Numéro 61 - 15 décembre 2023
Grève des travailleuses et travailleurs du secteur public au Québec
Une autorité en contradiction avec les conditions actuelles
Des travailleurs de l'éducation à Montréal le 4 décembre 2023
• L'agenda caché du ministre Dubé et la lutte du secteur public
• Appui sans faille au courage des enseignants
• Toutes et tous à la défense de l'éducation publique!
Lettre à la rédaction
• Sur les lignes de piquetage à l'hôpital Saint-François d'Assise
Reportage photo
• Les travailleuses et travailleurs du secteur public dans la rue
Grève des travailleuses et travailleurs du secteur public au Québec
Une autorité en contradiction
avec
les conditions actuelles
Front commun, Montréal, 8 décembre 2023
Pendant sept jours à partir du 7 décembre, les 420 000 travailleuses et travailleurs de la santé, de l'éducation et des programmes sociaux du Front commun ont rejoint les 66 500 enseignantes et enseignants de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui eux, sont en grève générale illimitée depuis le 23 novembre. Les 80 000 membres de la Fédération interprofessionnelles de la santé (FIQ) seront quant à eux en grève du 11 au 14 décembre. Malgré toutes les énormes difficultés occasionnées par la grève aux familles du Québec, l'appui de la population demeure, tout simplement parce qu'elle a conscience que la qualité et la quantité de soins auxquels elle a droit sont défendus par les travailleurs de ce secteur.
Un des enjeux de la bataille actuelle est que les secteurs de la santé et de l'éducation sont près d'un point de rupture après près de 30 ans d'offensive antisociale qui, au fil du temps, a pris pour nom compressions, coupures, austérité, équilibre budgétaire et maintenant besoin de flexibilité. Loin de régler quoique ce soit pour la population et les services auxquels elle a droit, ces politiques antisociales ont exacerbé la crise des systèmes de santé et d'éducation qui ont grand besoin d'investissements et de réformes pour les renforcer et non les détruire et les privatiser ou pour payer les riches avec l'argent détourné des programmes sociaux. Les conditions de travail sont maintenant telles que travailleurs de la santé et personnel de l'éducation désertent ces secteurs. Après les tragédies vécues lors de la pandémie, les travailleurs se disent : c'est assez !
Le but de cette restructuration des services publics par le gouvernement est de remettre les décisions dans ce secteur aux intérêts privés étroits qu'il sert. Il veut pouvoir disposer de la force de travail des employés comme bon lui semble, sans être restreint par les limites gagnées par les travailleurs dans les contrats de travail sur la question des horaires et des heures de travail. Le gouvernement Legault refuse de s'attaquer aux grands problèmes identifiés par la communauté, et en particulier par les travailleurs de ces secteurs et leurs organisations, et ce n'est pas son intention.
Parce qu'il n'a aucune solution prosociale, pour atteindre ses fins le gouvernement recourt aux manoeuvres pour diviser les travailleurs et aux menaces. Cité par la presse le 6 décembre, Legault a eu ces propos :
« C'est important que tous les Québécois comprennent que les négociations qu'on mène actuellement pour renouveler les conventions collectives vont être déterminantes pour l'avenir des réseaux de la santé et de l'éducation [...]. Depuis des dizaines d'années, on n'arrive pas à améliorer les services en éducation et en santé beaucoup à cause de la rigidité des conventions collectives. On n'est pas capables... Je vous donne un exemple : si un gestionnaire s'entend avec un employé sur un horaire de travail, ça peut être rejeté par le syndicat. Souvent, les employés seraient d'accord avec nos propositions, mais elles sont refusées par les syndicats. [...] C'est ça qui est au coeur des négociations. [...] Ça risque de brasser dans les prochaines semaines. » Il a ajouté : « Ce n'est pas normal que notre réseau soit géré par des syndicats plutôt que par des gestionnaires », alors que le désaccord fondamental dans la bataille actuelle porte précisément sur quels intérêts servent les gestionnaires ?
La question se pose pour toutes les Québécoises et tous les
Québécois est comment tenir le gouvernement responsable et
comment faire en sorte qu'il prenne ses responsabilités sociales
pour ce qui est d'accroître les investissements dans la santé et
l'éducation et arrêter la privatisation.
Les travailleurs du secteur public sont toujours déterminés à gagner des conditions de travail à la hauteur des besoins de la population
Les contrats de travail des près de 600 000 employés du secteur public sont échus depuis le 31 mars 2023. Dès l'automne 2022, ces derniers ont fait connaître au gouvernement leurs demandes de conditions de travail et de salaire qui leur sont acceptables pour les soins à la population. Un an plus tard, après l'exercice de différents moyens de pression jusqu'à la grève, et ce, avec l'appui massif de la population à leurs demandes, il est clair que la volonté du gouvernement est d'exercer un contrôle pratiquement total sur toutes les décisions prises dans ces secteurs et que pour ce faire, il doit éliminer les limites que contiennent les contrats de travail. En plus d'être profondément anti-travailleur, cette politique du gouvernement ne fera qu'intensifier une crise déjà intenable en santé et en éducation. Les travailleuses et travailleurs de ce secteur poursuivent courageusement leur lutte et informent régulièrement la population de ce qui se passe aux tables de négociation. Rappelons que le Front commun et la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) en sont à leur 3e séquence de journées de grève, se terminant le 14 décembre et que la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) est quant à elle en grève générale illimitée depuis le 23 novembre.
Le Front commun, qui regroupe plus de 420 000 employés de la santé, de l'éducation primaire, secondaire et collégiale et des programmes sociaux, a dit le 10 décembre :
« Le mantra gouvernemental sur la flexibilité et la souplesse cache mal une volonté de contrôler davantage le travail du personnel essoufflé du réseau.
« Après plus d'un an de négociation et alors que le réseau est frappé par une des plus grandes crises de son histoire, les organisations syndicales s'étonnent que le gouvernement maintienne des propositions de reculs aux tables sectorielles. Son intention de revoir les matières locales vise à pouvoir déplacer le personnel dans plusieurs services et sites et à imposer des horaires avec plusieurs quarts de travail. Pourtant, ce que les travailleuses et les travailleurs du réseau et la population souhaitent, c'est plus de stabilité dans l'offre de services.
« Actuellement, le personnel quitte le réseau par les portes et les fenêtres. En attaquant le peu de stabilité qui demeure dans les conditions de travail, le gouvernement pèse sur l'accélérateur pour entrer dans le mur. Il faut faire tout à fait l'inverse. Il faut améliorer dès maintenant les conditions de travail de l'ensemble des titres d'emploi du réseau. En exerçant une troisième séquence de grève partout au Québec en fin de semaine, les travailleuses et les travailleurs du réseau montrent qu'elles et ils sont déterminés à améliorer leurs conditions de travail et à se battre pour de meilleurs services à la population
« À cela s'ajoute le fait que le gouvernement, en pleine négociation, a mis fin au temps supplémentaire à taux double pour l'ensemble du personnel, ce qui était pourtant une mesure importante de rétention du personnel. Depuis le début des négociations sectorielles, le gouvernement propose des mesures temporaires et des mesures uniquement pour quelques titres d'emploi, ce qui est loin d'être suffisant pour convaincre le personnel de rester dans le réseau et pour attirer la relève.
« Le ministre Dubé et le premier ministre Legault devraient passer moins de temps à faire de basses attaques contre les syndicats et plus de temps à donner les mandats pour améliorer les conditions de travail du personnel aux tables sectorielles. Ce ne sont pas les syndicats qui sont en cause s'il manque de monde dans bien des titres d'emploi ni si le personnel est à bout de souffle. Les travailleuses et les travailleurs en grève s'attendent à plus du gouvernement. »
La FAE représentant 66 500 enseignants a souligné le 11 décembre :
« Dès le début de cette négociation, la Fédération a clairement énoncé les priorités des enseignantes et enseignants, soit une amélioration de la composition de la classe, un allègement de la tâche et un accroissement de leur autonomie professionnelle. Si le gouvernement de François Legault a réellement à coeur le sort de l'école publique, il doit faire tout ce qui est en son pouvoir, et ce, dès maintenant, pour répondre aux besoins nombreux et criants des profs. Or, après 11 mois de négociation, plus de 80 rencontres et 13 jours de grève, l'on se demande si le gouvernement prend la situation au sérieux, alors qu'un demi-million d'élèves ne sont pas en classe chaque jour qui passe. Nous perdons collectivement un temps précieux. La FAE veut bien donner encore une chance à la négociation, mais les mandats des représentantes et représentants patronaux aux tables doivent permettre d'améliorer concrètement les conditions d'enseignement et d'apprentissage dans la classe, au quotidien. »
« Dans son dépôt patronal verbal du 4 décembre, le gouvernement a fait comprendre sans équivoque à la FAE que l'ouverture sur les affectations était un incontournable pour faire débloquer les pourparlers aux tables de négociation. C'est pourquoi mercredi dernier, la FAE a rencontré son instance, le Conseil fédératif de négociation, afin de dégager de nouveaux mandats concernant ces affectations. À la suite des discussions entre les délégations, une contre-offre syndicale proposant diverses modalités sur les affectations a été adoptée mercredi puis déposée auprès de la partie patronale jeudi matin.
« Or, au cours de la fin de semaine, la partie patronale, plutôt que d'ouvrir comme attendu sur les propositions syndicales, a plutôt invité la FAE à faire d'autres mouvements et aller chercher de nouveaux mandats auprès de ses instances. Cette attitude contraste grandement aux promesses faites, publiquement, en date du 23 novembre. »
La FIQ, qui regroupe 80 000 travailleuses et travailleurs de la santé, en est à sa 3e séquence de journées de grève. Le 11 décembre elle a publié le commentaire suivant :
« Pour discuter d'un élément aussi simple que le stationnement des professionnelles en soins pour lesquelles un véhicule est requis, ça a pris 48 heures à l'équipe de négociation gouvernementale pour nous revenir. On ne peut pas dire qu'on fait de la négociation une priorité quand c'est aussi long pour des choses aussi simples. François Legault et Sonia LeBel ont beau dire que les négociations sont une priorité, ça n'avance pas assez rapidement à la table. Il faut qu'ils donnent de réels mandats à leurs négociateurs. Si les discussions se sont accélérées au cours des derniers jours et qu'il y a eu certaines avancées, il n'y en a pas eu suffisamment sur des enjeux essentiels pour les professionnelles en soins. La charge de travail et la conciliation travail-vie personnelle sont des priorités qui doivent être prises au sérieux par le gouvernement.
« Alors que le gouvernement insiste pour mettre les salaires sur la place publique, la FIQ tient à rappeler que le coeur du litige découle aussi des conditions de travail exécrables dans le réseau de la santé.
« Évidemment, l'argent est important. Il faut qu'on paye les professionnelles en soins à leur juste valeur, à la hauteur de leur expertise et nous n'accepterons jamais une entente à rabais. Mais il y a plus que le salaire, il y a aussi les conditions de travail. Il faut qu'on arrête d'épuiser les professionnelles en soins de telle sorte qu'il ne leur reste que deux choix : le burnout ou la démission. Cette façon de faire ne nous mène nulle part.
« Il ne fait aucun doute qu'une grande partie de la population a bien compris que la lutte que mène les infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques, c'est aussi une lutte pour améliorer la qualité et la sécurité des soins offerts aux patient-e-s du Québec ».
Le même jour, le vaste soutien dont jouissent les travailleuses et travailleurs du secteur public auprès de la population a été confirmé lorsque le syndicat des Métallos, membre de la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ), a annoncé un don de 100 000 dollars sous forme de carte-cadeaux d'épicerie pour les travailleurs du secteur public en grève, étant donné leur absence de revenu et même du versement syndical minimum.
« Les travailleuses et travailleurs, dont une grande majorité de femmes, qui tiennent à bout de bras les services publics, qui veillent sur nos jeunes, nos enfants, nos aînés et l'ensemble de la population, mènent actuellement une bataille importante pour des conditions de travail décentes. En cette période d'inflation galopante, ces travailleuses et travailleurs refusent l'appauvrissement et exigent le respect de la part de leur employeur. Comme la majeure partie de la population québécoise, nos membres sont de tout coeur avec elles et eux. C'est important pour nous de les appuyer. »
La distribution des dons se fait via les bureaux régionaux des Métallos répartis sur l'ensemble du territoire, directement sur les lignes de piquetage, ainsi que par le biais des organisations.
« On sait que les batailles des uns rejaillissent sur les autres. Une grève représente un sacrifice important. Ces dons ne remplacent pas le début d'un salaire, mais on espère donner un petit répit aux familles plus affectées, pour que les grévistes obtiennent un règlement la tête haute. Quand on touche à un de nous, c'est toute la famille Métallo qui est là pour répondre. On retrouve parmi les travailleuses et travailleurs du secteur public, nos soeurs, nos filles, nos mères, nos chums, nos blondes, nos enfants, nos amis. Les Métallos répondent présents pour elles et eux ! »
L'agenda caché du ministre Dubé et la lutte du secteur public
Manifestation à Québec contre le projet de loi 15, le 12
décembre 2023
Adoptée sous le bâillon le 10 décembre, la Loi 15 du ministre de la Santé Christian Dubé, appelée Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, concentre tous les pouvoirs entre les mains du ministre en créant l'agence Santé Québec qui devient le seul employeur du réseau au Québec. Le ministre a beau pavoiser, il sait néanmoins qu'il doit « bulldozer » les conventions collectives s'il veut réussir sa réforme antisociale.
C'est ainsi que les syndicats apparaissent comme l'obstacle qui, s'il n'est pas enlevé, empêchera le ministre de la Santé de réaliser sa réforme. Le ministre veut un droit de gérance absolu sur les horaires de travail, la durée de la journée de travail et de la semaine de travail; il veut pouvoir déplacer les employés d'un secteur à l'autre, d'un établissement à l'autre dans un rayon allant jusqu'à 60 km, d'un quart de travail à l'autre, d'une journée à l'autre, etc.
Tout cela aurait comme conséquence de détruire ce qui fonctionne bien encore, en déplaçant le personnel, déshabillant encore plus Pierre pour habiller Jean. Autrement dit, la crise s'aggraverait dans le réseau et ferait fuir encore davantage d'employées de surcroît.
Nous jouons depuis un certain temps dans ce scénario où la crise dans la santé crée un marché pour le privé.
La crise s'aggravant, va-t-il appeler des firmes privées de gestion pour s'occuper d'un hôpital d'une région ou encore de Santé Québec elle-même ? Celles-ci pourraient alors sous-traiter ce qui est le plus payant pour le privé...
Le ministre Dubé a interdit aux établissements d'avoir recours aux agences de placement privées. A-t-il réussi ? NON. Au contraire, cela a augmenté. De la poudre aux yeux et de la manipulation de l'opinion publique.
Tout le monde a conscience que si le gouvernement réussit son sabotage de la lutte des travailleuses et travailleurs du secteur public, non seulement subiraient-ils des conditions de travail désastreuses pour eux et leurs familles, mais la destruction de l'hôpital public et du réseau de la santé et des services sociaux serait portée à des niveaux encore plus élevés.
Ce n'est pas pour rien que de très nombreux aînées et aînés encouragent les grévistes en disant : « lâchez pas », eux qui sont sans aucun doute les premières victimes de la déshumanisation grandissante des soins de santé.
Il faut investir en santé, en éducation et dans les services sociaux. Mais le gouvernement considère cela comme un coût et non un investissement. Pour lui, investir, c'est donner des milliards de dollars à des compagnies très riches, de l'argent qu'il n'a pas et qu'il doit emprunter. À qui emprunte-t-il ?
En suivant l'argent, on va s'apercevoir que l'argent vient de
grands financiers étrangers, peut-être même directement ou
indirectement de la compagnie Northvolt qui fait des profits
énormes avec les intérêts des prêts et des subventions
gouvernementaux. Possiblement qu'au bout de la ligne cette
opération financière lui apportera plus que la construction de
l'usine elle-même, si elle se fait. Des profits assurés.
C'est ainsi que l'État exige que ses employés s'appauvrissent et que soient détruites leurs conditions de vie et de travail, qu'ils financent – de même que toute la population – les opérations pour payer les riches du gouvernement par leurs taxes et impôts, et la détérioration des services de santé, d'éducation et sociaux qui s'en suit.
Les infirmières ont comme slogan : « Nos conditions de travail, vos conditions de soins » et elles ont entièrement raison.
Ils et elles veulent que leur Non veut dire Non ! Vive la lutte des employés et employées du secteur public !
Appui sans faille au courage des enseignants
Depuis le déclenchement de la grève générale illimitée des 66 500 enseignantes et enseignants de la Fédération autonome des enseignants (FAE), le 23 novembre, les appuis de la population se manifestent chaque jour. Mis à part les permanents coups de klaxons des automobilistes, les lignes de piquetage des enseignants sont régulièrement visitées par les membres de la communauté qui leur apportent café et nourriture. Des restaurateurs servent aussi pizza ou poulet aux enseignants en grève de leur quartier et des commerçants offrent des rabais lors d'achat. L'opération Entraide pour les profs en grève a été également mise sur pied pour aider les membres de la FAE à répondre à différents besoins, eux qui sont sans salaire ni fond de grève depuis près de trois semaines.
Les Métallos, annonçait le 11 décembre un don d'une valeur de 100 000 dollars en carte-cadeaux d'épicerie pour les familles de grévistes du secteur public.
Le regroupement « Je protège mon école publique », qui organise aussi des chaînes humaines autour des écoles, a dit :
« Les médias soulignent fréquemment que les enseignantes et enseignants de la FAE ont valeureusement décidé d'aller en grève générale illimitée sans fonds de grève, ce qui occasionne évidemment des problèmes. Mais voilà que des initiatives de solidarité s'organisent aussi, comme ce groupe d'entraide entre profs (qu'il et elle soient avec la FAE ou avec le Front commun), et ces commerçants qui décident aussi de supporter ces grévistes qui veulent améliorer l'école publique. »
La luttes des travailleurs du secteur public reçoit aussi des appuis hors Québec. La Fédération du travail de l'Ontario a exprimé son soutien lors de son congrès en début novembre, l'Internationale de l'éducation a fait de même le 14 novembre dans un communiqué.
Toutes et tous à la défense de l'éducation publique!
Le lundi 11 décembre, les enseignantes et enseignants de l'Outaouais ont à nouveau répondu massivement à l'appel du Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais (SEO) à une action surprise annoncée la veille. Dès 9 h 30, les gens se sont rassemblés devant le Complexe sportif Branchaud-Brière où tous les députés caquistes de la région devaient se réunir pour une annonce de la vice-première ministre et ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault. Celle-ci a annoncé le prolongement d'une route et l'agrandissement d'une autre, écrivant sur X que c'était « une excellente nouvelle pour les citoyens de Gatineau ».
Les syndiqués étaient particulièrement outrés de la plus récente déclaration du premier ministre François Legault qui est revenu à la charge avec ses demandes de « souplesse ». Ne laissant aucun doute quant à ses intentions et affirmant ouvertement que, plutôt que d'améliorer les conditions de travail, il comptait les détériorer encore plus, il a dit : « Il est incontournable d'assouplir les contrats de travailleurs afin de donner de nouveaux pouvoirs aux gestionnaires dans les réseaux de la santé et de l'éducation. C'est comme ça que ça marche au privé, et c'est comme ça que ça devrait marcher dans le secteur public. »
Des enseignantes ont dit que leur lutte pour qu'elles soient respectées et à la défense de l'éducation publique est devenue pour elles une question de principe.
Une imposante manifestation des enseignantes et enseignants de l'Outaouais pour exiger que le gouvernement assume ses responsabilités sociales
Le lundi matin 4 décembre, près de 3000 enseignantes et enseignants, certains venant d'aussi loin que Papineauville, ont fermé une section du boulevard de la Carrière et de St-Joseph à Gatineau pour « marcher sans trembler ». Le mot d'ordre, bien entendu, est un jeu de mot en référence à la députée caquiste de Hull, Suzanne Tremblay, qui avant d'être élue députée aux dernières élections au Québec était présidente du Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais (SEO).
Dans son appel à la manifestation, la SEO avait écrit : « Il est grandement temps d'obliger les députées et députés de la CAQ de l'Outaouais à se commettre quant à l'actuelle ronde de négociation. Leur silence a assez duré. Puisqu'ils ne prennent pas l'initiative de se prononcer, nous les visiterons collectivement et nous les questionnerons. La première à recevoir notre visite sera Suzanne Tremblay, députée de la circonscription de Hull et adjoint gouvernemental au ministre de l'Éducation. »
Avant d'entreprendre la marche au point de rassemblement devant le Casino du Lac-Leamy, la présidente actuelle du SEO a dit que les syndiqués se sentaient trahis par leur ancienne présidente. Elle a affirmé que le syndicat ne laissera aucun secteur de côté dans ces négociations. « Depuis 25 ans les choses se sont détériorées en éducation. Le premier ministre pensait-il qu'il allait nous faire rentrer immédiatement en versant quelques larmes ? » Elle évoquait ici la récente mise en scène pitoyable du premier ministre du Québec, François Legault, qui a demandé publiquement de mettre fin à la grève dans l'enseignement parce que « ça fait mal aux enfants ». Le syndicat a répondu du tac-au-tac sur les réseaux sociaux que ce qui fait mal aux élèves c'est l'éducation publique qui se détériore depuis des décennies.
Tout le monde a ensuite marché vers le bureau de circonscription de la députée de Hull où ils ont manifesté bruyamment. En marchant si nombreux, les enseignants et enseignantes du SEO montrent leur détermination à avoir gain de cause : des conditions de travail et des augmentations salariales à la hauteur de leur travail et de leurs responsabilités sociales et qui répondent à leurs besoins et à ceux des élèves. Ils exigent que le gouvernement les entende et qu'il assume ses propres responsabilités envers l'éducation, envers les enseignantes et enseignants, les élèves, les parents, et la société dans son ensemble.
Lettre à la rédaction
Sur les lignes de piquetage à l'hôpital Saint-François d'Assise
Voilà la série de sept jours amorcée. C'est de mieux en mieux organisé du côté chauffage et aussi vêtements.
Des personnes ont donné de leurs manteaux à de nouveaux arrivants, africains, tunisiens etc., qui viennent tout juste de commencer à l'hôpital. À une d'elles qui était en train de figer sans bouger, je lui ai suggéré d'entrer se réchauffer 10 minutes, et qu'elle pouvait le faire régulièrement. Les gens qui arrivent ne connaissent pas nos façons d'agir.
En arrivant sur la ligne de piquetage, une personne m'a dit : « Vous je vous aime, car vous arrivez à chaque jour avec une nouvelle pancarte. » Une pancarte disait : « Stop à la destruction du système de santé » et a reçu beaucoup d'approbation et plusieurs ont pris des photos.
Faisant écho aux propos du premier ministre, celle d'aujourd'hui disait : « Les syndicats, un obstacle au privé dans la santé ». Cela contribue à animer les discussions, comme c'est quoi la flexibilité demandée par le gouvernement et que veut-il en faire ? Le flux monétaire, comment le gouvernement paie-t-il les riches ? La crise des institutions, etc.
Je parle de cela, car force est de constater que les gens vivent et ressentent des choses, mais n'ont pas les mots.
À l'intérieur de l'hôpital, de nombreuses situations critiques se sont produites cette semaine. Mentionnons qu'on a failli perdre les serveurs informatiques du CHU, les cinq hôpitaux et tout ce qui y est relié. Les techniciens en informatique ont sauvé la situation en installant des ventilateurs, ouvrant sur l'extérieur pour faire circuler de l'air froid pour refroidir un peu la salle des serveurs.
Plusieurs travailleurs de l'hôpital étaient contents que le désastre ait pu être évité ainsi que les tords que cela aurait causé au système de santé de la région, conscients du fait qu'un tel désastre aurait servi à attaquer les syndicats et les syndiqués et à blâmer leurs moyens de pression.
Le langage physique du premier ministre a été remarqué. Ses grimaces quand quelque chose le dérange. C'est vu comme un bon signe.
Lundi, le 11, les infirmières de la FIQ ont rejoint les syndicats du Front Commun sur les piquets de grève. L'inscription des grévistes se fait maintenant dans une même tente pour tous les grévistes de tous les syndicats.
J'ai l'impression que l'employeur commence à tergiverser et tricher sur les temps de grève et le travail que les cadres doivent fournir. Cela coïncide avec la préoccupation soudaine des médias sur « les effets collatéraux sur les patients ». Autrement dit, la pression commence à s'exercer sur les grévistes de la santé.
Certains grévistes pensent encore qu'il y a possibilité que cela se règle bientôt et c'est un sujet discuté, mais l'opinion contraire semble dominer. L'inquiétude face à l'épuisement du fond de grève après 10 jours se manifeste aussi, ce qui démontre le premier point. Dans deux semaines, la paie va être plus petite car c'est à ce moment que seront reflétées les coupures dues à la grève.
Un dernier point. J'ai remarqué que de très nombreuses personnes âgées à pied ou en auto manifestent leur appui aux grévistes. Et je ne suis pas le seul, un autre travailleur retraité étant du même avis dit que c'était mauvais pour la CAQ si les aînés appuient les grévistes. Ceux-ci souffrent particulièrement de la crise dans la santé, comme de la pandémie.
Salutations à tous les travailleurs et travailleuses du secteur public !
Un lecteur de Québec
Reportage photo
Les travailleuses et
travailleurs
du secteur public dans la rue
Depuis le début du mois de décembre, les près de 600 000 employés du secteur public prennent la rue quotidiennement pour affirmer la défense de leurs demandes. Ils sont souvent joints par les parents et les passants de leur communauté. Voici des photos de leurs actions dans différentes régions du Québec, du 4 au 12 décembre :
Grand Montréal
Laval
Québec
Estrie
Outaouais
Lebel-Sur-Quévillon
La Sarre
(Photos : PMLQ, FAE et syndicats affiliés, FIQ, CSQ, CSN)
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
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