Entrevues

«On lâche rien! Aidez-nous à vous aider!»

Marjolaine Aubé est la présidente du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CISSS (Centre intégré de santé et de services sociaux) de Laval-CSN.

Forum ouvrier : Comment qualifierais-tu la situation actuelle en ce qui concerne la lutte à la pandémie au CISSS de Laval ?

Marjolaine Aubé : Je qualifierais la situation de très critique et de sombre. Lors de la première vague, cela s'est joué essentiellement dans les CHSLD et dans les résidences pour personnes âgées. Pour ce qui est de la situation de l'hôpital à Laval, il n'y avait pas grand-chose qui se passait, c'était presque désert. La deuxième vague se joue partout. Plusieurs milieux sont touchés, notamment l'hôpital où il y a beaucoup d'éclosions. Cela va plus vite, cela n'est pas concentré dans les centres d'hébergement, mais partout dans toutes nos installations. Nous avons aussi des patients qui ont été transférés dans les régions des Laurentides et de Lanaudière, parce qu'eux sont un peu moins touchés alors que Laval est encore une fois touchée de plein fouet.

http://cpcml.ca/francais/Images2020/Movement%20Ouvrier/SecteurPublique/200318%20systeme%20de%20sante%20a%20defendre.jpgEn plus, il y a toute la question des systèmes de ventilation dans nos établissements. Nous avons une concentration de patients qui sont infectés par la COVID-19. Nous avons des établissements qui sont très vieux et nous en avons aussi qui sont plus récents. Au fil des années, les établissements ont été agrandis de l'intérieur. Là où on avait un bureau par exemple, celui-ci peut avoir été réaménagé en quatre bureaux, séparés par une cloison, mais le système de ventilation n'a pas été réaménagé. Le système de ventilation n'est plus optimal. Un rapport vient d'être déposé par l'Institut national de santé publique (INSPQ) qui fait plein de recommandations au niveau des systèmes de ventilation et des équipements et qui propose plusieurs mesures. Il est clairement indiqué dans le document que si toutes les mesures requises ne sont pas mises en place, cela ne va pas fonctionner, les mesures sont complémentaires.

Cela fait depuis juillet que nous demandons des rapports de ventilation à l'employeur. Il nous promettait toujours de nous les donner, mais ne nous les donnait pas. Le syndicat des infirmières a finalement fait un droit d'accès à l'information mais étant donné le délai, entre juillet et maintenant, qui est trop long, nous avons déposé en intersyndicale 20 plaintes relatives aux systèmes de ventilation du CISSS de Laval auprès de la CNESST. Nous avons maintenant une inspectrice qui est nommée au dossier, qui a commencé ses inspections et a déjà constaté que plusieurs choses ne fonctionnent pas et a donné dix jours à l'employeur pour lui fournir la documentation nécessaire pour qu'elle puisse faire ses inspections. Nous sommes en attente en ce qui concerne ce que l'inspection va donner.

La revendication des trois syndicats du CISSS demeure toujours la même depuis le mois de mars. La COVID-19 est aérotransportée et nous devons avoir des masques N95. L'INSPQ vient de le reconnaître. L'Organisation mondiale de la santé le dit depuis longtemps, même chose pour Santé Canada et pour d'autres organisations. De nombreux experts en santé pressent les gouvernements provincial et fédéral de remettre des équipements adéquats aux travailleurs de la santé, soit le N95. Nous demandons le N95 et nous le faisons par le biais de la CNESST, nous demandons l'aide de la CNESST.

Nous avons porté une autre plainte concernant nos travailleurs au niveau de l'urgence de l'hôpital de la Cité-de-la-Santé. L'urgence fonctionne par module, selon le type de la maladie et de traitement. Dans ces modules, ils n'ont pas fait de zones ni verte, jaune, ou rouge. Les patients sont pêle-mêle. L'infirmière passe d'un patient rouge à rouge, une autre passe d'un patient jaune à jaune, une autre de vert à vert. Par contre, en ce qui concerne les préposés, on les promenait de rouge à vert à jaune, prétendument parce qu'ils ne passent pas suffisamment de temps avec les patients pour être infectés.

On s'est plaint à la direction, qui nous a dit qu'elle suivait les normes pour les urgences. Nous avons émis une plainte à la CNESST et nous avons trouvé les documents de l'INSPQ qui mentionnent comment on doit organiser une urgence pendant la pandémie de la COVID-19. Selon l'INSPQ, dans les urgences il doit y avoir des zones déterminées, rouges, jaunes et vertes et il ne doit pas y avoir de mobilité de personnel. En plus, dans le guide pour les urgences, les patients se doivent d'avoir deux mètres de distance entre eux et d'avoir une séparation.[1]

Nous n'avons pas encore les conditions de travail adéquates pour freiner la propagation de la COVID et protéger les travailleurs et les patients. Il existe encore de la mobilité de personnel, bien que ce ne soit pas pareil partout.

Le gouvernement et les employeurs sont à la recherche de sites non traditionnels pour héberger des patients atteints de la COVID-19. Mais nous, on est les mêmes personnes, il n'y a pas plus de personnel. Oui il y a eu de l'ajout de préposés aux bénéficiaires, mais le taux de contamination des travailleurs ne cesse pas. Les principaux types d'emplois arrêtés sont les préposés aux bénéficiaires, agentes administratives, qui sont la porte d'entrée des cliniques, des CLSC, etc., et l'entretien ménager. Nous avons remarqué à Laval, que souvent, si on a un patient infecté, on a un employé infecté, on a souvent du un pour un, ou encore un patient et deux préposés infectés.

FO : Tu veux ajouter quelque chose en conclusion ?

MA : Un des problèmes essentiels à résoudre c'est celui du masque N95. Tant que ce ne sera pas réglé, notre situation va être très problématique, c'est certain. Nous en avons plus qu'assez de toujours devoir revendiquer le port du N95. Nous voulons que les recommandations de l'INSPQ face au caractère aéroporté de la COVID deviennent des obligations pour les employeurs.

C'est certain que le confinement est difficile, mais les gens doivent nous imaginer au combat depuis le mois de mars et on n'en voit pas la fin. Nous disons à tout le monde, « aidez-nous à vous aider ».

En ce qui nous concerne, notre slogan est « on lâche rien ». La situation nous a obligés à devenir nous-mêmes des experts à toutes sortes de niveaux, en santé et sécurité, en masques et en équipements de protection, en mode de transmission de la maladie, en santé publique, etc. Il faut qu'on soit autodidactes parce que ce n'est pas dans les manuels qu'on trouve tout cela. On a appris par exemple avec la pandémie que le principe de précaution de la Loi sur la santé et la sécurité du travail n'existe plus dans les faits, en tout cas chez nous cela n'existe plus.

C'est pour tout cela que notre slogan c'est « on lâche rien ».

Note

1. À la suite de l'entrevue, le syndicat a fait état d'un succès dans la plainte au sujet de l'urgence de la Cité-de-la-Santé.

On lit sur la page Facebook du syndicat :

« Sujet : mobilité des PAB (préposés aux bénéficiaires) dans les différentes zones : de rouge à jaune à vert etc.

« Aujourd'hui a eu lieu la rencontre avec l'employeur, un représentant de la CNESST et 2 directeurs d'urgence du ministère de la Santé et des Services sociaux.

« Nous avons dit NON au déplacement entre les zones et la décision a été prise sur-le-champ par la CNESST.

« L'employeur doit, dans un délai ne dépassant pas 10 jours mettre en place des mesures extraordinaires pour éviter tout déplacement entre les zones de couleur. Parmi ces mesures, figure la présence de Coachs PCI (prévention et contrôle des infections) 24 hres sur 24 et 7 jours par semaine en attendant une organisation adéquate du travail ne requérant aucun déplacement.

« Bravo à l'équipe SST !!!

« Votre exécutif. »


Cet article est paru dans

Numéro 1 - 2 février 2021

Lien de l'article:
: «On lâche rien! Aidez-nous à vous aider!» - Marjolaine Aubé


    

Site Web:  www.pccml.ca   Email:  redaction@cpcml.ca