Entrevues
«On lâche rien! Aidez-nous à vous aider!»
- Marjolaine Aubé -
Marjolaine Aubé est la présidente du
Syndicat des travailleuses et travailleurs du
CISSS (Centre intégré de santé et de services
sociaux) de Laval-CSN.
Forum ouvrier : Comment
qualifierais-tu la situation actuelle en ce qui
concerne la lutte à la pandémie au CISSS de
Laval ?
Marjolaine Aubé : Je
qualifierais la situation de très critique et de
sombre. Lors de la première vague, cela s'est joué
essentiellement dans les CHSLD et dans les
résidences pour personnes âgées. Pour ce qui est
de la situation de l'hôpital à Laval, il n'y avait
pas grand-chose qui se passait, c'était presque
désert. La deuxième vague se joue partout.
Plusieurs milieux sont touchés, notamment
l'hôpital où il y a beaucoup d'éclosions. Cela va
plus vite, cela n'est pas concentré dans les
centres d'hébergement, mais partout dans toutes
nos installations. Nous avons aussi des patients
qui ont été transférés dans les régions des
Laurentides et de Lanaudière, parce qu'eux sont un
peu moins touchés alors que Laval est encore une
fois touchée de plein fouet.
En plus, il y a toute
la question des systèmes de ventilation dans nos
établissements. Nous avons une concentration de
patients qui sont infectés par la COVID-19. Nous
avons des établissements qui sont très vieux et
nous en avons aussi qui sont plus récents. Au fil
des années, les établissements ont été agrandis de
l'intérieur. Là où on avait un bureau par exemple,
celui-ci peut avoir été réaménagé en quatre
bureaux, séparés par une cloison, mais le système
de ventilation n'a pas été réaménagé. Le système
de ventilation n'est plus optimal. Un rapport
vient d'être déposé par l'Institut national de
santé publique (INSPQ) qui fait plein de
recommandations au niveau des systèmes de
ventilation et des équipements et qui propose
plusieurs mesures. Il est clairement indiqué dans
le document que si toutes les mesures requises ne
sont pas mises en place, cela ne va pas
fonctionner, les mesures sont complémentaires.
Cela fait depuis juillet que nous demandons des
rapports de ventilation à l'employeur. Il nous
promettait toujours de nous les donner, mais ne
nous les donnait pas. Le syndicat des infirmières
a finalement fait un droit d'accès à l'information
mais étant donné le délai, entre juillet et
maintenant, qui est trop long, nous avons déposé
en intersyndicale 20 plaintes relatives aux
systèmes de ventilation du CISSS de Laval auprès
de la CNESST. Nous avons maintenant une
inspectrice qui est nommée au dossier, qui a
commencé ses inspections et a déjà constaté que
plusieurs choses ne fonctionnent pas et a donné
dix jours à l'employeur pour lui fournir la
documentation nécessaire pour qu'elle puisse faire
ses inspections. Nous sommes en attente en ce qui
concerne ce que l'inspection va donner.
La revendication des trois syndicats du CISSS
demeure toujours la même depuis le mois de mars.
La COVID-19 est aérotransportée et nous devons
avoir des masques N95. L'INSPQ vient de le
reconnaître. L'Organisation mondiale de la santé
le dit depuis longtemps, même chose pour Santé
Canada et pour d'autres organisations. De nombreux
experts en santé pressent les gouvernements
provincial et fédéral de remettre des équipements
adéquats aux travailleurs de la santé, soit le
N95. Nous demandons le N95 et nous le faisons par
le biais de la CNESST, nous demandons l'aide de la
CNESST.
Nous avons porté une autre plainte concernant nos
travailleurs au niveau de l'urgence de l'hôpital
de la Cité-de-la-Santé. L'urgence fonctionne par
module, selon le type de la maladie et de
traitement. Dans ces modules, ils n'ont pas fait
de zones ni verte, jaune, ou rouge. Les patients
sont pêle-mêle. L'infirmière passe d'un patient
rouge à rouge, une autre passe d'un patient jaune
à jaune, une autre de vert à vert. Par contre, en
ce qui concerne les préposés, on les promenait de
rouge à vert à jaune, prétendument parce qu'ils ne
passent pas suffisamment de temps avec les
patients pour être infectés.
On s'est plaint à la direction, qui nous a dit
qu'elle suivait les normes pour les urgences. Nous
avons émis une plainte à la CNESST et nous avons
trouvé les documents de l'INSPQ qui mentionnent
comment on doit organiser une urgence pendant la
pandémie de la COVID-19. Selon l'INSPQ, dans les
urgences il doit y avoir des zones déterminées,
rouges, jaunes et vertes et il ne doit pas y avoir
de mobilité de personnel. En plus, dans le guide
pour les urgences, les patients se doivent d'avoir
deux mètres de distance entre eux et d'avoir une
séparation.[1]
Nous n'avons pas encore les conditions de travail
adéquates pour freiner la propagation de la COVID
et protéger les travailleurs et les patients. Il
existe encore de la mobilité de personnel, bien
que ce ne soit pas pareil partout.
Le gouvernement et les employeurs sont à la
recherche de sites non traditionnels pour héberger
des patients atteints de la COVID-19. Mais nous,
on est les mêmes personnes, il n'y a pas plus de
personnel. Oui il y a eu de l'ajout de préposés
aux bénéficiaires, mais le taux de contamination
des travailleurs ne cesse pas. Les principaux
types d'emplois arrêtés sont les préposés aux
bénéficiaires, agentes administratives, qui sont
la porte d'entrée des cliniques, des CLSC, etc.,
et l'entretien ménager. Nous avons remarqué à
Laval, que souvent, si on a un patient infecté, on
a un employé infecté, on a souvent du un pour un,
ou encore un patient et deux préposés infectés.
FO : Tu veux ajouter quelque
chose en conclusion ?
MA : Un des problèmes
essentiels à résoudre c'est celui du masque N95.
Tant que ce ne sera pas réglé, notre situation va
être très problématique, c'est certain. Nous en
avons plus qu'assez de toujours devoir revendiquer
le port du N95. Nous voulons que les
recommandations de l'INSPQ face au caractère
aéroporté de la COVID deviennent des obligations
pour les employeurs.
C'est certain que le confinement est difficile,
mais les gens doivent nous imaginer au combat
depuis le mois de mars et on n'en voit pas la fin.
Nous disons à tout le monde, « aidez-nous à vous
aider ».
En ce qui nous concerne, notre slogan est « on
lâche rien ». La situation nous a obligés à
devenir nous-mêmes des experts à toutes sortes de
niveaux, en santé et sécurité, en masques et en
équipements de protection, en mode de transmission
de la maladie, en santé publique, etc. Il faut
qu'on soit autodidactes parce que ce n'est pas
dans les manuels qu'on trouve tout cela. On a
appris par exemple avec la pandémie que le
principe de précaution de la Loi sur la santé
et la sécurité du travail n'existe plus
dans les faits, en tout cas chez nous cela
n'existe plus.
C'est pour tout cela que notre slogan c'est « on
lâche rien ».
Note
1. À la suite de
l'entrevue, le syndicat a fait état d'un succès
dans la plainte au sujet de l'urgence de la
Cité-de-la-Santé.
On lit sur la page Facebook du syndicat :
« Sujet : mobilité des PAB (préposés aux
bénéficiaires) dans les différentes zones :
de rouge à jaune à vert etc.
« Aujourd'hui a eu lieu la rencontre avec
l'employeur, un représentant de la CNESST
et 2 directeurs d'urgence du ministère de la
Santé et des Services sociaux.
« Nous avons dit NON au déplacement entre les
zones et la décision a été prise sur-le-champ par
la CNESST.
« L'employeur doit, dans un délai ne dépassant
pas 10 jours mettre en place des mesures
extraordinaires pour éviter tout déplacement entre
les zones de couleur. Parmi ces mesures, figure la
présence de Coachs PCI (prévention et contrôle des
infections) 24 hres sur 24 et 7
jours par semaine en attendant une organisation
adéquate du travail ne requérant aucun
déplacement.
« Bravo à l'équipe SST !!!
« Votre exécutif. »
Cet article est paru dans
Numéro 1 - 2 février 2021
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: «On lâche rien! Aidez-nous à vous aider!» - Marjolaine Aubé
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