TABLE DES MATIÈRES
Sommet du Groupe des Sept en
Cornouailles,
Angleterre, du 11 au 13 juin
• Opposition
généralisée au Sommet des dirigeants du G7
• Le
sommet en crise d'une alliance en crise
- Pauline Easton -
Le contenu des valeurs et de l'ordre international
fondé sur des règles que veut imposer le G7
• Discussion
relative à la promotion de «valeurs partagées»
• Les
valeurs contenues dans la Charte de Paris
- Hardial Bains -
• Le
contenu du «nouvel ordre mondial» établi par la
Charte de Paris
- Hardial Bains -
• La
proposition impérialiste américaine de
ressusciter le «concert des puissances» pour
servir la quête de domination des États-Unis
- Kathleen Chandler -
• La
conception d'un ordre international fondé sur
des règles et
le rôle de la mesure, des normes et de l'action
humaine pour progresser d'ouverture en ouverture
- Centre d'études
idéologiques -
Sommet du Groupe des Sept en
Cornouailles, Angleterre, du 11 au 13 juin
Le « Sommet des dirigeants » du Groupe des Sept
(G7), qui se tient du 11 au 13 juin, réunit les
chefs d'État des sept pays qui le composent :
Allemagne, Canada, France, Grande-Bretagne,
Italie, Japon et États-Unis. Il se tiendra dans la
petite ville de Carbis Bay en Cornouailles, en
Angleterre. Carbis Bay a une population d'à peine
3 500 habitants. Pour défendre le « partenariat du
G7 fondé sur des valeurs et des intérêts communs
», plus de 5 000 policiers de toute l'Angleterre
sont mobilisés. Il y a également des bateaux de
police, des drones, 150 chiens policiers et des
forces spéciales en tenue anti-émeute. Des
centaines de membres des forces armées sont
également présents.
Des actions des
peuples de Grande-Bretagne et d'Europe et des
réunions virtuelles dans le monde entier ont lieu
pour dénoncer le sommet du G7 et le sommet de
l'OTAN qui se tient le 14 juin à Bruxelles, en
Belgique. Ces actions présentent les
revendications des peuples comme la fourniture de
vaccins gratuits aux peuples du monde entier, les
revendications liées à la crise climatique, la
pauvreté, la demande d'égalité et de réparations
pour les crimes d'esclavage et de génocide et bien
d'autres. Les actions sont contre les activités
bellicistes de l'OTAN dirigée par les États-Unis
et dénoncent la position impérialiste qui défend
les attaques des sionistes contre le peuple
palestinien et l'occupation de la patrie
palestinienne. Les revendications comprennent le
démantèlement de ces alliances impérialistes et
l'établissement de gouvernements antiguerre. Plus
important encore, elles soulignent la lutte qui se
mène dans le monde entier pour investir les
peuples du pouvoir de décider en opposition à des
systèmes qui concentrent la prise de décision
entre les mains des élites dirigeantes de sept
pays, dont aucune ne représente les intérêts des
peuples du monde.
Des manifestations ont déjà eu lieu lors des
réunions des ministres des Finances et de la Santé
avant le sommet des « dirigeants » et d'autres
actions sont prévues.
Deux représentants de l'Union européenne seront
également présents. La Grande-Bretagne assure la
présidence de la rencontre cette année et fait
office de pays hôte. Elle a invité des
représentants des pays non-membres que sont
l'Afrique du Sud, l'Australie, la Corée du Sud et
l'Inde.
Hôte de l'événement, le premier ministre
britannique Boris Johnson a annoncé que le sommet
du G7 « vise à unir les principales démocraties
pour aider le monde à mieux se relever de la
pandémie de COVID-19 et à créer un avenir plus
vert et plus prospère ». Cela se fera :
« - en menant le rétablissement mondial du
coronavirus tout en renforçant la résilience
contre les pandémies futures;
« - en faisant la promotion de la prospérité
future en défendant le commerce libre et
équitable;
« - en luttant contre les changements climatiques
et en préservant la biodiversité de la planète; et
« - en défendant les valeurs mondiales partagées.
»
Le sommet du G7 comprend également des réunions
de ministres et de représentants de ce qu'on
appelle les « groupes d'intervenants » du G7 : W7
(femmes), Y7 (jeunes), B7 (affaires), C7 (société
civile), L7 (travail), S7 (science) et I7 (idées).
Leur intention est d'être les porte-paroles de la
propagande du G7 sur les « valeurs partagées »,
qui dissimule la violence organisée par l'État et
les efforts déployés pour diviser les peuples sur
la base des conceptions impérialistes des droits
et pour canaliser l'argent vers l'effort pour
saper la résistance des peuples des pays membres
et du monde entier à l'offensive néolibérale
antisociale.
La réunion de l'OTAN qui se tient immédiatement
après le G7 soulignera que le moyen de faire
respecter les soi-disant valeurs partagées et de
démontrer la « solidarité » est le recours à
l'armée. Dans le cadre des préparatifs de guerre
impérialistes, les forces de l'OTAN sont utilisées
pour encercler la Russie, y compris avec des
bases, des armements et environ 40 000 soldats à
l'heure actuelle. Les troupes des États-Unis et de
l'OTAN continuent de menacer les peuples de toute
l'Europe, de l'Asie de l'Ouest et de l'Est, tout
cela au nom de la protection des « intérêts et
valeurs partagés ».
Derrière les affirmations sur le prétendu succès
des programmes de vaccination aux États-Unis, en
Grande-Bretagne, en Allemagne et en France se
cache la réalité de l'augmentation de la pauvreté
et des inégalités, de la dégradation de
l'environnement naturel et de la violence. Le fait
que les personnes vivant dans les pays du G7 aient
77 fois plus de chances de se voir proposer un
vaccin que celles vivant dans les pays les plus
pauvres du monde est révélateur des « valeurs
partagées ». Au rythme actuel, il faudrait quelque
57 ans aux pays soumis aux « valeurs partagées »
du G7 pour que tout le monde soit entièrement
vacciné. Le partage des vaccins entre les pays du
G7 et le reste du monde est censé être à l'ordre
du jour du G7. Mais ce qui est caché, c'est la
façon dont les grandes entreprises pharmaceutiques
en profitent dans tous les cas par des stratagèmes
pour payer les riches. Lors de la réunion des
ministres de la Santé précédant le sommet, des
manifestants ont appelé le G7 à « cesser de faire
des promesses vides et de protéger les intérêts
des sociétés pharmaceutiques ». Cela va droit au
coeur du problème.
Une autre « valeur partagée » est le niveau élevé
de corruption légale qui rend les sociétés les
plus puissantes toujours plus riches et les
pauvres toujours plus nombreux et toujours plus
pauvres. Une étude récente montre que la
rémunération moyenne des PDG des plus grandes
entreprises américaines a augmenté de 29 % pour
atteindre 15,3 millions de dollars en 2020,
pendant la pandémie de la COVID-19, tandis que le
salaire type des travailleurs a baissé de 2 % pour
atteindre 28 187 dollars. La rémunération au
sommet est quelque 490 fois supérieure à celle du
travailleur moyen. Le maintien de ce statu quo va
au coeur de ce qu'est la « valeur partagée »
associée à « la liberté, la démocratie et
l'égalité des chances ». Les PDG ont des « chances
égales » d'arnaquer le monde pour tripler leur
fortune dans les circonstances les plus
défavorables pour le monde.
Il est certain que les sommets du G7 et de l'OTAN
ne résoudront aucun conflit, car l'intensification
des conflits d'intérêts entre les oligopoles
mondiaux et leurs coalitions et cartels signifie
des gouvernements en guerre et encore plus de
plans de guerre, chaque intérêt privé étroit
s'efforçant de dominer l'autre. Au sein même du
G7, des membres comme la France et l'Allemagne
restent en conflit avec les États-Unis, notamment
en ce qui concerne les relations avec la Russie.
Nord Stream 2, par exemple, un gazoduc reliant la
Russie à l'Allemagne, est en cours de construction
malgré les objections des États-Unis. De même, la
présence même des troupes de l'OTAN signifie la
présence de bases, de troupes et de puissance de
feu américaines, et menace les pays dont elles
occupent le sol. Cela montre que le mantra sur les
« valeurs partagées » est une menace. Les pays se
font dire qu'ou bien les contradictions qui
prolifèrent sur tous les fronts sont résolues
d'une manière qui favorise les intérêts
impérialistes américains, ou bien le refus de le
faire entraînera la diffamation, les sanctions, la
mort et la destruction. Ces contradictions
comprennent celles relatives à l'accord nucléaire
avec l'Iran et bien d'autres où la lutte pour le
contrôle des marchés, des capitaux
d'investissement, des ressources et des zones
d'influence et de gains financiers conduit à des
affrontements politiques, ce qui signifie des
affrontements entre les pouvoirs de police. La
désinformation massive sur les questions liées aux
droits humains, au Belarus et à l'Ukraine sont
toutes de cette nature. Le G-7 a depuis longtemps
foulé au pied en toute impunité le droit des
peuples du monde de résoudre les conflits sans
recours à la force.
Les « règles » que les impérialistes américains
inventent au fur et à mesure, répétées servilement
par des pays comme le Canada, ne constituent pas
un guide pour résoudre ces contradictions au sein
du G7 ou de l'OTAN, pas plus qu'elles ne peuvent
résoudre les contradictions qui s'accentuent aux
États-Unis et au Canada. Ces contradictions sont
le résultat de structures de pouvoir obsolètes,
qu'elles soient coloniales ou modernes, dans la
mesure où elles sont conçues pour garder le peuple
sous contrôle, de sorte qu'il ne puisse pas
utiliser son propre pouvoir pour effectuer des
changements favorables à ses intérêts.
Ce sont les pays du G7 et leur démocratie
obsolète qui privent les peuples du pouvoir
politique et qui créent des conditions
insupportables pour les peuples du monde entier.
Le G7 a adopté le slogan de « redonner la gloire »
à leur pays et le slogan impérialiste de
l'administration américaine, repris par le Canada,
de « rebâtir mieux ». Le contenu de ces slogans
est tourné vers le passé qu'on cherche à projeter
dans l'avenir. Dans le présent, il prend la forme
de menaces alors que les temps exigent un
renouveau politique qui fasse naître des formes
permettant aux peuples de parler en leur propre
nom. L'action humaine est essentielle pour changer
le présent afin que la voie du progrès serve
l'humanité dans le présent. Le mot d'ordre des
peuples est Une humanité, une lutte pour les
droits de tous !
La marche de la grève du climat
et actions d'alarme
(Photos : Extinction
Rebellion, Resist G7, C. Paillard, Yudi, H.
Lindon, S. Williams, Netpol.)
Résistons au G7 et
disons Non à l'OTAN
Webinaire
Contre-sommet
pancanadien de l'OTAN
Bâtissons une résistance
nationale à l'alliance
Lundi 14 juin à 16 h
(Pacifique) / 17 h (Rocheuses)
/ 18 h (Centre) /
19 h (Est) / 20 h (Atlantique)
Pour s'inscrire à
la réunion zome, cliquer
ici
Londres, Angleterre
Résistons au G7: Justice
pour la Palestine
Samedi 12
juin à 13 h
Devant le 10
Downing St.
Pour plus d'information cliquer
ici
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- Pauline Easton -
Le G7, qui prétend représenter « les sociétés et
les économies avancées les plus influentes et les
plus ouvertes du monde », a adopté le slogan de
campagne du président des États-Unis « Build Back
Better » (reconstruire mieux). Cela signifie
essentiellement que les pays réunis au « sommet
des dirigeants » du G7 pensent pouvoir imposer au
monde entier leurs « valeurs partagées » et leur
soi-disant ordre international fondé sur des
règles. Ils affirment que le principe de « la loi
du plus fort » appartient au passé, mais tout ce
qu'ils font, c'est trouver de nouveaux moyens de
l'appliquer au présent. Ils veulent façonner
l'avenir avec leur conception impérialiste
pragmatique dans laquelle rien ne réussit mieux
que le succès. En d'autres termes, ils établissent
les règles et utilisent ensuite la force pour les
imposer à ceux qui ne se soumettent pas. Ils font
cela partout dans le monde. Ils l'ont fait lorsque
l'Union soviétique est tombée et qu'ils ont adopté
la Charte de Paris qui dictait les
règles; ils ont ensuite imposé des règles aux
peuples du monde au nom de la démocratie, des
droits humains et de la prospérité. Ils ont décidé
des règles de la soi-disant libre circulation des
biens et des capitaux, des systèmes électoraux
multipartites et des droits de l'homme, dont
aucune n'adhère aux normes adoptées par les
Nations unies qui constituent l'état de droit
international. Quiconque ne se conforme pas à
leurs règles arbitraires s'expose à des sanctions
et à d'autres formes de mort et destruction.
Leur désir de «
redevenir grands » les renvoie à un passé qu'ils
considèrent comme glorieux, alors même que les
peuples du monde entier ont entrepris de régler
les comptes avec les héritages du génocide, de
l'esclavage, des rapports de production
capitalistes et impérialistes et des États-nations
dont les structures sont conçues pour défendre les
droits de propriété au détriment des droits
humains. Ils en imposent à leurs adversaires, en
particulier la Chine, la Russie et tous les pays
qui défendent leur propre voie de développement,
en promouvant la conception impérialiste selon
laquelle les États-Unis sont la nation «
indispensable ». Selon les termes employés par la
Maison-Blanche, le sommet du G7 servira à « faire
avancer les priorités politiques clés des
États-Unis en matière de santé publique, de
reprise économique et de changements climatiques,
et à démontrer la solidarité et les valeurs
partagées entre les grandes démocraties ».
Le message de Joe Biden aux médias lors de son
départ pour le G7 était que « les États-Unis sont
de retour » et que « les démocraties sont
solidaires ». Il a déclaré que son objectif pour
le G7 est de « renforcer l'alliance et faire
comprendre à Poutine et à la Chine que l'Europe et
les États-Unis sont soudés, et que le G7 va bouger
». Sept pays et des alliés assortis dépensent des
millions de dollars pour tenir et sécuriser leur
réunion où ils comptent dicter ce que le reste des
193 nations qui composent les Nations unies
peuvent ou ne peuvent pas faire. Puisque leurs
actes ne sont pas l'argument dont ils ont besoin
pour convaincre, il ne reste que leur puissance de
feu avec laquelle ils défendent leur monopole de
l'usage de la force.
C'est une recette de guerre et ça ne doit pas
passer. Les peuples du monde se lèvent comme une
seule humanité engagée dans une seule lutte pour
régler leurs comptes avec les héritages coloniaux
et impérialistes. C'est leurs luttes pour faire
valoir les réclamations qu'ils sont en droit de
faire à la société du fait qu'ils sont humains qui
sont décisives pour endiguer la marée de la guerre
impérialiste pour le repartage des ressources du
monde, des zones de main-d'oeuvre bon marché, des
zones d'exportation du capital et des zones
d'influence.
La bravade n'est jamais convaincante comme moyen
d'inspirer confiance. L'expression d'un
soulagement devant la succession de Joe Biden à
Donald Trump, comme signe que c'est enfin la «
collégialité » qui l'emportera et que, sur cette
base, tous les problèmes pourront être abordés,
est à la fois désespéré et pitoyable. Malgré toute
sa collégialité, le scénario de la guerre civile
se profile plus que jamais aux États-Unis. Quant
au ton doucereux du premier ministre canadien
Justin Trudeau qui veut parler des droits des
femmes et des jeunes filles, des peuples
autochtones et d'environnement, son allégeance à
la reine d'Angleterre et à tous les pouvoirs de
prérogative liés aux fonctions exécutives et
judiciaires de l'État lui impose le devoir de
préserver l'héritage colonial en matière de
relations de pouvoir, qui est inscrit dans la
Constitution canadienne. Le renouveau politique
est à l'ordre du jour dans chaque pays pour
répondre aux exigences de l'époque, tandis qu'au
niveau international, tous les peuples et pays
sont tenus de respecter l'État de droit
international qui guide les relations entre
nations souveraines. Les normes et le contenu de
l'état de droit international sont violés par
l'ordre international dit « fondé sur des règles
», lequel nous devons condamner sans relâche.
Il y a eu beaucoup
de démonstrations de puissance de feu et de
tractations en coulisses en faveur des oligopoles
mondiaux et de leurs cartels et coalitions sous le
couvert de l'attitude belliqueuse de la présidence
Trump envers les partenaires américains de la
soi-disant alliance transatlantique. L'affirmation
de Joe Biden que « les États-Unis ont un
engagement envers l'OTAN, la sécurité
transatlantique et la défense collective », tout
en exigeant, comme Trump, que les pays de l'OTAN
augmentent leur participation dans les exercices
de guerre et leur financement de l'OTAN, révèle
que cette puissance de feu et ce marchandage
restent constants derrière la prétendue approche
collégiale de Biden qui n'est pas moins arrogante
et encore plus exigeante. La politique du bord de
l'abîme pratiquée en mer Noire et en mer de Chine
méridionale est conçue pour tester la force des
armées des puissances rivales. C'est un jeu très
dangereux dont la seule issue est la guerre
inter-impérialiste.
Les affirmations de Joe Biden au sujet de la «
nation indispensable » et de l'« unité étroite »
au sein de l'alliance transatlantique se heurtent
aux conditions matérielles du monde actuel.
L'ancienne équation selon laquelle quiconque
contrôlerait l'Europe dominerait l'Asie n'a aucun
rapport avec la réalité d'aujourd'hui. Les
États-Unis ne parviennent pas non plus à contrôler
l'Europe et ne peuvent pas non plus dominer l'Asie
dont les forces productives dépassent de loin les
leurs et, à l'échelle mondiale, la révolution
scientifique et technique a créé des forces
productives qui peuvent être décrites comme une
force géologique échappant au contrôle de tout
intérêt privé étroit. Pour régler les comptes avec
le bellicisme impérialiste des États-Unis et de
leur alliance agressive qu'est l'OTAN, les peuples
doivent trouver des solutions sur la base d'un
internationalisme prolétarien moderne et non pas
sur la base de vieux calculs géopolitiques fondés
sur la supériorité de ceux qui font les règles et
s'arrogent par conséquent le droit d'interpréter
les règles d'un soi-disant ordre international
fondé sur des règles.
Aucun peuple, où que ce soit, ne donne à un
président américain, à un premier ministre
canadien ou britannique ou à des pays comme
l'Allemagne, la France et le Japon le droit de
déclarer que les « valeurs » que des institutions
comme le G7 ou l'OTAN imposent au monde par la
force économique, politique et militaire sont les
meilleures que l'humanité ait produites et doivent
être défendues à tout prix. Ils présentent cela
comme une évidence, un sujet qui ne doit pas être
discuté, un fait qu'on ne doit pas remettre en
question, au risque de se faire étiqueter
d'extrémiste, d'élément marginal, de populiste ou
d'agent de l'ennemi ou se voir apposer d'autres
épithètes qui vous rangent dans la catégorie de
ceux qui sont indignes de considération. Mais
quelles sont ces « valeurs » et qui a décidé que
ce sont « nos » valeurs ? Tout est fait pour
étouffer la discussion sur les prétendues valeurs
communes que le G7 et l'OTAN préconisent et qui
seraient aussi des valeurs canadiennes,
britanniques, etc.
Face à la vague de refus de l'état de choses de
la part des peuples des États-Unis et du monde,
une réponse commune des élites dirigeantes est de
déclarer un « engagement » à faire mieux. Pour
concrétiser cet « engagement », les préparatifs de
guerre sont poussés à leur paroxysme et la
campagne de désinformation vise à promouvoir la
sinophobie et la russophobie, en accusant la Chine
et la Russie de tous les maux du monde. Tout cela
est fait pour saper le mouvement populaire contre
la guerre, contre l'héritage raciste et pour
l'émancipation. Un des moyens qu'utilisent ces
élites dirigeantes pour détourner le mouvement est
de fixer l'ordre du jour pour ensuite demander à
tous les peuples du monde de réagir à cet ordre du
jour au lieu d'établir le leur et de s'engager
dans des actions qui le feront avancer. La réalité
est que leur frénésie de la haine ne justifiera
jamais l'anarchie, la violence, la privation et la
souffrance dans lesquelles les grandes puissances
ont plongé le monde.
Sculpture
intitulée « Mount Recyclemore : le E7 », faite de
déchets de produits électroniques, à l'image des
dirigeants du G7 et dans le style du Mont
Rushmore, création de l'artiste britannique Joe
Rush sur la plage de Sandy Acres en Cornouailles.
Le G7 est un groupe en crise, ce qui explique que
ses solutions consistent à revenir en arrière et à
essayer de maintenir des systèmes qui se sont déjà
avérés dysfonctionnels et non viables. Leurs
démocraties, avec leurs « valeurs partagées » d'«
élections libres et équitables », de « systèmes
multipartites » et d'« économie de marché », vont
de crise en crise. Elles sont contrôlées par des
élites corrompues qui n'ont pas d'arguments
adaptés au présent, qui répondent aux problèmes du
présent. Leur soi-disant ordre international fondé
sur des règles, dont les règles sont contraires à
ce qui est reconnu comme constituant l'état de
droit international, est défini par eux dans une
perspective centrée sur leurs propres intérêts, ce
qu'aucun pays ou peuple qui se respecte ne peut
accepter.
Le G7 est une alliance en crise qui tient un
sommet en crise. En effet, les crises sont telles
que même les groupes de réflexion des cercles
dirigeants, comme le Conseil des relations
étrangères des États-Unis, qui prétendent
rassembler les factions dirigeantes rivales,
parlent d'éliminer complètement le G7 et les
institutions d'après-guerre en faveur d'un «
concert des puissances ». Ils proposent que ce «
concert des puissances » comprenne les États-Unis,
la Chine, l'Inde, le Japon, la Russie et l'Union
européenne et soit chargé d'établir un consensus
sur la manière de régler tous les problèmes
auxquels ils sont confrontés et auxquels
l'humanité est confrontée, et d'éviter ainsi la
guerre.
Évidemment, tous les pays doivent se soumettre à
l'exigence que les États-Unis doivent être
considérés comme la « nation indispensable » et
que ce soit eux qui établissent les règles. Cela
ne fait que souligner à quel point ils sont
devenus pitoyables et qu'il y a nécessité urgente
de sauver l'humanité de ces sauveurs
condescendants !
Cette photo circule sur les médias sociaux pour
dénoncer la présence policière massive au sommet.
Le bateau de croisière, d'une capacité de 3 000
personnes, loué pour accueillir une partie des
policiers supplémentaires déployés dans la région,
est amarré à Carbis Bay, en Cornouailles.
(Photos : Extinction
Rebellion, Circular, P. Egerton.)
Le contenu des valeurs et de
l'ordre international fondé
sur des règles que veut imposer le G7
Le Supplément du Marxiste-Léniniste
publie ci-dessous des extraits de deux discours de
Hardial Bains, dirigeant du Parti communiste du
Canada (marxiste-léniniste), qui discutent de la
signification des valeurs communes que les
impérialistes américains et leurs alliés, y
compris le Canada, mettent de l'avant depuis la
fin de la division bipolaire du monde, alors que
les États-Unis s'efforcent de devenir l'unique
superpuissance et hégémon du monde.
- Hardial Bains -
Extrait du discours principal prononcé par
Hardial Bains lors du Séminaire international
sur le communisme et les exigences de la
démocratie moderne, tenu à Chicago le 8 octobre
1994. Le discours s'intitule « Crise des valeurs
: pour une théorie politique indienne moderne ».
* * *
Alors que s'effondrait l'Union soviétique, tous
les pays d'Europe sauf l'Albanie (qui a signé plus
tard) de même que le Canada et les États-Unis, se
sont réunis à Paris le 14 novembre 1990 et en
grandes pompes ont signé un document intitulé : Charte
de Paris pour une Europe nouvelle. Cette
charte venait affirmer la supériorité de ce qui
était devenu périmé depuis longtemps. Une Europe
nouvelle fondée sur une telle charte devait
forcément s'enliser dans une crise des valeurs,
puisque les définitions modernes et les
aspirations des peuples au progrès se heurtaient
aux tentatives d'enchaîner le monde à nouveau.
C'était une proclamation de la bourgeoisie
d'Europe, des États-Unis et du Canada, sous
l'empire des monopoles, en appui à l'économie de
marché, au pluralisme et à une définition des
droits humains fondée sur leur notion particulière
de démocratie.
La Charte stipule :
« Nous entreprenons de bâtir, consolider et
renforcer la démocratie en tant que seul système
de gouvernement de nos nations. Dans cette
entreprise, nous nous en tiendrons à ce qui suit :
« Les droits de l'homme et les libertés
fondamentales sont des droits de naissance de tout
être humain. Ils sont inviolables et garantis par
la loi. Leur protection et leur promotion sont la
responsabilité première du gouvernement. Leur
respect est un rempart essentiel contre un État
omnipotent. L'observance et le plein exercice de
ces droits et libertés sont les fondements de la
liberté, de la justice et de la paix.
« Tout gouvernement démocratique est fondé sur la
volonté du peuple telle qu'exprimée régulièrement
à travers des élections justes et libres. La
démocratie a comme fondement le respect de la
personne humaine et un État de droit. La
démocratie est la meilleure garantie de la liberté
d'expression, de la tolérance pour tous les
groupes dans la société et de l'égalité des
chances pour tous.
« La démocratie, avec ses caractères
représentatif et pluraliste, suppose la
responsabilité envers l'électorat, l'obligation
pour les autorités publiques de se soumettre à la
loi et à l'administration impartiale de la
justice. Personne n'est au-dessus de la loi.
« Nous affirmons que tous les individus, sans
discrimination, ont le droit à :
- la liberté de pensée, de conscience, de religion
ou de croyance;
- la liberté d'expression;
- la liberté d'association et de rassemblement
pacifique;
- la liberté de mouvement.
« Personne ne sera :
- soumis à une arrestation ou détention
arbitraire;
- soumis à la torture ou à tout autre traitement
ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant.
« Tout être humain a le droit :
- de connaître ses droits et d'agir en vertu de
ceux-ci;
- de participer dans des élections justes et
libres; à un procès juste et public s'il est
accusé d'un délit ou d'un méfait;
- de détenir une propriété, seul ou en association
et d'exploiter une entreprise;
- de jouir de ses droits économiques, sociaux et
culturels.
« De plus :
« La liberté économique, la justice sociale et la
responsabilité environnementale sont
indispensables à la prospérité.
« Le libre arbitre de chaque individu exercé en
démocratie et protégé par un État de droit
constitue le fondement du succès du développement
économique et social.
« Nous encouragerons toute activité économique
qui respecte et soutient la dignité humaine.
« La liberté et le pluralisme politique sont des
éléments nécessaires à nos objectifs communs de
développement des économies de marché vers une
croissance économique soutenable, la prospérité,
la justice sociale, un nombre croissant d'emplois
et une utilisation efficace des ressources
économiques. Il est important et dans notre
intérêt à tous que soient couronnés de succès les
efforts des pays qui tentent une transition vers
une économie de marché. Leur succès nous permettra
à tous de partager un niveau plus élevé de
prospérité, ce qui est notre objectif commun. »
En conclusion, la Charte de Paris déclare
:
« Conscients des besoins pressants d'une grande
partie du monde, nous nous engageons à nous
solidariser avec tous les autres pays. De Paris,
nous lançons donc un appel à toutes les nations du
monde. Nous sommes prêts à nous joindre à tout
État dans un effort commun pour protéger et faire
avancer la communauté des valeurs humaines
fondamentales. »
Quand on considère la Charte de Paris comme
un tout, il est clair qu'il s'agissait d'une
déclaration de la vieille Europe, de concert avec
les États-Unis et le Canada, d'une tentative de
présenter de vieilles définitions au monde,
définitions qu'elle espérait faire passer pour
quelque chose de moderne et dont elle pourrait se
servir pour dominer le monde à nouveau.
Mais la Charte de Paris n'a pas résolu
la crise des valeurs. Au contraire, cette crise
s'est aggravée lorsqu'on a tenté d'imposer cette
charte au monde dans cette nouvelle situation qui
venait de se créer avec la fin de la division
bipolaire du monde.
La signature de la Charte de Paris constituait
aussi un engagement de l'impérialisme
anglo-américain à poursuivre la guerre froide dans
les nouvelles conditions et de proclamer sa
victoire sur le communisme. Au centre de cette
crise des valeurs, il y a le fait qu'aujourd'hui
les valeurs européennes – enchâssées dans la Charte
de Paris – sont imposées au monde entier.
La crise des valeurs s'approfondit du fait que
partout dans le monde des pays et des peuples y
résistent.
Où les valeurs de la Charte de Paris
trouvent-elles leur origine ? Dans la conception
anglo-américaine de la démocratie, datant de la
guerre froide, une conception qui a pour objectif
l'anticommunisme et le développement du système
impérialiste en faveur de l'impérialisme américain
– même si aujourd'hui les Allemands, les Japonais,
les Français, les Britanniques et d'autres
contestent la domination américaine. Pour
l'instant toutes ces puissances ont intérêt à
proclamer ces valeurs, quitte à plus tard mettre
de l'avant les leurs. Tôt ou tard il y aura
affrontement, entre elles, mais aussi avec
d'autres forces expansionnistes qui ont des
valeurs propres : la Chine, la Russie, ou encore
ce qu'on appelle l'Asie ou l'Islam, pour ne nommer
que celles-là. Une manifestation de ce phénomène
est l'opposition à ce qu'on appelle l'« intégrisme
islamique » à partir d'un point de vue
eurocentrique, ou l'opposition à la position
exprimée par l'Indonésie, l'Inde et d'autres pays
sur les droits humains, sans parler de
l'affrontement avec des forces carrément
médiévales comme le Vatican.
Cette notion anglo-américaine de la démocratie et
des valeurs qui l'accompagnent sont l'expression
de l'ensemble de l'évolution de la bourgeoisie, de
son apparition à son déclin de la société civile
et de l'ordre mondial auxquels elle a donné
naissance à la défense de la propriété privée –
bref, elle est l'expression des développements qui
ont marqué les périodes coloniale et postcoloniale
et la période s'étendant de la fin de la Deuxième
Guerre mondiale à nos jours. L'affrontement se
situe au niveau des « valeurs » parce que les
conditions concrètes dans chaque pays exigent une
solution. Le vieux système de démocratie qui
existe aujourd'hui de par le monde a besoin d'être
remplacé. Il doit faire place à un nouveau système
fondé sur des définitions modernes. Au lieu
d'aborder les problèmes politiques à partir d'une
théorie politique moderne, qui ne soit plus fondée
sur les notions dépassées du XIXe siècle comme
celles de « bon gouvernement », de l'État de droit
et de la nationalité, on prétend maintenant que
l'affrontement porte sur les valeurs. Au fond,
l'affrontement au niveau des valeurs est une
opposition entre le progrès et la rétrogression.
[...]
- Hardial Bains -
Extrait d'un discours prononcé par Hardial
Bains à Port-d'Espagne, Trinidad, en août 1991,
sur l'évolution de la situation internationale à
cette époque. Concentrant son analyse sur le
caractère de la période qui s'ouvrait, le
camarade Bains a souligné : « Cette nouvelle
période qui vient de naître présente de nombreux
aspects caractéristiques de l'ancienne période,
mais c'est une nouvelle période parce qu'elle a
aussi ses propres caractéristiques spécifiques,
alors nous ne pouvons pas regarder la situation
avec la perspective de l'ancienne période. »
* * *
La période qui vient de s'achever fut une grande
période de révolutions à l'échelle mondiale. Elle
s'est ouverte au tournant du XXe siècle avec la
montée de ce qu'on a décrit à l'époque comme un
nouveau type d'impérialisme, par opposition à
l'ancien type d'impérialisme fondé sur la conquête
directe des peuples et des nations à travers le
monde. L'aspect principal de l'ancien impérialisme
était la colonisation qui s'accompagnait entre
autres de la réintroduction du servage. Le trait
le plus caractéristique du nouvel impérialisme est
qu'il avait la prétention de défendre tous les
droits et libertés que pouvait défendre une
personne progressiste; il avait la prétention
d'être contre toute forme d'esclavage. Non
seulement ce nouvel impérialisme est-il apparu
pour « civiliser » le monde entier, pour apporter
le message de liberté et de démocratie des pays
impérialistes au monde entier, mais c'est avec ces
slogans que fut menée la Première Guerre mondiale
à la défense de la moralité et des valeurs
civilisées « de l'empire ».
Au cours de cette guerre, à laquelle ont été
entraînés presque tous les peuples du monde, s'est
produit un événement que personne ne pouvait
prévoir : la Grande Révolution d'Octobre. Le thème
central de cette révolution était l'opposition à
toutes les suppositions de l'impérialisme et de la
vieille société. Elle fut marquée par l'avènement
d'un nouveau gouvernement qui, pour obtenir la
paix et mettre un terme à la Première Guerre
mondiale, était même prêt à céder par des
négociations de vastes parties de son territoire.
Le premier décret du nouveau gouvernement fut de
déclarer aux peuples du monde qu'ils n'auraient
rien à craindre de lui. Ce nouveau gouvernement
déclara qu'il ne participerait jamais à des
négociations secrètes avec d'autres gouvernements;
il ne participerait à aucune conspiration, aucune
intrigue. Autrement dit, ce gouvernement est
arrivé au pouvoir avec une politique ouverte – une
politique déclarée, à la fois en termes de ses
principes et de ses tactiques, de défense des
droits des peuples du monde. Lénine, le dirigeant
de cette révolution, lança l'appel aux peuples
coloniaux de se soulever dans la lutte pour leur
liberté, leur disant que cette nouvelle forme
d'impérialisme était un colosse aux pieds d'argile
qui, bien que tout puissant en apparence, pouvait
être vaincu.
La libération des peuples coloniaux constituait
la pierre angulaire de la politique de ce nouveau
gouvernement. Ce nouveau gouvernement appuyait
aussi tous les peuples qui luttaient pour leur
émancipation sociale. À cette époque, un grave
danger venait des fascistes en Italie, de même
qu'en Allemagne et dans d'autres pays. Les
travailleurs en Italie, tout comme en Allemagne et
ailleurs, étaient à la veille d'une révolution
sociale chez eux, et ce nouveau gouvernement
déclara son plein appui à la classe ouvrière et
aux autres peuples qui s'étaient
révoltés contre le système dans leur pays.
Quatorze pays de ce qu'on appelle l'« Occident »
envoyèrent des troupes contre ce gouvernement,
pour écraser et détruire le nouveau régime et
restaurer les éléments féodaux qui avaient été
renversés, les généraux qui rétabliraient le
régime tsariste. Ces quatorze pays échouèrent dans
leur mission contre la Russie soviétique, mais ils
parvinrent à arrêter l'opposition à la montée de
Benito Mussolini. Tous les gouvernements «
civilisés » et « démocratiques » de l'« Occident »
appuyèrent la montée de Benito Mussolini. Dans un
processus s'étendant sur plusieurs années, on
vit aussi la montée de l'Allemagne hitlérienne.
Ces gouvernements ont non seulement financé
l'avènement au pouvoir de Hitler, ce qui est bien
connu, mais ils ont aussi conclu avec Hitler des
ententes secrètes pour la subjugation des peuples
d'autres pays. Dans les années 1930, ce sont eux
qui ont soutenu Francisco Franco qui noyait dans
le sang la lutte du peuple espagnol dans ce qu'on
a appelé la guerre civile espagnole de 1936 à
1939. Cette période de 1917 à 1939 est une période
marquée par les plus grandes perfidies de ces
gouvernements occidentaux envers la lutte des
peuples du monde. Aujourd'hui en 1991, alors que
beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, on voudrait
nous faire croire que tous ces gens, tous ces
révolutionnaires qui ont lutté en Amérique du Sud,
en Europe, en Asie et en Afrique étaient des
fascistes, qu'ils se battaient contre la liberté,
qu'ils étaient tous pour l'asservissement des
peuples dans le monde et, qu'en fait, ce sont les
États-Unis d'Amérique, ou les gouvernements
français, allemands et britanniques qui étaient
pour la liberté ! [...]
L'histoire depuis la Deuxième Guerre mondiale
démontre que pas un seul dictateur n'a surgi sans
l'appui direct des États-Unis, de la France ou de
la Grande-Bretagne ou de tous les trois ensemble.
Le dictateur sanguinaire Pinochet au Chili a
survécu avec l'appui direct des États-Unis, de la
Grande-Bretagne, de la France et d'autres. Ils
n'ont pas réclamé sa tête. Ils n'ont pas réclamé
non plus celle d'Imelda Marcos aux Philippines, ni
celle des autres dictateurs qui parcouraient le
monde. Quand ils ne sont pas parvenus à convaincre
leur propre agent Noriega au Panama de s'effacer,
ils ont envahi le Panama pour l'arrêter et le
traduire devant les tribunaux aux États-Unis. Ils
essaient de nous faire croire, de convaincre le
monde, qu'ils ont toujours été pour la liberté,
mais ils voudraient qu'on oublie le colonialisme
mondial; cette tache noire de l'humanité, la
réintroduction du servage; ils voudraient qu'on
oublie tous les crimes qui sont commis de nos
jours – les grandes famines en Afrique, les
grandes famines en Asie, toutes les maladies qui
affligent l'humanité. Nous devrions applaudir la
bravade et la victoire de Boris Eltsine et
déclarer que maintenant le monde est à l'abri de
ces communistes assoiffés de sang ! Cette période
inaugurée par la Révolution d'Octobre est
terminée. On nous présente Mikhaïl Gorbatchev
d'une part comme un homme bon qu'il faut appuyer
malgré qu'il soit un communiste, selon eux, et que
nous sommes censés nous opposer au communisme.
Faut-il l'appuyer ou s'y opposer ?
Ou bien nous devrions nous opposer au communisme
et démettre Gorbatchev en tant que communiste, ou
bien le communisme est très bien. C'est l'un ou
l'autre. Après tout, Gorbatchev est dans le parti
depuis plus de quarante ans et en a toujours été
un officier à un niveau ou à un autre. II en était
le secrétaire général durant plus de six ans. Ou
devrions-nous plutôt le considérer comme un
démocrate, quelqu'un qui parlera contre le
communisme ? On crée ainsi un tas d'autres
personnalités dans le monde. Par exemple, on dit
que les Chinois sont des communistes purs et durs,
mais George Bush leur a une fois de plus récemment
accordé le statut de nation la plus favorisée. Les
impérialistes ont toutes sortes de rapports
sociaux, culturels et commerciaux avec les
Chinois, qu'ils continuent de présenter comme des
durs, des communistes. Et nous devrions nous
soulever contre le communisme parce que la Chine
existe ! Pourquoi donc ? Durant cette période on
ne devrait jamais perdre de vue qu'aux États-Unis,
en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, pas
une seule grande personnalité n'a soulevé pourquoi
tant de boue était lancée contre Staline – cet
homme respecté de toutes les personnalités
littéraires, scientifiques et politiques de son
époque. Toutes les personnalités de renom
exprimaient une grande admiration pour Staline
dans les années 1930 et 1940, y compris George
Bernard Shaw et bien d'autres. Pourquoi
seraient-ils tombés en amour avec un dictateur et
un meurtrier ? Il y a quelque chose qui cloche
dans ce qu'on raconte à propos de Staline.
Ils ne veulent même pas admettre que la base de
la formation de l'Union soviétique dans les années
1920 était l'opposition au chauvinisme russe, le
but était de s'assurer qu'aucun autre gouvernement
russe ne dominerait les autres nations, qu'il y
aurait une chambre des nationalités où toutes les
nationalités de l'Union soviétique siègeraient en
égales. [...]
Par définition, suivant la constitution adoptée
dans les années 1930, l'Union soviétique avait
effacé l'héritage de chauvinisme russe des tsars.
Elle avait éliminé la Russie tsariste. Elle avait
créé une nouvelle situation d'internationalisme
prolétarien, de solidarité fraternelle entre les
peuples de l'Union soviétique qui travaillaient
ensemble pour une cause commune. C'est une
véritable honte que parmi tous les chercheurs,
scientifiques et autres diplômés, il ne s'en
trouve pas un seul aujourd'hui qui soit assez
brave pour déclarer publiquement que ce qu'on
raconte à propos de l'histoire de l'Union
soviétique – comment et pourquoi elle a été créée
– de l'histoire de Lénine et de Staline, tout cela
est faux. Certains individus cherchent à créer de
la confusion en disant que dans l'ancienne Union
soviétique la question était de savoir si vous
êtes pour ou contre Staline. Depuis trop longtemps
déjà on entend ce genre de bêtises. Si vous me
posez la question, peu importe si quelqu'un en
Union soviétique est pour ou contre Staline, je ne
me prononcerai pas. La question à laquelle nous
devons répondre est : la situation nous
favorise-t-elle ou non ? Acceptons-nous cette
conception des rapports entre États en vertu de
laquelle les Nations unies, avec toute l'Europe,
peuvent déclarer que le socialisme n'est pas
valable; que personne dans le monde ne peut
s'engager dans la révolution. Nous n'acceptons pas
cette position. Ceux qui se disent pro-Staline en
Union soviétique ne s'élèvent pas contre ce qui
est réellement en train de se produire dans le
monde. Trente-quatre pays, y compris l'Albanie, se
sont réunis à Paris au Sommet de la Conférence sur
la sécurité et la coopération en Europe l'an
dernier et ont déclaré que l'économie de marché et
le multipartisme constituaient des conditions
préalables à l'établissement de rapports entre
pays. Voilà le contenu de la nouvelle période
qu'ils qualifient de « nouvel ordre mondial ».
L'essentiel dans ce « nouvel ordre mondial » est
que l'Union soviétique doit se soumettre aux
États-Unis et, en se soumettant aux États-Unis,
elle déclare que les États-Unis détiennent
maintenant la suprématie partout. Dans la période
précédente, pour des raisons qui lui sont propres,
l'Union soviétique s'était rangée du côté de ce
qu'on appelait le mouvement de libération
nationale. Elle a soutenu des pays comme Cuba,
elle a soutenu l'OLP, les Arabes, et d'autres,
empêchant les États-Unis de mener certaines de
leurs activités. Les États-Unis veulent que
l'Union soviétique se prosterne. C'est ce que
Gorbatchev, ce grand démocrate, a accompli. De là
découle tout le reste.
Dans ce nouvel ordre mondial, ils ne veulent
qu'une superpuissance, les États-Unis; un système
économique dominé par une Banque mondiale,
contrôlé par les États-Unis qui contrôlent plus de
20 % de la Banque mondiale. Ils veulent un Fonds
monétaire internationale et une organisation des
Nations unies, tous sous leur contrôle. La
condition préalable à ce nouvel ordre mondial est
que tous doivent se soumettre à ces institutions.
Les Nations unies, qui n'ont jamais défendu des
positions de principe ni appliqué une seule de
leurs résolutions, se sont disgraciées en
sanctionnant de fait une guerre de ce nouvel ordre
mondial contre le peuple d'Irak. Le conflit du
Golfe persique fut le premier acte de ce nouvel
ordre mondial.
Le conflit en Union soviétique, tel qu'il se
présente aujourd'hui, qui est la destruction de
l'Union soviétique et la montée de la Russie, est
un autre acte de ce nouvel ordre mondial. Le
démembrement de la Yougoslavie et la montée des
forces fascistes dans ce pays en est un autre. Ce
nouvel ordre mondial sera le théâtre de plusieurs
autres infamies encore. Ce nouvel ordre mondial
n'est pas le même que celui de la période
précédente. Dans l'ensemble, il n'est pas dénué
des contradictions de la période précédente. La
période actuelle a hérité de toutes les
contradictions de la période précédente : les
problèmes provenant de la contradiction entre la
classe ouvrière et les capitalistes qui demeure
toujours et s'est accentuée à l'échelle mondiale;
la contradiction entre les peuples opprimés et les
pays qui dominent, qui s'est aussi accentuée et
qui sévit dans le monde entier. Les contradictions
entre les pays impérialistes eux-mêmes demeurent
et on peut voir cette contradiction en Union
soviétique, en Yougoslavie et dans d'autres pays.
Autrement dit, dans la situation actuelle où la
nouvelle période a hérité de toutes les vieilles
contradictions, ce nouvel ordre mondial exige que
tout le monde trouve une solution à ces problèmes
en ayant recours à tous les moyens, toutes les
méthodes sauf la révolution et sauf en s'engageant
sur la voie du socialisme. Or, ce nouvel ordre
mondial se donne le droit d'imposer par la force
son diktat sur le monde entier : il n'y aura pas
de révolution et il n'y aura pas de socialisme.
Non seulement les contradictions objectives, les
raisons objectives qui ont donné naissance à la
quête du socialisme et à la révolution,
existent-elles, mais elles sont devenues
extrêmement aiguës. II y a aussi les facteurs
subjectifs. Au sein de l'Europe, l'Allemagne ne
pense pas comme les États-Unis; il existe des
contradictions entre le Japon, les États-Unis, de
même qu'entre l'Allemagne, la Chine et d'autres.
Des puissances qui ne veulent pas de la suprématie
américaine vont s'affirmer et ces contradictions
vont éclater au grand jour. Il y a des peuples
dans le monde qui ne voudront pas se soumettre aux
États-Unis. Ils voudront l'intégrité, ils vont
lutter pour leur dignité. On ne peut pas éliminer
ces causes subjectives, pas plus que les causes
objectives. Ce qui va surgir et ce qui surgit, non
pas en tant que contradiction fondamentale, mais
comme lutte principale, sera entre ceux qui
veulent imposer le nouvel ordre mondial au monde
par la force et ceux qui s'y opposent. Toutes les
forces progressistes et démocratiques doivent se
préparer à cela.
À notre avis, cette période où ni la révolution
ni la guerre ne sont des perspectives immédiates
pourrait bien donner lieu à une période de
révolution si toutes les forces démocratiques et
progressistes examinent la situation actuelle.
Cette analyse ne signifie pas que notre époque qui
est née de la montée de l'impérialisme et de la
révolution a changé. Cette époque demeure l'époque
de la victoire du socialisme. Mais dans cette
époque, la première période d'assauts
révolutionnaires contre l'impérialisme sous la
forme du colonialisme, sous la forme de divers
régimes féodaux ou du fascisme, la lutte contre le
fascisme lui-même, est terminée, et la nouvelle
période a commencé.
La nouvelle période qui s'est amorcée ne
constitue pas la défaite de la quête des peuples
pour leurs droits. À l'échelle mondiale, la
conscience des peuples s'approfondit non seulement
en ce qui a trait aux problèmes économiques – du
fait qu'ils sont soumis à toutes sortes de
privation et d'insécurité –, mais en termes de la
discrimination contre différent types ou classes
de gens, de même que de l'intensification de
l'exploitation fondée sur la domination d'un pays
par un autre, de même que des problèmes de
l'environnement, de la qualité de la vie et ainsi
de suite. Cette conscience se développe partout.
Nulle part, que ce soit en Union soviétique, en
Yougoslavie, en Roumanie ou ailleurs, les peuples
n'ont-ils abandonné la lutte pour leurs droits.
Évidemment, nous nous trouvons dans une nouvelle
période, une nouvelle situation, pas dans
l'ancienne période de révolution. Dans ce
contexte, les champions du nouvel ordre mondial
sont très inquiets. Ils craignent que cette
nouvelle période se termine par leur perte. Les
peuples d'Europe de l'Est protestent déjà contre
tous les changements faits pour introduire
l'économie de marché et le multipartisme, qui
n'ont rien donné de bon à la société. Les peuples
ne doivent avoir aucune illusion que ces grandes
puissances vont arranger les choses, mais en moins
de deux ans, déjà les masses du peuple se
soulèvent en disant : « Vous aviez promis toutes
ces choses. Qu'est-il arrivé ? » En Albanie, juste
avant les élections, les États-Unis et leurs
agents promettaient à tout le monde un téléviseur.
Quelques mois plus tard, l'Albanie connaît la
famine : les gens font face à des conditions pires
qu'auparavant. Mais le plus important est que les
peuples d'aucun pays ne se sont réconciliés avec
les États-Unis, ni avec la mentalité Rambo des
États-Unis, ni avec la politique de capitulation
de l'Union soviétique ou les Boris Eltsine et
autres.
Dans ces conditions, notre Parti croit qu'il est
nécessaire de chercher une nouvelle alliance des
forces. Nous partons du point de vue que, pour
notre Parti, il n'y a plus rien à tirer à tout
simplement parler du marxisme-léninisme, dans le
sens de lire les classiques, de parler de Marx,
Engels, Lénine, Staline, de leur révolution, de
leurs stratégies et tactiques. Tout cela ne nous
est d'aucun secours dans les conditions présentes.
La raison en est que les problèmes de la
philosophie au Canada, qui trouve ses origines
dans la philosophie anglaise et la pensée
française prérévolutionnaire, n'ont jamais été
résolus. Une conception du monde doit naître, une
conception qui ne soit pas un simple accessoire de
la conception née dans un pays étranger.
Il faut partir de notre expérience et pas
seulement de celle de pays étrangers. Cela n'est
pas nier le marxisme-léninisme. Bien au contraire,
c'est une application du marxisme-léninisme. Tous
les classiques du marxisme-léninisme, que ce soit
Marx et Engels, Lénine ou Staline, ont préconisé
la nécessité que chacun examine ses propres
conditions parce que les idées n'évoluent pas de
manière détachée des luttes dans le pays donné.
Selon Lénine, la théorie ne se développe vraiment
qu'en rapport avec un mouvement véritablement de
masse et véritablement révolutionnaire. Ce
mouvement véritablement de masse et véritablement
révolutionnaire n'existe pas dans l'abstrait. Mais
dans cela il faut nous inclure, nous-mêmes, notre
façon de penser; il ne suffit pas de répéter des
choses écrites dans les classiques. Bien entendu,
ces choses sont utiles comme guide à l'action,
mais si nous n'avons pas notre propre action, nos
propres activités, alors à quoi bon ce guide ?
Aujourd'hui, par l'entremise du FMI, de la Banque
mondiale et par différents autres moyens,
l'impérialisme tient les peuples à la gorge. Pour
nous, c'est signe que nous avons encore beaucoup à
faire. Mais cette vieille Europe menace d'unir ces
forces contre nous, d'envoyer ses flottes et ses
armées nous combattre au nom de la démocratie, au
nom des droits humains. Mais dans le monde il n'y
a pas seulement l'Europe. Ces vieux esprits se
trompent encore s'ils croient pouvoir aller à
l'encontre de l'histoire. Premièrement, la classe
ouvrière d'Europe n'a pas oublié les leçons de la
Deuxième Guerre mondiale et de ses conséquences.
La classe ouvrière d'Europe en a souffert
énormément. En Asie du Sud, il y a près d'un
milliard de personnes. Ces Sud-Asiatiques ont
leurs propres aspirations. Les peuples savent déjà
ce que veut dire avoir une « économie de marché »
et ils savent que cela ne les favorise pas. Il y a
plus d'un milliard de personnes en Chine. On
voudrait nous faire croire que c'est une masse
sans visage, mais le peuple chinois fera sa
marque. En Amérique latine et dans les Caraïbes,
il y a des millions de personnes, plus de 130
millions ne serait-ce qu'au Brésil.
Ce sont là des forces colossales, mais les médias
voudraient nous convaincre de ne regarder que
l'Europe, que Moscou, etc. Tôt ou tard, les gens
vont cesser de se préoccuper de ce qui se passe en
Europe et commencer à s'intéresser à ce qui se
passe chez eux. Nous verrons bien alors si les
bombes et les avions des Américains sauront
arrêter l'essor révolutionnaire. Cette diplomatie
de la canonnière qu'on voit dans le golfe Persique
a été pratiquée par les Britanniques au XIXe
siècle. Ils stationnaient leurs vaisseaux sur les
côtes d'un pays, déclenchaient des bombardements
puis envoyaient leurs soldats envahir. C'est ce
qu'ont fait les Américains et la coalition dans 1e
golfe Persique.
Les peuples ont été capables de résoudre ce
problème. Aussi terribles que soient les armes
utilisées par les impérialistes, aussi modernes
que soient leurs avions, ils ont dû eux-mêmes
admettre qu'ils ont dû donner de la drogue et de
l'alcool à leurs pilotes pour les amener à faire
ce qu'ils leur ordonnaient. En d'autres mots, une
personne normale est incapable de faire une telle
chose. Et il y a beaucoup de personnes normales
dans ce monde. En cette période, il semble que
tout est perdu. Notre Parti ne croit pas que tout
soit perdu. Ce sont des temps difficiles pour les
travailleurs. Il aurait été préférable, par
exemple, que la classe ouvrière d'Union soviétique
se soulève pour changer la situation, que les
vieux régimes en Europe de l'Est soient renversés
pour faire place à des régimes véritablement
démocratiques. Or, aussi difficile que puisse
paraître la situation actuelle, tout nous appelle
à occuper l'espace du changement. Le pessimisme
n'a pas sa place. Au contraire, nous devons être
optimistes et faire notre travail. C'est ainsi que
notre Parti voit la situation.
- Kathleen Chandler -
Récemment, le Council on Foreign Relations (CFR)
des États-Unis a présenté un nouveau projet avec
lequel il espère pouvoir unir la bureaucratie
militaire, industrielle et financière/civile des
États-Unis et imposer à leurs alliés son monopole
sur les prises de décisions et l'usage de la
force. Le CFR est un groupe de réflexion américain
établi il y a longtemps qui rassemble les factions
rivales de la classe dirigeante américaine dans le
but de concevoir une politique étrangère
américaine qui puisse être considérée comme
justifiant tout ce que les États-Unis font. À
l'heure actuelle, le CFR propose ce qu'il appelle
un « concert des puissances » pour s'attaquer aux
questions des relations internationales.
Le CFR fait partie
de ceux dont le point de départ est l'affirmation
que nous vivons dans une période de transition
parce que la puissance des États-Unis est en
déclin. « Dans un article intitulé « Comment
prévenir les catastrophes et promouvoir la
stabilité dans un monde multipolaire ? », le CFR
dit : « L'histoire montre clairement que de telles
périodes de changement tumultueux s'accompagnent
de grands périls. En effet, les conflits entre
grandes puissances sur la hiérarchie et
l'idéologie conduisent régulièrement à des guerres
majeures. Pour éviter cette issue, il faut
reconnaître sagement que l'ordre libéral dirigé
par l'Occident qui a émergé après la Seconde
Guerre mondiale ne peut pas ancrer la stabilité
mondiale au XXIe siècle. La recherche d'une voie
viable et efficace est en cours[1].
» La thèse est qu'un groupe directeur de grandes
puissances est la meilleure option pour gérer un
monde intégré qui n'est plus présidé par un
hégémon. Bien entendu, les États-Unis choisissent
« les grandes puissances » qui composeront le
groupe, choisissent les règles et les sanctions en
cas de non-respect des règles pour finir avec
l'affirmation que l'hégémon a survécu pour voir un
autre jour.
Alors que le président Joe Biden et ses
homologues canadiens vantent la supériorité des «
valeurs partagées » des pays du G7 et de l'OTAN et
la nécessité d'obliger tout le monde à obéir ou à
se méfier de leur puissance militaire, le groupe
de réflexion se livre à des lamentations sur ce
qu'il perçoit comme le déclin des États-Unis et
des démocraties libérales. Le fait que les
conditions qui ont donné naissance aux
institutions de la démocratie libérale n'existent
plus et que les peuples du monde les ont rejetées
n'est pas discuté. Tout ce qui compte, c'est de
les ressusciter dans le vain espoir que le passé
des États-Unis en tant que « nation indispensable
» se projettera dans l'avenir et que les
États-Unis émergeront comme le dernier homme
debout, quoi qu'il arrive – le seul survivant des
batailles qui font rage dans le monde, alors que
tous les autres sont tombés. Il s'agit d'un
plaidoyer ahistorique désespéré pour l'obéissance,
une proposition ridicule qui a déjà échoué et qui
remonte à la période précédant la Première Guerre
mondiale, lorsque la première tentative de
parvenir à un équilibre entre les grandes
puissances d'Europe, appelée le Concert européen,
s'est fracassée sur les rochers de la guerre de
Crimée en 1853.
Le CFR juxtapose la voie et les valeurs des
États-Unis et des autres nations « civilisées » à
ce qu'il appelle l'« illibéralisme et la
dissension populiste » d'une « Chine en plein
essor » et d'une « Russie pugnace » qui, selon
lui, remettent en question « l'autorité de
l'Occident et ses approches républicaines de la
gouvernance intérieure et internationale ».
« Alors que l'Asie poursuit son ascension
économique, deux siècles de domination occidentale
du monde, d'abord sous la Pax Britannica puis sous
la Pax Americana, touchent à leur fin. L'Occident
est en train de perdre non seulement sa domination
matérielle mais aussi son emprise idéologique.
Dans le monde entier, les démocraties sont la
proie de l'illibéralisme et des dissensions
populistes, tandis que la Chine montante, assistée
d'une Russie pugnace, cherche à contester
l'autorité de l'Occident et ses approches
républicaines de la gouvernance nationale et
internationale. Le président des États-Unis, Joe
Biden, s'est engagé à rénover la démocratie
américaine, à restaurer le leadership des
États-Unis dans le monde et à maîtriser une
pandémie aux conséquences humaines et économiques
dévastatrices. Mais la victoire de Joe Biden a été
serrée ; d'un côté comme de l'autre de
l'Atlantique, le populisme furieux ou les
tentations illibérales ne s'apaiseront pas
facilement. En outre, même si les démocraties
occidentales parviennent à surmonter la
polarisation, à repousser l'illibéralisme et à
relancer l'économie, elles n'empêcheront pas
l'avènement d'un monde à la fois multipolaire et
idéologiquement diversifié. »
Devant ce qu'il voit comme le déclin des
États-Unis, le CFR tente de trouver un moyen pour
les États-Unis de s'en sortir d'une manière ou
d'une autre afin de continuer à être la puissance
« indispensable » du monde. Le CFR est obligé de
revenir en arrière pour trouver des réponses, dans
ce cas à une ancienne forme appelée le Concert
européen. Il déclare : « Le meilleur véhicule pour
promouvoir la stabilité au XXIe siècle est un
concert mondial des grandes puissances. Comme l'a
démontré l'histoire du Concert européen au XIXe
siècle - ses membres étaient le Royaume-Uni, la
France, la Russie, la Prusse et l'Autriche - un
groupe directeur de pays dirigeants peut freiner
la concurrence géopolitique et idéologique qui
accompagne généralement la multipolarité. » Il
faudrait faire abstraction du fait que ce groupe
directeur n'a rien « freiné » lorsqu'il s'agissait
de poursuivre les intérêts nationaux des
États-Unis tel qu'il les voyait. Le CFR appelle à
un nouveau groupement comprenant la Chine, l'Union
européenne, l'Inde, le Japon, la Russie et les
États-Unis.
Ainsi, le CFR appelle à la création d'un autre
club exclusif tout en refusant de reconnaître les
efforts des peuples du monde pour affirmer leur
droit d'être et de développer des arrangements
politiques où les peuples eux-mêmes gouvernent et
décident. Il ferme également les yeux sur les
leçons de l'histoire. Leur Concert européen
remonte à 1814, ce qui signifie qu'il précède même
le Grand Jeu de Lord Palmerston qui a été
introduit dans les années 1850 et a mis la
géopolitique sur une base moderne, pour ainsi
dire. Cette politique a déclenché la ruée
impérialiste vers l'Afrique et s'est terminée par
la Première Guerre mondiale, qui a réduit en
miettes trois empires, l'Empire des tsars russes,
l'Empire austro-hongrois et l'Empire ottoman,
tandis que la Britannia n'a plus jamais
régné sur les mers. Le Concert européen n'a pas
équilibré les puissances rivales et a en fait
contribué à leur disparition dans ces conditions.
Dans les conditions actuelles, la guerre n'est
plus la continuation de la politique par d'autres
moyens, finalement réglée par des négociations
pour établir une fois de plus la paix en faveur du
vainqueur. La guerre n'est pas ce qui arrive
lorsque les négociations échouent, car il n'y a
pas de négociations. S'il n'y a pas de
négociations, il ne peut y avoir de traités de
paix contenant des conditions qui normalement
devraient lier les parties concernées. Le retrait
des troupes américaines d'Afghanistan n'a pas été
négocié et n'a pas non plus mis fin à la guerre
d'agression et à l'occupation de l'Afghanistan. Au
moins 18 000 contracteurs privés restent en
Afghanistan, sous le commandement du Pentagone.
Le traité que les États-Unis ont signé avec
l'Iran est un autre exemple. Les États-Unis
violent ces traités en toute impunité, alors même
que l'Iran et parfois les signataires européens
tentent de les faire respecter. Ou encore des
traités tels que ceux qui lient les membres de
l'Organisation mondiale du commerce, qui n'ont
aucun poids parce que les États-Unis les défient
et que personne ne prend de mesures pour les en
empêcher. Les États-Unis menacent les pays qui
songent à ne pas se soumettre de bombardements,
agression, occupation, assassinats, etc. Ils
fixent la direction sur la base de ces actions et
menaces qui prennent de nombreuses formes. Les
États-Unis dictent la direction par ces actions et
menaces qui prennent de nombreuses formes,
notamment les régimes de sanctions
criminelles – en soi des actes de
guerre – et l'utilisation d'armes comme la
privation de prêts ou de vaccins pour les pays
ciblés ou le vol de leurs réserves d'or et de
leurs comptes bancaires ou propriétés.
Tout cela montre que les négociations n'existent
plus et que, si les pays visés ne se soumettent
pas, ils seront soumis à des guerres de
destruction des forces productives humaines. C'est
ce qui s'est passé depuis l'opération Tempête du
désert, avec des conséquences désastreuses non
seulement pour l'Afghanistan, l'Irak, le Yémen, la
Syrie, la Libye et la Palestine, mais aussi pour
les millions de personnes qui sont obligées de
migrer d'Afrique, ou du Mexique et d'Amérique
centrale et des Caraïbes, ou comme travailleurs
sous contrat, travailleurs sous visa, travailleurs
migrants, etc. L'objectif est de faire en sorte
que ce soit la volonté de domination des
États-Unis qui dicte l'objectif auquel tout monde
doit réagir.
Malgré cette réalité, selon le CFR, « les
démocraties et les non-démocraties seraient sur un
pied d'égalité, et que l'inclusion serait fonction
de la puissance et de l'influence, et non des
valeurs ou du type de régime. Les membres du
concert représenteraient collectivement environ 70
% du PIB mondial et des dépenses militaires
mondiales. L'inclusion de ces six poids lourds
dans les rangs du concert lui conférerait un poids
géopolitique tout en évitant qu'il ne devienne un
salon de discussion peu maniable. » Le CFR présume
que le « concert des puissances » mettra fin au G7
et au G20 et à leurs déclarations publiques et
réunions.
Dans tout cela, il n'y a aucune reconnaissance du
fait que les États-Unis sont sur un pied de guerre
permanent, que les guerres ne sont pas la
continuation de la politique par d'autres moyens
mais des actes de destruction, et que les
négociations ont été éliminées en faveur du
gouvernement par décret et de l'utilisation des
pouvoirs de police. Il en est ainsi, qu'il
s'agisse de mettre fin à des guerres, de régler
des différends dans des organes dysfonctionnels
comme les assemblées législatives et les
parlements, ou de régler des différends entre
employeurs et travailleurs et dans des affaires
liées aux cartels et aux coalitions impliquant des
oligopoles, des gouvernements et des intérêts
financiers.
En plus de ne pas reconnaître le rôle des
peuples, le CFR refuse de voir que dans les
conditions actuelles, ce ne sont pas les
États-nations mais les oligopoles qui s'efforcent
de tout contrôler et de politiser leurs intérêts
privés étroits en s'emparant et en contrôlant des
États que l'on disait autrefois souverains.
L'intégration à la machine de guerre américaine,
comme ce que les États-Unis font avec le Canada,
le Mexique et maintenant l'Amérique centrale et
les Caraïbes, en fait partie. Le « concert des
puissances » du CFR est un moyen de saper
davantage et d'éliminer le droit et les normes
internationales et de les remplacer par un ordre
international soi-disant fondé sur des règles.
Cela est fait pour éliminer les peuples et leurs
luttes de l'équation tout en renforçant
l'hégémonie et la dictature des États-Unis.
Dans le cadre du remplacement du droit
international et de ses normes exécutoires, le
concert mondial des puissances encourage le rejet
des « règles codifiées », c'est-à-dire du droit
international : « Un concert mondial éviterait les
règles codifiées, s'appuyant plutôt sur le
dialogue pour construire un consensus. Comme le
Concert européen, il privilégierait le statu quo
territorial et une vision de la souveraineté qui
exclut, sauf en cas de consensus international, le
recours à la force militaire ou à d'autres outils
coercitifs pour modifier les frontières existantes
ou renverser des régimes. Cette base de référence
relativement conservatrice encouragerait
l'adhésion de tous les membres. Dans le même
temps, le concert serait le lieu idéal pour
discuter de l'impact de la mondialisation sur la
souveraineté et de la nécessité éventuelle de
refuser l'immunité souveraine aux nations qui se
livrent à certaines activités abominables. Ces
activités pourraient inclure la perpétration d'un
génocide, l'hébergement ou le parrainage de
terroristes, ou l'aggravation du changement
climatique par la destruction des forêts
tropicales. »
En d'autres termes,
ce sont elles qui établissent les règles et c'est
donc elles qui les interprètent. La fraude d'un
club exclusif de six puissances qui prend des
décisions qui affectent le monde entier est
évidente, mais le CFR affirme néanmoins que sa
proposition « l'emporte par défaut ».
Les arguments sont si incohérents et si faibles
qu'il est évident que les porte-parole de
l'impérialisme américain sont au bout de désespoir
et ne peuvent concevoir une alternative au système
qui a embourbé dans la crise les États-Unis, le G7
et d'autres institutions établies sous la tutelle
des États-Unis au lendemain de la Deuxième Guerre
mondiale. Des propositions comme celle d'établir
un « concert des puissances » ne tiennent pas
compte des énormes développements des forces
productives humaines qui ont lieu indépendamment
de la volonté et du contrôle de quiconque. Les
impérialistes américains font régner l'anarchie et
la violence pour tenter de contrôler l'explosion
des forces productives qui ne peuvent être
contrôlés. Leur incapacité à le faire donne lieu à
des actes de vengeance, à la destruction de tout
ce qu'ils ne peuvent pas contrôler.
Ce qui est caché, c'est que la classe ouvrière,
qui a créé ces énormes forces productives, peut
les contrôler en les dirigeant dans le sens de
servir l'humanité. C'est de cela que les
impérialistes ont peur. C'est cette inéluctabilité
qu'ils cherchent à éviter par tous les moyens. La
proposition de créer un autre groupe de grandes
puissances comme solution n'a même pas de chance
de voir le jour. Aucun pays qui se respecte et qui
est digne de son peuple n'acceptera jamais une
telle tentative d'usurper le pouvoir au nom de
grands idéaux.
L'évolution actuelle du monde montre que
l'autorité des anciennes formes créées à partir
des constitutions issues des conceptions nées de
l'effort pour éviter la guerre civile au pays n'a
plus de base matérielle. De nouvelles formes, qui
reconnaissent le droit des peuples de parler en
leur propre nom, voient le jour. L'Ancien cherche
à bloquer l'action de la classe ouvrière,
nécessaire en cette conjoncture historique pour
ouvrir une voie de progrès dans chaque pays ainsi
qu'au niveau international. L'Ancien et ses
représentants, tels que les pays qui composent le
G7, agissent pour bloquer la libre expression de
la volonté de la classe ouvrière et son droit de
faire ses réclamations à la société.
Devant la fraude des États-Unis et les
propositions comme le « concert des puissances »,
il est nécessaire de garder à l'esprit l'action
humaine, sa capacité d'agir, et les conditions qui
existent, avec leur système matériel et leurs
processus. Les changements à l'avantage des
peuples sont basés sur l'action humaine qui trouve
et occupe des ouvertures, comme c'est le cas avec
les batailles pour une réponse globale centrée sur
l'humain à la COVID-19 et les batailles menées
contre les attaques racistes organisées par l'État
et pour la responsabilité et l'égalité. Les
tentatives pitoyables de bloquer ces ouvertures et
de détourner les mouvements vers d'anciennes
formes telles que les relations proposées par le
CFR ne tiennent à presque rien. Les peuples, dans
leurs luttes, font émerger le Nouveau, en
élaborant de nouvelles formes et de nouveaux
contenus qui leur donnent un pouvoir d'agir et de
décider. Leurs efforts sont imprégnés d'un désir
d'harmonisation des intérêts et de l'esprit
internationaliste que l'on retrouve dans la lutte
contre la COVID-19, dans la défense des immigrants
et des réfugiés, dans le soutien à la Palestine et
dans de nombreuses autres batailles menées comme
une seule humanité engagée dans une seule lutte
pour les droits de tous.
Note
1.
Richard N. Haass et Charles A. Kupchan, Foreign
Affairs Magazine, 23 mars 2021
- Centre d'études idéologiques -
Aujourd'hui, il est devenu courant
d'entendre l'élite dirigeante des démocraties
néolibérales parler d'un ordre international fondé
sur des règles. Cette idée a été répétée depuis la
fin de la Deuxième Guerre mondiale, y compris
pendant la Guerre froide. On dit que les relations
entre les nations suivent des règles, ou
simplement qu'il y a des règles à suivre. L'ordre
fondé sur des règles auquel il est fait référence
est distinct de ce qui constitue le droit
international et de ce que signifie faire
respecter le droit international. En fait, cet
ordre vise à éliminer la conception du droit
international et les normes publiques, les crimes
et les responsabilités que le droit international
établit.
Les règles ne sont pas au niveau du droit. En
utilisant des pouvoirs discrétionnaires, les
règles sont quelque chose dont l'application peut
être contrôlée par ceux qui en décident. La fraude
de ce que l'on appelle un ordre international
fondé sur des règles est qu'il y a ceux qui
contrôlent les règles et décident, à leur entière
discrétion, ce qu'il faut faire pour suivre les
règles et les punitions en cas de non-respect des
règles. La Palestine est un exemple où les
États-Unis et Israël décident des règles, comme la
règle sur la légitime défense, ce qu'est
l'infraction et quelle doit être la punition.
Leurs déclarations et leurs décisions sont vues
comme étant complètement irrationnelles,
intéressées et réactionnaires, car il y a une
absence totale de normes conformes au droit
international. Si les normes sur la base
desquelles les décisions et les déclarations
peuvent être jugées ne sont pas rationnelles, les
décisions et les déclarations révèlent à quel
point elles sont incohérentes et inacceptables
pour les peuples qu'elles visent.
Une des caractéristiques de
l'administration du président des États-Unis Joe
Biden est de promouvoir ce prétendu ordre
international fondé sur des règles. Joe Biden et
le secrétaire d'État Antony Blinken ne manquent
aucune occasion de dire qu'il existe un tel ordre.
Cela fait partie du désir insensé de cette
administration de priver le peuple de son mot à
dire sur tout sujet de préoccupation afin qu'il
puisse exercer un contrôle sur sa vie. En
utilisant des arguments qui prétendent que la
démocratie libérale, et en particulier la
démocratie de type américain, est la forme de
gouvernement la meilleure et la plus élevée que
l'humanité puisse atteindre, la désinformation au
sujet d'un ordre international fondé sur des
règles fait partie d'une attaque contre toute
historiographie intelligible qui aiderait le
peuple à ouvrir une voie vers l'avenir. Les
arguments sont à la fois incohérents et destinés à
désorienter et à diviser les peuples qui
s'efforcent de s'émanciper politiquement.
De même, au Canada et dans d'autres pays, ces
arguments sont utilisés pour diffamer les gens,
criminaliser la conscience et la parole et
infliger des punitions de manière purement
arbitraire, dans le but d'isoler les mouvements
populaires qui affirment les droits.
Lors du Débat général sur le
multilatéralisme au Conseil de sécurité de l'ONU
du 7 mai 2021, l'incohérence de l'argument
présenté par Antony Blinken était évidente. L'idée
que la force fait le droit appartient au passé,
a-t-il déclaré. « Lorsque les pays se sont réunis
après la Deuxième Guerre mondiale pour former les
Nations unies, a-t-il déclaré, pratiquement toute
l'histoire de l'humanité jusqu'à ce jour-là
indiquait que la force faisait loi. La concurrence
mène inexorablement à la collision. La montée
d'une nation ou d'un groupe de nations nécessitait
la chute d'autres. » Et il ajoute au sujet de la
création des Nations unies : « Puis nos pays se
sont unis pour choisir une voie différente. »
Notez comment la perspective de temps qui est
donné, l'impression d'avancer dans le temps
véhiculé par sa séquence de « dans le passé » et
de « alors », mais cet avancement dans le temps
est séparé du réel, de l'« avant et après ». L'«
avant », c'est « la force fait le droit ». Mais
maintenant, dit-il, lorsque c'est la loi du plus
fort qui est appliquée, cela cause des problèmes.
« Au cours des années qui ont suivi, nous avons
fait face à des défis considérables : les
divisions de la Guerre froide, les vestiges du
colonialisme et les moments où le monde est resté
muet devant des atrocités de masse. Et
aujourd'hui, les conflits, les injustices et les
souffrances à travers le globe mettent en évidence
le nombre de nos aspirations qui restent à
réaliser. »
Ce qu'il veut dire, c'est que pour les
États-Unis, il existe un avenir qui n'est pas basé
sur la loi du plus fort. La loi du plus fort,
c'est « dans le passé ». Aujourd'hui, dit-il, nous
avons un engagement : nous avons commis ces crimes
dans le passé, mais maintenant nous sommes engagés
à changer. Les gens regardent alors la politique
américaine sur la Palestine et se demandent
comment cet engagement s'applique à la Palestine
où le soutien américain à l'utilisation de la
force par les Israéliens cause une dévastation et
une souffrance indicibles. Le sentiment est très
fort dans conscience populaire que cela est
inacceptable. Mais ce qui n'est pas nécessairement
compris, c'est qu'il y a des règles en vigueur sur
lesquelles les peuples n'exercent aucun contrôle.
Il s'agit justement de l'ordre international fondé
sur des règles, prôné par les impérialistes
américains et les pays comme le Canada qu'ils ont
subordonnés à leur quête de domination mondiale
par tous les moyens qu'ils jugent appropriés.
Voyez comment Joe Biden présente les règles
concernant la Palestine. Tout d'abord, il dit
qu'Israël a le droit de se défendre. En d'autres
termes, l'agression et les bombardements d'Israël
ne sont pas considérés comme des actes criminels.
Ensuite, devant la résistance acharnée des
Palestiniens et leur grève générale, Joe Biden
déclare qu'avant qu'il y ait un cessez-le-feu, il
faut une « désescalade ». Comment peut-on dire que
d'abord il n'y a rien à reprocher à personne -
tout va bien, Israël a le droit de se défendre, ce
qu'il fait est correct, puis le lendemain dire
qu'il y a escalade et avant d'arrêter ce que nous
faisons, il faut une désescalade ? Cela manque de
cohérence. Les peuples du monde posent la question
très légitime : pourquoi ne pas simplement arrêter
? Lorsqu'une personne en position d'autorité,
comme Biden ou Blinken, fait des déclarations
aussi incohérentes qui ne respectent aucune norme,
comment les gens peuvent-ils juger l'une ou
l'autre de ces déclarations ? Leur « ordre
international fondé sur des règles » ne peut être
considéré que comme irrationnel.
Une règle est censée être quelque chose que tout
le monde peut prendre en compte. Elle établit une
norme avec laquelle chacun peut mesurer ce qui se
passe. Chacun peut voir si ce qui se passe est à
la hauteur de cette norme. Prendre la mesure de
quelque chose implique reconnaître publiquement
une norme qui est indépendante de soi et d'adhérer
à cette norme. Suivre des règles ne consiste pas à
inventer des choses au fur et à mesure ou à
interpréter les choses de manière incohérente ou
intéressée. Il s'agit de la reconnaissance d'une
mesure et d'une norme établies d'une manière qui
s'accorde avec une réalité extérieure à soi. Le
génocide et l'agression, par exemple, peuvent être
mesurés en fonction des normes publiques qui ont
été établies sur la base d'une procédure
régulière. On peut dire la même chose pour les
règles dans le sport, par exemple, qui doivent
être suivies indépendamment de l'interprétation ou
des sentiments individuels de tel ou tel joueur.
Même le pouvoir discrétionnaire accordé à un
arbitre obéit à une norme permettant de mesurer si
les règles sont respectées ou non. Il en va de
même pour le code de la route ou de tout autre
domaine. Il y a reconnaissance d'une mesure et
d'une norme à suivre.
Suivre des règles implique une relation de cause
à effet. Cependant, lorsqu'on parle d'un « ordre
international fondé sur des règles », cette
relation de cause à effet est utilisée par les
gouvernants pour semer la confusion. C'est le
principal problème auquel les peuples sont
confrontés face à cette conception d'un « ordre
international fondé sur des règles » qui est en
fait l'utilisation de la fraude dans la
désinformation perpétrée par l'État pour priver
les gens d'une conception du monde. En termes
pratiques, cela entraîne une désorientation dans
le rapport de cause et d'effet.
La nécessité de suivre des règles se fonde sur la
reconnaissance de l'existence d'un problème à
résoudre. Mais s'il n'y a pas de fidélité à un
principe, comme le droit d'être de la Palestine,
alors l'exigence de suivre les règles en
prétendant qu'elles vont régler le problème ne
sert qu'à désorienter. C'est l'une des façons de
falsifier l'histoire.
Le fait est que la création d'Israël est le
résultat des développements après la Deuxième
Guerre mondiale et de la formation des Nations
unies, cependant le droit international établit la
norme qui permet de juger qu'Israël est une
puissance occupante qui viole toutes les normes de
conduite acceptables pour l'humanité. Il faut
garder à l'esprit que dans la période qui a suivi
la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis, la
Grande-Bretagne et d'autres puissances
impérialistes et anciennes puissances coloniales
ont couramment utilisé la partition comme une arme
contre les peuples, comme en Inde/Pakistan,
Chine/Formose, au Vietnam, en Corée, en Allemagne,
sans parler de la façon dont les nations d'Afrique
et d'Asie occidentale ont été découpées en pays de
toutes les façons possibles pour satisfaire les
intérêts de ces puissances.
En gardant à
l'esprit cette pratique de la partition, deux
conditions ont été posées pour qu'Israël soit
accepté au sein de l'ONU : 1) il devait être «
binational », comme on disait alors, c'est-à-dire
deux sous-systèmes coexistant, palestinien et
juif, et 2) il devait faire respecter le droit au
retour. Une fois que l'on a pris conscience que
c'étaient les conditions pour qu'Israël soit
accepté comme membre des Nations unies, on peut
aussi prendre conscience que jamais ces conditions
ont été respectées. Chaque année, des résolutions
sont adoptées par l'Assemblée générale concernant,
entre autres, le droit au retour. L'État sioniste
israélien a fait tout ce qui était possible de
faire pour s'opposer aux exigences mandatées par
ces résolutions. La conscience que c'est le cas
existe dans le monde entier.
Néanmoins, l'un des effets de la désinformation
qui consiste à désorienter les gens sur les
réalisations de l'histoire est l'idée que l'État
sioniste tel qu'il existe doit être défendu. Cette
idée est contraire aux conditions établies pour
qu'Israël puisse se qualifier en tant que membre
des Nations unies, mais l'idée est qu'il doit
néanmoins être défendu.
L'histoire est présentée comme une chaîne
d'événements du passé. Mais l'histoire est faite
de relations, d'avancées et de reculs, de
réalisations importantes et de leurs effets, comme
la défaite mondiale du fascisme et tout ce que la
lutte antifasciste a engendré, y compris
l'établissement du droit international. La
désinformation des dirigeants sert à cacher les
développements historiques des sociétés qui
existent et des mouvements qui existent et leurs
effets sur la société.
Israël a été l'une des premières créations de
l'ONU. Cette création a été conçue pour détourner
l'attention des réalisations historiques issues de
la Deuxième Guerre mondiale. Cela prend la forme
d'une désorientation dans le temps : ce qui a
conduit à quoi, ce qui est venu avant et après, ce
qui est cause et effet. Il existe également une
désorientation spatiale. Ce sont deux conceptions
importantes dans le traitement des causes et des
effets : la désorientation temporelle et la
désorientation spatiale.
Selon les groupes de réflexion et les
propagandistes américains, dont Joe Biden, il
existe des règles et ceux qui ont créé les règles
doivent avoir leur mot à dire parce qu'ils les
connaissent. De plus, ceux qui sont d'accord avec
les règles avancent grâce à ces règles. Pour ceux
qui ne sont pas d'accord avec les règles, leur
problème est qu'ils refusent de suivre les règles.
Il n'y a jamais de discussion sur les règles.
Néanmoins, un certain nombre de pays contestent la
conception d'« un ordre international fondé sur
des règles » parce qu'il ne respecte pas les
normes établies par le droit international. De
plus, un nombre croissant de pays commencent à
contester ouvertement les créateurs des règles en
question, à savoir les États-Unis.
La conception américaine de « l'ordre
international fondé sur des règles » est
clairement en faveur de la défense d'Israël à
l'encontre des Palestiniens et non en conformité
avec l'ordre international fondé sur le droit et
les normes internationales. La défense de l'État
israélien sioniste tel qu'il existe aujourd'hui
n'a pas pour seul but de désorienter le mouvement
de résistance face aux crimes commis, elle vise
aussi à saper, à subvertir et même à renverser les
bases de ce qui est sorti de la Deuxième Guerre
mondiale, avec son antifascisme, son opposition à
l'agression et l'égalité des nations, grandes ou
petites, et le respect de leur souveraineté et de
leur droit à l'autodétermination. Cela explique en
partie comment le front uni antifasciste des
peuples qui a vu le jour pendant la Deuxième
Guerre mondiale s'est transformé en un front uni
anticommuniste dans lequel les peuples n'ont plus
eu l'initiative ni joué un rôle décisif.
La cause et l'effet et la perversion de
l'histoire
Un point essentiel ici est la relation de cause à
effet et qu'il y a un rapport. Par exemple, il y a
la cause des Palestiniens pour la libération et
l'indépendance qui implique la défense des
principes qui sous-tendent le droit international,
et il y a la cause de l'impérialisme américain et
de ses alliés qui implique la défense de leur
soi-disant ordre international basé sur des
règles. Les États-Unis, le Canada et d'autres
partent de leur soi-disant ordre international
fondé sur des règles, avec une histoire
interprétée de manière abstraite et irrationnelle,
comme quand ils disent qu'« avant, la force
faisait loi » et maintenant, nous avons des règles
qui font que la force est juste pour ceux qui font
la loi, comme les États-Unis et pas pour les
autres.
Il n'y a rien à comprendre dans leurs arguments,
rien qui indique qu'ils s'efforcent d'élaborer
quelque chose, comme pendant la période des
Lumières en Europe, lorsque la bourgeoisie était
la classe montante et avait besoin de s'armer
d'arguments et de formes sur la base desquels
organiser sa rébellion contre l'ancien ordre
féodal. Cet accent mis sur l'ordre fondé sur des
règles est très différent de ce que les Lumières
ont fourni à la bourgeoisie pour devenir la
nation. Au lieu de reconnaître qu'il existe une
histoire, avec ses triomphes et ses tragédies,
l'histoire est détournée par les dirigeants dans
un mouvement de désinformation. C'est le cas
quelle que soit la question soulevée : qu'il
s'agisse d'Israël, de la guerre civile, de
l'esclavage, du génocide des peuples autochtones
ou de l'élaboration de la Constitution américaine
ou de toute autre question, il y a un déni de
l'histoire elle-même et du monde tel qu'il est
aujourd'hui.
À titre d'exemple, lorsqu'il est intervenu au
débat de l'ONU sur le multilatéralisme, Antony
Blinken a dit : « Soyons clairs : les États-Unis
ne cherchent pas à faire respecter cet ordre fondé
sur des règles pour maintenir les autres nations
dans un état de faiblesse. L'ordre international
que nous avons contribué à construire et à
défendre a permis l'essor de certains de nos
concurrents les plus acharnés. Notre objectif est
simplement de défendre, de maintenir et de
revitaliser cet ordre. »
Antony Blinken dit explicitement que les
États-Unis ne défendent ni ne soutiennent le droit
international et ses normes. Il dit qu'il existe
un ordre fondé sur des règles que les États-Unis
vont « défendre, maintenir et revitaliser ». Il
tente également de fausser l'histoire de la
fondation de l'ONU qui reconnaît un monde qui
s'est uni contre le fascisme pour donner naissance
à l'ONU et au droit international, qui va au-delà
du droit humanitaire. Sous les pressions des
impérialistes anglo-américains et en particulier
des États-Unis, des tentatives ont été faites sans
relâche pour forcer tout le monde à accepter leur
perversion de cette histoire, la déformant pour en
faire un monde uni contre le communisme.
Dans son intervention au débat de l'ONU, Antony
Blinken a poursuivi dans ce sens en prétendant que
les États-Unis sont les défenseurs des droits
humains. « Deuxièmement, les droits et la dignité
de l'homme doivent rester au coeur de l'ordre
international. L'unité fondatrice des Nations
unies – dès la première phrase de la
charte – n'est pas seulement l'État-nation.
C'est aussi l'être humain. Certains affirment que
ce que les gouvernements font à l'intérieur de
leurs frontières ne regarde qu'eux et que les
droits de l'Homme sont des valeurs subjectives qui
varient d'une société à l'autre. Mais la
Déclaration universelle des droits de l'Homme est
dite ‘universelle' parce que nos nations sont
convenues qu'il existe certains droits auxquels
toute personne, partout, peut prétendre.
L'affirmation de la compétence nationale ne donne
à aucun État un blanc-seing pour asservir,
torturer, faire disparaître, nettoyer ethniquement
son peuple ou violer ses droits fondamentaux de
quelle que manière que ce soit. »
Le problème ici n'est pas que souvent les gens ne
reconnaissent pas les crimes que les États-Unis
commettent contre les droits humains. L'aspect qui
n'est souvent pas reconnu est qu'il y a perversion
de l'histoire, que l'histoire est falsifiée. Il
existe des lois et des normes pour des crimes
comme le génocide et les crimes contre l'humanité
et sur la base de ces lois et normes nous pouvons
mesurer ce qui se passe. Mais une fois que ces
règles et normes sont perverties, la confusion
s'installe qui empêche de juger de ce qui se
passe.
L'exemple de la Palestine en dit long sur la
perversion qui est faite du rapport de cause à
effet et sur la fraude de l'histoire. La
conception israélienne de la Nakba, qui signifie
la catastrophe, le fait que les Palestiniens ont
été chassés de leurs foyers et de leur patrie, est
qu'il s'agit d'une version palestinienne de la
création d'Israël utilisée pour s'opposer à l'État
israélien. Israël dit que la cause est
l'établissement de l'État d'Israël, qu'il défend,
et l'effet est que les Palestiniens appellent cela
la Nakba. On dit souvent que l'histoire est écrite
par les vainqueurs. Israël répondrait bien sûr que
c'est ainsi. Une réponse donnée à l'histoire
écrite par les vainqueurs est qu'il existe une
histoire « alternative », une « histoire du peuple
», comme si deux histoires pouvaient exister. Mais
ni l'histoire des vainqueurs ni l'histoire
alternative ne permettent de déterminer s'il
existe une norme permettant de mesurer ce qui
était avant et de ce qui était après et les
conséquences. C'est là le coeur du problème.
On peut légitimement énumérer tous les crimes,
exprimer une juste colère et lutter contre
l'agression américano-israélienne et pour la
Palestine, comme le font les gens dans le monde
entier. Or, le problème est que pour être
effectif, il faut défaire la perversion de cause à
effet des impérialistes. Les peuples sont
certainement unis dans une cause puissante et
l'effet qu'elle peut avoir sur le monde est
reconnaissable, comme son efficacité à exposer les
crimes des sionistes et à rallier les peuples pour
qu'ils rejettent les prétentions
américaines/israéliennes concernant le droit
d'Israël de se défendre. De même, si nous prenons
un exemple lié aux droits humains, nous pouvons
examiner ce qui constitue la mesure de la
personnalité, les qualités de la personne
proposées par les États-Unis et Israël. Israël
fait tout pour imposer la conception fasciste
selon laquelle une personne n'est pas
nécessairement un être humain, avec les qualités
de ce qui rend quelqu'un humain. Ces qualités
d'êtres sociaux pensants ayant des réclamations à
faire à la société sont liées à l'histoire. Nous
ne parlons pas ici de ce que l'on peut reconnaître
comme un humain émergeant de ses conditions
d'espèce descendue du singe. Plusieurs êtres sont
descendus du singe, mais nous avons abouti à
l'homo sapiens. Ce résultat n'est pas basé sur une
séquence d'événements, comme on le présente
souvent, tout comme l'émergence d'une personnalité
démocratique moderne et les qualités de la
personne d'aujourd'hui ne sont pas non plus une
question de séquence d'événements. L'histoire
n'est pas une suite d'événements. L'histoire,
c'est l'intervention des êtres humains dans le
monde pour apporter des changements et faire
progresser l'humanité.
De la même manière, la capacité d'une
Constitution d'établir l'égalité, par exemple, se
mesure par les conditions du peuple. Les
conditions générales et persistantes d'inégalité,
de racisme d'État, d'injustice et d'absence de
rendre des comptes auxquelles les Américains sont
confrontés - et que la Constitution américaine ne
fait rien pour empêcher - sont la mesure de la
Constitution et de son invalidité pour le présent.
Pour masquer l'incohérence des
arguments avancés par les États-Unis et leur
désespoir de cause à se perpétuer en tant que «
nation indispensable » en imposant leur « ordre
international fondé sur des règles », Antony
Blinken crée l'impression que cet ordre et le
droit international sont une seule et même chose.
S'attaquant avec véhémence à ceux qui sapent les
règles, il dit : « Lorsque les États membres de
l'ONU – en particulier les membres permanents du
Conseil de sécurité – bafouent ces règles et
bloquent les tentatives de mettre face à leurs
responsabilités ceux qui violent le droit
international, ils envoient le message que
d'autres pays peuvent enfreindre ces règles en
toute impunité. » Il insiste sur les règles dans
le but de les assimiler au droit international.
Néanmoins, la majeure partie de son discours fait
référence aux règles et à l'ordre fondé sur les
règles, et il limite la référence au droit
international à l'une de ses parties – le droit
humanitaire.
Les arguments qu'il avance servent à défendre les
actions des États-Unis et utilisent les droits
humains comme des munitions pour l'intervention
contre la souveraineté des pays au nom d'un être
humain abstrait. Le leadership des États-Unis
serait censé être jugé sur ses actes à venir et
non par ce qu'il a fait dans le passé. C'est
carrément la fraude qui est donnée comme contenu.
C'est comme lorsque Obama n'a pas voulu s'attaquer
à la question de la torture, des opérations
secrètes et des expulsions vers la torture en
disant : le passé est le passé et nous devons nous
tourner vers l'avenir. Ce qu'ils ne disent pas,
c'est que l'avenir n'existe pas encore. Ce qu'ils
vendent, c'est une sorte d'avantage futur. De la
même manière, les États-Unis vendent des menaces
futures pour justifier ce pour justifier ce qui ne
peut l'être. Cela comprend leur discours sur la
violence potentielle des manifestants ou les actes
terroristes potentiels. On ne peut pas apporter de
preuves pour s'attaquer à ces menaces, alors ils
s'engagent à s'y attaquer le moment venu.
L'engagement est envers un avenir qui n'existe pas
encore. Il ne s'agit pas d'actes dans le présent.
Obama a justifié son refus d'engager des
poursuites contre l'ancien président Bush pour
crimes de torture et d'agression en disant que «
le passé est le passé ». Autrement dit, les
États-Unis n'ont pas besoin de rendre des comptes
dans le présent.
Il existe également une notion ancienne chez les
gouvernants selon laquelle il est nécessaire de
prendre des mesures dans le monde entier pour se
protéger contre ce qui n'est pas faisable et
d'évaluer ce qui est faisable. Pour les idéologues
de l'impérialisme américain, la possibilité se
confond avec la nécessité. Ils n'évaluent pas ce
que sont les besoins, puis ce qui peut être fait
sur la base d'une évaluation des ressources, des
forces disponibles, des coûts et ainsi de suite.
Autrement dit, ils ne tirent pas les conclusions
qui s'imposent. C'est parce qu'ils ignorent
complètement les normes dans leurs décisions -
comme cela se voit dans les directives
quotidiennes données pendant la pandémie de la
COVID qui changent sans rime ni raison et
contribuent à créer une atmosphère d'irrationalité
et d'incohérence. En ce qui concerne la guerre en
Afghanistan, on dit maintenant que le coût de la
guerre est trop élevé ou que le temps nécessaire
pour la mener à bien est trop long. Qu'est-ce qui
est trop élevé ou trop long ? Cela peut être
n'importe quoi, mais la seule chose certaine est
que le coût humain en termes de morts, de blessés
et de destruction des forces productives humaines
ne compte pas. L'ex-ambassadrice des États-Unis à
l'ONU, Madeleine Albright, l'a très bien dit en
1996, lors d'une entrevue à l'émission 60 Minutes
sur les sanctions contre l'Irak qui ont tué plus
d'un demi-million d'enfants. Elle a dit : « Je
pense que c'est un choix très difficile, mais nous
pensons que le prix payé en valait la peine. »
L'argument intéressé à la base des positions des
États-Unis est que, parce qu'ils sont dans une
position supérieure, ils ont le droit de prendre
ces décisions. L'argument d'Antony Blinken est que
les États-Unis se sont débarrassés des crimes du
passé et qu'ils sont désormais supérieurs. C'est
l'avant et l'après. Par exemple, puisque ce sont
eux qui ont créé les diverses institutions
commerciales et financières, ils sont mieux en
mesure de décider de leur utilisation. L'illogisme
est que ce qui était premier reste premier ; il
est le plus important, donc supérieur et le
meilleur possible et devrait donc être le juge. Le
passé est supplanté, il est dépassé par le présent
et la conception est que le passé a créé – causé –
le présent et l'effet est le présent. Le rôle de
l'action humaine, des êtres humains qui changent
les conditions, qui interviennent pour ouvrir une
voie favorable à l'humanité, est totalement
absent.
Quand on parle ainsi de ce qui était premier,
puis de ce qui est venu en second, ce dernier est
toujours un dérivé du premier. Le premier reste
primaire et le second reste secondaire. On nie que
ce qui est secondaire, ou qui est venu après,
renverse ou subvertit ce qui était là en premier.
Ce déni conduit à la crise à laquelle est
confronté ce que l'on appelle l'ordre
international fondé sur des règles.
Si l'on accepte la logique de Blinken et Biden,
alors la norme pour une règle telle que présentée
est un paradoxe et prête à confusion. Mesurer
implique suivre une norme, indépendante de soi,
comme 1+1=2 n'est pas une question d'opinion. La
confusion se présente quand on pose la question :
la règle détermine-t-elle la conduite de l'action
? On peut être pour ou contre la règle, mais
est-ce le fait d'être pour ou contre la règle qui
détermine vos actions ? L'action humaine
découle-t-elle d'une prise de position pour ou
contre la règle ? C'est présenter la règle comme
la cause de l'action et l'action comme étant
séparée de l'origine de la règle. Les Palestiniens
se soulèvent pour défendre leur droit d'être et
leur droit de résister, cela n'est pas basé sur
l'opposition aux règles américaines/israéliennes.
Une autre façon d'exprimer le droit à la
résistance est la suivante : « Quand l'injustice
devient loi, la résistance est un devoir. » Ce
n'est pas une question de règles. C'est une
question de cause juste et de responsabilité
sociale d'intervenir pour la justice, pour les
droits. C'est l'action humaine qui affirme les
droits. Elle est proactive et ne consiste pas
principalement à réagir aux règles imposées par
les impérialistes.
L'histoire n'est pas une question
d'interprétation
Si l'on se penche à nouveau sur l'histoire et la
fraude de l'histoire, certains disent qu'il y a à
la fois une histoire « du peuple » et une histoire
des oppresseurs, comme s'il y avait deux histoires
différentes. L'histoire est donnée comme une
question d'interprétation, l'une donnée du point
de vue du peuple, l'autre du point de vue des
gouvernants. L'une prétend établir les causes et
les effets, l'autre dit que ce n'est pas le cas
parce que l'interprétation est fausse.
La propagande américaine répète sans cesse
qu'Israël ne fait que se défendre contre les
attaques à la roquette du Hamas. La réponse est
souvent qu'Israël a commencé les affrontements,
une notion couramment utilisée pour détourner le
mouvement de sa juste cause. Qui a tiré le premier
coup de feu était l'argument utilisé par les
États-Unis contre la Corée. Ils ont accusé le Nord
de lancer une agression contre le Sud, niant ainsi
le fait que les États-Unis avaient divisé la Corée
au 38e parallèle et que c'était l'agresseur qui
n'avait rien à faire là, à s'immiscer dans les
affaires coréennes et à financer les troubles.
Elle a été utilisée au Vietnam en créant
l'incident du golfe du Tonkin. Le fait est que «
qui tire le premier coup » n'est pas pertinent. La
question est de savoir si l'on résiste ou non à
l'agression. Accepter l'argument « qui a tiré le
premier », c'est tomber dans le piège qui dit que
le premier est le meilleur et c'est lui qui doit
décider tandis que le second qui est un dérivé du
premier, il est secondaire et le reste toujours.
L'idée de suivre une règle est donnée comme
suivant une ligne d'action. La présentation de
l'histoire du peuple par rapport à celle de
l'oppresseur est considérée comme une
interprétation – pro ou anti-peuple, raciste ou
antiraciste – ce qui pose le problème immédiat de
cette conception du monde, à savoir qu'à un moment
donné, on peut dire une chose et à un autre
moment, on peut dire quelque chose de très
différent. Lorsque les Israéliens ont détruit un
gratte-ciel de la ville de Gaza qui abritait le
siège de l'Associated Press et d'autres agences de
presse, Israël a déclaré que c'était parce que le
Hamas utilisait le bâtiment pour se cacher. La
réaction, y compris celle de l'Associated Press
qui répète régulièrement la propagande américaine
contre le Hamas et la Palestine, a été que non, ce
bâtiment abritait la presse et non le Hamas et
devait donc être protégé. D'autres avancent l'idée
que le Hamas est le gouvernement légitime de Gaza
et d'autres disent que non, il ne l'est pas. Ce
qui est caché, c'est que l'agression et la
résistance existent objectivement, elles ne sont
pas une question d'interprétation de quel « côté »
a agi en premier ou de qui est présent dans le
bâtiment. Le fait est que suivre des règles n'est
pas une question d'interprétation mais plutôt la
reconnaissance d'une mesure et d'une norme.
Il y a aussi le fait qu'une norme est une chose
publique, pas privée. Une norme n'est pas une
question d'interprétation ou de nouvelles
informations qui pourraient faire changer d'avis.
La résistance et l'agression se poursuivent
indépendamment du fait que quelqu'un change
d'argument.
Quelle est la différence entre la conception
d'une mesure qui est publique et la conception que
la mesure est sujette à interprétation ? Une règle
mesure 30 centimètres et les centimètres sont
normalisés ; il s'agit d'une mesure publique. On
peut dire la même chose des mesures basées sur le
Système international d'unités. Mais lorsqu'il
s'agit de définir un être humain moderne,
contemporain, réel, la question est présentée
comme une affaire d'interprétation. Les
Palestiniens disent que leur histoire n'est pas
simplement une affaire de chiffres, que chaque
personne a sa propre histoire, sa vie entière, les
contributions qu'elle apporte, qui devraient être
placées en première place. Comment mesurer cela ?
Ils essaient de trouver un visage public pour la
norme. Comment le faire ?
L'argument que chacun a sa propre perspective de
l'histoire, par exemple l'histoire du peuple par
rapport à celle des dirigeants, soulève le
problème suivant : si l'histoire est une question
d'interprétation par une personne ou un groupe de
personnes, cela revient à dire que si vous pensez
suivre la règle, c'est la même chose que de suivre
la règle. Il y a une incapacité à saisir la
mesure. C'est ce que font les États-Unis
lorsqu'ils disent que nous ne devons pas regarder
le passé et comment il se mesure au droit et aux
normes internationales. Le passé est le passé,
disent les États-Unis. Suivre une règle n'est pas
quelque chose qui se passe dans la tête de
quelqu'un, ou le fait d'un consensus au sein d'un
groupe donné. Si c'était le cas, alors cela
devient la règle d'Antony Blinken, son
interprétation à lui.
Ouvrir une voie
La promotion
par les États-Unis du complexe militaro-industriel
et, plus généralement, de l'affirmation qu'en
raison de sa complexité, la société ne peut être
comprise que par ceux qui sont supérieurs, est en
conflit avec ce qui a été caractérisé par Marx
comme étant le trait caractéristique de la société
bourgeoise moderne, son trait distinct, qui est la
simplification de l'ensemble de la société et de
ses nombreux antagonismes. Il y a un conflit entre
la simplification – l'ensemble de la société se
divisant de plus en plus en deux, ce qui est la
base de l'existence de deux camps, l'un défendant
l'Ancien, l'autre avançant le Nouveau – et les
choses devenant de plus en plus complexes, comme
le complexe militaro-industriel, qui se complique
avec le capital financier, etc. Le monde, comme
chaque pays, serait confronté à cette complexité.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de
complexité, mais bien que le trait distinctif de
la société moderne est la simplification,
l'ensemble de la société se divisant en deux.
S'il existe un processus historique qui conduit à
la simplification des antagonismes, et cet ordre
différent dit que le monde est de plus en plus
complexe, alors comment mesure-t-on la complexité
? Aucune norme n'est donnée pour mesurer la
complexité. Elle est juste affirmée comme une
réalité. Comment établir une mesure de cette
complexité qui ne tombe pas dans le piège de
suivre une règle, basée sur une interprétation
après l'autre, et le piège de penser que parce
qu'on la suit, c'est la même chose que de donner
la mesure basée sur une norme ? Autrement dit,
penser que l'on a un choix à faire n'est pas la
même chose que d'occuper un moment décisif où des
choix sont faits à votre place et vous voulez en
tirer avantage et éviter de donner l'avantage aux
gouvernants.
La confusion sur la mesure et les normes sert à
donner une base à la fraude de l'histoire. Tout
est fait pour saper la réalité que l'histoire
existe, que des voies précises sont suivies et que
nous pouvons regarder ces actions de notre point
de vue. Comment envisage-t-on d'ouvrir une voie ?
Pour les dirigeants, toute action entreprise peut
se résumer à agir suivant une règle donnée, et
pour le peuple, chacun peut décider d'ajouter son
interprétation des prétentions des riches. Comme
rien n'a de sens, cette approche est très
désorientante; elle ne fournit pas de guide pour
l'action.
Il faut plutôt s'intéresser aux causes et aux
effets. Le peuple a une cause. Mais comment
mesurer la cause et l'effet ? La cause a quelque
chose à voir avec l'orientation temporelle, du
passé au présent et au futur, ainsi qu'avec
l'orientation spatiale, qui implique le rapport
entre la forme et le contenu. La cause et l'effet
sont confondus et mélangés d'innombrables façons
qui nuisent aux mouvements des peuples. Une
confusion sans fin est entretenue sur la cause et
l'effet et le rôle de l'action humaine dans la
situation réelle du présent - en relation avec le
passé, le présent et l'avenir.
Quelle est l'orientation nécessaire, la direction
? Les arguments de la « fin de l'histoire »
s'avèrent être une grande arnaque. Mais les
peuples ont une mémoire collective contre laquelle
ces arguments se heurtent – comme l'attestent la
Palestine, ou l'esclavage américain et les
génocides d'aujourd'hui, etc. Pour nous, l'action
humaine, l'activation du facteur humain et la base
de l'information nécessaire, tout cela doit être
abordé.
Notre argument selon lequel il faut partir du
présent et examiner le passé pour éclairer le
présent et formuler un guide pour l'action se
réfère à l'analyse et à la synthèse sous forme de
guide pour l'action. Il ne s'inscrit pas dans la
ligne de la relation de cause à effet dont on
parle habituellement, selon laquelle le passé a
causé le présent qui à son tour est la cause du
futur. Selon cette thèse, si vous savez ce qui
s'est passé dans le passé, vous allez savoir ce
qui se passera dans le futur. C'est une thèse
dangereuse de l'équilibre entre continuité et
changement, où le premier reste le premier et ce
qui vient en second est un dérivé de ce qui vient
en premier. Selon cette logique, les États-Unis
sont le meilleur exemple d'empire. Ils sont
arrivés en premier, sont « indispensables » et
doivent le rester.
Nous disons qu'il y a une ligne de marche que
l'on peut tracer, comme des empreintes de pas dans
le sable, et que notre responsabilité est de
marcher. Mais gardez à l'esprit que le changement
n'est pas un événement particulier. Il y a des
soulèvements et des luttes. Il y a des traces de
pas dans le sable. Vous ne pouvez pas voir les
traces de pas qui vont de l'avant tant que vous ne
les faites pas avec l'action humaine. La ligne de
marche, le chemin à suivre, implique le concept
d'ouverture de ce chemin.
Il y a souvent confusion sur ce qui est fermé et
ce qui est ouvert, sur la manière de tirer parti
des ouvertures et sur la place l'action humaine
dans ce processus. Un acte de participation
consciente de l'individu est une intervention, une
action humaine, le chemin est l'acte de découvrir.
Le passé a lié et fermé l'information. Cependant,
la base pour trouver une ouverture est qu'il
existe déjà différents chemins, des traces, qui
constituent le passé. C'est la base pour libérer
une partie de l'information qui est liée à
l'ensemble du système.
L'histoire est faite de relations réelles et
n'est pas une liste d'événements du passé. Elle
implique des causes et des effets. Pour faire
l'histoire, il faut que cette action humaine,
profite des ouvertures et progresse d'ouverture en
ouverture.
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