Le sommet en crise d'une alliance en crise
- Pauline Easton -
Le G7, qui prétend représenter « les sociétés et
les économies avancées les plus influentes et les
plus ouvertes du monde », a adopté le slogan de
campagne du président des États-Unis « Build Back
Better » (reconstruire mieux). Cela signifie
essentiellement que les pays réunis au « sommet
des dirigeants » du G7 pensent pouvoir imposer au
monde entier leurs « valeurs partagées » et leur
soi-disant ordre international fondé sur des
règles. Ils affirment que le principe de « la loi
du plus fort » appartient au passé, mais tout ce
qu'ils font, c'est trouver de nouveaux moyens de
l'appliquer au présent. Ils veulent façonner
l'avenir avec leur conception impérialiste
pragmatique dans laquelle rien ne réussit mieux
que le succès. En d'autres termes, ils établissent
les règles et utilisent ensuite la force pour les
imposer à ceux qui ne se soumettent pas. Ils font
cela partout dans le monde. Ils l'ont fait lorsque
l'Union soviétique est tombée et qu'ils ont adopté
la Charte de Paris qui dictait les
règles; ils ont ensuite imposé des règles aux
peuples du monde au nom de la démocratie, des
droits humains et de la prospérité. Ils ont décidé
des règles de la soi-disant libre circulation des
biens et des capitaux, des systèmes électoraux
multipartites et des droits de l'homme, dont
aucune n'adhère aux normes adoptées par les
Nations unies qui constituent l'état de droit
international. Quiconque ne se conforme pas à
leurs règles arbitraires s'expose à des sanctions
et à d'autres formes de mort et destruction.
Leur désir de «
redevenir grands » les renvoie à un passé qu'ils
considèrent comme glorieux, alors même que les
peuples du monde entier ont entrepris de régler
les comptes avec les héritages du génocide, de
l'esclavage, des rapports de production
capitalistes et impérialistes et des États-nations
dont les structures sont conçues pour défendre les
droits de propriété au détriment des droits
humains. Ils en imposent à leurs adversaires, en
particulier la Chine, la Russie et tous les pays
qui défendent leur propre voie de développement,
en promouvant la conception impérialiste selon
laquelle les États-Unis sont la nation «
indispensable ». Selon les termes employés par la
Maison-Blanche, le sommet du G7 servira à « faire
avancer les priorités politiques clés des
États-Unis en matière de santé publique, de
reprise économique et de changements climatiques,
et à démontrer la solidarité et les valeurs
partagées entre les grandes démocraties ».
Le message de Joe Biden aux médias lors de son
départ pour le G7 était que « les États-Unis sont
de retour » et que « les démocraties sont
solidaires ». Il a déclaré que son objectif pour
le G7 est de « renforcer l'alliance et faire
comprendre à Poutine et à la Chine que l'Europe et
les États-Unis sont soudés, et que le G7 va bouger
». Sept pays et des alliés assortis dépensent des
millions de dollars pour tenir et sécuriser leur
réunion où ils comptent dicter ce que le reste des
193 nations qui composent les Nations unies
peuvent ou ne peuvent pas faire. Puisque leurs
actes ne sont pas l'argument dont ils ont besoin
pour convaincre, il ne reste que leur puissance de
feu avec laquelle ils défendent leur monopole de
l'usage de la force.
C'est une recette de guerre et ça ne doit pas
passer. Les peuples du monde se lèvent comme une
seule humanité engagée dans une seule lutte pour
régler leurs comptes avec les héritages coloniaux
et impérialistes. C'est leurs luttes pour faire
valoir les réclamations qu'ils sont en droit de
faire à la société du fait qu'ils sont humains qui
sont décisives pour endiguer la marée de la guerre
impérialiste pour le repartage des ressources du
monde, des zones de main-d'oeuvre bon marché, des
zones d'exportation du capital et des zones
d'influence.
La bravade n'est jamais convaincante comme moyen
d'inspirer confiance. L'expression d'un
soulagement devant la succession de Joe Biden à
Donald Trump, comme signe que c'est enfin la «
collégialité » qui l'emportera et que, sur cette
base, tous les problèmes pourront être abordés,
est à la fois désespéré et pitoyable. Malgré toute
sa collégialité, le scénario de la guerre civile
se profile plus que jamais aux États-Unis. Quant
au ton doucereux du premier ministre canadien
Justin Trudeau qui veut parler des droits des
femmes et des jeunes filles, des peuples
autochtones et d'environnement, son allégeance à
la reine d'Angleterre et à tous les pouvoirs de
prérogative liés aux fonctions exécutives et
judiciaires de l'État lui impose le devoir de
préserver l'héritage colonial en matière de
relations de pouvoir, qui est inscrit dans la
Constitution canadienne. Le renouveau politique
est à l'ordre du jour dans chaque pays pour
répondre aux exigences de l'époque, tandis qu'au
niveau international, tous les peuples et pays
sont tenus de respecter l'État de droit
international qui guide les relations entre
nations souveraines. Les normes et le contenu de
l'état de droit international sont violés par
l'ordre international dit « fondé sur des règles
», lequel nous devons condamner sans relâche.
Il y a eu beaucoup
de démonstrations de puissance de feu et de
tractations en coulisses en faveur des oligopoles
mondiaux et de leurs cartels et coalitions sous le
couvert de l'attitude belliqueuse de la présidence
Trump envers les partenaires américains de la
soi-disant alliance transatlantique. L'affirmation
de Joe Biden que « les États-Unis ont un
engagement envers l'OTAN, la sécurité
transatlantique et la défense collective », tout
en exigeant, comme Trump, que les pays de l'OTAN
augmentent leur participation dans les exercices
de guerre et leur financement de l'OTAN, révèle
que cette puissance de feu et ce marchandage
restent constants derrière la prétendue approche
collégiale de Biden qui n'est pas moins arrogante
et encore plus exigeante. La politique du bord de
l'abîme pratiquée en mer Noire et en mer de Chine
méridionale est conçue pour tester la force des
armées des puissances rivales. C'est un jeu très
dangereux dont la seule issue est la guerre
inter-impérialiste.
Les affirmations de Joe Biden au sujet de la «
nation indispensable » et de l'« unité étroite »
au sein de l'alliance transatlantique se heurtent
aux conditions matérielles du monde actuel.
L'ancienne équation selon laquelle quiconque
contrôlerait l'Europe dominerait l'Asie n'a aucun
rapport avec la réalité d'aujourd'hui. Les
États-Unis ne parviennent pas non plus à contrôler
l'Europe et ne peuvent pas non plus dominer l'Asie
dont les forces productives dépassent de loin les
leurs et, à l'échelle mondiale, la révolution
scientifique et technique a créé des forces
productives qui peuvent être décrites comme une
force géologique échappant au contrôle de tout
intérêt privé étroit. Pour régler les comptes avec
le bellicisme impérialiste des États-Unis et de
leur alliance agressive qu'est l'OTAN, les peuples
doivent trouver des solutions sur la base d'un
internationalisme prolétarien moderne et non pas
sur la base de vieux calculs géopolitiques fondés
sur la supériorité de ceux qui font les règles et
s'arrogent par conséquent le droit d'interpréter
les règles d'un soi-disant ordre international
fondé sur des règles.
Aucun peuple, où que ce soit, ne donne à un
président américain, à un premier ministre
canadien ou britannique ou à des pays comme
l'Allemagne, la France et le Japon le droit de
déclarer que les « valeurs » que des institutions
comme le G7 ou l'OTAN imposent au monde par la
force économique, politique et militaire sont les
meilleures que l'humanité ait produites et doivent
être défendues à tout prix. Ils présentent cela
comme une évidence, un sujet qui ne doit pas être
discuté, un fait qu'on ne doit pas remettre en
question, au risque de se faire étiqueter
d'extrémiste, d'élément marginal, de populiste ou
d'agent de l'ennemi ou se voir apposer d'autres
épithètes qui vous rangent dans la catégorie de
ceux qui sont indignes de considération. Mais
quelles sont ces « valeurs » et qui a décidé que
ce sont « nos » valeurs ? Tout est fait pour
étouffer la discussion sur les prétendues valeurs
communes que le G7 et l'OTAN préconisent et qui
seraient aussi des valeurs canadiennes,
britanniques, etc.
Face à la vague de refus de l'état de choses de
la part des peuples des États-Unis et du monde,
une réponse commune des élites dirigeantes est de
déclarer un « engagement » à faire mieux. Pour
concrétiser cet « engagement », les préparatifs de
guerre sont poussés à leur paroxysme et la
campagne de désinformation vise à promouvoir la
sinophobie et la russophobie, en accusant la Chine
et la Russie de tous les maux du monde. Tout cela
est fait pour saper le mouvement populaire contre
la guerre, contre l'héritage raciste et pour
l'émancipation. Un des moyens qu'utilisent ces
élites dirigeantes pour détourner le mouvement est
de fixer l'ordre du jour pour ensuite demander à
tous les peuples du monde de réagir à cet ordre du
jour au lieu d'établir le leur et de s'engager
dans des actions qui le feront avancer. La réalité
est que leur frénésie de la haine ne justifiera
jamais l'anarchie, la violence, la privation et la
souffrance dans lesquelles les grandes puissances
ont plongé le monde.
Sculpture
intitulée « Mount Recyclemore : le E7 », faite de
déchets de produits électroniques, à l'image des
dirigeants du G7 et dans le style du Mont
Rushmore, création de l'artiste britannique Joe
Rush sur la plage de Sandy Acres en Cornouailles.
Le G7 est un groupe en crise, ce qui explique que
ses solutions consistent à revenir en arrière et à
essayer de maintenir des systèmes qui se sont déjà
avérés dysfonctionnels et non viables. Leurs
démocraties, avec leurs « valeurs partagées » d'«
élections libres et équitables », de « systèmes
multipartites » et d'« économie de marché », vont
de crise en crise. Elles sont contrôlées par des
élites corrompues qui n'ont pas d'arguments
adaptés au présent, qui répondent aux problèmes du
présent. Leur soi-disant ordre international fondé
sur des règles, dont les règles sont contraires à
ce qui est reconnu comme constituant l'état de
droit international, est défini par eux dans une
perspective centrée sur leurs propres intérêts, ce
qu'aucun pays ou peuple qui se respecte ne peut
accepter.
Le G7 est une alliance en crise qui tient un
sommet en crise. En effet, les crises sont telles
que même les groupes de réflexion des cercles
dirigeants, comme le Conseil des relations
étrangères des États-Unis, qui prétendent
rassembler les factions dirigeantes rivales,
parlent d'éliminer complètement le G7 et les
institutions d'après-guerre en faveur d'un «
concert des puissances ». Ils proposent que ce «
concert des puissances » comprenne les États-Unis,
la Chine, l'Inde, le Japon, la Russie et l'Union
européenne et soit chargé d'établir un consensus
sur la manière de régler tous les problèmes
auxquels ils sont confrontés et auxquels
l'humanité est confrontée, et d'éviter ainsi la
guerre.
Évidemment, tous les pays doivent se soumettre à
l'exigence que les États-Unis doivent être
considérés comme la « nation indispensable » et
que ce soit eux qui établissent les règles. Cela
ne fait que souligner à quel point ils sont
devenus pitoyables et qu'il y a nécessité urgente
de sauver l'humanité de ces sauveurs
condescendants !
Cette photo circule sur les médias sociaux pour
dénoncer la présence policière massive au sommet.
Le bateau de croisière, d'une capacité de 3 000
personnes, loué pour accueillir une partie des
policiers supplémentaires déployés dans la région,
est amarré à Carbis Bay, en Cornouailles.
(Photos : Extinction
Rebellion, Circular, P. Egerton.)
Cet article est paru dans
Volume 51 Numéro 13 - 11 juin 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2021/Articles/LS51132.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|