de 1982 n'a jamais été ratifiée par le Québec, que le vieil ordre constitutionnel impose un pouvoir sur le peuple qui est au-dessus de lui et dont le fonctionnement repose sur les pouvoirs de police pour criminaliser les luttes du peuple. Ils ont prétendu que la monarchie constitutionnelle serait en fait une source de stabilité politique pour le Canada.

Les conservateurs ont repris le flambeau en répétant essentiellement que les Québécois sont préoccupés par des questions plus importantes telles que le prix de l'essence, des aliments, du chauffage, l'immigration sur le Chemin Roxham, etc.

Le NPD a poursuivi en créant une diversion mais sous un autre angle. Le premier intervenant a dit qu'il appuyait la motion qui dit que « le Canada est un État démocratique » et que nous croyons « au principe de l'égalité pour tous ». Il a ensuite créé une diversion en disant qu'il fallait s'en prendre au système électoral plutôt qu'à la monarchie, évoquant la disproportion entre le nombre de votes et le nombre de sièges à la Chambre.

Niki Ashton, cependant, membre du NPD pour Churchill-Keewatinook Aski, a présenté une tout autre perspective. Elle a dit qu'elle allait appuyer la motion du Bloc parce qu'il était nécessaire de passer à une nouvelle étape de consolidation de la démocratie en mettant fin aux liens de l'État canadien avec la monarchie britannique.

Elle a ajouté que le Canada doit examiner ses propres institutions et processus. Elle a soulevé que le besoin, par exemple, d'une réelle réconciliation avec les peuples autochtones indique qu'il faut poursuivre sur la voie de la décolonisation, ce qui veut aussi dire mettre fin aux liens entre le Canada et la monarchie britannique, un symbole du colonialisme pour les peuples autochtones et pour beaucoup qui sont venus des quatre coins du monde pour se faire une vie au Canada.

Le débat a à nouveau bifurqué lorsque les libéraux ont commencé à remettre en cause le droit du chef du Bloc québécois de siéger à la Chambre parce qu'il avait dit qu'il n'avait pas été sincère lorsqu'il avait prêté allégeance au monarque britannique. Le plus hystérique de tous à été le premier secrétaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Kevin Lamoureux. Il a dit :

« Monsieur le président, je prends la parole à propos d'une question très sérieuse. Le député de Beloeil–Chambly a fait aujourd'hui une déclaration très troublante en affirmant clairement que son serment d'allégeance à la Couronne n'était pas sincère. S'il n'était pas sincère, c'est comme s'il n'avait jamais prêté serment.

« Voilà pourquoi je pense que la présidence devrait examiner s'il est légitime que le député continue de siéger à la Chambre. Nous savons tous que la Constitution stipule que chaque député doit prêter serment ou faire une déclaration solennelle et qu'enfreindre cette règle constitue une infraction très grave[1]. »

Le président de la Chambre a dit qu'il se pencherait sur la question et reviendrait à la Chambre pour annoncer sa décision.

Le 27 octobre 2022, le président de la Chambre a rendu sa décision, qui ne répond en rien aux points soulevés par les députés et qui ne fait rien pour avancer la discussion sur le sujet. Il ne fait que l'éluder en faveur du maintien du statu quo. Il a dit qu'«en prêtant serment ou en faisant une affirmation solennelle d'allégeance à la Couronne, les députés prêtent serment envers les principes constitutionnels de notre pays. Le rôle de député comporte des responsabilités et des obligations importantes, que le serment ou l'affirmation nous rappellent.»

Il a ensuite réitéré ses remarques du 25 octobre lorsqu'il a «cité la troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes et j'ai fait référence à une affaire soulevée en 1990». Il a dit que «la présidence tient à réitérer la conclusion qu'on trouve dans la décision sur le sujet et rendue le 1er novembre 1990 par le Président Fraser. On peut la trouver à la page 14970 des Débats, et je cite:

«'Votre Président n'est pas autorisé à porter un jugement sur les circonstances dans lesquelles, ou la sincérité avec laquelle, un député dûment élu prête le serment d'allégeance. L'importance que revêt ce serment pour chaque député est affaire de conscience et il doit en être ainsi.'

«Les députés de cette Chambre sont des membres honorables et la présidence s'attend que, par leurs gestes et leurs paroles, ils agissent comme tels.

«Dans la même décision citée du Président Fraser du 1er novembre 1990, il rappelle à la même page des Débats: 'Seule la Chambre peut examiner la conduite de ses membres et elle peut prendre des mesures, si elle décide que des mesures s'imposent'.

«C'est donc la Chambre elle-même qui a autorité sur ses députés. C'est à elle, non pas à la présidence, de juger leur conduite. Ceci étant dit, certaines questions méritent d'être abordées avec beaucoup de circonspection. Nous avons peut-être ici un exemple probant, de part et d'autre.»

Note

1. Pour lire le compte-rendu officiel (Hansard) des débats de la Chambre du mardi 25 octobre 2022, cliquer ici.
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Un appui significatif et historique à la motion pour rompre les liens entre le Canada et la monarchie britannique

À la Chambre des communes le 26 octobre 2022, 44 députés ont voté en faveur de la motion du Bloc Québécois, présentée la veille, pour rompre les liens entre l'État canadien et la monarchie britannique. Deux-cent soixante-six députés ont voté contre la motion.

Les 31 députés du Bloc Québécois présents au moment du vote (sur 32 députés) ont voté pour la motion, et 13 autres députés ont fait de même. Il s'agit de :

- Charlie Angus, NPD, Timmins–James Bay, en Ontario
- Niki Ashton, NPD, Churchill–Keewatinook, au Manitoba
- Alexandre Boulerice, NPD, Rosemont–La Petite-Prairie, au Québec
- Laurel Collins, NPD, Victoria, en Colombie-Britannique
- Don Davies, NPD, Vancouver Kingsway, en Colombie-Britannique
- Blake Desjarlais, NPD, Edmonton Griesbach, en Alberta
- Leah Gazan, NPD, Winnipeg Centre, au Manitoba
- Matthew Green, NPD, Hamilton Centre, en Ontario
- Lori Idlout, NPD, Nunavut
- Jenny Kwan, MPD, Vancouver-Est, en Colombie-Britannique
- Alain Rayes, indépendant, ancien conservateur, Richmond–Arthabaska, au Québec
- Joël Lightbound, Parti libéral, Louis-Hébert, au Québec
- Mike Morrice, Parti Vert, Kitchener Centre, en Ontario

Certains de ces députés sont intervenus au cours du débat, annonçant ou laissant entendre qu'ils voteraient pour la motion du Bloc.

L'intervention la plus significative a été celle de Niki Ashton, qui a nettement exprimé son appui à la motion du Bloc. Elle a dit, entre autres :

« Nous devons souligner la deuxième Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, qui s'appuie sur le travail de la Commission de vérité et réconciliation, et qui indique clairement que nous devons reconnaître la vérité en ce qui concerne l'horrible histoire de la colonisation du Canada. Cette colonisation est ancrée dans le contrôle de la Couronne, à son avantage. Avec la Loi sur les Indiens, le système des réserves, le système des pensionnats, le pillage des ressources autochtones et le génocide des peuples autochtones, les effets dévastateurs de la colonisation sont encore évidents aujourd'hui.

« La réconciliation implique de poursuivre le chemin de la décolonisation, et cela doit inclure la fin de nos liens avec la monarchie britannique. La monarchie est un symbole de colonialisme pour de nombreux peuples autochtones et pour de nombreuses personnes venues du monde entier au Canada. De nombreuses personnes ont quitté leur pays pour une vie meilleure en raison des conflits, de l'appauvrissement et de la répression exercés par la Couronne britannique. Beaucoup sont partis de pays qui ont mené des luttes pour l'indépendance, notamment l'Inde, la Malaisie et Chypre, où la résistance a été brutalement réprimée par le Royaume-Uni et ceux qui servaient la Couronne britannique. La liste des pays est longue. »

Leah Gazan a dit :

« Madame la Présidente, mon collègue a mentionné deux mots, 'liberté' et 'privilège'.

« Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, demande à la Couronne de présenter ses excuses pour son rôle dans les pensionnats. Paul Andrew, un survivant des pensionnats, a dit que la reine était partie aux traités et qu'elle avait l'obligation d'honorer les ententes que la Couronne n'avait jamais respectées, par exemple la participation de la monarchie à l'esclavage. Les habitants de ce pays qu'on appelle aujourd'hui le Canada ne jouissent pas tous de la liberté et des privilèges dont il est question. En fait, bon nombre d'entre nous continuent actuellement de lutter pour obtenir la reconnaissance de notre liberté, de nos droits et de nos privilèges, dont nous ont privés le génocide et la colonisation auxquels la Couronne a participé.

« J'aimerais demander au député s'il est d'accord avec moi pour dire que la Couronne a participé à un génocide violent contre certains groupes dans le monde. »

Au cours d'un débat le jour même sur les affaires autochtones, Lori Idlout a dit :

« Pendant trop longtemps, les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont été ignorés lorsqu'ils racontaient le récit des proches qu'ils avaient perdus à cause du système des pensionnats autochtones. Toutes ces années passées à les ignorer ont miné le chemin vers la guérison. Il est scandaleux que les communautés autochtones en soient réduites à quémander des fonds. Les délais pour réaliser les promesses doivent cesser. Les Inuits, les Métis et les Premières Nations ont reçu beaucoup trop de promesses auxquelles on n'a pas donné suite.

« Le ministre des Relations Couronne-Autochtones a dit ce qui suit : 'Certains ont dit que cela pourrait prendre 10 ans, et la pire chose qui pourrait arriver, c'est qu'un gouvernement renonce à cet engagement. Nous allons poursuivre nos efforts, mais au même rythme que les communautés.'

« Dans le budget de 2022 se trouvait un poste budgétaire étrange. Celui-ci prévoyait le versement de 5,1 millions de dollars à Sécurité publique Canada pour que la Gendarmerie royale du Canada puisse appuyer des initiatives communautaires relatives aux tombes anonymes. En finançant la GRC au lieu de soutenir les organisations dirigées par les Autochtones, comme le Secrétariat des survivants, le gouvernement perpétue des pratiques colonialistes. Comment se fait-il que ces fonds ne servent pas à financer directement les Autochtones pour qu'ils puissent se remettre des séquelles honteuses des pensionnats et du colonialisme ? »

Le député libéral Joël Lightbound a dit, entre autres :

« Monsieur le Président, je remercie ma collègue de son discours. Je pense que c'est un débat quand même intéressant à la Chambre ce matin. Je partage plusieurs des sensibilités de mes collègues de l'autre côté de la Chambre. Pour moi, prêter le serment d'allégeance à la Couronne britannique à chaque élection ne sont pas des moments précieux dans ma mémoire. C'est quelque chose dont je me serais certainement passé. Je pense que mon attachement à la Couronne britannique est probablement au même niveau que le leur. » Plus tard, il a dit au Devoir que les députés fédéraux devraient à l'avenir avoir le choix de prêter serment d'allégeance au monarque britannique ou pas.

Ces interventions et le vote ont fait partie de l'opposition aux menaces proférées, tout particulièrement par le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes. Celui-ci a dit que le chef du Bloc devrait perdre son siège à la Chambre parce qu'il a dit que le serment d'allégeance au roi d'Angleterre était imposé et allait à l'encontre de la liberté de pensée des députés et que, par conséquent, son serment d'allégeance n'était pas sincère.

Suite au vote, des députés ont parlé de cette atteinte à la liberté de pensée.

Le député libéral de Madawaska–Restigouche au Nouveau-Brunswick, René Arsenault, qui a voté contre la motion du Bloc, a dit que le fait de devoir prêter serment d'allégeance à la reine d'Angleterre depuis son élection en 2015 le rendait mal à l'aise. « Ma situation à moi, mon histoire veut que ce soit à l'aide de ce serment qu'on a déporté les Acadiens. Si on connaît son histoire, on n'est pas à l'aise avec ça. »

Il a dit au Devoir qu'il serait prêt à élaborer une motion ou un projet de loi qui abrogerait l'aspect obligatoire du serment.

Le chef du Bloc Québécois Yves-François Blanchet a dit que l'appui exprimé montre que la question est loin d'être terminée. « Je pense que c'est la pointe de l'iceberg et que ce qui en ressort c'est que nous devrions prêter serment selon notre conscience. »

Pendant ce temps, au lendemain du vote, certains députés libéraux ont maintenu que Blanchet ne devrait plus avoir droit à son siège.

« Il ne devrait pas être à la Chambre s'il n'est pas honnête dans son engagement », a dit Judy Sgro, députée de Humber River–Black Creek en Ontario.

Le premier ministre Trudeau semblait vouloir éviter une crise constitutionnelle si le chef du Bloc était expulsé de la Chambre des communes. Au lendemain du vote, il a dit : « La réalité, c'est qu'il y a bien des gens qui prêtent des serments à la Reine pour devenir citoyens et qui le retirent par la suite. M. Blanchet a été élu par des Canadiens pour servir dans cette Chambre et il s'expliquera au moment voulu sur le serment d'allégeance. »

Le chef du Nouveau Parti Démocratique Jagmeet Singh, ainsi que sept de ses députés, n'ont pas voté. « L'objectif de cette motion n'est pas une priorité pour lui, tout comme ce n'est pas une priorité pour le peuple », dit-on dans un message de son bureau.

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