Numéro 1 - 2 février 2021
Pendant que 2021 s'amorce
L'impuissance de l'élite dirigeante face
aux crises économique et sanitaire
• Le
chômage élevé révèle la profondeur de la crise
• Enquête sur la
population active de décembre 2020
La lutte pour
freiner la propagation de la pandémie de la
COVID-19
• La mobilisation des
travailleurs pour des solutions demeure la
question
clé - Pierre Chénier
• Des sujets de grande
préoccupation dans le secteur des soins de santé
• L'Ontario prolonge
l'ordre de «restez à la maison» -
Steve Rutchinski
• Des infirmières de
l'Outaouais forcées de rester au travail par un
tribunal administratif - Pierre
Soublière
Entrevues
• «On lâche rien!
Aidez-nous à vous aider!» - Marjolaine
Aubé
• Les revendications des
travailleurs de première ligne - Jason
Fraser
Pendant que 2021 s'amorce
L'élite au pouvoir au Canada semble consternée
par son incapacité ne serait-ce qu'à expliquer
comment combattre la double crise économique et
sanitaire, sans parler de proposer quoi que ce
soit de concret. On dit que les dirigeants des
partis de cartel au Parlement et les économistes
sont déconcertés et se sentent impuissants devant
la persistance des crises. Ils sont réduits à dire
que ça va mal et à s'accuser les uns les autres de
ne pas faire plus.
Les
expressions de consternation face à la double
crise qui perdure et les attributions de blâme ne
sont pas du tout utiles, pas plus que les appels
aux dirigeants à écouter et à respecter les
travailleurs. La seule action significative est
d'encourager les contingents combattants de la
classe ouvrière sur les lieux de travail dans tout
le pays, ainsi que les travailleurs des
communautés et les enseignants et le personnel des
établissements d'enseignement à se mobiliser
directement pour s'occuper de l'économie et de la
valeur qu'elle produit, et ce, tout en cherchant
comment les crises jumelles de l'économie et du
système de santé peuvent être résolues pour le
bien commun.
Forum ouvrier continuera d'offrir un
espace pour les revendications et les actions qui
favorisent les travailleurs, notamment la
revendication d'arrêter de payer les riches, pour
des services de santé, des soins de longue durée,
des résidences pour personnes âgées à but non
lucratif et des mesures similaires qui bénéficient
à la population et aident à résoudre les crises en
faveur du peuple.
Alors que s'amorce l'année 2021, le nombre
de chômeurs au Canada continue de grimper.
Le taux de chômage officiel des travailleurs à la
recherche d'un emploi et incapables de trouver un
emploi est passé à 1 755 800
personnes en décembre 2020. Cela
représente 636 000 chômeurs de plus par
rapport à février 2020. De
plus, 488 000 Canadiens ayant un emploi
ont déclaré en décembre qu'ils travaillaient moins
de la moitié de leur nombre d'heures hebdomadaire
habituel.
Le nombre de Canadiens
de 15 ans et plus en décembre était
de 31 297 700. Ce nombre est
considéré comme la main-d'oeuvre potentielle. La
main-d'oeuvre réelle était
de 20 308 800 personnes. De ce
nombre, 15 188 300 étaient employés
à temps plein, 3 364 700 employés à
temps partiel et 1 755 800 étaient
sans emploi. Le pourcentage de travailleurs dans
la main-d'oeuvre réelle, mais sous-utilisée en
tant que chômeurs ou qui travaillent moins de la
moitié de leurs heures habituelles était
de 17,1 % en décembre,
soit 3 472 805 travailleurs.
La baisse du taux de participation à la
population active et le grand nombre de chômeurs
et de personnes sous-employées signifient une
perte de valeur sociale potentielle pour le pays.
Les travailleurs qui ne travaillent pas dans
l'économie socialisée ne produisent pas de
richesse sociale. Le refus de l'élite dirigeante
d'organiser des services de garde d'enfants et
d'apprentissage précoce pour tous les enfants est
un obstacle à la réalisation du potentiel de
l'économie.
Le refus des élites dirigeantes de remettre en
question le droit de monopole et son expropriation
de la valeur ajoutée produite par les travailleurs
ne fait que drainer de l'économie et du pays la
valeur sociale nécessaire qui pourrait être
utilisée pour accroître les investissements dans
les programmes sociaux et les services publics.
Le refus de remettre en question le droit de
monopole afin de réaliser (payer pour) la valeur
sociale qu'ils consomment des travailleurs éduqués
et en bonne santé en tant que valeur sociale
reproduite, et la permission qui est donnée à
l'oligarchie de l'exproprier en tant que profit
privé, privent l'éducation publique, les soins de
santé et d'autres programmes sociaux des fonds
dont ils ont besoin pour satisfaire et garantir
les besoins et les droits des Canadiens.
L'Enquête sur la population active,
décembre 2020, de Statistique Canada brosse
un portrait sombre alors que les travailleurs
subissent une perte nette de 63 000
emplois. Statistique Canada mentionne que
42 000 personnes de plus ont quitté dans son
ensemble le marché du travail et que ce sont « les
femmes du principal groupe d'âge actif et les
jeunes hommes » qui « ont été en grande
partie à l'origine de la diminution ».
« La baisse mensuelle du travail autonome a plus
que contrebalancé la hausse observée au cours des
deux mois précédents et a porté le nombre de
travailleurs autonomes à son plus bas niveau
depuis le début de la pandémie de la COVID-19 ou
à 6,8 % (-198 000) en deçà de son
niveau observé en février. En revanche, le nombre
d'employés du secteur privé s'est situé 4,1 %
(-512 000) en deçà de son niveau de février,
tandis que le nombre d'employés du secteur public
s'est situé 1,9 % (+73 000)
au-dessus de son niveau de février. Par rapport à
l'année précédente, le travail autonome a reculé
de 192 000 (-6,6 %) en décembre, et
les baisses les plus marquées ont été enregistrées
dans la construction, dans le transport et
l'entreposage ainsi que dans les soins de santé et
l'assistance sociale (données non
désaisonnalisées). », rapporte Statistique
Canada.
« Le nombre d'entreprises actives en septembre
est demeuré 7,2 % inférieur au nombre
observé en février 2020 », ajoute-t-on.
Il convient de noter que le nombre total d'heures
travaillées en décembre a diminué pour la première
fois depuis avril 2020, en baisse
de 0,3 %. Statistique Canada mentionne
que « Cette diminution est principalement
attribuable aux baisses enregistrées dans les
services d'hébergement et de restauration ainsi
que dans les autres services, qui comprennent les
services personnels et les services de
blanchissage. Des baisses plus faibles ont été
observées dans les services aux entreprises, les
services relatifs aux bâtiments et les autres
services de soutien ainsi que dans les ressources
naturelles. [...] En décembre, le total des heures
travaillées était 5,3 % inférieur à
celui de février, et les heures perdues par les
travailleurs autonomes ont été à l'origine de plus
des deux cinquièmes (44,3 %) de la baisse
totale. »
La lutte pour freiner la
propagation de la pandémie de la COVID-19
- Pierre Chénier -
Alors que la propagation de la COVID-19 cause
une augmentation des infections, des
hospitalisations et des décès, il est plus évident
que jamais qu'en s'organisant pour mettre de
l'avant leurs revendications et leurs solutions,
les travailleurs jouent un rôle clé pour freiner
la propagation et stabiliser la situation, en
particulier dans le système de santé. Les
travailleurs prennent la parole et s'organisent
pour protéger tout le monde, y compris eux-mêmes,
en livrant les services dont les gens ont besoin,
et ils affirment ainsi la solidarité sociale de
tous pour le bien-être de tous. C'est aussi par ce
travail et cette lutte que les travailleurs
peuvent forcer ceux en position d'autorité à
assumer leur responsabilité de protéger le peuple.
C'est une véritable tragédie qu'après
environ 11 mois de pandémie, des conditions
de travail sécuritaires pour les travailleurs de
première ligne n'ont pas encore été mises en
place. Les revendications des travailleurs pour
des choses aussi élémentaires que des équipements
de protection individuelle, qu'ils déterminent
eux-mêmes à partir de leur expérience et des
normes de santé publique, n'ont toujours pas été
réalisées dans tous les endroits de travail. Des
mesures de santé et de sécurité sont en place dans
certains endroits de travail et non dans d'autres,
selon des critères qui varient d'un endroit à
l'autre et qui sont décidés derrière des portes
closes.
En ce moment, les
gouvernements et les employeurs recherchent des
sites alternatifs dans lesquels des soins de santé
qui ne nécessitent pas des services hospitaliers
complets peuvent être fournis. Cependant, sans
personnel adéquat et sans la mobilisation du
facteur humain pour régler les questions de santé,
de formation et d'entretien, et toutes les
questions liées au succès des projets, ceux-ci
vont connaître les mêmes problèmes que les projets
précédents ont déjà causés. Espérer que la
mobilisation de l'armée pour livrer les vaccins va
garantir l'efficacité du projet, c'est rêver en
couleurs parce qu'on y voit le même manque
d'intérêt à placer les êtres humains au centre de
l'organisation sociale.
Ces projets peuvent être construits uniquement
autour de l'objectif prosocial de veiller au
bien-être de tous et de toutes. C'est sur cette
question que la lutte est la plus âpre. Les
travailleurs prennent des initiatives afin de
diriger le peuple dans la solution de la crise
d'une manière qui favorise le peuple et la
société, mais ils ne contrôlent pas ce qui se
passe. Les élites dirigeantes continuent de mettre
de l'avant des stratagèmes qu'ils annoncent par
décret, tels que des couvre-feux et des amendes
peu importe si cela enfreint les droits des
travailleurs.
C'est seulement en se mobilisant eux-mêmes, en
commençant par les collectifs organisés des
travailleurs, des jeunes, des femmes, des
autochtones, des organisations communautaires et
d'autres collectifs que les travailleurs peuvent
exercer un contrôle sur ce qui se passe.
En ce moment, une discussion se mène au Québec
sur la possibilité de réquisitionner les salles
d'opération privées et leur personnel pour les
intégrer dans le secteur public durant la crise
afin qu'on y fasse des chirurgies importantes qui
sont présentement retardées à cause de la
COVID-19. Cela serait une façon d'améliorer la
situation dans les hôpitaux. Il n'y a pas de doute
qu'il faut réquisitionner les ressources pour
faire face à la crise, mais cela requiert entre
autres l'entière mobilisation des travailleurs et
des autorités médicales pour garantir que cela se
fera de manière sécuritaire. Des travailleurs de
la santé ont dit à Forum ouvrier que cela
pourrait réduire la pression sur le système de
santé, à condition que tout soit fait pour
garantir un fonctionnement sécuritaire et que cela
ne signifie pas l'expansion des soins de santé
privés. Ils disent que ce serait une mesure
temporaire pour faire face à la crise.
En Ontario et dans d'autres provinces, les
gouvernements disent envisager d'ouvrir plus de
lits d'hôpitaux et des hôpitaux de campagne
temporaires, entre autres mesures pour étendre le
système. Mais sans satisfaire les revendications
des travailleurs pour une augmentation du
personnel et de meilleures conditions de travail,
cela ne fera qu'exacerber la crise des soins de
santé au lieu de la régler.
Une
des grandes préoccupations des travailleurs de la
santé au Québec et ailleurs est d'éviter la mise
en oeuvre de ce qu'on appelle le protocole de
priorisation pour l'accès aux soins intensifs
quand le système est débordé. Au Québec, selon ce
protocole conçu par le gouvernement québécois, si
la pénurie de ressources en soins intensifs
atteint un point de rupture et que des mesures
telles que le transfert de patients d'un
établissement à un autre sont devenues
impossibles, certains patients se verraient
refuser un accès vital aux soins intensifs pour
faire de la place à d'autres jugés plus
susceptibles de survivre. Le protocole sera mis en
place lorsque la demande de lits dans les unités
de soins intensifs de la province
atteindra 200 % de la capacité.
Des travailleurs de la santé ont dit à Forum
ouvrier que le manque de ressources qui
provoquerait de telles actions est le résultat
direct de la réduction des services par les
gouvernements successifs depuis plus de 30
ans. Cette situation est encore aggravée
aujourd'hui par les conditions intenables imposées
aux travailleurs de la santé, qui tombent malades
et doivent prendre des congés, démissionner ou
opter pour une retraite anticipée. Les forces
productives humaines sont en train d'être
détruites sous prétexte de réduire les déficits
budgétaires et sous d'autres prétextes
antisociaux, afin de servir des intérêts privés
étroits. Les conséquences de cette destruction
sont ensuite invoquées pour justifier encore plus
de destruction.
Les travailleurs se battent pour l'affirmation de
toutes les vies humaines et de tous les droits
humains et ils ne sont pas d'accord avec ces
propositions désespérées qui vont à l'encontre de
leur conscience. C'est comme si l'on demandait aux
pompiers de ne pas tout faire pour sauver tout le
monde dans un bâtiment en feu, mais de choisir qui
vivra et qui mourra. La lutte des travailleurs
pour des conditions de travail adéquates et
sécuritaires est directement liée à la lutte pour
mettre en échec cet assaut antisocial et inhumain
contre la société.
- Steve Rutchinski -
Le 25 janvier, le gouvernement de l'Ontario
a prolongé l'« état d'urgence » qui avait été
décrété le 12 janvier. Ces mesures visent à
contenir la propagation de la pandémie de la
COVID-19 afin d'« aplatir la courbe » des
infections avant que le système de santé publique
ne soit complètement débordé. L'« état
d'urgence » est prolongé jusqu'au 9
février, à moins qu'il ne soit à nouveau prorogé.
Le fait que le gouvernement refuse de se
mobiliser et de mettre à contribution la force et
l'organisation des travailleurs et du peuple pour
aplatir la courbe est préoccupant. La
marginalisation du peuple, qui est au centre des
solutions aux problèmes de la société, est la
raison pour laquelle la situation n'est pas
maîtrisée. Le gouvernement de l'Ontario a même
refusé de tenir compte des recommandations des
syndicats de travailleurs de l'éducation et des
syndicats des soins de santé de première ligne,
des propositions qui sont conformes aux lignes
directrices en matière de santé publique et aux
conclusions scientifiques médicales; des
propositions qui auraient minimisé le risque d'une
deuxième vague après la réouverture des écoles,
des endroits de travail et des commerces.
http://www.pmlq.qc.ca/images/Slogans/CaricatureSante.jpegLa
privatisation néolibérale de pratiquement tous les
aspects du système de santé publique a laissé le
Canada totalement vulnérable lorsqu'il s'agit de
répondre aux exigences en matière de santé
publique. Le refus de fournir des équipements de
protection individuelle adéquats, même aux
travailleurs de la santé de première ligne, sans
parler de la société dans son ensemble, montre que
l'ordre du jour d'enrichir les riches est criminel
et que les travailleurs doivent exiger un
changement de la direction de l'économie.
L'état d'urgence précédent déclaré
en Ontario a été utilisé pour violer les
conventions collectives des travailleurs de la
santé de première ligne, leur imposant des
conditions de travail intolérables – souvent sans
même un équipement de protection adéquat. L'ordre
du jour néolibéral de gel des salaires dans le
secteur public, de privatisation et d'autres
stratagèmes pour payer les riches aggrave la
crise. Il n'est pas surprenant qu'en plein coeur
de cette crise, la société soit confrontée à la
plus grave pénurie de personnel de santé jamais
vue.
L'Ontario a réagi à la première vague en adoptant
une loi visant à protéger les exploitants des
centres de soins de longue durée (SLD) à but
lucratif de toute poursuite criminelle ou civile
pour les centaines de décès dans les foyers de
SLD. Les exploitants de SLD privés ont également
reçu des subventions totalisant des dizaines de
millions de dollars et, alors que les conditions
des travailleurs et des résidents sont demeurées
en grande partie inchangées, ces entreprises ont
versé d'énormes dividendes à leurs propriétaires.
Les syndicats des travailleurs de l'éducation de
l'Ontario ont élaboré des protocoles importants
pour s'assurer que la réouverture des écoles ne
soit pas une catastrophe pour la société, mais
ceux-ci ont été bloqués quelle que soit la manière
qu'ils ont utilisée pour se faire entendre. Le
fait est que les institutions démocratiques telles
qu'elles existent actuellement ne permettent pas
aux travailleurs et à leurs organisations d'avoir
leur mot à dire dans la prise de décision pour
gérer cette pandémie.
Le gouvernement de l'Ontario blâme la population
pour avoir ignoré les directives de santé
publique. Il prétend que l'état d'urgence et
l'ordre de rester à la maison sont nécessaires
parce que les gens n'agissent pas de façon
responsable.
En fait, les travailleurs et la population de
l'Ontario ont assumé et continuent d'assumer leurs
responsabilités sociales au mieux de leurs
capacités pour assurer leur sécurité et celle de
leurs collectivités. Toutefois, il faut s'attaquer
au problème du manque de contrôle sur le pouvoir
décisionnel en se débarrassant du système de
gouvernement des partis de cartel qui prétend que,
par son vote pendant une élection, le peuple
autorise les autres à parler et à agir en son nom.
C'est de la fraude. Le système de gouvernement des
partis de cartel sert les riches. De tels
gouvernements ne représentent pas le peuple.
Dans la situation actuelle, les travailleurs de
l'Ontario doivent redoubler d'efforts pour
défendre leurs droits afin que les droits de
toutes et de tous soient protégés et que les
gouvernements ne s'en tirent pas impunément en ne
faisant pas leur devoir tel que le peuple le
comprend.
Les restrictions en Ontario
L'Ontario a été placé sous le coup d'un décret de
maintien à domicile, qui impose à chacun de rester
à la maison sauf pour des raisons essentielles,
comme aller à l'épicerie ou à la pharmacie,
accéder aux services de soins de santé, faire de
l'exercice ou effectuer un travail essentiel.
Il n'y a pas d'enseignement en classe
jusqu'au 10 février au plus tôt pour les
emplacements de bureaux de santé publique
suivants : Windsor-Essex, la région de Peel,
Toronto, la région de York et Hamilton.
Les entreprises doivent s'assurer que tous leurs
employés travaillent de la maison s'ils le
peuvent.
Un maximum de cinq personnes peut se réunir à
l'extérieur, conformément aux règles qui étaient
en vigueur durant la première vague.
Les masques restent obligatoires à l'intérieur
des entreprises ou organisations ouvertes. Les
masques sont désormais également recommandés à
l'extérieur lorsqu'une distance physique de plus
de deux mètres n'est pas possible.
Tous les magasins de détail non essentiels sont
fermés à partir de 20 heures et ouverts au
plus tôt à 7 heures du matin. Ces
restrictions ne s'appliquent pas aux magasins qui
vendent principalement de la nourriture, aux
stations d'essence, aux pharmacies, aux dépanneurs
ou aux restaurants proposant des plats à emporter
ou des livraisons.
La construction non essentielle est également
limitée, y compris la construction en dessous du
niveau du sol, exempt d'arpentage.
Il n'y a pas de restrictions sur l'achat
d'articles non essentiels.
- Pierre Soublière -
Pendant la période des Fêtes, le Tribunal
administratif du travail (TAT) est intervenu pour
forcer des infirmières de l'Hôpital de Gatineau à
travailler dans la nuit du 25 au 26
décembre. L'une des infirmières que le TAT a
obligées à rester au travail avait effectué
plusieurs heures supplémentaires et plusieurs
quarts de 12 heures pendant la semaine et
était exténuée. Le président du syndicat des
professionnels en soins de l'Outaouais, Patrick
Guay, a fait valoir que l'employée en question
n'avait demandé que deux jours de congé pendant la
période des Fêtes, et qu'on l'obligeait tout de
même à rester au travail et à faire du travail
supplémentaire.
Le
TAT a statué que le refus « concerté » de
travailler des heures supplémentaires constituait
« un moyen de pression illégal », pouvant «
porter préjudice à un service auquel le public a
droit ». Le juge a ainsi ordonné aux
syndiquées concernées de fournir leur prestation
de travail habituelle et d'effectuer les heures de
travail supplémentaires requises.
Cette décision du TAT vient s'ajouter à l'arsenal
de moyens dits juridiques que l'employeur a à sa
disposition pour gérer le personnel sans tenir
compte ni des conventions collectives, ni du droit
de refuser de travailler dans des conditions non
sécuritaires, ni même du sens le plus élémentaire
du respect de la santé et de la sécurité des
travailleurs et des personnes qu'ils soignent. Des
arrêtés ministériels adoptés en mars par le
gouvernement Legault permettent entre autres aux
centres de santé et de services sociaux d'annuler
les vacances et de forcer des employés à temps
partiel à travailler à temps complet, contre leur
volonté. L'employeur, le Centre intégré de santé
et de services sociaux (CISSS), affirme qu'il
compte sur la « solidarité » des infirmières,
dont 40 % d'entre elles, dans
l'Outaouais, sont à temps partiel. Cet appel à une
soi-disant « solidarité » est appuyé par de
lourdes sanctions telles que des amendes allant
de 1000 à 6000 dollars.
Ce dont les gouvernements ont toujours accusé les
travailleurs de la santé – de prendre la
population en otage lorsqu'ils entreprennent la
moindre action pour défendre le droit à la santé
et à des conditions de travail humaines – est
précisément ce qu'il fait lui-même. Ce n'est pas
sans raison que des travailleuses ont lancé des
appels à l'aide publics pour être tenues
prisonnières dans leurs lieux de travail !
Entrevues
- Marjolaine Aubé -
Marjolaine Aubé est la présidente du
Syndicat des travailleuses et travailleurs du
CISSS (Centre intégré de santé et de services
sociaux) de Laval-CSN.
Forum ouvrier : Comment
qualifierais-tu la situation actuelle en ce qui
concerne la lutte à la pandémie au CISSS de
Laval ?
Marjolaine Aubé : Je
qualifierais la situation de très critique et de
sombre. Lors de la première vague, cela s'est joué
essentiellement dans les CHSLD et dans les
résidences pour personnes âgées. Pour ce qui est
de la situation de l'hôpital à Laval, il n'y avait
pas grand-chose qui se passait, c'était presque
désert. La deuxième vague se joue partout.
Plusieurs milieux sont touchés, notamment
l'hôpital où il y a beaucoup d'éclosions. Cela va
plus vite, cela n'est pas concentré dans les
centres d'hébergement, mais partout dans toutes
nos installations. Nous avons aussi des patients
qui ont été transférés dans les régions des
Laurentides et de Lanaudière, parce qu'eux sont un
peu moins touchés alors que Laval est encore une
fois touchée de plein fouet.
En plus, il y a toute
la question des systèmes de ventilation dans nos
établissements. Nous avons une concentration de
patients qui sont infectés par la COVID-19. Nous
avons des établissements qui sont très vieux et
nous en avons aussi qui sont plus récents. Au fil
des années, les établissements ont été agrandis de
l'intérieur. Là où on avait un bureau par exemple,
celui-ci peut avoir été réaménagé en quatre
bureaux, séparés par une cloison, mais le système
de ventilation n'a pas été réaménagé. Le système
de ventilation n'est plus optimal. Un rapport
vient d'être déposé par l'Institut national de
santé publique (INSPQ) qui fait plein de
recommandations au niveau des systèmes de
ventilation et des équipements et qui propose
plusieurs mesures. Il est clairement indiqué dans
le document que si toutes les mesures requises ne
sont pas mises en place, cela ne va pas
fonctionner, les mesures sont complémentaires.
Cela fait depuis juillet que nous demandons des
rapports de ventilation à l'employeur. Il nous
promettait toujours de nous les donner, mais ne
nous les donnait pas. Le syndicat des infirmières
a finalement fait un droit d'accès à l'information
mais étant donné le délai, entre juillet et
maintenant, qui est trop long, nous avons déposé
en intersyndicale 20 plaintes relatives aux
systèmes de ventilation du CISSS de Laval auprès
de la CNESST. Nous avons maintenant une
inspectrice qui est nommée au dossier, qui a
commencé ses inspections et a déjà constaté que
plusieurs choses ne fonctionnent pas et a donné
dix jours à l'employeur pour lui fournir la
documentation nécessaire pour qu'elle puisse faire
ses inspections. Nous sommes en attente en ce qui
concerne ce que l'inspection va donner.
La revendication des trois syndicats du CISSS
demeure toujours la même depuis le mois de mars.
La COVID-19 est aérotransportée et nous devons
avoir des masques N95. L'INSPQ vient de le
reconnaître. L'Organisation mondiale de la santé
le dit depuis longtemps, même chose pour Santé
Canada et pour d'autres organisations. De nombreux
experts en santé pressent les gouvernements
provincial et fédéral de remettre des équipements
adéquats aux travailleurs de la santé, soit le
N95. Nous demandons le N95 et nous le faisons par
le biais de la CNESST, nous demandons l'aide de la
CNESST.
Nous avons porté une autre plainte concernant nos
travailleurs au niveau de l'urgence de l'hôpital
de la Cité-de-la-Santé. L'urgence fonctionne par
module, selon le type de la maladie et de
traitement. Dans ces modules, ils n'ont pas fait
de zones ni verte, jaune, ou rouge. Les patients
sont pêle-mêle. L'infirmière passe d'un patient
rouge à rouge, une autre passe d'un patient jaune
à jaune, une autre de vert à vert. Par contre, en
ce qui concerne les préposés, on les promenait de
rouge à vert à jaune, prétendument parce qu'ils ne
passent pas suffisamment de temps avec les
patients pour être infectés.
On s'est plaint à la direction, qui nous a dit
qu'elle suivait les normes pour les urgences. Nous
avons émis une plainte à la CNESST et nous avons
trouvé les documents de l'INSPQ qui mentionnent
comment on doit organiser une urgence pendant la
pandémie de la COVID-19. Selon l'INSPQ, dans les
urgences il doit y avoir des zones déterminées,
rouges, jaunes et vertes et il ne doit pas y avoir
de mobilité de personnel. En plus, dans le guide
pour les urgences, les patients se doivent d'avoir
deux mètres de distance entre eux et d'avoir une
séparation.[1]
Nous n'avons pas encore les conditions de travail
adéquates pour freiner la propagation de la COVID
et protéger les travailleurs et les patients. Il
existe encore de la mobilité de personnel, bien
que ce ne soit pas pareil partout.
Le gouvernement et les employeurs sont à la
recherche de sites non traditionnels pour héberger
des patients atteints de la COVID-19. Mais nous,
on est les mêmes personnes, il n'y a pas plus de
personnel. Oui il y a eu de l'ajout de préposés
aux bénéficiaires, mais le taux de contamination
des travailleurs ne cesse pas. Les principaux
types d'emplois arrêtés sont les préposés aux
bénéficiaires, agentes administratives, qui sont
la porte d'entrée des cliniques, des CLSC, etc.,
et l'entretien ménager. Nous avons remarqué à
Laval, que souvent, si on a un patient infecté, on
a un employé infecté, on a souvent du un pour un,
ou encore un patient et deux préposés infectés.
FO : Tu veux ajouter quelque
chose en conclusion ?
MA : Un des problèmes
essentiels à résoudre c'est celui du masque N95.
Tant que ce ne sera pas réglé, notre situation va
être très problématique, c'est certain. Nous en
avons plus qu'assez de toujours devoir revendiquer
le port du N95. Nous voulons que les
recommandations de l'INSPQ face au caractère
aéroporté de la COVID deviennent des obligations
pour les employeurs.
C'est certain que le confinement est difficile,
mais les gens doivent nous imaginer au combat
depuis le mois de mars et on n'en voit pas la fin.
Nous disons à tout le monde, « aidez-nous à vous
aider ».
En ce qui nous concerne, notre slogan est « on
lâche rien ». La situation nous a obligés à
devenir nous-mêmes des experts à toutes sortes de
niveaux, en santé et sécurité, en masques et en
équipements de protection, en mode de transmission
de la maladie, en santé publique, etc. Il faut
qu'on soit autodidactes parce que ce n'est pas
dans les manuels qu'on trouve tout cela. On a
appris par exemple avec la pandémie que le
principe de précaution de la Loi sur la santé
et la sécurité du travail n'existe plus
dans les faits, en tout cas chez nous cela
n'existe plus.
C'est pour tout cela que notre slogan c'est « on
lâche rien ».
Note
1. À la suite de
l'entrevue, le syndicat a fait état d'un succès
dans la plainte au sujet de l'urgence de la
Cité-de-la-Santé.
On lit sur la page Facebook du syndicat :
« Sujet : mobilité des PAB (préposés aux
bénéficiaires) dans les différentes zones :
de rouge à jaune à vert etc.
« Aujourd'hui a eu lieu la rencontre avec
l'employeur, un représentant de la CNESST
et 2 directeurs d'urgence du ministère de la
Santé et des Services sociaux.
« Nous avons dit NON au déplacement entre les
zones et la décision a été prise sur-le-champ par
la CNESST.
« L'employeur doit, dans un délai ne dépassant
pas 10 jours mettre en place des mesures
extraordinaires pour éviter tout déplacement entre
les zones de couleur. Parmi ces mesures, figure la
présence de Coachs PCI (prévention et contrôle des
infections) 24 hres sur 24 et 7
jours par semaine en attendant une organisation
adéquate du travail ne requérant aucun
déplacement.
« Bravo à l'équipe SST !!!
« Votre exécutif. »
- Jason Fraser -
Jason Fraser est le président du comité des
ambulanciers paramédicaux de l'Ontario du
Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Forum ouvrier : Dans un récent
communiqué de presse du SCFP, on explique que des
ambulanciers paramédicaux se voient refuser leurs
réclamations à la Commission de la sécurité
professionnelle et de l'assurance contre les
accidents (CSPAAT) après avoir contracté la
COVID-19. Peux-tu nous en parler davantage ?
Jason Fraser : C'est à
Waterloo que cela s'est passé. Nous avons des
ambulanciers paramédicaux qui ont contracté la
COVID-19 en travaillant. Ils ont été en contact
avec un patient positif à la COVID-19 et ont été
eux-mêmes infectés. Lorsqu'ils ont fait leur
réclamation à la CSPAAT, leur employeur l'a
contestée sur la base qu'ils portaient de
l'équipement de protection individuelle (ÉPI)
approprié au travail et que par conséquent ils
n'ont pas pu contracter la COVID-19 d'un patient
puisque, selon l'employeur, ils étaient protégés.
Le syndicat soutient que l'ÉPI est en effet un
outil important qui contribue à limiter le danger,
mais n'est pas un équipement sans failles. L'ÉPI
peut avoir des ratés qui nous exposent aux
infections de la COVID-19.
Nous
demandons au gouvernement de l'Ontario de remédier
à la situation, pas seulement pour les
ambulanciers paramédicaux, mais pour tous les
travailleurs essentiels. Nous croyons qu'il doit
adopter un projet de loi qui présume que si vous
êtes un travailleur essentiel et que vous êtes
infecté par la COVID-19, vous devez avoir
contracté le virus au cours du travail que vous
faites. L'indemnisation des accidentés du travail
serait alors automatique. Nous appelons aussi le
gouvernement Ford – et il s'agit là d'un
appel large du SCFP – à instituer des congés
de maladie payés pour tous les travailleurs. Les
gens ne devraient pas avoir à choisir entre aller
travailler lorsqu'ils sont malades et faire ce qui
s'impose, c'est-à-dire, rester à la maison et se
rétablir.
C'est là une des situations qui se sont
produites. Il y en a eu d'autres partout dans la
province où les ambulanciers paramédicaux et les
répartiteurs ont été obligés de se confiner pour
diverses raisons. Les employeurs ne réagissent pas
tous de la même façon. Certains d'entre eux
continuent de payer et appuyer leurs employés si
ceux-ci doivent se confiner conformément aux
directives de la santé publique, mais d'autres
n'appuient pas leurs employés. Ils exigent que les
travailleurs, s'ils sont à temps plein et ont des
congés de maladie ou des vacances, puisent dans
ces congés pour s'assurer un revenu. Les
travailleurs à temps partiel et qui n'ont pas
droit à ces congés doivent rester à la maison sans
rémunération. C'est ce qui arrive partout dans la
province. Un des ambulanciers paramédicaux de
Waterloo était à temps partiel et n'avait pas de
congés de maladie payés par l'employeur.
Les services paramédicaux ont reçu 77
millions de dollars au printemps de 2020 pour
faire contrepoids aux dépenses associées à la
COVID-19. Nous croyons qu'une partie de cet argent
pourrait servir à payer les ambulanciers
paramédicaux et les répartiteurs lorsqu'ils sont
obligés de se confiner, et les appuyer par ces
temps difficiles.
FO : Selon le communiqué de
presse, le SCFP s'oppose aussi au recours
généralisé du gouvernement ontarien aux
restrictions et aux sanctions contre des individus
plutôt que de tenir les employeurs responsables
lorsque les travailleurs contractent la COVID-19.
JF : Oui, le gouvernement Ford
blâme les citoyens de l'Ontario, disant qu'ils ne
respectent pas les directives appropriées de la
santé publique, y compris le confinement et la
distanciation physique, mais il ne tient pas les
employeurs responsables. Si le gouvernement tenait
les employeurs responsables et veillait à ce
qu'ils appuient les travailleurs, ce serait une
mesure importante pour protéger les travailleurs
et aussi pour contrôler le virus.
Nous appelons le gouvernement Ford à appuyer les
travailleurs de première ligne qui sont sur le
terrain tous les jours et qui n'ont pas l'option
de travailler à domicile, et à faire en sorte
qu'ils aient des congés de maladie payés et que
les travailleurs qui continuent de travailler
soient en mesure de subvenir aux besoins de leurs
familles.
(Traduit de l'original en
anglais par Forum ouvrier.)
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