Forum ouvrier

Numéro 79 - 19 novembre 2020

Actions des travailleurs partout au Canada pour contenir
la COVID-19

Une opposition résolue au statu quo intenable

 Les travailleurs et les travailleuses de la santé manifestent pour leurs droits à Ottawa, le 9 septembre 2020 (OCHU)

L'ordonnance d'affectations à un seul site en Alberta doit être appliquée
Les mesures mises de l'avant par les travailleurs de la santé de la Saskatchewan
Les travailleurs de la santé du Manitoba exigent de l'équipement de protection adéquat
Une situation inacceptable dans les centres de soins de longue durée au Manitoba
Les revendications des travailleurs des résidences de soins de longue durée en Ontario
Les travailleurs et travailleuses de la santé ont droit au plus haut niveau de protection possible - Entrevue avec Marjolaine Aubé


Actions des travailleurs partout au Canada pour contenir la COVID-19

Une opposition résolue au statu quo intenable

Alors que les infections de la deuxième vague de la COVID-19 continuent de monter en flèche d'un bout à l'autre du Canada, de plus en plus de provinces enregistrent un nombre record d'infections, d'hospitalisations et de décès.

Confrontés à une crise sanitaire croissante qui atteint des proportions bien plus importantes que ce à quoi les Canadiens ont été confrontés au printemps, les gouvernements à tous les niveaux n'assument pas leur responsabilité de protéger le bien-être de la population. Au lieu d'utiliser les leçons tirées de la première vague de la pandémie, les gouvernements provinciaux utilisent des mesures d'urgence pour attaquer les droits des travailleurs et imposer des stratagèmes pour payer les riches qui, selon eux, « reconstruisent l'économie ».

En ce qui concerne la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour lutter contre la pandémie, le statu quo prévaut avec le refus des gouvernements provinciaux de suivre les lignes directrices des experts en santé publique et d'écouter l'expérience des travailleurs de première ligne qui savent exactement ce qui est nécessaire dans cette situation cruciale. Les mesures importantes et urgentes nécessaires maintenant sont supprimées sous le chantage selon lequel si toutes les mesures de santé et de sécurité sont prises pour protéger tout le monde, cela fermera l'économie. C'est le statu quo intenable que le peuple rejette.

C'est une excuse donnée pour justifier l'inaction. Au lieu d'utiliser les ressources disponibles pour renforcer la capacité d'effectuer davantage de tests de dépistage et d'établir un système organisé de suivi et de traçage pour identifier les sources d'infection, les premiers ministres de l'Alberta et de l'Ontario, entre autres, continuent de prétendre que l'enjeu principal est la « responsabilité individuelle » de suivre les directives. Ces tentatives de blâmer le peuple ne peuvent cacher le fait que ces gouvernements continuent de ne pas répondre aux besoins du peuple en ce moment crucial. Au lieu de trouver des solutions, ils sont en fait un obstacle à la discussion nécessaire pour trouver des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Et c'est bien ainsi que le système fonctionne: il empêche délibérément le peuple d'exercer son droit de gouverner la société dont il dépend pour sa vie et son bien-être et pour celui de la société elle-même.

Il a été révélé récemment que certains responsables de la santé publique qui conseillaient le premier ministre de l'Ontario se sont même fait demander de signer un accord de non-divulgation pour les empêcher de parler publiquement de la discussion qui a eu lieu.

En Alberta, plus de 430 médecins, ainsi que le Syndicat des employés provinciaux de l'Alberta, l'Association des sciences de la santé de l'Alberta et les Infirmières et infirmiers unis de l'Alberta, ont signé une lettre ouverte au premier ministre Kenney et au ministre de la Santé pour demander une action immédiate. On y lit :

« Nous pensons que la conversation ne doit pas être conçue comme un choix entre un 'confinement' semblable à l'expérience prolongée en avril-juin ou aucune restriction obligatoire.

« Au lieu de cela, la province devrait envisager un confinement drastique de deux semaines pour faire tomber de manière effective le niveau de reproduction et permettre le traçage des contacts pour rattraper le retard. Nous croyons qu'il est temps que notre gouvernement provincial nous fournisse une directive claire. Nous avons besoin de règles et non de suggestions. »

Nous vivons un moment critique où une action urgente doit être menée.

Ce qui est crucial, c'est la mobilisation de la classe ouvrière et du peuple pour mettre de l'avant la revendication, d'un bout à l'autre du pays, que ce que les travailleurs demandent en fait de mesures qui doivent être prises pour contenir la maladie doit être mis en application. Le Code criminel définit la « négligence criminelle » comme une conduite qui « montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. » Les données alarmantes sur les nouveaux cas et les nouveaux décès dus à la COVID-19 partout au pays, surtout dans les « zones chaudes », de même que les faux rapports soumis par la direction sur les niveaux d'effectifs dans un centre de soins de longue durée du Manitoba ne laissent aucun doute que c'est l'insouciance déréglée pour la vie des autres par ceux en « contrôle » qui a permis que les niveaux des effectifs tombent à un « tel niveau de négligence criminelle ». Activer le facteur humain/conscience sociale en soulevant la revendication que ce que les travailleurs demandent doit être appliqué peut protéger le peuple en ce moment en attaquant le blocage qui empêche la solution des problèmes sérieux auxquels nous sommes confrontés.

Dans ce numéro, Forum ouvrier publie des articles sur les positions prises par des travailleurs, des médecins et d'autres personnes dans tout le pays. 

(Photo : FIQ)

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L'ordonnance d'affectations à un seul site en Alberta doit être appliquée

Les cas de COVID-19 dans la santé et les soins aux personnes âgées explosent en Alberta. Au 18 novembre, il y avait des éclosions dans 12 hôpitaux et 102 établissements de soins continus et il y avait 1 254 résidents et 465 employés ayant des cas actifs. Au total, 3 162 travailleurs de la santé de l'Alberta ont été infectés depuis le début de la pandémie et 296 résidents de centres de soins de longue durée sont décédés.

Les syndicats et les travailleurs du secteur de la santé ont demandé au gouvernement et aux Services de santé de l'Alberta de prendre le contrôle des résidences pour personnes âgées possédées et gérées par des intérêts privés. Des postes à temps plein sur un site, une rémunération supplémentaire pour tous les travailleurs des soins de longue durée, un équipement de protection individuelle adéquat, une augmentation des effectifs et aucune réduction ou mise à pied de personnel - toutes sont des mesures urgentes et nécessaires réclamées depuis le début de la pandémie.

L'ordonnance d'affectations à un seul site pour les soins de longue durée a été créée pour empêcher la propagation de la COVID-19 dans les établissements de soins prolongés. Elle a limité les travailleurs de la santé à travailler dans un seul site de soins de longue durée ou de soins continus. L'ordonnance est maintenant sur le point de s'effondrer au milieu d'une crise des effectifs, a déclaré le Syndicat des employés provinciaux de l'Alberta (AUPE) dans un communiqué du 12 novembre. En seulement une semaine, Santé Alberta a accordé à neuf sites de soins continus des exemptions à la règle d'affectations à un site unique, dont six sites privés qui fonctionnent pour le profit (trois possédés par Revera) et trois gérés par des exploitants « sans but lucratif ».

« Le gouvernement a introduit la règle en avril car elle était considérée comme un outil essentiel pour sauver des vies et empêcher la propagation de la COVID-19 entre les établissements de soins continus », déclare Susan Slade, vice-présidente de l'AUPE. « Les exploitants de centres de soins continus abandonnent cette règle car ils ne peuvent pas trouver suffisamment de travailleurs pour s'occuper des résidents. Les employeurs supplient nos membres de travailler sur des sites secondaires pour soulager la crise du personnel créée par l'infection de tant de travailleurs ou l'auto-isolement de travailleurs. On leur dit qu'ils peuvent se déplacer d'un site à l'autre avec des éclosions et sans éclosions s'ils ne sont pas symptomatiques, même si nous savons que le virus peut être transmis par des personnes sans symptômes. »

« Les travailleurs reçoivent des appels désespérés des employeurs à se porter volontaires pour travailler sur plusieurs sites. On leur demande de se rendre dans des installations où le virus sévit, puis de retourner sur leur site d'origine, sans période d'isolement, et de risquer de propager davantage le virus », dit-elle.

Slade dit : « Le Dr Hinshaw et le gouvernement de l'Alberta doivent répondre à cette question : si la règle d'affectations à un site unique sauvait des vies auparavant, combien d'Albertains qui dépendent de soins continus mourront-ils si elle est abandonnée ? Nous avons eu neuf exemptions en une semaine. Combien y en aura-t-il la semaine prochaine ? »

« Nos membres sont effrayés et épuisés, mais ils font tout ce qu'ils peuvent pour s'occuper des résidents, mais rejeter ce fardeau entièrement sur leurs épaules ne fonctionnera pas », dit Susan Slade. « Ce n'est pas soutenable, et pourtant nous ne voyons aucun leadership de la part du gouvernement sur la façon de faire face à cette crise d'affectation du personnel et des soins. »

(Photo : Unifor)

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Les mesures mises de l'avant par les travailleurs
de la santé de la Saskatchewan

L'Ouest canadien connaît présentement une poussée de la COVID-19 qui est beaucoup plus grave que lors de la première vague. La Saskatchewan a maintenant le quatrième taux le plus élevé de cas de COVID-19 actif pour 100 000 habitants au pays, le Manitoba étant le plus élevé, suivi de l'Alberta en deuxième place et du Québec en troisième place. La Saskatchewan enregistre actuellement en moyenne plus de 150 cas par jour. Il y a 1 928 cas actifs de COVID-19 dans la province et 68 personnes sont hospitalisées à l'échelle de la province, dont 16 aux soins intensifs.

Trente et une personnes sont décédées de la COVID-19 en Saskatchewan depuis le début de la pandémie. Le faible nombre de décès par rapport aux autres provinces est attribué au succès relatif du maintien de la COVID-19 hors des établissements de soins de longue durée, des centres de soins personnels et des résidences pour personnes âgées. Mais 10 établissements pour personnes âgées ont signalé des éclosions au cours des 10 derniers jours, et les syndicats de la santé demandent à la province d'agir maintenant.

Le 13 novembre, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) de la Saskatchewan a réclamé une action immédiate pour protéger les travailleurs et leurs familles de la propagation de la COVID-19. Après avoir signalé une éclosion dans un établissement de soins de longue durée à Indian Head, le SCFP a revendiqué le port du masque obligatoire dans les petites villes comme c'est le cas pour les grandes villes où la mesure s'applique déjà. 

« Nous devons tous prendre des mesures extraordinaires pour nous protéger les uns les autres de la propagation de ce virus - et pour protéger les travailleurs de première ligne qui font tellement de sacrifices pour être là quand nous en avons besoin », a dit Judy Henley, présidente du SCFP Saskatchewan. « C'est pourquoi ce gouvernement devrait mettre en oeuvre immédiatement une politique du port obligatoire du masque à l'échelle de la province dans les lieux publics intérieurs. »

Les organisations qui représentent les infirmières autorisées, les pharmaciens et les médecins ont également publié une déclaration commune appelant :

- au port du masque obligatoire dans les espaces publics dans toute la Saskatchewan;

- à la fermeture ciblée des bars et discothèques jusqu'à ce que la propagation soit endiguée;

- au redoublement d'efforts pour le dépistage et le traçage.

À la suite de l'intervention active des médecins et des travailleurs de la santé, le 17 novembre, le gouvernement de la Saskatchewan a modifié ses ordonnances et rendu les masques obligatoires dans toute la province.

« Nous pensons que ces trois mesures sont essentielles pour faire baisser à nouveau les nombres de cas et permettre la reprise la plus complète possible des activités normales. Surtout, elles sont toutes essentielles - considérez-les comme les trois piliers qui soutiennent l'ensemble de la structure de confinement », indique le communiqué.

La présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers de la Saskatchewan (SUN), Tracy Zambory, a appelé le gouvernement provincial à écouter les travailleurs de la santé, notant que la Saskatchewan est entourée de tous côtés par des éclosions de cas de COVID-19 au Canada et dans les États frontaliers américains.

La présidente du Syndicat international des employés de service (UIES-ouest), Barbara Cape, a déclaré que tout le personnel, y compris les membres qui travaillent dans les soins de longue durée, affectés aux tests de diagnostic et les aides-soignants, est touché. Les travailleurs sont déjà au point d'épuisement, a-t-elle dit, donnant l'exemple d'une travailleuse qui a indiqué avoir travaillé 20 quarts de travail de suite sans jour de congé. L'UIES-ouest et le SUN demandent au gouvernement provincial de prendre les mesures nécessaires dès maintenant pour s'assurer que le personnel n'est pas débordé et qu'il y a suffisamment de personnel pour soigner les patients, effectuer la recherche des contacts et d'autres tâches essentielles.

(Photo : Unifor)

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Les travailleurs de la santé du Manitoba exigent de l'équipement de protection adéquat

Le personnel de soutien en santé partout au Manitoba demande à Soins communs qu'il mette à jour les directives sur l'équipement de protection individuelle (ÉPI) afin qu'elles reflètent la position de l'Agence de la Santé publique du Canada (ASPC) selon laquelle la COVID-19 peut se propager par gouttelettes respiratoires et par aérosols. Depuis le début de la pandémie, 476 travailleurs de la santé du Manitoba ont contracté la COVID-19 et deux travailleurs en sont décédés tragiquement.

« Les lignes directrices de Soins communs concernant les masques N95 n'ont pas été modifiées depuis juillet », explique Debbie Boissonneault, la présidente de la section locale 204 du SCFP, qui représente le Syndicat des employés de soutien de la santé relevant de l'Office régional de la santé de Winnipeg (ORSW) et de Soins communs. « Les employés de soutien de la santé attrapent la COVID-19 au travail en trop grand nombre. C'est donc que quelque chose cloche et qu'il faut corriger le tir. »

Malgré les nouvelles connaissances au sujet de la propagation de la COVID-19 et les directives de l'ASPC, les masques N95 sont fournis au personnel de soutien en soins de santé seulement en présence « d'un acte médical produisant des aérosols ».

« Le SCFP demande qu'on fournisse immédiatement un masque N95 aux employés qui travaillent avec des patients, des résidents ou des clients positifs à la COVID, mais nous attendons toujours », explique Abe Araya, président du SCFP de Manitoba. « Nos membres se voient refuser ces masques en raison de protocoles obsolètes. Il faut mettre à jour ces protocoles tout de suite. »

Le SCFO a également déposé des griefs au niveau de la WRHA, de Soins communs, Southern Health-Santé Sud, et Parkview Place pour exiger des ÉPI qui offrent une protection plus forte.« Le personnel de soutien de première ligne nous dit qu'il n'est pas protégé, ajoute Debbie Boissonneault. La réponse des directions ? Grief rejeté.» 

Il est inadmissible qu'en dépit de toutes les preuves de comment la COVID-19 se propage, et toutes les déclarations à l'effet qu'il ne faut pas revivre des milliers de décès d'aînés pourtant évitables, les autorités refusent toujours nos revendications plus que raisonnables. On doit fournir aux travailleurs de la santé toute la protection conformément à la science et à leur propre expérience de ce qui est requis.

(Photo : SCFP)

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Une situation inacceptable dans les centres de soins de longue durée au Manitoba

Le Manitoba fait face à une propagation incontrôlée de la COVID-19, et les responsables et les travailleurs de la santé disent que le système de santé est submergé. Il y a maintenant 7 011 cas actifs, et un nombre record de nouveaux cas et de décès chaque jour. Le Manitoba a 172 décès dus à la COVID-19, la plupart d'entre eux enregistrés pendant la deuxième vague qui a débuté en octobre.

Plus de trente centres de soins de longue durée et de résidences assistées connaissent des éclosions de COVID-19 et au moins 642 cas.

Soixante-quatre décès se sont produits uniquement dans deux centres de soins de longue durée de Winnipeg, Maples et Parkview Place, et les éclosions s'y poursuivent. Les centres appartiennent à Revera, qui est une filiale à part entière de l'office d'investissement des régimes de pensions du secteur public (Investissements PSP), une société d'État fédérale, qui exploite les centres pour le profit. L'étendue des éclosions et la négligence sérieuse envers les patients ont été révélées uniquement après que des membres du personnel aient contacté le 911 le 7 novembre. Les paramédics qui ont répondu aux appels ont trouvé des résidents décédés ou gravement malades, mal nourris et déshydratés. À ce moment-là, le centre Maples avait 121 résidents et 55 membres du personnel qui étaient infectés.

Revera a affirmé que le niveau des effectifs était adéquat au centre Maples, invoquant des niveaux d'effectifs « normaux » pendant le quart de travail du 7 novembre - 19 préposés aux bénéficiaires et 7 infirmières - et l'administration sanitaire a confirmé ces chiffres publiquement. Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente les aides-soignants, a émis une déclaration le 8 novembre qui révèle que cette information est fausse, et clarifie qu'en fait il y avait seulement 7 préposés pour 200 patients. Revera a dit que cette « erreur » de sa part était due au fait qu'il parlait des travailleurs qui devaient venir travailler et non de ceux qui étaient au travail pour prodiguer les soins. Le centre Maples n'a pas non plus signalé les décès dus à la COVID comme il est tenu de le faire. Revera a dit qu'il ne l'a pas fait parce que le personnel infirmier fournissait des soins à ce moment-là et n'était pas en train de « remplir des formulaires ».

L'unité des homicides de la police de Winnipeg fait présentement enquête sur les faits, et l'Autorité régionale de santé de Winnipeg (WHRA) fait un examen des conditions de sécurité. Plusieurs ont demandé que la WHRA prenne le contrôle des centres de soins de longue durée, dont l'expérience a montré qu'on ne peut pas leur confier les soins de nos aînés. Il est clair que la recherche du profit l'a emporté sur toute autre chose. Même un niveau d'effectifs « normal » aurait été entièrement inacceptable compte tenu des besoins de soins beaucoup plus grands et alors que tous savent que ce vieux « niveau normal » n'a jamais été suffisant. Alors que des éclosions actives sévissent, permettre que les niveaux d'effectifs tombent en-dessous des exigences établies démontre, selon Forum ouvrier,  que le maintien du contrôle par ceux dont le motif est le profit maximum doit être interdit.

Ceux qui profitent directement de l'insuffisance des effectifs et du refus de s'occuper des résidents/patients et du personnel, de même que ceux au gouvernement qui permettent que ces choses se produisent et plaident l'ignorance doivent rendre des comptes. Les travailleurs doivent identifier et frapper ce mécanisme qui permet que cette situation se poursuive.

Une fois de plus, le refus d'appliquer les recommandations des travailleurs de la santé a mené à une nouvelle tragédie et à des décès qui auraient pu être évités. Le mécanisme qui perpétue cette situation doit être identifié et démantelé. L'appel du SCFP à une enquête sur les centres de soins de longue durée en octobre est demeuré sans réponse de la part du gouvernement, et la même chose s'est produite avec ses recommandations de ratios personnel/patients qui permettraient au personnel de fournir des soins de manière humaine[1]. Le Manitoba requiert 3,6 heures de soins par jour par résident. Le Syndicat des infirmières du Manitoba (MNU), qui réclame depuis des années un meilleur ratio personnel/patients, a souligné que la norme ne reflète pas les soins réellement prodigués mais les soins prévus. Les heures programmées de travailleurs qui sont absents pour des raisons de maladie, qui sont en pause, ou qui font des tâches administratives ou d'autres tâches, sont toutes comptabilisées, plutôt que seulement les heures de soins directs aux patients[2]. La MNU revendique un niveau d'au moins 4,1 heures de soins directs par jour.

Notes

1. On peut lire le rapport (en anglais) en cliquant ici

2. Le 27 octobre, la SCFP a publié une lettre aux responsables de la santé publique, dans laquelle il est dit que « il faut être proactif et faire inspecter ces foyers privés par des fonctionnaires, écrit Shannon McAteer, coordonnatrice du secteur de la santé au SCFP-Manitoba. L'inspection sur l'éclosion au Parkview Place a abouti à des conclusions et des recommandations importantes, notamment à propos de la dotation en personnel et en équipement de protection individuelle, qui peuvent aider cette installation à lutter contre la propagation de la COVID-19. Il ne faut pas laisser les autres établissements en arriver là. »

« Le gouvernement et les exploitants privés ont traîné les pieds auparavant, souligne Shannon McAteer. On ne peut permettre que l'histoire du Parkview Place se répète. Nous demandons aux inspecteurs de la santé publique de procéder immédiatement à des examens en personne dans tous les foyers de soins privés aux prises avec une éclosion et de lancer automatiquement des inspections lors des futures éclosions. Ceci afin de s'assurer que chaque foyer est prêt à prévenir la propagation de la maladie. »

(Photo : OHC)

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Les revendications des travailleurs des résidences de soins de longue durée en Ontario

Le 4 novembre, le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO) a remis ses recommandations à la Commission ontarienne sur les soins de longue durée et la COVID-19. La commission a été mise sur pied par le gouvernement provincial en juillet pour étudier la situation des résidences des soins de longue durée dans la province à la lumière du nombre élevé d'éclosions et de décès de COVID-19 lors de la première vague de la pandémie. La commission, composée de trois personnes, devait présenter son rapport au ministre des soins de longue durée au plus tard le 30 avril 2021, mais en raison de la gravité de la situation, elle a décidé de présenter un rapport intérimaire au gouvernement le 23 octobre.

Les commissaires soulignent qu'ils ont déjà entendu près de 200 personnes provenant de près de 50 organisations différentes du secteur des soins de longue durée (SLD) et, que la commission, sur la base de ces témoignages, « s'est sentie obligée de publier ces premières recommandations à court terme afin d'aider à protéger la vie des résidents et du personnel de foyers de soins de longue durée face à l'augmentation actuelle du nombre de cas de COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée ». Ils recommandent notamment l'adoption de mesures immédiates pour résoudre le problème de la pénurie de personnel qui sévit parmi les 6 000 travailleurs de SLD et assurer quatre heures par jour de soins directs pour chaque résident. La réponse du gouvernement a été la même depuis ce printemps. Le ministre de la Santé a tenu un point de presse et, en réponse au rapport, le gouvernement a dit qu'il « élaborait un plan ».

En date du 18 novembre, le site Web du gouvernement de l'Ontario rapporte que des éclosions se sont déclarées dans 100 résidences de SLD de la province (ce nombre était de 77 le 23 octobre). Depuis le 15 janvier, 2 019 résidents et 8 membres du personnel sont décédés. En date du 17 novembre, 678 résidents and 541 membres du personnel étaient infectés.

Le SEFPO représente 2 400 travailleurs des résidences de soins de longue durée. Dans son mémoire à la commission, il fait plusieurs recommandations concrètes, proposant que le gouvernement augmente les investissements dans les soins à long terme, principalement en faisant des investissements qui touchent les travailleurs. Ceci est essentiel pour arrêter la propagation du coronavirus, rehausser la protection des travailleurs et des résidents, et commencer à régler les problèmes d'effectifs insuffisants, de travail précaire et de bas salaires qui ont grandement contribué aux tragédies de la première vague et qui n'ont toujours pas été réglés. Ces recommandations, qui reprennent celles des organisations qui représentent les travailleurs de la santé dans tout le secteur des SLD, comprennent :

-un accès accru aux collèges communautaires et la suppression des frais de scolarité pour aider les étudiants intéressés à devenir des préposés aux services de soutien à la personne;

-une standardisation des formations;

-des ratios personnel/patient fixés, des heures de travail garanties, davantage de postes à temps plein et de meilleurs salaires et avantages sociaux pour recruter et retenir le personnel et empêcher que des travailleurs doivent travailler dans plusieurs résidences;

-quatre heures garanties de soins directs pour chaque résident par jour;

-de l'équipement de protection individuelle (ÉPI) suffisant et approprié et de la formation sur la façon de l'utiliser;

-que le ministère des Soins de longue durée développe un plan de lutte à la pandémie à l'échelle de la province qui comprend une chaîne de commande claire, de l'ÉPI disponible en tout temps et une transmission efficace d'informations aux travailleurs;

-des mesures pour augmenter l'accès aux résidences pour les membres de la famille, et lorsque l'accès physique est restreint pour les membres de la famille, plus de temps accordé au personnel pour veiller aux besoins sociaux et émotionnels des résidents, y compris aider les résidents à communiquer avec leurs familles via les réseaux sociaux.

Le SEPFO revendique aussi la fin de la privatisation. « Les analyses médiatiques de la COVID-19 dans les résidences de SLD ontariens ont établi un lien direct entre le secteur privé et des soins dangereusement inadéquats. Les résidences du secteur privé, avec leurs salaires et effectifs en personnel réduits, ont connu beaucoup plus d'éclosions et des taux de mortalité beaucoup plus élevés que les résidences dont les propriétaires et les gestionnaires sont les municipalités ou d'autres organisations à but non lucratif. C'est évident que les entreprises ont augmenté leurs profits en réduisant les coûts de la main-d'oeuvre. Il est aussi évident que ces décisions ont eu des conséquences tragiques. Les Ontariens comprennent que notre système de santé ne doit pas servir à faire des profits. Il en va de même pour les soins de longue durée - le système dans son ensemble doit revenir à immédiatement sous propriété et contrôle publics. »

(Photos : OHC, UIES)

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Les travailleurs et travailleuses de la santé ont droit
au plus haut niveau de protection possible

Marjolaine Aubé est la présidente du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CISSS (Centre intégré de santé et de services sociaux) de Laval-CSN.

Forum ouvrier : Quelle est la situation au CISSS de Laval en ce qui concerne les éclosions de COVID-19 ?

Marjolaine Aubé : Nous nous relevons d'une éclosion au CHSLD Idola-Saint-Jean pendant laquelle 31 patients ont été infectés de même que 35 préposés aux bénéficiaires, dont des préposés à l'entretien ménager. Seize patients sont décédés, les autres se sont rétablis. Il n'y a pas eu de décès parmi les employés, ils se sont rétablis, mais certains ont des séquelles, comme des maux de tête, des essoufflements, de la fatigue chronique. Les employés et les patients à Idola-Saint-Jean se sont fait dépister trois fois par semaine. Pour l'instant, la crise s'est résorbée.

Au CHSLD Fernand-Larocque, nous avons eu deux travailleurs infectés.

Pour l'instant, nous n'avons pas d'autres cas d'infection. Nous craignons cependant une reprise des éclosions à la suite de la période des Fêtes si les règles de la Santé publique ne sont pas respectées.

FO : Quelles sont vos principales demandes en ce moment pour freiner la COVID-19 ?

MA : Notre principale demande c'est que des équipements de protection individuelle adéquats soient fournis aux travailleurs et travailleuses de la santé. Nous avons en tête principalement les masques N95 pour contrer la transmission du virus par voie d'aérosols, la transmission aérienne. Il y a de plus en plus de chercheurs et d'organisations qui disent que la COVID est transmise également par aérosols, particulièrement dans des pièces fermées, surpeuplées et sans ventilation adéquate. L'Organisation mondiale de la santé, l'Agence de la santé publique du Canada et d'autres organisations ont fait état du risque de transmission par voie d'aérosols. Dans notre CISSS, plusieurs systèmes de ventilation sont vétustes, en particulier dans nos CHSLD et encore plus dans notre Centre-Jeunesse. Nous voulons que le masque N95 soit accessible à l'ensemble du personnel de la santé. Pour l'instant, l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) nie toujours le problème.

Nous avons eu la confirmation qu'à Laval, dans un entrepôt, il y a présentement un inventaire de 415 000 masques N95. L'inventaire est contrôlé par le gouvernement. Nous avons droit d'avoir des masques N95 dans certains cas seulement, par exemple aux soins intensifs si le patient est intubé. Nous avons offert à la PDG de faire un projet-pilote à Laval. Nous voulons fournir à tout le personnel des zones rouges des masques N95 pour voir si cela fera une différence. Nous espérons que le projet-pilote aura lieu. Nous demandons aussi des rapports de ventilation partout, une évaluation de la qualité de l'air. Nous avons porté plainte à la CNESST (Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail) au sujet de la zone rouge à Fernand-Larocque et ils ont dû améliorer la qualité de l'air.

En ce qui concerne la CNESST, la CSN a déposé une requête en cour pour délier les inspecteurs de la CNESST de l'INSPQ. La plainte n'est pas dirigée contre la CNESST, mais elle vise à lui redonner son pouvoir en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Les inspecteurs de la CNESST nous disent que ce n'est plus la loi qui prime dans leur travail mais les recommandations de l'INSPQ, qui changent régulièrement. Or la LSST exige des employeurs qu'ils prennent toutes les protections nécessaires pour assurer la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses.

Nous revendiquons aussi la création d'une entreprise publique au Québec de production des ÉPI, des équipements de laboratoires et de respirateurs. Il n'est pas normal d'être à la merci de qui que ce soit quand il est question d'avoir les équipements nécessaires. Nous devons être autosuffisants dans ce domaine. Cette proposition a été mise de l'avant par un conseiller syndical de la CSN et l'exécutif du syndicat CSN au Centre universitaire de santé McGill et nous l'appuyons totalement.

FO : Veux-tu dire quelque chose en conclusion ?

MA : Notre slogan est « On lâche rien ! » Nous sommes au combat pour obtenir les masques N95 et nous sommes au combat pour tout ce qui concerne la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses et du public.

(Photos : FSSS-CSN.)

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