Numéro 13

11 juin 2021

TABLE DES MATIÈRES

Sommet du Groupe des Sept en Cornouailles,
Angleterre, du 11 au 13 juin

Opposition généralisée au Sommet des dirigeants du G7

Le sommet en crise d'une alliance en crise

- Pauline Easton -


Le contenu des valeurs et de l'ordre international fondé sur des règles que veut imposer le G7

Discussion relative à la promotion de «valeurs partagées»

Les valeurs contenues dans la Charte de Paris

- Hardial Bains -

Le contenu du «nouvel ordre mondial» établi par la Charte de Paris

- Hardial Bains -

La proposition impérialiste américaine de ressusciter le «concert des puissances» pour servir la quête de domination des États-Unis

- Kathleen Chandler -

La conception d'un ordre international fondé sur des règles et
le rôle de la mesure, des normes et de l'action humaine pour progresser d'ouverture en ouverture

- Centre d'études idéologiques -



Sommet du Groupe des Sept en Cornouailles, Angleterre, du 11 au 13 juin

Opposition généralisée au Sommet
des dirigeants du G7

Le « Sommet des dirigeants » du Groupe des Sept (G7), qui se tient du 11 au 13 juin, réunit les chefs d'État des sept pays qui le composent : Allemagne, Canada, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et États-Unis. Il se tiendra dans la petite ville de Carbis Bay en Cornouailles, en Angleterre. Carbis Bay a une population d'à peine 3 500 habitants. Pour défendre le « partenariat du G7 fondé sur des valeurs et des intérêts communs », plus de 5 000 policiers de toute l'Angleterre sont mobilisés. Il y a également des bateaux de police, des drones, 150 chiens policiers et des forces spéciales en tenue anti-émeute. Des centaines de membres des forces armées sont également présents.

Des actions des peuples de Grande-Bretagne et d'Europe et des réunions virtuelles dans le monde entier ont lieu pour dénoncer le sommet du G7 et le sommet de l'OTAN qui se tient le 14 juin à Bruxelles, en Belgique. Ces actions présentent les revendications des peuples comme la fourniture de vaccins gratuits aux peuples du monde entier, les revendications liées à la crise climatique, la pauvreté, la demande d'égalité et de réparations pour les crimes d'esclavage et de génocide et bien d'autres. Les actions sont contre les activités bellicistes de l'OTAN dirigée par les États-Unis et dénoncent la position impérialiste qui défend les attaques des sionistes contre le peuple palestinien et l'occupation de la patrie palestinienne. Les revendications comprennent le démantèlement de ces alliances impérialistes et l'établissement de gouvernements antiguerre. Plus important encore, elles soulignent la lutte qui se mène dans le monde entier pour investir les peuples du pouvoir de décider en opposition à des systèmes qui concentrent la prise de décision entre les mains des élites dirigeantes de sept pays, dont aucune ne représente les intérêts des peuples du monde.

Des manifestations ont déjà eu lieu lors des réunions des ministres des Finances et de la Santé avant le sommet des « dirigeants » et d'autres actions sont prévues.

Deux représentants de l'Union européenne seront également présents. La Grande-Bretagne assure la présidence de la rencontre cette année et fait office de pays hôte. Elle a invité des représentants des pays non-membres que sont l'Afrique du Sud, l'Australie, la Corée du Sud et l'Inde.


Hôte de l'événement, le premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé que le sommet du G7 « vise à unir les principales démocraties pour aider le monde à mieux se relever de la pandémie de COVID-19 et à créer un avenir plus vert et plus prospère ». Cela se fera :

« - en menant le rétablissement mondial du coronavirus tout en renforçant la résilience contre les pandémies futures;
« - en faisant la promotion de la prospérité future en défendant le commerce libre et équitable;
« - en luttant contre les changements climatiques et en préservant la biodiversité de la planète; et
« - en défendant les valeurs mondiales partagées. »

Le sommet du G7 comprend également des réunions de ministres et de représentants de ce qu'on appelle les « groupes d'intervenants » du G7 : W7 (femmes), Y7 (jeunes), B7 (affaires), C7 (société civile), L7 (travail), S7 (science) et I7 (idées). Leur intention est d'être les porte-paroles de la propagande du G7 sur les « valeurs partagées », qui dissimule la violence organisée par l'État et les efforts déployés pour diviser les peuples sur la base des conceptions impérialistes des droits et pour canaliser l'argent vers l'effort pour saper la résistance des peuples des pays membres et du monde entier à l'offensive néolibérale antisociale.

La réunion de l'OTAN qui se tient immédiatement après le G7 soulignera que le moyen de faire respecter les soi-disant valeurs partagées et de démontrer la « solidarité » est le recours à l'armée. Dans le cadre des préparatifs de guerre impérialistes, les forces de l'OTAN sont utilisées pour encercler la Russie, y compris avec des bases, des armements et environ 40 000 soldats à l'heure actuelle. Les troupes des États-Unis et de l'OTAN continuent de menacer les peuples de toute l'Europe, de l'Asie de l'Ouest et de l'Est, tout cela au nom de la protection des « intérêts et valeurs partagés ».

Derrière les affirmations sur le prétendu succès des programmes de vaccination aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France se cache la réalité de l'augmentation de la pauvreté et des inégalités, de la dégradation de l'environnement naturel et de la violence. Le fait que les personnes vivant dans les pays du G7 aient 77 fois plus de chances de se voir proposer un vaccin que celles vivant dans les pays les plus pauvres du monde est révélateur des « valeurs partagées ». Au rythme actuel, il faudrait quelque 57 ans aux pays soumis aux « valeurs partagées » du G7 pour que tout le monde soit entièrement vacciné. Le partage des vaccins entre les pays du G7 et le reste du monde est censé être à l'ordre du jour du G7. Mais ce qui est caché, c'est la façon dont les grandes entreprises pharmaceutiques en profitent dans tous les cas par des stratagèmes pour payer les riches. Lors de la réunion des ministres de la Santé précédant le sommet, des manifestants ont appelé le G7 à « cesser de faire des promesses vides et de protéger les intérêts des sociétés pharmaceutiques ». Cela va droit au coeur du problème.

Une autre « valeur partagée » est le niveau élevé de corruption légale qui rend les sociétés les plus puissantes toujours plus riches et les pauvres toujours plus nombreux et toujours plus pauvres. Une étude récente montre que la rémunération moyenne des PDG des plus grandes entreprises américaines a augmenté de 29 % pour atteindre 15,3 millions de dollars en 2020, pendant la pandémie de la COVID-19, tandis que le salaire type des travailleurs a baissé de 2 % pour atteindre 28 187 dollars. La rémunération au sommet est quelque 490 fois supérieure à celle du travailleur moyen. Le maintien de ce statu quo va au coeur de ce qu'est la « valeur partagée » associée à « la liberté, la démocratie et l'égalité des chances ». Les PDG ont des « chances égales » d'arnaquer le monde pour tripler leur fortune dans les circonstances les plus défavorables pour le monde.



Il est certain que les sommets du G7 et de l'OTAN ne résoudront aucun conflit, car l'intensification des conflits d'intérêts entre les oligopoles mondiaux et leurs coalitions et cartels signifie des gouvernements en guerre et encore plus de plans de guerre, chaque intérêt privé étroit s'efforçant de dominer l'autre. Au sein même du G7, des membres comme la France et l'Allemagne restent en conflit avec les États-Unis, notamment en ce qui concerne les relations avec la Russie. Nord Stream 2, par exemple, un gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne, est en cours de construction malgré les objections des États-Unis. De même, la présence même des troupes de l'OTAN signifie la présence de bases, de troupes et de puissance de feu américaines, et menace les pays dont elles occupent le sol. Cela montre que le mantra sur les « valeurs partagées » est une menace. Les pays se font dire qu'ou bien les contradictions qui prolifèrent sur tous les fronts sont résolues d'une manière qui favorise les intérêts impérialistes américains, ou bien le refus de le faire entraînera la diffamation, les sanctions, la mort et la destruction. Ces contradictions comprennent celles relatives à l'accord nucléaire avec l'Iran et bien d'autres où la lutte pour le contrôle des marchés, des capitaux d'investissement, des ressources et des zones d'influence et de gains financiers conduit à des affrontements politiques, ce qui signifie des affrontements entre les pouvoirs de police. La désinformation massive sur les questions liées aux droits humains, au Belarus et à l'Ukraine sont toutes de cette nature. Le G-7 a depuis longtemps foulé au pied en toute impunité le droit des peuples du monde de résoudre les conflits sans recours à la force.

Les « règles » que les impérialistes américains inventent au fur et à mesure, répétées servilement par des pays comme le Canada, ne constituent pas un guide pour résoudre ces contradictions au sein du G7 ou de l'OTAN, pas plus qu'elles ne peuvent résoudre les contradictions qui s'accentuent aux États-Unis et au Canada. Ces contradictions sont le résultat de structures de pouvoir obsolètes, qu'elles soient coloniales ou modernes, dans la mesure où elles sont conçues pour garder le peuple sous contrôle, de sorte qu'il ne puisse pas utiliser son propre pouvoir pour effectuer des changements favorables à ses intérêts.

Ce sont les pays du G7 et leur démocratie obsolète qui privent les peuples du pouvoir politique et qui créent des conditions insupportables pour les peuples du monde entier. Le G7 a adopté le slogan de « redonner la gloire » à leur pays et le slogan impérialiste de l'administration américaine, repris par le Canada, de « rebâtir mieux ». Le contenu de ces slogans est tourné vers le passé qu'on cherche à projeter dans l'avenir. Dans le présent, il prend la forme de menaces alors que les temps exigent un renouveau politique qui fasse naître des formes permettant aux peuples de parler en leur propre nom. L'action humaine est essentielle pour changer le présent afin que la voie du progrès serve l'humanité dans le présent. Le mot d'ordre des peuples est Une humanité, une lutte pour les droits de tous !

La marche de la grève du climat et actions d'alarme







(Photos : Extinction Rebellion, Resist G7, C. Paillard, Yudi, H. Lindon, S. Williams, Netpol.)

Résistons au G7 et disons Non à l'OTAN

Webinaire
Contre-sommet pancanadien de l'OTAN
Bâtissons une résistance nationale à l'alliance
Lundi 14 juin à 16 h (Pacifique) / 17 h (Rocheuses) / 18 h (Centre) /
19 h (Est) / 20 h (Atlantique)

Pour s'inscrire à la réunion zome, cliquer ici

Londres, Angleterre
Résistons au G7: Justice pour la Palestine
Samedi 12 juin à 13 h
Devant le 10 Downing St.
Pour plus d'information cliquer ici

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Le sommet en crise d'une alliance en crise

Le G7, qui prétend représenter « les sociétés et les économies avancées les plus influentes et les plus ouvertes du monde », a adopté le slogan de campagne du président des États-Unis « Build Back Better » (reconstruire mieux). Cela signifie essentiellement que les pays réunis au « sommet des dirigeants » du G7 pensent pouvoir imposer au monde entier leurs « valeurs partagées » et leur soi-disant ordre international fondé sur des règles. Ils affirment que le principe de « la loi du plus fort » appartient au passé, mais tout ce qu'ils font, c'est trouver de nouveaux moyens de l'appliquer au présent. Ils veulent façonner l'avenir avec leur conception impérialiste pragmatique dans laquelle rien ne réussit mieux que le succès. En d'autres termes, ils établissent les règles et utilisent ensuite la force pour les imposer à ceux qui ne se soumettent pas. Ils font cela partout dans le monde. Ils l'ont fait lorsque l'Union soviétique est tombée et qu'ils ont adopté la Charte de Paris qui dictait les règles; ils ont ensuite imposé des règles aux peuples du monde au nom de la démocratie, des droits humains et de la prospérité. Ils ont décidé des règles de la soi-disant libre circulation des biens et des capitaux, des systèmes électoraux multipartites et des droits de l'homme, dont aucune n'adhère aux normes adoptées par les Nations unies qui constituent l'état de droit international. Quiconque ne se conforme pas à leurs règles arbitraires s'expose à des sanctions et à d'autres formes de mort et destruction.

Leur désir de « redevenir grands » les renvoie à un passé qu'ils considèrent comme glorieux, alors même que les peuples du monde entier ont entrepris de régler les comptes avec les héritages du génocide, de l'esclavage, des rapports de production capitalistes et impérialistes et des États-nations dont les structures sont conçues pour défendre les droits de propriété au détriment des droits humains. Ils en imposent à leurs adversaires, en particulier la Chine, la Russie et tous les pays qui défendent leur propre voie de développement, en promouvant la conception impérialiste selon laquelle les États-Unis sont la nation « indispensable ». Selon les termes employés par la Maison-Blanche, le sommet du G7 servira à « faire avancer les priorités politiques clés des États-Unis en matière de santé publique, de reprise économique et de changements climatiques, et à démontrer la solidarité et les valeurs partagées entre les grandes démocraties ».

Le message de Joe Biden aux médias lors de son départ pour le G7 était que « les États-Unis sont de retour » et que « les démocraties sont solidaires ». Il a déclaré que son objectif pour le G7 est de « renforcer l'alliance et faire comprendre à Poutine et à la Chine que l'Europe et les États-Unis sont soudés, et que le G7 va bouger ». Sept pays et des alliés assortis dépensent des millions de dollars pour tenir et sécuriser leur réunion où ils comptent dicter ce que le reste des 193 nations qui composent les Nations unies peuvent ou ne peuvent pas faire. Puisque leurs actes ne sont pas l'argument dont ils ont besoin pour convaincre, il ne reste que leur puissance de feu avec laquelle ils défendent leur monopole de l'usage de la force.

C'est une recette de guerre et ça ne doit pas passer. Les peuples du monde se lèvent comme une seule humanité engagée dans une seule lutte pour régler leurs comptes avec les héritages coloniaux et impérialistes. C'est leurs luttes pour faire valoir les réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société du fait qu'ils sont humains qui sont décisives pour endiguer la marée de la guerre impérialiste pour le repartage des ressources du monde, des zones de main-d'oeuvre bon marché, des zones d'exportation du capital et des zones d'influence.

La bravade n'est jamais convaincante comme moyen d'inspirer confiance. L'expression d'un soulagement devant la succession de Joe Biden à Donald Trump, comme signe que c'est enfin la « collégialité » qui l'emportera et que, sur cette base, tous les problèmes pourront être abordés, est à la fois désespéré et pitoyable. Malgré toute sa collégialité, le scénario de la guerre civile se profile plus que jamais aux États-Unis. Quant au ton doucereux du premier ministre canadien Justin Trudeau qui veut parler des droits des femmes et des jeunes filles, des peuples autochtones et d'environnement, son allégeance à la reine d'Angleterre et à tous les pouvoirs de prérogative liés aux fonctions exécutives et judiciaires de l'État lui impose le devoir de préserver l'héritage colonial en matière de relations de pouvoir, qui est inscrit dans la Constitution canadienne. Le renouveau politique est à l'ordre du jour dans chaque pays pour répondre aux exigences de l'époque, tandis qu'au niveau international, tous les peuples et pays sont tenus de respecter l'État de droit international qui guide les relations entre nations souveraines. Les normes et le contenu de l'état de droit international sont violés par l'ordre international dit « fondé sur des règles », lequel nous devons condamner sans relâche.

Il y a eu beaucoup de démonstrations de puissance de feu et de tractations en coulisses en faveur des oligopoles mondiaux et de leurs cartels et coalitions sous le couvert de l'attitude belliqueuse de la présidence Trump envers les partenaires américains de la soi-disant alliance transatlantique. L'affirmation de Joe Biden que « les États-Unis ont un engagement envers l'OTAN, la sécurité transatlantique et la défense collective », tout en exigeant, comme Trump, que les pays de l'OTAN augmentent leur participation dans les exercices de guerre et leur financement de l'OTAN, révèle que cette puissance de feu et ce marchandage restent constants derrière la prétendue approche collégiale de Biden qui n'est pas moins arrogante et encore plus exigeante. La politique du bord de l'abîme pratiquée en mer Noire et en mer de Chine méridionale est conçue pour tester la force des armées des puissances rivales. C'est un jeu très dangereux dont la seule issue est la guerre inter-impérialiste.

Les affirmations de Joe Biden au sujet de la « nation indispensable » et de l'« unité étroite » au sein de l'alliance transatlantique se heurtent aux conditions matérielles du monde actuel. L'ancienne équation selon laquelle quiconque contrôlerait l'Europe dominerait l'Asie n'a aucun rapport avec la réalité d'aujourd'hui. Les États-Unis ne parviennent pas non plus à contrôler l'Europe et ne peuvent pas non plus dominer l'Asie dont les forces productives dépassent de loin les leurs et, à l'échelle mondiale, la révolution scientifique et technique a créé des forces productives qui peuvent être décrites comme une force géologique échappant au contrôle de tout intérêt privé étroit. Pour régler les comptes avec le bellicisme impérialiste des États-Unis et de leur alliance agressive qu'est l'OTAN, les peuples doivent trouver des solutions sur la base d'un internationalisme prolétarien moderne et non pas sur la base de vieux calculs géopolitiques fondés sur la supériorité de ceux qui font les règles et s'arrogent par conséquent le droit d'interpréter les règles d'un soi-disant ordre international fondé sur des règles.

Aucun peuple, où que ce soit, ne donne à un président américain, à un premier ministre canadien ou britannique ou à des pays comme l'Allemagne, la France et le Japon le droit de déclarer que les « valeurs » que des institutions comme le G7 ou l'OTAN imposent au monde par la force économique, politique et militaire sont les meilleures que l'humanité ait produites et doivent être défendues à tout prix. Ils présentent cela comme une évidence, un sujet qui ne doit pas être discuté, un fait qu'on ne doit pas remettre en question, au risque de se faire étiqueter d'extrémiste, d'élément marginal, de populiste ou d'agent de l'ennemi ou se voir apposer d'autres épithètes qui vous rangent dans la catégorie de ceux qui sont indignes de considération. Mais quelles sont ces « valeurs » et qui a décidé que ce sont « nos » valeurs ? Tout est fait pour étouffer la discussion sur les prétendues valeurs communes que le G7 et l'OTAN préconisent et qui seraient aussi des valeurs canadiennes, britanniques, etc.

Face à la vague de refus de l'état de choses de la part des peuples des États-Unis et du monde, une réponse commune des élites dirigeantes est de déclarer un « engagement » à faire mieux. Pour concrétiser cet « engagement », les préparatifs de guerre sont poussés à leur paroxysme et la campagne de désinformation vise à promouvoir la sinophobie et la russophobie, en accusant la Chine et la Russie de tous les maux du monde. Tout cela est fait pour saper le mouvement populaire contre la guerre, contre l'héritage raciste et pour l'émancipation. Un des moyens qu'utilisent ces élites dirigeantes pour détourner le mouvement est de fixer l'ordre du jour pour ensuite demander à tous les peuples du monde de réagir à cet ordre du jour au lieu d'établir le leur et de s'engager dans des actions qui le feront avancer. La réalité est que leur frénésie de la haine ne justifiera jamais l'anarchie, la violence, la privation et la souffrance dans lesquelles les grandes puissances ont plongé le monde.


       Sculpture intitulée « Mount Recyclemore : le E7 », faite de déchets de produits électroniques, à l'image des dirigeants du G7 et dans le style du Mont Rushmore, création de l'artiste britannique Joe Rush sur la plage de Sandy Acres en Cornouailles.

Le G7 est un groupe en crise, ce qui explique que ses solutions consistent à revenir en arrière et à essayer de maintenir des systèmes qui se sont déjà avérés dysfonctionnels et non viables. Leurs démocraties, avec leurs « valeurs partagées » d'« élections libres et équitables », de « systèmes multipartites » et d'« économie de marché », vont de crise en crise. Elles sont contrôlées par des élites corrompues qui n'ont pas d'arguments adaptés au présent, qui répondent aux problèmes du présent. Leur soi-disant ordre international fondé sur des règles, dont les règles sont contraires à ce qui est reconnu comme constituant l'état de droit international, est défini par eux dans une perspective centrée sur leurs propres intérêts, ce qu'aucun pays ou peuple qui se respecte ne peut accepter.

Le G7 est une alliance en crise qui tient un sommet en crise. En effet, les crises sont telles que même les groupes de réflexion des cercles dirigeants, comme le Conseil des relations étrangères des États-Unis, qui prétendent rassembler les factions dirigeantes rivales, parlent d'éliminer complètement le G7 et les institutions d'après-guerre en faveur d'un « concert des puissances ». Ils proposent que ce « concert des puissances » comprenne les États-Unis, la Chine, l'Inde, le Japon, la Russie et l'Union européenne et soit chargé d'établir un consensus sur la manière de régler tous les problèmes auxquels ils sont confrontés et auxquels l'humanité est confrontée, et d'éviter ainsi la guerre.

Évidemment, tous les pays doivent se soumettre à l'exigence que les États-Unis doivent être considérés comme la « nation indispensable » et que ce soit eux qui établissent les règles. Cela ne fait que souligner à quel point ils sont devenus pitoyables et qu'il y a nécessité urgente de sauver l'humanité de ces sauveurs condescendants !


Cette photo circule sur les médias sociaux pour dénoncer la présence policière massive au sommet. Le bateau de croisière, d'une capacité de 3 000 personnes, loué pour accueillir une partie des policiers supplémentaires déployés dans la région, est amarré à Carbis Bay, en Cornouailles.

(Photos : Extinction Rebellion, Circular, P. Egerton.)

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Le contenu des valeurs et de l'ordre international fondé
sur des règles que veut imposer le G7

Discussion relative à la promotion
de «valeurs partagées»

Le Supplément du Marxiste-Léniniste publie ci-dessous des extraits de deux discours de Hardial Bains, dirigeant du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste), qui discutent de la signification des valeurs communes que les impérialistes américains et leurs alliés, y compris le Canada, mettent de l'avant depuis la fin de la division bipolaire du monde, alors que les États-Unis s'efforcent de devenir l'unique superpuissance et hégémon du monde.

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Les valeurs contenues dans la Charte de Paris

Extrait du discours principal prononcé par Hardial Bains lors du Séminaire international sur le communisme et les exigences de la démocratie moderne, tenu à Chicago le 8 octobre 1994. Le discours s'intitule « Crise des valeurs : pour une théorie politique indienne moderne ».

* * *

Alors que s'effondrait l'Union soviétique, tous les pays d'Europe sauf l'Albanie (qui a signé plus tard) de même que le Canada et les États-Unis, se sont réunis à Paris le 14 novembre 1990 et en grandes pompes ont signé un document intitulé : Charte de Paris pour une Europe nouvelle. Cette charte venait affirmer la supériorité de ce qui était devenu périmé depuis longtemps. Une Europe nouvelle fondée sur une telle charte devait forcément s'enliser dans une crise des valeurs, puisque les définitions modernes et les aspirations des peuples au progrès se heurtaient aux tentatives d'enchaîner le monde à nouveau. C'était une proclamation de la bourgeoisie d'Europe, des États-Unis et du Canada, sous l'empire des monopoles, en appui à l'économie de marché, au pluralisme et à une définition des droits humains fondée sur leur notion particulière de démocratie.

La Charte stipule :

« Nous entreprenons de bâtir, consolider et renforcer la démocratie en tant que seul système de gouvernement de nos nations. Dans cette entreprise, nous nous en tiendrons à ce qui suit :

« Les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont des droits de naissance de tout être humain. Ils sont inviolables et garantis par la loi. Leur protection et leur promotion sont la responsabilité première du gouvernement. Leur respect est un rempart essentiel contre un État omnipotent. L'observance et le plein exercice de ces droits et libertés sont les fondements de la liberté, de la justice et de la paix.

« Tout gouvernement démocratique est fondé sur la volonté du peuple telle qu'exprimée régulièrement à travers des élections justes et libres. La démocratie a comme fondement le respect de la personne humaine et un État de droit. La démocratie est la meilleure garantie de la liberté d'expression, de la tolérance pour tous les groupes dans la société et de l'égalité des chances pour tous.

« La démocratie, avec ses caractères représentatif et pluraliste, suppose la responsabilité envers l'électorat, l'obligation pour les autorités publiques de se soumettre à la loi et à l'administration impartiale de la justice. Personne n'est au-dessus de la loi.

« Nous affirmons que tous les individus, sans discrimination, ont le droit à :
- la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance;
- la liberté d'expression;
- la liberté d'association et de rassemblement pacifique;
- la liberté de mouvement.

« Personne ne sera :
- soumis à une arrestation ou détention arbitraire;
- soumis à la torture ou à tout autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant.

« Tout être humain a le droit :
- de connaître ses droits et d'agir en vertu de ceux-ci;
- de participer dans des élections justes et libres; à un procès juste et public s'il est accusé d'un délit ou d'un méfait;
- de détenir une propriété, seul ou en association et d'exploiter une entreprise;
- de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels.

« De plus :

« La liberté économique, la justice sociale et la responsabilité environnementale sont indispensables à la prospérité.

« Le libre arbitre de chaque individu exercé en démocratie et protégé par un État de droit constitue le fondement du succès du développement économique et social.

« Nous encouragerons toute activité économique qui respecte et soutient la dignité humaine.

« La liberté et le pluralisme politique sont des éléments nécessaires à nos objectifs communs de développement des économies de marché vers une croissance économique soutenable, la prospérité, la justice sociale, un nombre croissant d'emplois et une utilisation efficace des ressources économiques. Il est important et dans notre intérêt à tous que soient couronnés de succès les efforts des pays qui tentent une transition vers une économie de marché. Leur succès nous permettra à tous de partager un niveau plus élevé de prospérité, ce qui est notre objectif commun. »

En conclusion, la Charte de Paris déclare :

« Conscients des besoins pressants d'une grande partie du monde, nous nous engageons à nous solidariser avec tous les autres pays. De Paris, nous lançons donc un appel à toutes les nations du monde. Nous sommes prêts à nous joindre à tout État dans un effort commun pour protéger et faire avancer la communauté des valeurs humaines fondamentales. »

Quand on considère la Charte de Paris comme un tout, il est clair qu'il s'agissait d'une déclaration de la vieille Europe, de concert avec les États-Unis et le Canada, d'une tentative de présenter de vieilles définitions au monde, définitions qu'elle espérait faire passer pour quelque chose de moderne et dont elle pourrait se servir pour dominer le monde à nouveau.

Mais la Charte de Paris n'a pas résolu la crise des valeurs. Au contraire, cette crise s'est aggravée lorsqu'on a tenté d'imposer cette charte au monde dans cette nouvelle situation qui venait de se créer avec la fin de la division bipolaire du monde.

La signature de la Charte de Paris constituait aussi un engagement de l'impérialisme anglo-américain à poursuivre la guerre froide dans les nouvelles conditions et de proclamer sa victoire sur le communisme. Au centre de cette crise des valeurs, il y a le fait qu'aujourd'hui les valeurs européennes – enchâssées dans la Charte de Paris – sont imposées au monde entier. La crise des valeurs s'approfondit du fait que partout dans le monde des pays et des peuples y résistent.

Où les valeurs de la Charte de Paris trouvent-elles leur origine ? Dans la conception anglo-américaine de la démocratie, datant de la guerre froide, une conception qui a pour objectif l'anticommunisme et le développement du système impérialiste en faveur de l'impérialisme américain – même si aujourd'hui les Allemands, les Japonais, les Français, les Britanniques et d'autres contestent la domination américaine. Pour l'instant toutes ces puissances ont intérêt à proclamer ces valeurs, quitte à plus tard mettre de l'avant les leurs. Tôt ou tard il y aura affrontement, entre elles, mais aussi avec d'autres forces expansionnistes qui ont des valeurs propres : la Chine, la Russie, ou encore ce qu'on appelle l'Asie ou l'Islam, pour ne nommer que celles-là. Une manifestation de ce phénomène est l'opposition à ce qu'on appelle l'« intégrisme islamique » à partir d'un point de vue eurocentrique, ou l'opposition à la position exprimée par l'Indonésie, l'Inde et d'autres pays sur les droits humains, sans parler de l'affrontement avec des forces carrément médiévales comme le Vatican.

Cette notion anglo-américaine de la démocratie et des valeurs qui l'accompagnent sont l'expression de l'ensemble de l'évolution de la bourgeoisie, de son apparition à son déclin de la société civile et de l'ordre mondial auxquels elle a donné naissance à la défense de la propriété privée – bref, elle est l'expression des développements qui ont marqué les périodes coloniale et postcoloniale et la période s'étendant de la fin de la Deuxième Guerre mondiale à nos jours. L'affrontement se situe au niveau des « valeurs » parce que les conditions concrètes dans chaque pays exigent une solution. Le vieux système de démocratie qui existe aujourd'hui de par le monde a besoin d'être remplacé. Il doit faire place à un nouveau système fondé sur des définitions modernes. Au lieu d'aborder les problèmes politiques à partir d'une théorie politique moderne, qui ne soit plus fondée sur les notions dépassées du XIXe siècle comme celles de « bon gouvernement », de l'État de droit et de la nationalité, on prétend maintenant que l'affrontement porte sur les valeurs. Au fond, l'affrontement au niveau des valeurs est une opposition entre le progrès et la rétrogression. [...]

(Paru originalement dans Discussion, revue trimestrielle, hiver 1994-1995)

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Le contenu du «nouvel ordre mondial» établi
par la Charte de Paris

Extrait d'un discours prononcé par Hardial Bains à Port-d'Espagne, Trinidad, en août 1991, sur l'évolution de la situation internationale à cette époque. Concentrant son analyse sur le caractère de la période qui s'ouvrait, le camarade Bains a souligné : « Cette nouvelle période qui vient de naître présente de nombreux aspects caractéristiques de l'ancienne période, mais c'est une nouvelle période parce qu'elle a aussi ses propres caractéristiques spécifiques, alors nous ne pouvons pas regarder la situation avec la perspective de l'ancienne période. »

* * *

La période qui vient de s'achever fut une grande période de révolutions à l'échelle mondiale. Elle s'est ouverte au tournant du XXe siècle avec la montée de ce qu'on a décrit à l'époque comme un nouveau type d'impérialisme, par opposition à l'ancien type d'impérialisme fondé sur la conquête directe des peuples et des nations à travers le monde. L'aspect principal de l'ancien impérialisme était la colonisation qui s'accompagnait entre autres de la réintroduction du servage. Le trait le plus caractéristique du nouvel impérialisme est qu'il avait la prétention de défendre tous les droits et libertés que pouvait défendre une personne progressiste; il avait la prétention d'être contre toute forme d'esclavage. Non seulement ce nouvel impérialisme est-il apparu pour « civiliser » le monde entier, pour apporter le message de liberté et de démocratie des pays impérialistes au monde entier, mais c'est avec ces slogans que fut menée la Première Guerre mondiale à la défense de la moralité et des valeurs civilisées « de l'empire ».

Au cours de cette guerre, à laquelle ont été entraînés presque tous les peuples du monde, s'est produit un événement que personne ne pouvait prévoir : la Grande Révolution d'Octobre. Le thème central de cette révolution était l'opposition à toutes les suppositions de l'impérialisme et de la vieille société. Elle fut marquée par l'avènement d'un nouveau gouvernement qui, pour obtenir la paix et mettre un terme à la Première Guerre mondiale, était même prêt à céder par des négociations de vastes parties de son territoire. Le premier décret du nouveau gouvernement fut de déclarer aux peuples du monde qu'ils n'auraient rien à craindre de lui. Ce nouveau gouvernement déclara qu'il ne participerait jamais à des négociations secrètes avec d'autres gouvernements; il ne participerait à aucune conspiration, aucune intrigue. Autrement dit, ce gouvernement est arrivé au pouvoir avec une politique ouverte – une politique déclarée, à la fois en termes de ses principes et de ses tactiques, de défense des droits des peuples du monde. Lénine, le dirigeant de cette révolution, lança l'appel aux peuples coloniaux de se soulever dans la lutte pour leur liberté, leur disant que cette nouvelle forme d'impérialisme était un colosse aux pieds d'argile qui, bien que tout puissant en apparence, pouvait être vaincu.

La libération des peuples coloniaux constituait la pierre angulaire de la politique de ce nouveau gouvernement. Ce nouveau gouvernement appuyait aussi tous les peuples qui luttaient pour leur émancipation sociale. À cette époque, un grave danger venait des fascistes en Italie, de même qu'en Allemagne et dans d'autres pays. Les travailleurs en Italie, tout comme en Allemagne et ailleurs, étaient à la veille d'une révolution sociale chez eux, et ce nouveau gouvernement déclara son plein appui à la classe ouvrière et aux autres peuples qui s'étaient révoltés contre le système dans leur pays.

Quatorze pays de ce qu'on appelle l'« Occident » envoyèrent des troupes contre ce gouvernement, pour écraser et détruire le nouveau régime et restaurer les éléments féodaux qui avaient été renversés, les généraux qui rétabliraient le régime tsariste. Ces quatorze pays échouèrent dans leur mission contre la Russie soviétique, mais ils parvinrent à arrêter l'opposition à la montée de Benito Mussolini. Tous les gouvernements « civilisés » et « démocratiques » de l'« Occident » appuyèrent la montée de Benito Mussolini. Dans un processus s'étendant sur plusieurs années, on vit aussi la montée de l'Allemagne hitlérienne. Ces gouvernements ont non seulement financé l'avènement au pouvoir de Hitler, ce qui est bien connu, mais ils ont aussi conclu avec Hitler des ententes secrètes pour la subjugation des peuples d'autres pays. Dans les années 1930, ce sont eux qui ont soutenu Francisco Franco qui noyait dans le sang la lutte du peuple espagnol dans ce qu'on a appelé la guerre civile espagnole de 1936 à 1939. Cette période de 1917 à 1939 est une période marquée par les plus grandes perfidies de ces gouvernements occidentaux envers la lutte des peuples du monde. Aujourd'hui en 1991, alors que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, on voudrait nous faire croire que tous ces gens, tous ces révolutionnaires qui ont lutté en Amérique du Sud, en Europe, en Asie et en Afrique étaient des fascistes, qu'ils se battaient contre la liberté, qu'ils étaient tous pour l'asservissement des peuples dans le monde et, qu'en fait, ce sont les États-Unis d'Amérique, ou les gouvernements français, allemands et britanniques qui étaient pour la liberté ! [...]

L'histoire depuis la Deuxième Guerre mondiale démontre que pas un seul dictateur n'a surgi sans l'appui direct des États-Unis, de la France ou de la Grande-Bretagne ou de tous les trois ensemble. Le dictateur sanguinaire Pinochet au Chili a survécu avec l'appui direct des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et d'autres. Ils n'ont pas réclamé sa tête. Ils n'ont pas réclamé non plus celle d'Imelda Marcos aux Philippines, ni celle des autres dictateurs qui parcouraient le monde. Quand ils ne sont pas parvenus à convaincre leur propre agent Noriega au Panama de s'effacer, ils ont envahi le Panama pour l'arrêter et le traduire devant les tribunaux aux États-Unis. Ils essaient de nous faire croire, de convaincre le monde, qu'ils ont toujours été pour la liberté, mais ils voudraient qu'on oublie le colonialisme mondial; cette tache noire de l'humanité, la réintroduction du servage; ils voudraient qu'on oublie tous les crimes qui sont commis de nos jours – les grandes famines en Afrique, les grandes famines en Asie, toutes les maladies qui affligent l'humanité. Nous devrions applaudir la bravade et la victoire de Boris Eltsine et déclarer que maintenant le monde est à l'abri de ces communistes assoiffés de sang ! Cette période inaugurée par la Révolution d'Octobre est terminée. On nous présente Mikhaïl Gorbatchev d'une part comme un homme bon qu'il faut appuyer malgré qu'il soit un communiste, selon eux, et que nous sommes censés nous opposer au communisme. Faut-il l'appuyer ou s'y opposer ?

Ou bien nous devrions nous opposer au communisme et démettre Gorbatchev en tant que communiste, ou bien le communisme est très bien. C'est l'un ou l'autre. Après tout, Gorbatchev est dans le parti depuis plus de quarante ans et en a toujours été un officier à un niveau ou à un autre. II en était le secrétaire général durant plus de six ans. Ou devrions-nous plutôt le considérer comme un démocrate, quelqu'un qui parlera contre le communisme ? On crée ainsi un tas d'autres personnalités dans le monde. Par exemple, on dit que les Chinois sont des communistes purs et durs, mais George Bush leur a une fois de plus récemment accordé le statut de nation la plus favorisée. Les impérialistes ont toutes sortes de rapports sociaux, culturels et commerciaux avec les Chinois, qu'ils continuent de présenter comme des durs, des communistes. Et nous devrions nous soulever contre le communisme parce que la Chine existe ! Pourquoi donc ? Durant cette période on ne devrait jamais perdre de vue qu'aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, pas une seule grande personnalité n'a soulevé pourquoi tant de boue était lancée contre Staline – cet homme respecté de toutes les personnalités littéraires, scientifiques et politiques de son époque. Toutes les personnalités de renom exprimaient une grande admiration pour Staline dans les années 1930 et 1940, y compris George Bernard Shaw et bien d'autres. Pourquoi seraient-ils tombés en amour avec un dictateur et un meurtrier ? Il y a quelque chose qui cloche dans ce qu'on raconte à propos de Staline.

Ils ne veulent même pas admettre que la base de la formation de l'Union soviétique dans les années 1920 était l'opposition au chauvinisme russe, le but était de s'assurer qu'aucun autre gouvernement russe ne dominerait les autres nations, qu'il y aurait une chambre des nationalités où toutes les nationalités de l'Union soviétique siègeraient en égales. [...]

Par définition, suivant la constitution adoptée dans les années 1930, l'Union soviétique avait effacé l'héritage de chauvinisme russe des tsars. Elle avait éliminé la Russie tsariste. Elle avait créé une nouvelle situation d'internationalisme prolétarien, de solidarité fraternelle entre les peuples de l'Union soviétique qui travaillaient ensemble pour une cause commune. C'est une véritable honte que parmi tous les chercheurs, scientifiques et autres diplômés, il ne s'en trouve pas un seul aujourd'hui qui soit assez brave pour déclarer publiquement que ce qu'on raconte à propos de l'histoire de l'Union soviétique – comment et pourquoi elle a été créée – de l'histoire de Lénine et de Staline, tout cela est faux. Certains individus cherchent à créer de la confusion en disant que dans l'ancienne Union soviétique la question était de savoir si vous êtes pour ou contre Staline. Depuis trop longtemps déjà on entend ce genre de bêtises. Si vous me posez la question, peu importe si quelqu'un en Union soviétique est pour ou contre Staline, je ne me prononcerai pas. La question à laquelle nous devons répondre est : la situation nous favorise-t-elle ou non ? Acceptons-nous cette conception des rapports entre États en vertu de laquelle les Nations unies, avec toute l'Europe, peuvent déclarer que le socialisme n'est pas valable; que personne dans le monde ne peut s'engager dans la révolution. Nous n'acceptons pas cette position. Ceux qui se disent pro-Staline en Union soviétique ne s'élèvent pas contre ce qui est réellement en train de se produire dans le monde. Trente-quatre pays, y compris l'Albanie, se sont réunis à Paris au Sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe l'an dernier et ont déclaré que l'économie de marché et le multipartisme constituaient des conditions préalables à l'établissement de rapports entre pays. Voilà le contenu de la nouvelle période qu'ils qualifient de « nouvel ordre mondial ». L'essentiel dans ce « nouvel ordre mondial » est que l'Union soviétique doit se soumettre aux États-Unis et, en se soumettant aux États-Unis, elle déclare que les États-Unis détiennent maintenant la suprématie partout. Dans la période précédente, pour des raisons qui lui sont propres, l'Union soviétique s'était rangée du côté de ce qu'on appelait le mouvement de libération nationale. Elle a soutenu des pays comme Cuba, elle a soutenu l'OLP, les Arabes, et d'autres, empêchant les États-Unis de mener certaines de leurs activités. Les États-Unis veulent que l'Union soviétique se prosterne. C'est ce que Gorbatchev, ce grand démocrate, a accompli. De là découle tout le reste.

Dans ce nouvel ordre mondial, ils ne veulent qu'une superpuissance, les États-Unis; un système économique dominé par une Banque mondiale, contrôlé par les États-Unis qui contrôlent plus de 20 % de la Banque mondiale. Ils veulent un Fonds monétaire internationale et une organisation des Nations unies, tous sous leur contrôle. La condition préalable à ce nouvel ordre mondial est que tous doivent se soumettre à ces institutions. Les Nations unies, qui n'ont jamais défendu des positions de principe ni appliqué une seule de leurs résolutions, se sont disgraciées en sanctionnant de fait une guerre de ce nouvel ordre mondial contre le peuple d'Irak. Le conflit du Golfe persique fut le premier acte de ce nouvel ordre mondial.

Le conflit en Union soviétique, tel qu'il se présente aujourd'hui, qui est la destruction de l'Union soviétique et la montée de la Russie, est un autre acte de ce nouvel ordre mondial. Le démembrement de la Yougoslavie et la montée des forces fascistes dans ce pays en est un autre. Ce nouvel ordre mondial sera le théâtre de plusieurs autres infamies encore. Ce nouvel ordre mondial n'est pas le même que celui de la période précédente. Dans l'ensemble, il n'est pas dénué des contradictions de la période précédente. La période actuelle a hérité de toutes les contradictions de la période précédente : les problèmes provenant de la contradiction entre la classe ouvrière et les capitalistes qui demeure toujours et s'est accentuée à l'échelle mondiale; la contradiction entre les peuples opprimés et les pays qui dominent, qui s'est aussi accentuée et qui sévit dans le monde entier. Les contradictions entre les pays impérialistes eux-mêmes demeurent et on peut voir cette contradiction en Union soviétique, en Yougoslavie et dans d'autres pays.

Autrement dit, dans la situation actuelle où la nouvelle période a hérité de toutes les vieilles contradictions, ce nouvel ordre mondial exige que tout le monde trouve une solution à ces problèmes en ayant recours à tous les moyens, toutes les méthodes sauf la révolution et sauf en s'engageant sur la voie du socialisme. Or, ce nouvel ordre mondial se donne le droit d'imposer par la force son diktat sur le monde entier : il n'y aura pas de révolution et il n'y aura pas de socialisme. Non seulement les contradictions objectives, les raisons objectives qui ont donné naissance à la quête du socialisme et à la révolution, existent-elles, mais elles sont devenues extrêmement aiguës. II y a aussi les facteurs subjectifs. Au sein de l'Europe, l'Allemagne ne pense pas comme les États-Unis; il existe des contradictions entre le Japon, les États-Unis, de même qu'entre l'Allemagne, la Chine et d'autres. Des puissances qui ne veulent pas de la suprématie américaine vont s'affirmer et ces contradictions vont éclater au grand jour. Il y a des peuples dans le monde qui ne voudront pas se soumettre aux États-Unis. Ils voudront l'intégrité, ils vont lutter pour leur dignité. On ne peut pas éliminer ces causes subjectives, pas plus que les causes objectives. Ce qui va surgir et ce qui surgit, non pas en tant que contradiction fondamentale, mais comme lutte principale, sera entre ceux qui veulent imposer le nouvel ordre mondial au monde par la force et ceux qui s'y opposent. Toutes les forces progressistes et démocratiques doivent se préparer à cela.

À notre avis, cette période où ni la révolution ni la guerre ne sont des perspectives immédiates pourrait bien donner lieu à une période de révolution si toutes les forces démocratiques et progressistes examinent la situation actuelle. Cette analyse ne signifie pas que notre époque qui est née de la montée de l'impérialisme et de la révolution a changé. Cette époque demeure l'époque de la victoire du socialisme. Mais dans cette époque, la première période d'assauts révolutionnaires contre l'impérialisme sous la forme du colonialisme, sous la forme de divers régimes féodaux ou du fascisme, la lutte contre le fascisme lui-même, est terminée, et la nouvelle période a commencé.

La nouvelle période qui s'est amorcée ne constitue pas la défaite de la quête des peuples pour leurs droits. À l'échelle mondiale, la conscience des peuples s'approfondit non seulement en ce qui a trait aux problèmes économiques – du fait qu'ils sont soumis à toutes sortes de privation et d'insécurité –, mais en termes de la discrimination contre différent types ou classes de gens, de même que de l'intensification de l'exploitation fondée sur la domination d'un pays par un autre, de même que des problèmes de l'environnement, de la qualité de la vie et ainsi de suite. Cette conscience se développe partout. Nulle part, que ce soit en Union soviétique, en Yougoslavie, en Roumanie ou ailleurs, les peuples n'ont-ils abandonné la lutte pour leurs droits.

Évidemment, nous nous trouvons dans une nouvelle période, une nouvelle situation, pas dans l'ancienne période de révolution. Dans ce contexte, les champions du nouvel ordre mondial sont très inquiets. Ils craignent que cette nouvelle période se termine par leur perte. Les peuples d'Europe de l'Est protestent déjà contre tous les changements faits pour introduire l'économie de marché et le multipartisme, qui n'ont rien donné de bon à la société. Les peuples ne doivent avoir aucune illusion que ces grandes puissances vont arranger les choses, mais en moins de deux ans, déjà les masses du peuple se soulèvent en disant : « Vous aviez promis toutes ces choses. Qu'est-il arrivé ? » En Albanie, juste avant les élections, les États-Unis et leurs agents promettaient à tout le monde un téléviseur. Quelques mois plus tard, l'Albanie connaît la famine : les gens font face à des conditions pires qu'auparavant. Mais le plus important est que les peuples d'aucun pays ne se sont réconciliés avec les États-Unis, ni avec la mentalité Rambo des États-Unis, ni avec la politique de capitulation de l'Union soviétique ou les Boris Eltsine et autres.

Dans ces conditions, notre Parti croit qu'il est nécessaire de chercher une nouvelle alliance des forces. Nous partons du point de vue que, pour notre Parti, il n'y a plus rien à tirer à tout simplement parler du marxisme-léninisme, dans le sens de lire les classiques, de parler de Marx, Engels, Lénine, Staline, de leur révolution, de leurs stratégies et tactiques. Tout cela ne nous est d'aucun secours dans les conditions présentes. La raison en est que les problèmes de la philosophie au Canada, qui trouve ses origines dans la philosophie anglaise et la pensée française prérévolutionnaire, n'ont jamais été résolus. Une conception du monde doit naître, une conception qui ne soit pas un simple accessoire de la conception née dans un pays étranger.

Il faut partir de notre expérience et pas seulement de celle de pays étrangers. Cela n'est pas nier le marxisme-léninisme. Bien au contraire, c'est une application du marxisme-léninisme. Tous les classiques du marxisme-léninisme, que ce soit Marx et Engels, Lénine ou Staline, ont préconisé la nécessité que chacun examine ses propres conditions parce que les idées n'évoluent pas de manière détachée des luttes dans le pays donné. Selon Lénine, la théorie ne se développe vraiment qu'en rapport avec un mouvement véritablement de masse et véritablement révolutionnaire. Ce mouvement véritablement de masse et véritablement révolutionnaire n'existe pas dans l'abstrait. Mais dans cela il faut nous inclure, nous-mêmes, notre façon de penser; il ne suffit pas de répéter des choses écrites dans les classiques. Bien entendu, ces choses sont utiles comme guide à l'action, mais si nous n'avons pas notre propre action, nos propres activités, alors à quoi bon ce guide ?

Aujourd'hui, par l'entremise du FMI, de la Banque mondiale et par différents autres moyens, l'impérialisme tient les peuples à la gorge. Pour nous, c'est signe que nous avons encore beaucoup à faire. Mais cette vieille Europe menace d'unir ces forces contre nous, d'envoyer ses flottes et ses armées nous combattre au nom de la démocratie, au nom des droits humains. Mais dans le monde il n'y a pas seulement l'Europe. Ces vieux esprits se trompent encore s'ils croient pouvoir aller à l'encontre de l'histoire. Premièrement, la classe ouvrière d'Europe n'a pas oublié les leçons de la Deuxième Guerre mondiale et de ses conséquences. La classe ouvrière d'Europe en a souffert énormément. En Asie du Sud, il y a près d'un milliard de personnes. Ces Sud-Asiatiques ont leurs propres aspirations. Les peuples savent déjà ce que veut dire avoir une « économie de marché » et ils savent que cela ne les favorise pas. Il y a plus d'un milliard de personnes en Chine. On voudrait nous faire croire que c'est une masse sans visage, mais le peuple chinois fera sa marque. En Amérique latine et dans les Caraïbes, il y a des millions de personnes, plus de 130 millions ne serait-ce qu'au Brésil.

Ce sont là des forces colossales, mais les médias voudraient nous convaincre de ne regarder que l'Europe, que Moscou, etc. Tôt ou tard, les gens vont cesser de se préoccuper de ce qui se passe en Europe et commencer à s'intéresser à ce qui se passe chez eux. Nous verrons bien alors si les bombes et les avions des Américains sauront arrêter l'essor révolutionnaire. Cette diplomatie de la canonnière qu'on voit dans le golfe Persique a été pratiquée par les Britanniques au XIXe siècle. Ils stationnaient leurs vaisseaux sur les côtes d'un pays, déclenchaient des bombardements puis envoyaient leurs soldats envahir. C'est ce qu'ont fait les Américains et la coalition dans 1e golfe Persique.

Les peuples ont été capables de résoudre ce problème. Aussi terribles que soient les armes utilisées par les impérialistes, aussi modernes que soient leurs avions, ils ont dû eux-mêmes admettre qu'ils ont dû donner de la drogue et de l'alcool à leurs pilotes pour les amener à faire ce qu'ils leur ordonnaient. En d'autres mots, une personne normale est incapable de faire une telle chose. Et il y a beaucoup de personnes normales dans ce monde. En cette période, il semble que tout est perdu. Notre Parti ne croit pas que tout soit perdu. Ce sont des temps difficiles pour les travailleurs. Il aurait été préférable, par exemple, que la classe ouvrière d'Union soviétique se soulève pour changer la situation, que les vieux régimes en Europe de l'Est soient renversés pour faire place à des régimes véritablement démocratiques. Or, aussi difficile que puisse paraître la situation actuelle, tout nous appelle à occuper l'espace du changement. Le pessimisme n'a pas sa place. Au contraire, nous devons être optimistes et faire notre travail. C'est ainsi que notre Parti voit la situation.

(Publié originalement dans Le Marxiste-Léniniste du 1er septembre 1992)

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La proposition impérialiste américaine de ressusciter le «concert des puissances» pour servir la quête de domination des États-Unis

Récemment, le Council on Foreign Relations (CFR) des États-Unis a présenté un nouveau projet avec lequel il espère pouvoir unir la bureaucratie militaire, industrielle et financière/civile des États-Unis et imposer à leurs alliés son monopole sur les prises de décisions et l'usage de la force. Le CFR est un groupe de réflexion américain établi il y a longtemps qui rassemble les factions rivales de la classe dirigeante américaine dans le but de concevoir une politique étrangère américaine qui puisse être considérée comme justifiant tout ce que les États-Unis font. À l'heure actuelle, le CFR propose ce qu'il appelle un « concert des puissances » pour s'attaquer aux questions des relations internationales.

Le CFR fait partie de ceux dont le point de départ est l'affirmation que nous vivons dans une période de transition parce que la puissance des États-Unis est en déclin. « Dans un article intitulé « Comment prévenir les catastrophes et promouvoir la stabilité dans un monde multipolaire ? », le CFR dit : « L'histoire montre clairement que de telles périodes de changement tumultueux s'accompagnent de grands périls. En effet, les conflits entre grandes puissances sur la hiérarchie et l'idéologie conduisent régulièrement à des guerres majeures. Pour éviter cette issue, il faut reconnaître sagement que l'ordre libéral dirigé par l'Occident qui a émergé après la Seconde Guerre mondiale ne peut pas ancrer la stabilité mondiale au XXIe siècle. La recherche d'une voie viable et efficace est en cours[1]. » La thèse est qu'un groupe directeur de grandes puissances est la meilleure option pour gérer un monde intégré qui n'est plus présidé par un hégémon. Bien entendu, les États-Unis choisissent « les grandes puissances » qui composeront le groupe, choisissent les règles et les sanctions en cas de non-respect des règles pour finir avec l'affirmation que l'hégémon a survécu pour voir un autre jour.

Alors que le président Joe Biden et ses homologues canadiens vantent la supériorité des « valeurs partagées » des pays du G7 et de l'OTAN et la nécessité d'obliger tout le monde à obéir ou à se méfier de leur puissance militaire, le groupe de réflexion se livre à des lamentations sur ce qu'il perçoit comme le déclin des États-Unis et des démocraties libérales. Le fait que les conditions qui ont donné naissance aux institutions de la démocratie libérale n'existent plus et que les peuples du monde les ont rejetées n'est pas discuté. Tout ce qui compte, c'est de les ressusciter dans le vain espoir que le passé des États-Unis en tant que « nation indispensable » se projettera dans l'avenir et que les États-Unis émergeront comme le dernier homme debout, quoi qu'il arrive – le seul survivant des batailles qui font rage dans le monde, alors que tous les autres sont tombés. Il s'agit d'un plaidoyer ahistorique désespéré pour l'obéissance, une proposition ridicule qui a déjà échoué et qui remonte à la période précédant la Première Guerre mondiale, lorsque la première tentative de parvenir à un équilibre entre les grandes puissances d'Europe, appelée le Concert européen, s'est fracassée sur les rochers de la guerre de Crimée en 1853.

Le CFR juxtapose la voie et les valeurs des États-Unis et des autres nations « civilisées » à ce qu'il appelle l'« illibéralisme et la dissension populiste » d'une « Chine en plein essor » et d'une « Russie pugnace » qui, selon lui, remettent en question « l'autorité de l'Occident et ses approches républicaines de la gouvernance intérieure et internationale ».

« Alors que l'Asie poursuit son ascension économique, deux siècles de domination occidentale du monde, d'abord sous la Pax Britannica puis sous la Pax Americana, touchent à leur fin. L'Occident est en train de perdre non seulement sa domination matérielle mais aussi son emprise idéologique. Dans le monde entier, les démocraties sont la proie de l'illibéralisme et des dissensions populistes, tandis que la Chine montante, assistée d'une Russie pugnace, cherche à contester l'autorité de l'Occident et ses approches républicaines de la gouvernance nationale et internationale. Le président des États-Unis, Joe Biden, s'est engagé à rénover la démocratie américaine, à restaurer le leadership des États-Unis dans le monde et à maîtriser une pandémie aux conséquences humaines et économiques dévastatrices. Mais la victoire de Joe Biden a été serrée ; d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, le populisme furieux ou les tentations illibérales ne s'apaiseront pas facilement. En outre, même si les démocraties occidentales parviennent à surmonter la polarisation, à repousser l'illibéralisme et à relancer l'économie, elles n'empêcheront pas l'avènement d'un monde à la fois multipolaire et idéologiquement diversifié. »

Devant ce qu'il voit comme le déclin des États-Unis, le CFR tente de trouver un moyen pour les États-Unis de s'en sortir d'une manière ou d'une autre afin de continuer à être la puissance « indispensable » du monde. Le CFR est obligé de revenir en arrière pour trouver des réponses, dans ce cas à une ancienne forme appelée le Concert européen. Il déclare : « Le meilleur véhicule pour promouvoir la stabilité au XXIe siècle est un concert mondial des grandes puissances. Comme l'a démontré l'histoire du Concert européen au XIXe siècle - ses membres étaient le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Prusse et l'Autriche - un groupe directeur de pays dirigeants peut freiner la concurrence géopolitique et idéologique qui accompagne généralement la multipolarité. » Il faudrait faire abstraction du fait que ce groupe directeur n'a rien « freiné » lorsqu'il s'agissait de poursuivre les intérêts nationaux des États-Unis tel qu'il les voyait. Le CFR appelle à un nouveau groupement comprenant la Chine, l'Union européenne, l'Inde, le Japon, la Russie et les États-Unis.

Ainsi, le CFR appelle à la création d'un autre club exclusif tout en refusant de reconnaître les efforts des peuples du monde pour affirmer leur droit d'être et de développer des arrangements politiques où les peuples eux-mêmes gouvernent et décident. Il ferme également les yeux sur les leçons de l'histoire. Leur Concert européen remonte à 1814, ce qui signifie qu'il précède même le Grand Jeu de Lord Palmerston qui a été introduit dans les années 1850 et a mis la géopolitique sur une base moderne, pour ainsi dire. Cette politique a déclenché la ruée impérialiste vers l'Afrique et s'est terminée par la Première Guerre mondiale, qui a réduit en miettes trois empires, l'Empire des tsars russes, l'Empire austro-hongrois et l'Empire ottoman, tandis que la Britannia n'a plus jamais régné sur les mers. Le Concert européen n'a pas équilibré les puissances rivales et a en fait contribué à leur disparition dans ces conditions.

Dans les conditions actuelles, la guerre n'est plus la continuation de la politique par d'autres moyens, finalement réglée par des négociations pour établir une fois de plus la paix en faveur du vainqueur. La guerre n'est pas ce qui arrive lorsque les négociations échouent, car il n'y a pas de négociations. S'il n'y a pas de négociations, il ne peut y avoir de traités de paix contenant des conditions qui normalement devraient lier les parties concernées. Le retrait des troupes américaines d'Afghanistan n'a pas été négocié et n'a pas non plus mis fin à la guerre d'agression et à l'occupation de l'Afghanistan. Au moins 18 000 contracteurs privés restent en Afghanistan, sous le commandement du Pentagone.

Le traité que les États-Unis ont signé avec l'Iran est un autre exemple. Les États-Unis violent ces traités en toute impunité, alors même que l'Iran et parfois les signataires européens tentent de les faire respecter. Ou encore des traités tels que ceux qui lient les membres de l'Organisation mondiale du commerce, qui n'ont aucun poids parce que les États-Unis les défient et que personne ne prend de mesures pour les en empêcher. Les États-Unis menacent les pays qui songent à ne pas se soumettre de bombardements, agression, occupation, assassinats, etc. Ils fixent la direction sur la base de ces actions et menaces qui prennent de nombreuses formes. Les États-Unis dictent la direction par ces actions et menaces qui prennent de nombreuses formes, notamment les régimes de sanctions criminelles – en soi des actes de guerre – et l'utilisation d'armes comme la privation de prêts ou de vaccins pour les pays ciblés ou le vol de leurs réserves d'or et de leurs comptes bancaires ou propriétés.

Tout cela montre que les négociations n'existent plus et que, si les pays visés ne se soumettent pas, ils seront soumis à des guerres de destruction des forces productives humaines. C'est ce qui s'est passé depuis l'opération Tempête du désert, avec des conséquences désastreuses non seulement pour l'Afghanistan, l'Irak, le Yémen, la Syrie, la Libye et la Palestine, mais aussi pour les millions de personnes qui sont obligées de migrer d'Afrique, ou du Mexique et d'Amérique centrale et des Caraïbes, ou comme travailleurs sous contrat, travailleurs sous visa, travailleurs migrants, etc. L'objectif est de faire en sorte que ce soit la volonté de domination des États-Unis qui dicte l'objectif auquel tout monde doit réagir.

Malgré cette réalité, selon le CFR, « les démocraties et les non-démocraties seraient sur un pied d'égalité, et que l'inclusion serait fonction de la puissance et de l'influence, et non des valeurs ou du type de régime. Les membres du concert représenteraient collectivement environ 70 % du PIB mondial et des dépenses militaires mondiales. L'inclusion de ces six poids lourds dans les rangs du concert lui conférerait un poids géopolitique tout en évitant qu'il ne devienne un salon de discussion peu maniable. » Le CFR présume que le « concert des puissances » mettra fin au G7 et au G20 et à leurs déclarations publiques et réunions.

Dans tout cela, il n'y a aucune reconnaissance du fait que les États-Unis sont sur un pied de guerre permanent, que les guerres ne sont pas la continuation de la politique par d'autres moyens mais des actes de destruction, et que les négociations ont été éliminées en faveur du gouvernement par décret et de l'utilisation des pouvoirs de police. Il en est ainsi, qu'il s'agisse de mettre fin à des guerres, de régler des différends dans des organes dysfonctionnels comme les assemblées législatives et les parlements, ou de régler des différends entre employeurs et travailleurs et dans des affaires liées aux cartels et aux coalitions impliquant des oligopoles, des gouvernements et des intérêts financiers.

En plus de ne pas reconnaître le rôle des peuples, le CFR refuse de voir que dans les conditions actuelles, ce ne sont pas les États-nations mais les oligopoles qui s'efforcent de tout contrôler et de politiser leurs intérêts privés étroits en s'emparant et en contrôlant des États que l'on disait autrefois souverains. L'intégration à la machine de guerre américaine, comme ce que les États-Unis font avec le Canada, le Mexique et maintenant l'Amérique centrale et les Caraïbes, en fait partie. Le « concert des puissances » du CFR est un moyen de saper davantage et d'éliminer le droit et les normes internationales et de les remplacer par un ordre international soi-disant fondé sur des règles. Cela est fait pour éliminer les peuples et leurs luttes de l'équation tout en renforçant l'hégémonie et la dictature des États-Unis.

Dans le cadre du remplacement du droit international et de ses normes exécutoires, le concert mondial des puissances encourage le rejet des « règles codifiées », c'est-à-dire du droit international : « Un concert mondial éviterait les règles codifiées, s'appuyant plutôt sur le dialogue pour construire un consensus. Comme le Concert européen, il privilégierait le statu quo territorial et une vision de la souveraineté qui exclut, sauf en cas de consensus international, le recours à la force militaire ou à d'autres outils coercitifs pour modifier les frontières existantes ou renverser des régimes. Cette base de référence relativement conservatrice encouragerait l'adhésion de tous les membres. Dans le même temps, le concert serait le lieu idéal pour discuter de l'impact de la mondialisation sur la souveraineté et de la nécessité éventuelle de refuser l'immunité souveraine aux nations qui se livrent à certaines activités abominables. Ces activités pourraient inclure la perpétration d'un génocide, l'hébergement ou le parrainage de terroristes, ou l'aggravation du changement climatique par la destruction des forêts tropicales. »

En d'autres termes, ce sont elles qui établissent les règles et c'est donc elles qui les interprètent. La fraude d'un club exclusif de six puissances qui prend des décisions qui affectent le monde entier est évidente, mais le CFR affirme néanmoins que sa proposition « l'emporte par défaut ».

Les arguments sont si incohérents et si faibles qu'il est évident que les porte-parole de l'impérialisme américain sont au bout de désespoir et ne peuvent concevoir une alternative au système qui a embourbé dans la crise les États-Unis, le G7 et d'autres institutions établies sous la tutelle des États-Unis au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Des propositions comme celle d'établir un « concert des puissances » ne tiennent pas compte des énormes développements des forces productives humaines qui ont lieu indépendamment de la volonté et du contrôle de quiconque. Les impérialistes américains font régner l'anarchie et la violence pour tenter de contrôler l'explosion des forces productives qui ne peuvent être contrôlés. Leur incapacité à le faire donne lieu à des actes de vengeance, à la destruction de tout ce qu'ils ne peuvent pas contrôler.

Ce qui est caché, c'est que la classe ouvrière, qui a créé ces énormes forces productives, peut les contrôler en les dirigeant dans le sens de servir l'humanité. C'est de cela que les impérialistes ont peur. C'est cette inéluctabilité qu'ils cherchent à éviter par tous les moyens. La proposition de créer un autre groupe de grandes puissances comme solution n'a même pas de chance de voir le jour. Aucun pays qui se respecte et qui est digne de son peuple n'acceptera jamais une telle tentative d'usurper le pouvoir au nom de grands idéaux.

L'évolution actuelle du monde montre que l'autorité des anciennes formes créées à partir des constitutions issues des conceptions nées de l'effort pour éviter la guerre civile au pays n'a plus de base matérielle. De nouvelles formes, qui reconnaissent le droit des peuples de parler en leur propre nom, voient le jour. L'Ancien cherche à bloquer l'action de la classe ouvrière, nécessaire en cette conjoncture historique pour ouvrir une voie de progrès dans chaque pays ainsi qu'au niveau international. L'Ancien et ses représentants, tels que les pays qui composent le G7, agissent pour bloquer la libre expression de la volonté de la classe ouvrière et son droit de faire ses réclamations à la société.

Devant la fraude des États-Unis et les propositions comme le « concert des puissances », il est nécessaire de garder à l'esprit l'action humaine, sa capacité d'agir, et les conditions qui existent, avec leur système matériel et leurs processus. Les changements à l'avantage des peuples sont basés sur l'action humaine qui trouve et occupe des ouvertures, comme c'est le cas avec les batailles pour une réponse globale centrée sur l'humain à la COVID-19 et les batailles menées contre les attaques racistes organisées par l'État et pour la responsabilité et l'égalité. Les tentatives pitoyables de bloquer ces ouvertures et de détourner les mouvements vers d'anciennes formes telles que les relations proposées par le CFR ne tiennent à presque rien. Les peuples, dans leurs luttes, font émerger le Nouveau, en élaborant de nouvelles formes et de nouveaux contenus qui leur donnent un pouvoir d'agir et de décider. Leurs efforts sont imprégnés d'un désir d'harmonisation des intérêts et de l'esprit internationaliste que l'on retrouve dans la lutte contre la COVID-19, dans la défense des immigrants et des réfugiés, dans le soutien à la Palestine et dans de nombreuses autres batailles menées comme une seule humanité engagée dans une seule lutte pour les droits de tous.

Note

1. Richard N. Haass et Charles A. Kupchan, Foreign Affairs Magazine, 23 mars 2021

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La conception d'un ordre international fondé
sur des règles et le rôle de la mesure,
des normes et de l'action humaine pour progresser d'ouverture en ouverture

Aujourd'hui, il est devenu courant d'entendre l'élite dirigeante des démocraties néolibérales parler d'un ordre international fondé sur des règles. Cette idée a été répétée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, y compris pendant la Guerre froide. On dit que les relations entre les nations suivent des règles, ou simplement qu'il y a des règles à suivre. L'ordre fondé sur des règles auquel il est fait référence est distinct de ce qui constitue le droit international et de ce que signifie faire respecter le droit international. En fait, cet ordre vise à éliminer la conception du droit international et les normes publiques, les crimes et les responsabilités que le droit international établit.

Les règles ne sont pas au niveau du droit. En utilisant des pouvoirs discrétionnaires, les règles sont quelque chose dont l'application peut être contrôlée par ceux qui en décident. La fraude de ce que l'on appelle un ordre international fondé sur des règles est qu'il y a ceux qui contrôlent les règles et décident, à leur entière discrétion, ce qu'il faut faire pour suivre les règles et les punitions en cas de non-respect des règles. La Palestine est un exemple où les États-Unis et Israël décident des règles, comme la règle sur la légitime défense, ce qu'est l'infraction et quelle doit être la punition. Leurs déclarations et leurs décisions sont vues comme étant complètement irrationnelles, intéressées et réactionnaires, car il y a une absence totale de normes conformes au droit international. Si les normes sur la base desquelles les décisions et les déclarations peuvent être jugées ne sont pas rationnelles, les décisions et les déclarations révèlent à quel point elles sont incohérentes et inacceptables pour les peuples qu'elles visent.

Une des caractéristiques de l'administration du président des États-Unis Joe Biden est de promouvoir ce prétendu ordre international fondé sur des règles. Joe Biden et le secrétaire d'État Antony Blinken ne manquent aucune occasion de dire qu'il existe un tel ordre. Cela fait partie du désir insensé de cette administration de priver le peuple de son mot à dire sur tout sujet de préoccupation afin qu'il puisse exercer un contrôle sur sa vie. En utilisant des arguments qui prétendent que la démocratie libérale, et en particulier la démocratie de type américain, est la forme de gouvernement la meilleure et la plus élevée que l'humanité puisse atteindre, la désinformation au sujet d'un ordre international fondé sur des règles fait partie d'une attaque contre toute historiographie intelligible qui aiderait le peuple à ouvrir une voie vers l'avenir. Les arguments sont à la fois incohérents et destinés à désorienter et à diviser les peuples qui s'efforcent de s'émanciper politiquement.

De même, au Canada et dans d'autres pays, ces arguments sont utilisés pour diffamer les gens, criminaliser la conscience et la parole et infliger des punitions de manière purement arbitraire, dans le but d'isoler les mouvements populaires qui affirment les droits.

Lors du Débat général sur le multilatéralisme au Conseil de sécurité de l'ONU du 7 mai 2021, l'incohérence de l'argument présenté par Antony Blinken était évidente. L'idée que la force fait le droit appartient au passé, a-t-il déclaré. « Lorsque les pays se sont réunis après la Deuxième Guerre mondiale pour former les Nations unies, a-t-il déclaré, pratiquement toute l'histoire de l'humanité jusqu'à ce jour-là indiquait que la force faisait loi. La concurrence mène inexorablement à la collision. La montée d'une nation ou d'un groupe de nations nécessitait la chute d'autres. » Et il ajoute au sujet de la création des Nations unies : « Puis nos pays se sont unis pour choisir une voie différente. »

Notez comment la perspective de temps qui est donné, l'impression d'avancer dans le temps véhiculé par sa séquence de « dans le passé » et de « alors », mais cet avancement dans le temps est séparé du réel, de l'« avant et après ». L'« avant », c'est « la force fait le droit ». Mais maintenant, dit-il, lorsque c'est la loi du plus fort qui est appliquée, cela cause des problèmes. « Au cours des années qui ont suivi, nous avons fait face à des défis considérables : les divisions de la Guerre froide, les vestiges du colonialisme et les moments où le monde est resté muet devant des atrocités de masse. Et aujourd'hui, les conflits, les injustices et les souffrances à travers le globe mettent en évidence le nombre de nos aspirations qui restent à réaliser. »

Ce qu'il veut dire, c'est que pour les États-Unis, il existe un avenir qui n'est pas basé sur la loi du plus fort. La loi du plus fort, c'est « dans le passé ». Aujourd'hui, dit-il, nous avons un engagement : nous avons commis ces crimes dans le passé, mais maintenant nous sommes engagés à changer. Les gens regardent alors la politique américaine sur la Palestine et se demandent comment cet engagement s'applique à la Palestine où le soutien américain à l'utilisation de la force par les Israéliens cause une dévastation et une souffrance indicibles. Le sentiment est très fort dans conscience populaire que cela est inacceptable. Mais ce qui n'est pas nécessairement compris, c'est qu'il y a des règles en vigueur sur lesquelles les peuples n'exercent aucun contrôle. Il s'agit justement de l'ordre international fondé sur des règles, prôné par les impérialistes américains et les pays comme le Canada qu'ils ont subordonnés à leur quête de domination mondiale par tous les moyens qu'ils jugent appropriés.

Voyez comment Joe Biden présente les règles concernant la Palestine. Tout d'abord, il dit qu'Israël a le droit de se défendre. En d'autres termes, l'agression et les bombardements d'Israël ne sont pas considérés comme des actes criminels. Ensuite, devant la résistance acharnée des Palestiniens et leur grève générale, Joe Biden déclare qu'avant qu'il y ait un cessez-le-feu, il faut une « désescalade ». Comment peut-on dire que d'abord il n'y a rien à reprocher à personne - tout va bien, Israël a le droit de se défendre, ce qu'il fait est correct, puis le lendemain dire qu'il y a escalade et avant d'arrêter ce que nous faisons, il faut une désescalade ? Cela manque de cohérence. Les peuples du monde posent la question très légitime : pourquoi ne pas simplement arrêter ? Lorsqu'une personne en position d'autorité, comme Biden ou Blinken, fait des déclarations aussi incohérentes qui ne respectent aucune norme, comment les gens peuvent-ils juger l'une ou l'autre de ces déclarations ? Leur « ordre international fondé sur des règles » ne peut être considéré que comme irrationnel.

Une règle est censée être quelque chose que tout le monde peut prendre en compte. Elle établit une norme avec laquelle chacun peut mesurer ce qui se passe. Chacun peut voir si ce qui se passe est à la hauteur de cette norme. Prendre la mesure de quelque chose implique reconnaître publiquement une norme qui est indépendante de soi et d'adhérer à cette norme. Suivre des règles ne consiste pas à inventer des choses au fur et à mesure ou à interpréter les choses de manière incohérente ou intéressée. Il s'agit de la reconnaissance d'une mesure et d'une norme établies d'une manière qui s'accorde avec une réalité extérieure à soi. Le génocide et l'agression, par exemple, peuvent être mesurés en fonction des normes publiques qui ont été établies sur la base d'une procédure régulière. On peut dire la même chose pour les règles dans le sport, par exemple, qui doivent être suivies indépendamment de l'interprétation ou des sentiments individuels de tel ou tel joueur. Même le pouvoir discrétionnaire accordé à un arbitre obéit à une norme permettant de mesurer si les règles sont respectées ou non. Il en va de même pour le code de la route ou de tout autre domaine. Il y a reconnaissance d'une mesure et d'une norme à suivre.

Suivre des règles implique une relation de cause à effet. Cependant, lorsqu'on parle d'un « ordre international fondé sur des règles », cette relation de cause à effet est utilisée par les gouvernants pour semer la confusion. C'est le principal problème auquel les peuples sont confrontés face à cette conception d'un « ordre international fondé sur des règles » qui est en fait l'utilisation de la fraude dans la désinformation perpétrée par l'État pour priver les gens d'une conception du monde. En termes pratiques, cela entraîne une désorientation dans le rapport de cause et d'effet.

La nécessité de suivre des règles se fonde sur la reconnaissance de l'existence d'un problème à résoudre. Mais s'il n'y a pas de fidélité à un principe, comme le droit d'être de la Palestine, alors l'exigence de suivre les règles en prétendant qu'elles vont régler le problème ne sert qu'à désorienter. C'est l'une des façons de falsifier l'histoire.

Le fait est que la création d'Israël est le résultat des développements après la Deuxième Guerre mondiale et de la formation des Nations unies, cependant le droit international établit la norme qui permet de juger qu'Israël est une puissance occupante qui viole toutes les normes de conduite acceptables pour l'humanité. Il faut garder à l'esprit que dans la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres puissances impérialistes et anciennes puissances coloniales ont couramment utilisé la partition comme une arme contre les peuples, comme en Inde/Pakistan, Chine/Formose, au Vietnam, en Corée, en Allemagne, sans parler de la façon dont les nations d'Afrique et d'Asie occidentale ont été découpées en pays de toutes les façons possibles pour satisfaire les intérêts de ces puissances.

En gardant à l'esprit cette pratique de la partition, deux conditions ont été posées pour qu'Israël soit accepté au sein de l'ONU : 1) il devait être « binational », comme on disait alors, c'est-à-dire deux sous-systèmes coexistant, palestinien et juif, et 2) il devait faire respecter le droit au retour. Une fois que l'on a pris conscience que c'étaient les conditions pour qu'Israël soit accepté comme membre des Nations unies, on peut aussi prendre conscience que jamais ces conditions ont été respectées. Chaque année, des résolutions sont adoptées par l'Assemblée générale concernant, entre autres, le droit au retour. L'État sioniste israélien a fait tout ce qui était possible de faire pour s'opposer aux exigences mandatées par ces résolutions. La conscience que c'est le cas existe dans le monde entier.

Néanmoins, l'un des effets de la désinformation qui consiste à désorienter les gens sur les réalisations de l'histoire est l'idée que l'État sioniste tel qu'il existe doit être défendu. Cette idée est contraire aux conditions établies pour qu'Israël puisse se qualifier en tant que membre des Nations unies, mais l'idée est qu'il doit néanmoins être défendu.

L'histoire est présentée comme une chaîne d'événements du passé. Mais l'histoire est faite de relations, d'avancées et de reculs, de réalisations importantes et de leurs effets, comme la défaite mondiale du fascisme et tout ce que la lutte antifasciste a engendré, y compris l'établissement du droit international. La désinformation des dirigeants sert à cacher les développements historiques des sociétés qui existent et des mouvements qui existent et leurs effets sur la société.

Israël a été l'une des premières créations de l'ONU. Cette création a été conçue pour détourner l'attention des réalisations historiques issues de la Deuxième Guerre mondiale. Cela prend la forme d'une désorientation dans le temps : ce qui a conduit à quoi, ce qui est venu avant et après, ce qui est cause et effet. Il existe également une désorientation spatiale. Ce sont deux conceptions importantes dans le traitement des causes et des effets : la désorientation temporelle et la désorientation spatiale.

Selon les groupes de réflexion et les propagandistes américains, dont Joe Biden, il existe des règles et ceux qui ont créé les règles doivent avoir leur mot à dire parce qu'ils les connaissent. De plus, ceux qui sont d'accord avec les règles avancent grâce à ces règles. Pour ceux qui ne sont pas d'accord avec les règles, leur problème est qu'ils refusent de suivre les règles. Il n'y a jamais de discussion sur les règles. Néanmoins, un certain nombre de pays contestent la conception d'« un ordre international fondé sur des règles » parce qu'il ne respecte pas les normes établies par le droit international. De plus, un nombre croissant de pays commencent à contester ouvertement les créateurs des règles en question, à savoir les États-Unis.

La conception américaine de « l'ordre international fondé sur des règles » est clairement en faveur de la défense d'Israël à l'encontre des Palestiniens et non en conformité avec l'ordre international fondé sur le droit et les normes internationales. La défense de l'État israélien sioniste tel qu'il existe aujourd'hui n'a pas pour seul but de désorienter le mouvement de résistance face aux crimes commis, elle vise aussi à saper, à subvertir et même à renverser les bases de ce qui est sorti de la Deuxième Guerre mondiale, avec son antifascisme, son opposition à l'agression et l'égalité des nations, grandes ou petites, et le respect de leur souveraineté et de leur droit à l'autodétermination. Cela explique en partie comment le front uni antifasciste des peuples qui a vu le jour pendant la Deuxième Guerre mondiale s'est transformé en un front uni anticommuniste dans lequel les peuples n'ont plus eu l'initiative ni joué un rôle décisif.

La cause et l'effet et la perversion de l'histoire

Un point essentiel ici est la relation de cause à effet et qu'il y a un rapport. Par exemple, il y a la cause des Palestiniens pour la libération et l'indépendance qui implique la défense des principes qui sous-tendent le droit international, et il y a la cause de l'impérialisme américain et de ses alliés qui implique la défense de leur soi-disant ordre international basé sur des règles. Les États-Unis, le Canada et d'autres partent de leur soi-disant ordre international fondé sur des règles, avec une histoire interprétée de manière abstraite et irrationnelle, comme quand ils disent qu'« avant, la force faisait loi » et maintenant, nous avons des règles qui font que la force est juste pour ceux qui font la loi, comme les États-Unis et pas pour les autres.

Il n'y a rien à comprendre dans leurs arguments, rien qui indique qu'ils s'efforcent d'élaborer quelque chose, comme pendant la période des Lumières en Europe, lorsque la bourgeoisie était la classe montante et avait besoin de s'armer d'arguments et de formes sur la base desquels organiser sa rébellion contre l'ancien ordre féodal. Cet accent mis sur l'ordre fondé sur des règles est très différent de ce que les Lumières ont fourni à la bourgeoisie pour devenir la nation. Au lieu de reconnaître qu'il existe une histoire, avec ses triomphes et ses tragédies, l'histoire est détournée par les dirigeants dans un mouvement de désinformation. C'est le cas quelle que soit la question soulevée : qu'il s'agisse d'Israël, de la guerre civile, de l'esclavage, du génocide des peuples autochtones ou de l'élaboration de la Constitution américaine ou de toute autre question, il y a un déni de l'histoire elle-même et du monde tel qu'il est aujourd'hui.

À titre d'exemple, lorsqu'il est intervenu au débat de l'ONU sur le multilatéralisme, Antony Blinken a dit : « Soyons clairs : les États-Unis ne cherchent pas à faire respecter cet ordre fondé sur des règles pour maintenir les autres nations dans un état de faiblesse. L'ordre international que nous avons contribué à construire et à défendre a permis l'essor de certains de nos concurrents les plus acharnés. Notre objectif est simplement de défendre, de maintenir et de revitaliser cet ordre. »

Antony Blinken dit explicitement que les États-Unis ne défendent ni ne soutiennent le droit international et ses normes. Il dit qu'il existe un ordre fondé sur des règles que les États-Unis vont « défendre, maintenir et revitaliser ». Il tente également de fausser l'histoire de la fondation de l'ONU qui reconnaît un monde qui s'est uni contre le fascisme pour donner naissance à l'ONU et au droit international, qui va au-delà du droit humanitaire. Sous les pressions des impérialistes anglo-américains et en particulier des États-Unis, des tentatives ont été faites sans relâche pour forcer tout le monde à accepter leur perversion de cette histoire, la déformant pour en faire un monde uni contre le communisme.

Dans son intervention au débat de l'ONU, Antony Blinken a poursuivi dans ce sens en prétendant que les États-Unis sont les défenseurs des droits humains. « Deuxièmement, les droits et la dignité de l'homme doivent rester au coeur de l'ordre international. L'unité fondatrice des Nations unies – dès la première phrase de la charte – n'est pas seulement l'État-nation. C'est aussi l'être humain. Certains affirment que ce que les gouvernements font à l'intérieur de leurs frontières ne regarde qu'eux et que les droits de l'Homme sont des valeurs subjectives qui varient d'une société à l'autre. Mais la Déclaration universelle des droits de l'Homme est dite ‘universelle' parce que nos nations sont convenues qu'il existe certains droits auxquels toute personne, partout, peut prétendre. L'affirmation de la compétence nationale ne donne à aucun État un blanc-seing pour asservir, torturer, faire disparaître, nettoyer ethniquement son peuple ou violer ses droits fondamentaux de quelle que manière que ce soit. »

Le problème ici n'est pas que souvent les gens ne reconnaissent pas les crimes que les États-Unis commettent contre les droits humains. L'aspect qui n'est souvent pas reconnu est qu'il y a perversion de l'histoire, que l'histoire est falsifiée. Il existe des lois et des normes pour des crimes comme le génocide et les crimes contre l'humanité et sur la base de ces lois et normes nous pouvons mesurer ce qui se passe. Mais une fois que ces règles et normes sont perverties, la confusion s'installe qui empêche de juger de ce qui se passe.

L'exemple de la Palestine en dit long sur la perversion qui est faite du rapport de cause à effet et sur la fraude de l'histoire. La conception israélienne de la Nakba, qui signifie la catastrophe, le fait que les Palestiniens ont été chassés de leurs foyers et de leur patrie, est qu'il s'agit d'une version palestinienne de la création d'Israël utilisée pour s'opposer à l'État israélien. Israël dit que la cause est l'établissement de l'État d'Israël, qu'il défend, et l'effet est que les Palestiniens appellent cela la Nakba. On dit souvent que l'histoire est écrite par les vainqueurs. Israël répondrait bien sûr que c'est ainsi. Une réponse donnée à l'histoire écrite par les vainqueurs est qu'il existe une histoire « alternative », une « histoire du peuple », comme si deux histoires pouvaient exister. Mais ni l'histoire des vainqueurs ni l'histoire alternative ne permettent de déterminer s'il existe une norme permettant de mesurer ce qui était avant et de ce qui était après et les conséquences. C'est là le coeur du problème.

On peut légitimement énumérer tous les crimes, exprimer une juste colère et lutter contre l'agression américano-israélienne et pour la Palestine, comme le font les gens dans le monde entier. Or, le problème est que pour être effectif, il faut défaire la perversion de cause à effet des impérialistes. Les peuples sont certainement unis dans une cause puissante et l'effet qu'elle peut avoir sur le monde est reconnaissable, comme son efficacité à exposer les crimes des sionistes et à rallier les peuples pour qu'ils rejettent les prétentions américaines/israéliennes concernant le droit d'Israël de se défendre. De même, si nous prenons un exemple lié aux droits humains, nous pouvons examiner ce qui constitue la mesure de la personnalité, les qualités de la personne proposées par les États-Unis et Israël. Israël fait tout pour imposer la conception fasciste selon laquelle une personne n'est pas nécessairement un être humain, avec les qualités de ce qui rend quelqu'un humain. Ces qualités d'êtres sociaux pensants ayant des réclamations à faire à la société sont liées à l'histoire. Nous ne parlons pas ici de ce que l'on peut reconnaître comme un humain émergeant de ses conditions d'espèce descendue du singe. Plusieurs êtres sont descendus du singe, mais nous avons abouti à l'homo sapiens. Ce résultat n'est pas basé sur une séquence d'événements, comme on le présente souvent, tout comme l'émergence d'une personnalité démocratique moderne et les qualités de la personne d'aujourd'hui ne sont pas non plus une question de séquence d'événements. L'histoire n'est pas une suite d'événements. L'histoire, c'est l'intervention des êtres humains dans le monde pour apporter des changements et faire progresser l'humanité.

De la même manière, la capacité d'une Constitution d'établir l'égalité, par exemple, se mesure par les conditions du peuple. Les conditions générales et persistantes d'inégalité, de racisme d'État, d'injustice et d'absence de rendre des comptes auxquelles les Américains sont confrontés - et que la Constitution américaine ne fait rien pour empêcher - sont la mesure de la Constitution et de son invalidité pour le présent.

Pour masquer l'incohérence des arguments avancés par les États-Unis et leur désespoir de cause à se perpétuer en tant que « nation indispensable » en imposant leur « ordre international fondé sur des règles », Antony Blinken crée l'impression que cet ordre et le droit international sont une seule et même chose. S'attaquant avec véhémence à ceux qui sapent les règles, il dit : « Lorsque les États membres de l'ONU – en particulier les membres permanents du Conseil de sécurité – bafouent ces règles et bloquent les tentatives de mettre face à leurs responsabilités ceux qui violent le droit international, ils envoient le message que d'autres pays peuvent enfreindre ces règles en toute impunité. » Il insiste sur les règles dans le but de les assimiler au droit international. Néanmoins, la majeure partie de son discours fait référence aux règles et à l'ordre fondé sur les règles, et il limite la référence au droit international à l'une de ses parties – le droit humanitaire.

Les arguments qu'il avance servent à défendre les actions des États-Unis et utilisent les droits humains comme des munitions pour l'intervention contre la souveraineté des pays au nom d'un être humain abstrait. Le leadership des États-Unis serait censé être jugé sur ses actes à venir et non par ce qu'il a fait dans le passé. C'est carrément la fraude qui est donnée comme contenu. C'est comme lorsque Obama n'a pas voulu s'attaquer à la question de la torture, des opérations secrètes et des expulsions vers la torture en disant : le passé est le passé et nous devons nous tourner vers l'avenir. Ce qu'ils ne disent pas, c'est que l'avenir n'existe pas encore. Ce qu'ils vendent, c'est une sorte d'avantage futur. De la même manière, les États-Unis vendent des menaces futures pour justifier ce pour justifier ce qui ne peut l'être. Cela comprend leur discours sur la violence potentielle des manifestants ou les actes terroristes potentiels. On ne peut pas apporter de preuves pour s'attaquer à ces menaces, alors ils s'engagent à s'y attaquer le moment venu. L'engagement est envers un avenir qui n'existe pas encore. Il ne s'agit pas d'actes dans le présent. Obama a justifié son refus d'engager des poursuites contre l'ancien président Bush pour crimes de torture et d'agression en disant que « le passé est le passé ». Autrement dit, les États-Unis n'ont pas besoin de rendre des comptes dans le présent.

Il existe également une notion ancienne chez les gouvernants selon laquelle il est nécessaire de prendre des mesures dans le monde entier pour se protéger contre ce qui n'est pas faisable et d'évaluer ce qui est faisable. Pour les idéologues de l'impérialisme américain, la possibilité se confond avec la nécessité. Ils n'évaluent pas ce que sont les besoins, puis ce qui peut être fait sur la base d'une évaluation des ressources, des forces disponibles, des coûts et ainsi de suite. Autrement dit, ils ne tirent pas les conclusions qui s'imposent. C'est parce qu'ils ignorent complètement les normes dans leurs décisions - comme cela se voit dans les directives quotidiennes données pendant la pandémie de la COVID qui changent sans rime ni raison et contribuent à créer une atmosphère d'irrationalité et d'incohérence. En ce qui concerne la guerre en Afghanistan, on dit maintenant que le coût de la guerre est trop élevé ou que le temps nécessaire pour la mener à bien est trop long. Qu'est-ce qui est trop élevé ou trop long ? Cela peut être n'importe quoi, mais la seule chose certaine est que le coût humain en termes de morts, de blessés et de destruction des forces productives humaines ne compte pas. L'ex-ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Madeleine Albright, l'a très bien dit en 1996, lors d'une entrevue à l'émission 60 Minutes sur les sanctions contre l'Irak qui ont tué plus d'un demi-million d'enfants. Elle a dit : « Je pense que c'est un choix très difficile, mais nous pensons que le prix payé en valait la peine. »

L'argument intéressé à la base des positions des États-Unis est que, parce qu'ils sont dans une position supérieure, ils ont le droit de prendre ces décisions. L'argument d'Antony Blinken est que les États-Unis se sont débarrassés des crimes du passé et qu'ils sont désormais supérieurs. C'est l'avant et l'après. Par exemple, puisque ce sont eux qui ont créé les diverses institutions commerciales et financières, ils sont mieux en mesure de décider de leur utilisation. L'illogisme est que ce qui était premier reste premier ; il est le plus important, donc supérieur et le meilleur possible et devrait donc être le juge. Le passé est supplanté, il est dépassé par le présent et la conception est que le passé a créé – causé – le présent et l'effet est le présent. Le rôle de l'action humaine, des êtres humains qui changent les conditions, qui interviennent pour ouvrir une voie favorable à l'humanité, est totalement absent.

Quand on parle ainsi de ce qui était premier, puis de ce qui est venu en second, ce dernier est toujours un dérivé du premier. Le premier reste primaire et le second reste secondaire. On nie que ce qui est secondaire, ou qui est venu après, renverse ou subvertit ce qui était là en premier. Ce déni conduit à la crise à laquelle est confronté ce que l'on appelle l'ordre international fondé sur des règles.

Si l'on accepte la logique de Blinken et Biden, alors la norme pour une règle telle que présentée est un paradoxe et prête à confusion. Mesurer implique suivre une norme, indépendante de soi, comme 1+1=2 n'est pas une question d'opinion. La confusion se présente quand on pose la question : la règle détermine-t-elle la conduite de l'action ? On peut être pour ou contre la règle, mais est-ce le fait d'être pour ou contre la règle qui détermine vos actions ? L'action humaine découle-t-elle d'une prise de position pour ou contre la règle ? C'est présenter la règle comme la cause de l'action et l'action comme étant séparée de l'origine de la règle. Les Palestiniens se soulèvent pour défendre leur droit d'être et leur droit de résister, cela n'est pas basé sur l'opposition aux règles américaines/israéliennes.

Une autre façon d'exprimer le droit à la résistance est la suivante : « Quand l'injustice devient loi, la résistance est un devoir. » Ce n'est pas une question de règles. C'est une question de cause juste et de responsabilité sociale d'intervenir pour la justice, pour les droits. C'est l'action humaine qui affirme les droits. Elle est proactive et ne consiste pas principalement à réagir aux règles imposées par les impérialistes.

L'histoire n'est pas une question d'interprétation

Si l'on se penche à nouveau sur l'histoire et la fraude de l'histoire, certains disent qu'il y a à la fois une histoire « du peuple » et une histoire des oppresseurs, comme s'il y avait deux histoires différentes. L'histoire est donnée comme une question d'interprétation, l'une donnée du point de vue du peuple, l'autre du point de vue des gouvernants. L'une prétend établir les causes et les effets, l'autre dit que ce n'est pas le cas parce que l'interprétation est fausse.

La propagande américaine répète sans cesse qu'Israël ne fait que se défendre contre les attaques à la roquette du Hamas. La réponse est souvent qu'Israël a commencé les affrontements, une notion couramment utilisée pour détourner le mouvement de sa juste cause. Qui a tiré le premier coup de feu était l'argument utilisé par les États-Unis contre la Corée. Ils ont accusé le Nord de lancer une agression contre le Sud, niant ainsi le fait que les États-Unis avaient divisé la Corée au 38e parallèle et que c'était l'agresseur qui n'avait rien à faire là, à s'immiscer dans les affaires coréennes et à financer les troubles. Elle a été utilisée au Vietnam en créant l'incident du golfe du Tonkin. Le fait est que « qui tire le premier coup » n'est pas pertinent. La question est de savoir si l'on résiste ou non à l'agression. Accepter l'argument « qui a tiré le premier », c'est tomber dans le piège qui dit que le premier est le meilleur et c'est lui qui doit décider tandis que le second qui est un dérivé du premier, il est secondaire et le reste toujours.

L'idée de suivre une règle est donnée comme suivant une ligne d'action. La présentation de l'histoire du peuple par rapport à celle de l'oppresseur est considérée comme une interprétation – pro ou anti-peuple, raciste ou antiraciste – ce qui pose le problème immédiat de cette conception du monde, à savoir qu'à un moment donné, on peut dire une chose et à un autre moment, on peut dire quelque chose de très différent. Lorsque les Israéliens ont détruit un gratte-ciel de la ville de Gaza qui abritait le siège de l'Associated Press et d'autres agences de presse, Israël a déclaré que c'était parce que le Hamas utilisait le bâtiment pour se cacher. La réaction, y compris celle de l'Associated Press qui répète régulièrement la propagande américaine contre le Hamas et la Palestine, a été que non, ce bâtiment abritait la presse et non le Hamas et devait donc être protégé. D'autres avancent l'idée que le Hamas est le gouvernement légitime de Gaza et d'autres disent que non, il ne l'est pas. Ce qui est caché, c'est que l'agression et la résistance existent objectivement, elles ne sont pas une question d'interprétation de quel « côté » a agi en premier ou de qui est présent dans le bâtiment. Le fait est que suivre des règles n'est pas une question d'interprétation mais plutôt la reconnaissance d'une mesure et d'une norme.

Il y a aussi le fait qu'une norme est une chose publique, pas privée. Une norme n'est pas une question d'interprétation ou de nouvelles informations qui pourraient faire changer d'avis. La résistance et l'agression se poursuivent indépendamment du fait que quelqu'un change d'argument.

Quelle est la différence entre la conception d'une mesure qui est publique et la conception que la mesure est sujette à interprétation ? Une règle mesure 30 centimètres et les centimètres sont normalisés ; il s'agit d'une mesure publique. On peut dire la même chose des mesures basées sur le Système international d'unités. Mais lorsqu'il s'agit de définir un être humain moderne, contemporain, réel, la question est présentée comme une affaire d'interprétation. Les Palestiniens disent que leur histoire n'est pas simplement une affaire de chiffres, que chaque personne a sa propre histoire, sa vie entière, les contributions qu'elle apporte, qui devraient être placées en première place. Comment mesurer cela ? Ils essaient de trouver un visage public pour la norme. Comment le faire ?

L'argument que chacun a sa propre perspective de l'histoire, par exemple l'histoire du peuple par rapport à celle des dirigeants, soulève le problème suivant : si l'histoire est une question d'interprétation par une personne ou un groupe de personnes, cela revient à dire que si vous pensez suivre la règle, c'est la même chose que de suivre la règle. Il y a une incapacité à saisir la mesure. C'est ce que font les États-Unis lorsqu'ils disent que nous ne devons pas regarder le passé et comment il se mesure au droit et aux normes internationales. Le passé est le passé, disent les États-Unis. Suivre une règle n'est pas quelque chose qui se passe dans la tête de quelqu'un, ou le fait d'un consensus au sein d'un groupe donné. Si c'était le cas, alors cela devient la règle d'Antony Blinken, son interprétation à lui.

Ouvrir une voie

La promotion par les États-Unis du complexe militaro-industriel et, plus généralement, de l'affirmation qu'en raison de sa complexité, la société ne peut être comprise que par ceux qui sont supérieurs, est en conflit avec ce qui a été caractérisé par Marx comme étant le trait caractéristique de la société bourgeoise moderne, son trait distinct, qui est la simplification de l'ensemble de la société et de ses nombreux antagonismes. Il y a un conflit entre la simplification – l'ensemble de la société se divisant de plus en plus en deux, ce qui est la base de l'existence de deux camps, l'un défendant l'Ancien, l'autre avançant le Nouveau – et les choses devenant de plus en plus complexes, comme le complexe militaro-industriel, qui se complique avec le capital financier, etc. Le monde, comme chaque pays, serait confronté à cette complexité. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de complexité, mais bien que le trait distinctif de la société moderne est la simplification, l'ensemble de la société se divisant en deux.

S'il existe un processus historique qui conduit à la simplification des antagonismes, et cet ordre différent dit que le monde est de plus en plus complexe, alors comment mesure-t-on la complexité ? Aucune norme n'est donnée pour mesurer la complexité. Elle est juste affirmée comme une réalité. Comment établir une mesure de cette complexité qui ne tombe pas dans le piège de suivre une règle, basée sur une interprétation après l'autre, et le piège de penser que parce qu'on la suit, c'est la même chose que de donner la mesure basée sur une norme ? Autrement dit, penser que l'on a un choix à faire n'est pas la même chose que d'occuper un moment décisif où des choix sont faits à votre place et vous voulez en tirer avantage et éviter de donner l'avantage aux gouvernants.

La confusion sur la mesure et les normes sert à donner une base à la fraude de l'histoire. Tout est fait pour saper la réalité que l'histoire existe, que des voies précises sont suivies et que nous pouvons regarder ces actions de notre point de vue. Comment envisage-t-on d'ouvrir une voie ? Pour les dirigeants, toute action entreprise peut se résumer à agir suivant une règle donnée, et pour le peuple, chacun peut décider d'ajouter son interprétation des prétentions des riches. Comme rien n'a de sens, cette approche est très désorientante; elle ne fournit pas de guide pour l'action.

Il faut plutôt s'intéresser aux causes et aux effets. Le peuple a une cause. Mais comment mesurer la cause et l'effet ? La cause a quelque chose à voir avec l'orientation temporelle, du passé au présent et au futur, ainsi qu'avec l'orientation spatiale, qui implique le rapport entre la forme et le contenu. La cause et l'effet sont confondus et mélangés d'innombrables façons qui nuisent aux mouvements des peuples. Une confusion sans fin est entretenue sur la cause et l'effet et le rôle de l'action humaine dans la situation réelle du présent - en relation avec le passé, le présent et l'avenir.

Quelle est l'orientation nécessaire, la direction ? Les arguments de la « fin de l'histoire » s'avèrent être une grande arnaque. Mais les peuples ont une mémoire collective contre laquelle ces arguments se heurtent – comme l'attestent la Palestine, ou l'esclavage américain et les génocides d'aujourd'hui, etc. Pour nous, l'action humaine, l'activation du facteur humain et la base de l'information nécessaire, tout cela doit être abordé.

Notre argument selon lequel il faut partir du présent et examiner le passé pour éclairer le présent et formuler un guide pour l'action se réfère à l'analyse et à la synthèse sous forme de guide pour l'action. Il ne s'inscrit pas dans la ligne de la relation de cause à effet dont on parle habituellement, selon laquelle le passé a causé le présent qui à son tour est la cause du futur. Selon cette thèse, si vous savez ce qui s'est passé dans le passé, vous allez savoir ce qui se passera dans le futur. C'est une thèse dangereuse de l'équilibre entre continuité et changement, où le premier reste le premier et ce qui vient en second est un dérivé de ce qui vient en premier. Selon cette logique, les États-Unis sont le meilleur exemple d'empire. Ils sont arrivés en premier, sont « indispensables » et doivent le rester.

Nous disons qu'il y a une ligne de marche que l'on peut tracer, comme des empreintes de pas dans le sable, et que notre responsabilité est de marcher. Mais gardez à l'esprit que le changement n'est pas un événement particulier. Il y a des soulèvements et des luttes. Il y a des traces de pas dans le sable. Vous ne pouvez pas voir les traces de pas qui vont de l'avant tant que vous ne les faites pas avec l'action humaine. La ligne de marche, le chemin à suivre, implique le concept d'ouverture de ce chemin.

Il y a souvent confusion sur ce qui est fermé et ce qui est ouvert, sur la manière de tirer parti des ouvertures et sur la place l'action humaine dans ce processus. Un acte de participation consciente de l'individu est une intervention, une action humaine, le chemin est l'acte de découvrir. Le passé a lié et fermé l'information. Cependant, la base pour trouver une ouverture est qu'il existe déjà différents chemins, des traces, qui constituent le passé. C'est la base pour libérer une partie de l'information qui est liée à l'ensemble du système.

L'histoire est faite de relations réelles et n'est pas une liste d'événements du passé. Elle implique des causes et des effets. Pour faire l'histoire, il faut que cette action humaine, profite des ouvertures et progresse d'ouverture en ouverture.

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