Le sommet en crise d'une alliance en crise

Le G7, qui prétend représenter « les sociétés et les économies avancées les plus influentes et les plus ouvertes du monde », a adopté le slogan de campagne du président des États-Unis « Build Back Better » (reconstruire mieux). Cela signifie essentiellement que les pays réunis au « sommet des dirigeants » du G7 pensent pouvoir imposer au monde entier leurs « valeurs partagées » et leur soi-disant ordre international fondé sur des règles. Ils affirment que le principe de « la loi du plus fort » appartient au passé, mais tout ce qu'ils font, c'est trouver de nouveaux moyens de l'appliquer au présent. Ils veulent façonner l'avenir avec leur conception impérialiste pragmatique dans laquelle rien ne réussit mieux que le succès. En d'autres termes, ils établissent les règles et utilisent ensuite la force pour les imposer à ceux qui ne se soumettent pas. Ils font cela partout dans le monde. Ils l'ont fait lorsque l'Union soviétique est tombée et qu'ils ont adopté la Charte de Paris qui dictait les règles; ils ont ensuite imposé des règles aux peuples du monde au nom de la démocratie, des droits humains et de la prospérité. Ils ont décidé des règles de la soi-disant libre circulation des biens et des capitaux, des systèmes électoraux multipartites et des droits de l'homme, dont aucune n'adhère aux normes adoptées par les Nations unies qui constituent l'état de droit international. Quiconque ne se conforme pas à leurs règles arbitraires s'expose à des sanctions et à d'autres formes de mort et destruction.

Leur désir de « redevenir grands » les renvoie à un passé qu'ils considèrent comme glorieux, alors même que les peuples du monde entier ont entrepris de régler les comptes avec les héritages du génocide, de l'esclavage, des rapports de production capitalistes et impérialistes et des États-nations dont les structures sont conçues pour défendre les droits de propriété au détriment des droits humains. Ils en imposent à leurs adversaires, en particulier la Chine, la Russie et tous les pays qui défendent leur propre voie de développement, en promouvant la conception impérialiste selon laquelle les États-Unis sont la nation « indispensable ». Selon les termes employés par la Maison-Blanche, le sommet du G7 servira à « faire avancer les priorités politiques clés des États-Unis en matière de santé publique, de reprise économique et de changements climatiques, et à démontrer la solidarité et les valeurs partagées entre les grandes démocraties ».

Le message de Joe Biden aux médias lors de son départ pour le G7 était que « les États-Unis sont de retour » et que « les démocraties sont solidaires ». Il a déclaré que son objectif pour le G7 est de « renforcer l'alliance et faire comprendre à Poutine et à la Chine que l'Europe et les États-Unis sont soudés, et que le G7 va bouger ». Sept pays et des alliés assortis dépensent des millions de dollars pour tenir et sécuriser leur réunion où ils comptent dicter ce que le reste des 193 nations qui composent les Nations unies peuvent ou ne peuvent pas faire. Puisque leurs actes ne sont pas l'argument dont ils ont besoin pour convaincre, il ne reste que leur puissance de feu avec laquelle ils défendent leur monopole de l'usage de la force.

C'est une recette de guerre et ça ne doit pas passer. Les peuples du monde se lèvent comme une seule humanité engagée dans une seule lutte pour régler leurs comptes avec les héritages coloniaux et impérialistes. C'est leurs luttes pour faire valoir les réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société du fait qu'ils sont humains qui sont décisives pour endiguer la marée de la guerre impérialiste pour le repartage des ressources du monde, des zones de main-d'oeuvre bon marché, des zones d'exportation du capital et des zones d'influence.

La bravade n'est jamais convaincante comme moyen d'inspirer confiance. L'expression d'un soulagement devant la succession de Joe Biden à Donald Trump, comme signe que c'est enfin la « collégialité » qui l'emportera et que, sur cette base, tous les problèmes pourront être abordés, est à la fois désespéré et pitoyable. Malgré toute sa collégialité, le scénario de la guerre civile se profile plus que jamais aux États-Unis. Quant au ton doucereux du premier ministre canadien Justin Trudeau qui veut parler des droits des femmes et des jeunes filles, des peuples autochtones et d'environnement, son allégeance à la reine d'Angleterre et à tous les pouvoirs de prérogative liés aux fonctions exécutives et judiciaires de l'État lui impose le devoir de préserver l'héritage colonial en matière de relations de pouvoir, qui est inscrit dans la Constitution canadienne. Le renouveau politique est à l'ordre du jour dans chaque pays pour répondre aux exigences de l'époque, tandis qu'au niveau international, tous les peuples et pays sont tenus de respecter l'État de droit international qui guide les relations entre nations souveraines. Les normes et le contenu de l'état de droit international sont violés par l'ordre international dit « fondé sur des règles », lequel nous devons condamner sans relâche.

Il y a eu beaucoup de démonstrations de puissance de feu et de tractations en coulisses en faveur des oligopoles mondiaux et de leurs cartels et coalitions sous le couvert de l'attitude belliqueuse de la présidence Trump envers les partenaires américains de la soi-disant alliance transatlantique. L'affirmation de Joe Biden que « les États-Unis ont un engagement envers l'OTAN, la sécurité transatlantique et la défense collective », tout en exigeant, comme Trump, que les pays de l'OTAN augmentent leur participation dans les exercices de guerre et leur financement de l'OTAN, révèle que cette puissance de feu et ce marchandage restent constants derrière la prétendue approche collégiale de Biden qui n'est pas moins arrogante et encore plus exigeante. La politique du bord de l'abîme pratiquée en mer Noire et en mer de Chine méridionale est conçue pour tester la force des armées des puissances rivales. C'est un jeu très dangereux dont la seule issue est la guerre inter-impérialiste.

Les affirmations de Joe Biden au sujet de la « nation indispensable » et de l'« unité étroite » au sein de l'alliance transatlantique se heurtent aux conditions matérielles du monde actuel. L'ancienne équation selon laquelle quiconque contrôlerait l'Europe dominerait l'Asie n'a aucun rapport avec la réalité d'aujourd'hui. Les États-Unis ne parviennent pas non plus à contrôler l'Europe et ne peuvent pas non plus dominer l'Asie dont les forces productives dépassent de loin les leurs et, à l'échelle mondiale, la révolution scientifique et technique a créé des forces productives qui peuvent être décrites comme une force géologique échappant au contrôle de tout intérêt privé étroit. Pour régler les comptes avec le bellicisme impérialiste des États-Unis et de leur alliance agressive qu'est l'OTAN, les peuples doivent trouver des solutions sur la base d'un internationalisme prolétarien moderne et non pas sur la base de vieux calculs géopolitiques fondés sur la supériorité de ceux qui font les règles et s'arrogent par conséquent le droit d'interpréter les règles d'un soi-disant ordre international fondé sur des règles.

Aucun peuple, où que ce soit, ne donne à un président américain, à un premier ministre canadien ou britannique ou à des pays comme l'Allemagne, la France et le Japon le droit de déclarer que les « valeurs » que des institutions comme le G7 ou l'OTAN imposent au monde par la force économique, politique et militaire sont les meilleures que l'humanité ait produites et doivent être défendues à tout prix. Ils présentent cela comme une évidence, un sujet qui ne doit pas être discuté, un fait qu'on ne doit pas remettre en question, au risque de se faire étiqueter d'extrémiste, d'élément marginal, de populiste ou d'agent de l'ennemi ou se voir apposer d'autres épithètes qui vous rangent dans la catégorie de ceux qui sont indignes de considération. Mais quelles sont ces « valeurs » et qui a décidé que ce sont « nos » valeurs ? Tout est fait pour étouffer la discussion sur les prétendues valeurs communes que le G7 et l'OTAN préconisent et qui seraient aussi des valeurs canadiennes, britanniques, etc.

Face à la vague de refus de l'état de choses de la part des peuples des États-Unis et du monde, une réponse commune des élites dirigeantes est de déclarer un « engagement » à faire mieux. Pour concrétiser cet « engagement », les préparatifs de guerre sont poussés à leur paroxysme et la campagne de désinformation vise à promouvoir la sinophobie et la russophobie, en accusant la Chine et la Russie de tous les maux du monde. Tout cela est fait pour saper le mouvement populaire contre la guerre, contre l'héritage raciste et pour l'émancipation. Un des moyens qu'utilisent ces élites dirigeantes pour détourner le mouvement est de fixer l'ordre du jour pour ensuite demander à tous les peuples du monde de réagir à cet ordre du jour au lieu d'établir le leur et de s'engager dans des actions qui le feront avancer. La réalité est que leur frénésie de la haine ne justifiera jamais l'anarchie, la violence, la privation et la souffrance dans lesquelles les grandes puissances ont plongé le monde.


       Sculpture intitulée « Mount Recyclemore : le E7 », faite de déchets de produits électroniques, à l'image des dirigeants du G7 et dans le style du Mont Rushmore, création de l'artiste britannique Joe Rush sur la plage de Sandy Acres en Cornouailles.

Le G7 est un groupe en crise, ce qui explique que ses solutions consistent à revenir en arrière et à essayer de maintenir des systèmes qui se sont déjà avérés dysfonctionnels et non viables. Leurs démocraties, avec leurs « valeurs partagées » d'« élections libres et équitables », de « systèmes multipartites » et d'« économie de marché », vont de crise en crise. Elles sont contrôlées par des élites corrompues qui n'ont pas d'arguments adaptés au présent, qui répondent aux problèmes du présent. Leur soi-disant ordre international fondé sur des règles, dont les règles sont contraires à ce qui est reconnu comme constituant l'état de droit international, est défini par eux dans une perspective centrée sur leurs propres intérêts, ce qu'aucun pays ou peuple qui se respecte ne peut accepter.

Le G7 est une alliance en crise qui tient un sommet en crise. En effet, les crises sont telles que même les groupes de réflexion des cercles dirigeants, comme le Conseil des relations étrangères des États-Unis, qui prétendent rassembler les factions dirigeantes rivales, parlent d'éliminer complètement le G7 et les institutions d'après-guerre en faveur d'un « concert des puissances ». Ils proposent que ce « concert des puissances » comprenne les États-Unis, la Chine, l'Inde, le Japon, la Russie et l'Union européenne et soit chargé d'établir un consensus sur la manière de régler tous les problèmes auxquels ils sont confrontés et auxquels l'humanité est confrontée, et d'éviter ainsi la guerre.

Évidemment, tous les pays doivent se soumettre à l'exigence que les États-Unis doivent être considérés comme la « nation indispensable » et que ce soit eux qui établissent les règles. Cela ne fait que souligner à quel point ils sont devenus pitoyables et qu'il y a nécessité urgente de sauver l'humanité de ces sauveurs condescendants !


Cette photo circule sur les médias sociaux pour dénoncer la présence policière massive au sommet. Le bateau de croisière, d'une capacité de 3 000 personnes, loué pour accueillir une partie des policiers supplémentaires déployés dans la région, est amarré à Carbis Bay, en Cornouailles.

(Photos : Extinction Rebellion, Circular, P. Egerton.)


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 13 - 11 juin 2021

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