Un appui significatif et historique à la motion pour rompre les liens entre le Canada et la monarchie britannique
À la Chambre des communes le 26 octobre 2022, 44 députés ont voté en faveur de la motion du Bloc Québécois, présentée la veille, pour rompre les liens entre l'État canadien et la monarchie britannique. Deux-cent soixante-six députés ont voté contre la motion.
Les 31 députés du Bloc Québécois présents au moment du vote (sur 32 députés) ont voté pour la motion, et 13 autres députés ont fait de même. Il s'agit de :
- Charlie Angus, NPD, Timmins–James Bay, en Ontario
- Niki Ashton, NPD, Churchill–Keewatinook, au Manitoba
- Alexandre Boulerice, NPD, Rosemont–La Petite-Prairie, au
Québec
- Laurel Collins, NPD, Victoria, en Colombie-Britannique
- Don Davies, NPD, Vancouver Kingsway, en Colombie-Britannique
- Blake Desjarlais, NPD, Edmonton Griesbach, en Alberta
- Leah Gazan, NPD, Winnipeg Centre, au Manitoba
- Matthew Green, NPD, Hamilton Centre, en Ontario
- Lori Idlout, NPD, Nunavut
- Jenny Kwan, MPD, Vancouver-Est, en Colombie-Britannique
- Alain Rayes, indépendant, ancien conservateur,
Richmond–Arthabaska, au Québec
- Joël Lightbound, Parti libéral, Louis-Hébert, au Québec
- Mike Morrice, Parti Vert, Kitchener Centre, en Ontario
Certains de ces députés sont intervenus au cours du débat, annonçant ou laissant entendre qu'ils voteraient pour la motion du Bloc.
L'intervention la plus significative a été celle de Niki Ashton, qui a nettement exprimé son appui à la motion du Bloc. Elle a dit, entre autres :
« Nous devons souligner la deuxième Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, qui s'appuie sur le travail de la Commission de vérité et réconciliation, et qui indique clairement que nous devons reconnaître la vérité en ce qui concerne l'horrible histoire de la colonisation du Canada. Cette colonisation est ancrée dans le contrôle de la Couronne, à son avantage. Avec la Loi sur les Indiens, le système des réserves, le système des pensionnats, le pillage des ressources autochtones et le génocide des peuples autochtones, les effets dévastateurs de la colonisation sont encore évidents aujourd'hui.
« La réconciliation implique de poursuivre le chemin de la décolonisation, et cela doit inclure la fin de nos liens avec la monarchie britannique. La monarchie est un symbole de colonialisme pour de nombreux peuples autochtones et pour de nombreuses personnes venues du monde entier au Canada. De nombreuses personnes ont quitté leur pays pour une vie meilleure en raison des conflits, de l'appauvrissement et de la répression exercés par la Couronne britannique. Beaucoup sont partis de pays qui ont mené des luttes pour l'indépendance, notamment l'Inde, la Malaisie et Chypre, où la résistance a été brutalement réprimée par le Royaume-Uni et ceux qui servaient la Couronne britannique. La liste des pays est longue. »
Leah Gazan a dit :
« Madame la Présidente, mon collègue a mentionné deux mots, 'liberté' et 'privilège'.
« Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, demande à la Couronne de présenter ses excuses pour son rôle dans les pensionnats. Paul Andrew, un survivant des pensionnats, a dit que la reine était partie aux traités et qu'elle avait l'obligation d'honorer les ententes que la Couronne n'avait jamais respectées, par exemple la participation de la monarchie à l'esclavage. Les habitants de ce pays qu'on appelle aujourd'hui le Canada ne jouissent pas tous de la liberté et des privilèges dont il est question. En fait, bon nombre d'entre nous continuent actuellement de lutter pour obtenir la reconnaissance de notre liberté, de nos droits et de nos privilèges, dont nous ont privés le génocide et la colonisation auxquels la Couronne a participé.
« J'aimerais demander au député s'il est d'accord avec moi pour dire que la Couronne a participé à un génocide violent contre certains groupes dans le monde. »
Au cours d'un débat le jour même sur les affaires autochtones, Lori Idlout a dit :
« Pendant trop longtemps, les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont été ignorés lorsqu'ils racontaient le récit des proches qu'ils avaient perdus à cause du système des pensionnats autochtones. Toutes ces années passées à les ignorer ont miné le chemin vers la guérison. Il est scandaleux que les communautés autochtones en soient réduites à quémander des fonds. Les délais pour réaliser les promesses doivent cesser. Les Inuits, les Métis et les Premières Nations ont reçu beaucoup trop de promesses auxquelles on n'a pas donné suite.
« Le ministre des Relations Couronne-Autochtones a dit ce qui suit : 'Certains ont dit que cela pourrait prendre 10 ans, et la pire chose qui pourrait arriver, c'est qu'un gouvernement renonce à cet engagement. Nous allons poursuivre nos efforts, mais au même rythme que les communautés.'
« Dans le budget de 2022 se trouvait un poste budgétaire étrange. Celui-ci prévoyait le versement de 5,1 millions de dollars à Sécurité publique Canada pour que la Gendarmerie royale du Canada puisse appuyer des initiatives communautaires relatives aux tombes anonymes. En finançant la GRC au lieu de soutenir les organisations dirigées par les Autochtones, comme le Secrétariat des survivants, le gouvernement perpétue des pratiques colonialistes. Comment se fait-il que ces fonds ne servent pas à financer directement les Autochtones pour qu'ils puissent se remettre des séquelles honteuses des pensionnats et du colonialisme ? »
Le député libéral Joël Lightbound a dit, entre autres :
« Monsieur le Président, je remercie ma collègue de son discours. Je pense que c'est un débat quand même intéressant à la Chambre ce matin. Je partage plusieurs des sensibilités de mes collègues de l'autre côté de la Chambre. Pour moi, prêter le serment d'allégeance à la Couronne britannique à chaque élection ne sont pas des moments précieux dans ma mémoire. C'est quelque chose dont je me serais certainement passé. Je pense que mon attachement à la Couronne britannique est probablement au même niveau que le leur. » Plus tard, il a dit au Devoir que les députés fédéraux devraient à l'avenir avoir le choix de prêter serment d'allégeance au monarque britannique ou pas.
Ces interventions et le vote ont fait partie de l'opposition aux menaces proférées, tout particulièrement par le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes. Celui-ci a dit que le chef du Bloc devrait perdre son siège à la Chambre parce qu'il a dit que le serment d'allégeance au roi d'Angleterre était imposé et allait à l'encontre de la liberté de pensée des députés et que, par conséquent, son serment d'allégeance n'était pas sincère.
Suite au vote, des députés ont parlé de cette atteinte à la liberté de pensée.
Le député libéral de Madawaska–Restigouche au Nouveau-Brunswick, René Arsenault, qui a voté contre la motion du Bloc, a dit que le fait de devoir prêter serment d'allégeance à la reine d'Angleterre depuis son élection en 2015 le rendait mal à l'aise. « Ma situation à moi, mon histoire veut que ce soit à l'aide de ce serment qu'on a déporté les Acadiens. Si on connaît son histoire, on n'est pas à l'aise avec ça. »
Il a dit au Devoir qu'il serait prêt à élaborer une motion ou un projet de loi qui abrogerait l'aspect obligatoire du serment.
Le chef du Bloc Québécois Yves-François Blanchet a dit que l'appui exprimé montre que la question est loin d'être terminée. « Je pense que c'est la pointe de l'iceberg et que ce qui en ressort c'est que nous devrions prêter serment selon notre conscience. »
Pendant ce temps, au lendemain du vote, certains députés libéraux ont maintenu que Blanchet ne devrait plus avoir droit à son siège.
« Il ne devrait pas être à la Chambre s'il n'est pas honnête dans son engagement », a dit Judy Sgro, députée de Humber River–Black Creek en Ontario.
Le premier ministre Trudeau semblait vouloir éviter une crise constitutionnelle si le chef du Bloc était expulsé de la Chambre des communes. Au lendemain du vote, il a dit : « La réalité, c'est qu'il y a bien des gens qui prêtent des serments à la Reine pour devenir citoyens et qui le retirent par la suite. M. Blanchet a été élu par des Canadiens pour servir dans cette Chambre et il s'expliquera au moment voulu sur le serment d'allégeance. »
Le chef du Nouveau Parti Démocratique Jagmeet Singh, ainsi que sept de ses députés, n'ont pas voté. « L'objectif de cette motion n'est pas une priorité pour lui, tout comme ce n'est pas une priorité pour le peuple », dit-on dans un message de son bureau.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 6 - Juin 2023
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