Forum ouvrier

Numéro 48 - 9 juillet 2020

Air Canada suspend 30 lignes régionales intérieures

Une fermeture inacceptable qui
sacrifie les besoins des régions sur
l'autel du profit privé

Les travailleurs du commerce de détail de l'Alberta défendent leurs droits
Les travailleurs de Safeway votent en faveur de la grève
Le « Projet Sunrise » antiouvrier de Sobeys 
Les conditions de travail dans le commerce de détail au Canada

À la défense des droits et de la dignité des travailleurs de l'hôtellerie
Les travailleurs de l'hôtellerie intensifient leur lutte pour la sécurité
d'emploi
- Brian Sproule 

La nécessité de réparer les soins de longue durée
Les travailleurs exigent une enquête publique sur les décès au foyer de
soins Northwood



Air Canada suspend 30 lignes régionales intérieures

Une fermeture inacceptable qui sacrifie les besoins des régions sur l'autel du profit privé

Air Canada aime prétendre qu'elle est le « transporteur national » du Canada. La taille du Canada, sa géographie, son climat, son organisation politique, économique et sociale dictent des besoins réels qui doivent être comblés. Sur cette base, les Canadiens identifient le rôle que doivent jouer un transporteur national ou des entreprises aériennes afin que ces besoins soient comblés. La vérité, c'est qu'Air Canada ne comble pas ces besoins parce que le faire n'est pas profitable aux intérêts privés étroits qui possèdent et contrôlent ce transporteur. Ce problème n'est pas soumis à la discussion mais les besoins des Canadiens se heurtent toujours à l'intérêt privé et les Canadiens sont préoccupés par cette situation.

Avec l'annonce du 30 juin selon laquelle la compagnie interrompra indéfiniment son service de 30 lignes régionales ainsi que huit escales à des aéroports régionaux au Canada, l'impact dévastateur et la destruction nationale sont révélés encore plus. Il n'y a aucune mention dans le communiqué de presse des répercussions sur les régions touchées qui luttent déjà pour survivre. Il n'y a aucune mention non plus du nombre de travailleurs qui seront touchés par ces mesures. De toute évidence, ces suspensions de lignes auront aussi des répercussions sur l'emploi dans les escales qui ne seront pas fermées.

Des 30 liaisons qui seront suspendues, 14 sont dans les Maritimes et à Terre-Neuve-et-Labrador, 12 sont au Québec et en Ontario et quatre dans l'ouest du Canada. Ces dernières suspensions touchent le service entre Régina, Winnipeg et Saskatoon et entre les deux villes de la Saskatchewan et la capitale nationale.

Les suspensions au Québec auront des répercussions sur Baie-Comeau, Mont-Joli, Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine, Québec, Sept-Îles, Val-d'Or, Rouyn-Noranda et Montréal. En Ontario, elles affecteront Kingston, London, North Bay et Windsor.

Les suspensions en Atlantique touchent Deer Lake, Goose Bay, St-John's, Fredericton, Halifax, Moncton, Charlottetown, Gander, Bathurst et Wabush, ainsi que le service entre Fredericton et Moncton et la capitale nationale.

Niant toute responsabilité envers les gens touchés, Air Canada dit qu'elle met en oeuvre « divers changements structuraux, notamment d'importantes mesures d'économie et de préservation des liquidités » afin de rassurer les actionnaires que tout est fait pour qu'ils puissent continuer de profiter des activités des compagnies aériennes. Parmi ces « mesures d'économie », il y a la récente mise à pied de 20 000 employés — plus de 50 % de son personnel.

Les travailleurs et leurs syndicats dénoncent vertement ce coup bas d'Air Canada. Le 30 juin, Serge Saint-Pierre, président du conseil central de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine (CSN), a écrit sur la page Facebook du conseil :

« Air Canada, le principal transporteur dans notre région vient de nous lâcher. Il est temps que tous, citoyens, élus, travailleuses et travailleurs syndiqué-es ou non, formions un bloc afin que le gouvernement considère que tous les habitants des régions font partie intégrante de la société. Ils ont droit aux mêmes services que tous les citoyens. Pour ce faire, surtout ne pas se fier aux compagnies privées pour donner ce service, car elles n'ont que le profit en tête. Le service du transport aérien est primordial au développement social et économique d'une région. Ce service doit être fourni par le gouvernement. »

Les maires et les conseillers municipaux sont furieux. Chris Maine, un conseiller municipal de North Bay, affirme que l'annonce est « une bien triste nouvelle pour les petits aéroports partout dans le pays », surtout qu'Air Canada envisage d'autres suspensions de services. Il a expliqué qu'Air Canada fournissait 80 % du revenu de l'aéroport et qu'ils devront peut-être le fermer. La ville s'est engagée à couvrir les salaires et les frais d'exploitation jusqu'à la fin de décembre.

Le maire de Bathurst a déclaré que c'était un « autre coup dur » pour le nord du Nouveau-Brunswick à la suite de la perte d'importants employeurs ces dernières années. Air Canada est le seul transporteur et il doit rester ouvert, car il accueille des vols nolisés, des services de messagerie, des services d'urgence et d'autres activités, quoiqu'il doive réduire ses activités et mettre à pied du personnel. La compagnie a récemment investi 7 millions de dollars pour l'expansion de son terminal et le prolongement de sa piste d'atterrissage. Les aéroports de Moncton et Fredericton ont aussi réagi avec consternation face au dur coup sur le plan financier que sont les suspensions, qui éliminent pratiquement les liaisons entre Halifax et les autres villes de l'Atlantique.

Le premier ministre Trudeau a exprimé sa déception et le ministre du Transport Marc Garneau a commenté que la décision était un « développement malencontreux » et a versé quelques larmes de crocodile pour les résidents et les communautés touchés. Le gouvernement continue de « travailler avec les lignes aériennes et les aéroports canadiens au cours de cette période difficile », a-t-il dit. Cela montre que le gouvernement n'a vraiment aucune solution au problème et est à genoux parce qu'il est d'accord avec Air Canada que la mission du transporteur est de servir ses actionnaires privés.

Le gouvernement du Québec considère la possibilité de créer sa propre compagnie aérienne pour desservir les régions  de même que d'autres possibilités, y compris payer les riches en offrant des subventions à une compagnie aérienne pour qu'elle se charge des vols qu'Air Canada a abandonnés. Pour justifier l'option de subventions gouvernementales, le gouvernement de François Legault a déclaré que toutes les régions du Québec sont des « services essentiels », mais il n'a pas expliqué pourquoi il avait laissé Air Canada abandonner ce service essentiel.

En raison de la COVID-19, des pays ont imposé des restrictions de déplacement en tant que mesure pour protéger leurs citoyens. Même dans les endroits où les gens ont le droit de voyager, ils hésitent toujours à le faire par crainte de la pandémie.

Air Canada et les autres compagnies aériennes ont fait pression sur le gouvernement pour que ces restrictions aux voyages soient levées pour qu'elles puissent retrouver leur profitabilité. Voilà où réside le problème.

Dans un grand pays comme le nôtre, le transport aérien est un service essentiel pour les voyages d'affaires, pour l'accès aux services de santé et autres services essentiels, pour connecter les familles et pour le loisir. Il est également essentiel pour le transport de biens et services, au pays et internationalement. Il n'est pas durable ou soutenable de dépendre de compagnies aériennes dont le seul mobile est le profit.

Nous avons besoin d'une compagnie aérienne nationale qui appartient aux Canadiens, est gérée par ceux et celles qui y travaillent et est organisée pour répondre à nos besoins. Cela fait partie de la nouvelle direction requise dans le secteur aérien et dans l'économie dans son ensemble. C'est seulement ainsi que de telles attaques contre les régions cesseront et qu'on réponde aux besoins du peuple dans des périodes de crise, comme la pandémie que nous vivons présentement.

Haut de page


Les travailleurs du commerce de détail de l'Alberta défendent leurs droits

Les travailleurs de Safeway votent
en faveur de la grève

Les travailleurs de Safeway en Alberta ont rejeté catégoriquement la dernière « offre » insultante de l'employeur. Les membres de la section locale 401 du Syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) ont voté à 79 % en faveur d'une grève lors d'un vote provincial supervisé par le gouvernement les 25 et 26 juin.

Dès l'annonce du vote, les travailleurs ont commencé à afficher le message « Solidarité ! », des emojis du poing levé et leurs réactions positives aux résultats sur la page Facebook de la section locale 401 des TUAC. « Je ne peux pas être plus heureux d'entendre ce résultat ! Bon travail confrères et consoeurs ! », écrit un syndiqué. Un autre ajoute : « Nous valons bien plus que ce que Sobeys [qui possède Safeway — note de la rédaction] est disposé à nous donner, concessions après concessions, et nous sommes censés être satisfaits de cela. Eh bien, nous venons de donner un Non ! assez fort à Sobeys. Nous avons maintenant le mandat de faire pression sur l'entreprise pour obtenir une entente équitable !!! » « Tenez bon », écrit un employé des postes. Beaucoup d'autres ont fait part de leur soutien et de leurs encouragements.


Les travailleurs de Safeway publient des photos des votes de grève à travers la province sur la page Facebook de la section locale 401 des TUAC.

La convention collective des travailleurs de Safeway a pris fin  en 2017. Le syndicat a publié une mise à jour sur les négociations le 1er juillet annonçant que Sobeys avait accepté de retourner à la table de négociation. Des séances de négociation devraient maintenant avoir lieu la semaine du 13 juillet avec l'aide d'un médiateur nommé par le gouvernement. De toute évidence, les employés de Safeway ne cherchent pas l'affrontement, mais ils exigent l'équité, lit-on dans le communiqué. Sobeys prend également des mesures pour être en position de mettre les travailleurs en lockout.

La pandémie a jeté une lumière sur les salaires et les conditions de travail de ces travailleurs qui assurent notre approvisionnement alimentaire et fournissent des services essentiels à la société. Empire Company Limited, propriétaire de Sobeys et Safeway, comme les autres entreprises géantes qui contrôlent le commerce de gros et de détail, n'a pas tardé à dire que les travailleurs sont des « héros » et a fait grand cas des primes de salaires qu'il offre. Bien que la pandémie soit loin d'être terminée, toutes les chaînes de supermarchés ont retiré les primes de pandémie tandis que les travailleurs continuent de se mettre eux-mêmes et leurs familles en danger pour aller travailler et s'assurer que les Canadiens aient accès à la nourriture et à l'épicerie dont ils ont besoin.

Dans bien des endroits, les employés des supermarchés comptent parmi les travailleurs les moins bien payés au Canada. Les cartels ont imposé des systèmes de salaires à deux niveaux, à temps partiel et à statut précaire, et essaient constamment d'augmenter le nombre de travailleurs à temps partiel, au salaire minimum ou juste au-dessus et avec peu ou pas d'avantages sociaux. L'ouverture de « magasins à prix réduits » s'inscrit dans une stratégie de Sobeys pour convertir environ 20 % de ses magasins en magasins FreshCo en cinq ans. Le concept de « magasin à prix réduits » comprend la baisse des salaires, la réduction des effectifs jusqu'à l'os et un service minimal aux clients.

Tout en se vantant d'avoir réalisé des profits records pendant la pandémie, Sobeys refuse d'engager une négociation digne de ce nom et demande plutôt que les travailleurs acceptent des concessions sur le plan des salaires, de la sécurité d'emploi, des avantages sociaux et des conditions de travail. Les propositions de Sobeys incluent des conditions de conversion aux magasins FreshCo. Cette conversion est conçue pour restreindre sévèrement ou même éliminer les emplois à temps plein, augmenter le travail précaire et fixer des salaires au niveau du salaire minimum ou juste au-dessus. Pour ceux qui resteront, Sobeys a déposé de nombreuses propositions antisyndicales visant à exclure certains travailleurs du syndicat et à employer des travailleurs non syndiqués dans les magasins Safeway pour stocker des étagères et opérer les kiosques en magasin. Les demandes de l'entreprise comprennent également des réductions dans les prestations de soins de santé et les régimes dentaires pour les travailleurs à temps partiel, l'introduction d'une quote-part pour les prestations de santé pour les travailleurs à temps plein, des réductions dans les heures supplémentaires, des dispositions plus arbitraires sur les horaires de travail et des compressions dans l'éducation et la formation.

La section locale 401 des TUAC signale que les travailleurs de Safeway et de Sobeys sont aux prises avec un niveau élevé de stress et d'anxiété. « Vous êtes inquiets pour votre sécurité et tombez malade, lit-on sur le site Web du syndicat. Les mesures pour vous protéger varient d'un magasin à l'autre et sont souvent mal communiquées. Les clients sont stressés et anxieux et parfois ils s'en prennent à vous ! »

« Au milieu de tout cela, les employés de Safeway sont restés calmes et sereins. Vous restez concentrés sur votre travail. Vous soutenez le public pendant cette période difficile en veillant à ce que la nourriture dont les gens ont besoin arrive à la table. Puis Sobeys répond en attaquant les avantages sociaux, les salaires et les emplois à la table de négociation.

« Pendant que vous faites tout votre possible pour assurer le succès de ses magasins, en travaillant de longues heures sous une pression incroyable pour soutenir les ventes qui montent en flèche, Sobeys fait pression pour vous enlever votre emploi et réduire vos heures de travail et vos salaires. »

C'est inadmissible et les travailleurs ont clairement fait savoir qu'ils ne l'accepteraient pas. Forum ouvrier appelle tout le monde à appuyer les travailleurs de Safeway. Ils ont été là pour nous et nous devons être là pour eux ! Portez un masque avec le message « Je soutiens les travailleurs de Safeway » lorsque vous faites du magasinage. Faites savoir aux travailleurs que vous serez sur la ligne de piquetage avec eux s'ils sont obligés de faire grève. Informez vos collègues, vos familles et vos voisins de la façon dont Sobeys revendique des profits records tout en traitant les travailleurs avec mépris. Notre sécurité est dans la lutte pour les droits de tous et toutes !

(Photos: Section locale 401 des TUAC)

Haut de page


Le « Projet Sunrise » antiouvrier de Sobeys

Même avant la pandémie, Sobeys réalisait des bénéfices records en poursuivant son offensive antiouvrière avec son projet Sunrise. Le 18 juin, la société a annoncé que son bénéfice par action était passé de 0,45 $ à 0,66 $ et que ses dividendes annuels ont augmenté de 8,3 %, ce qui fait que le projet Sunrise a dépassé ses objectifs pour 2020.

La société mère de Sobeys, Empire Company Limited (Empire), a annoncé une augmentation de 43,2 % du bénéfice net ajusté (profits) de 126,5 millions de dollars à 181,2 millions de dollars pour le quatrième trimestre se terminant le 2 mai 2020. Les ventes des magasins comparables ont augmenté de 18 % au cours de la même période.

Le président de la société, Michael Medline, a déclaré que la société « a encore beaucoup de chemin à faire » dans son plan de « réduction des coûts ». Empire prévoit une expansion de ses opérations en Ontario où elle a récemment acquis les magasins Farm Boy. Elle compte déjà 100 magasins FreshCo à travers le Canada et l'expansion de sa bannière FreshCo « magasins à prix réduits » dans l'ouest du Canada en convertissant les magasins Safeway est un élément clé de cette opération.

Michael Medline parle d'« équipe » et de « coéquipiers », ce qui laisse entendre que le succès des riches à faire croître leurs empires et à accumuler des fortunes toujours plus grandes signifie la réussite pour tous. Mais la réalité est tout autre quand il parle de « réduction des coûts » de l'entreprise qui comprend l'élimination de centaines d'emplois et la conversion des magasins Safeway en magasins « de discompte » FreshCo et qui s'accompagne d'importantes concessions imposées aux travailleurs.

« Il s'agit de l'un de nos trimestres les plus fiers des 113 ans d'histoire d'Empire, écrit Michael Medline, président et chef de la direction d'Empire. Nos 127 000 coéquipiers à travers le pays ont tout donné pour assurer la sécurité et la santé de nos clients et pour faire en sorte que nos étagères d'épicerie demeurent bien approvisionnées pendant la pandémie de coronavirus. Grâce à leurs efforts herculéens, notre société a connu une augmentation importante de sa part de marché. Notre équipe a également dépassé les objectifs de redressement de notre projet Sunrise. Cette transformation sur une période de trois ans est l'un des redressements les plus importants de l'histoire du commerce de détail au Canada. »

Le travail précaire et le travail à temps partiel involontaire et l'élimination de droits tels que les congés de maladie payés, les prestations de santé et la sécurité à la retraite sont les conséquences du « succès » des riches qui contrôlent le commerce de gros et de détail des aliments, de leur cupidité, de leur construction d'empire et de leur concurrence impitoyable. La famille Weston, par exemple, a une valeur nette de 8 milliards de dollars ; la famille Walton qui contrôle Walmart une valeur nette de plus de 190 milliards de dollars ; et Costco a réalisé un chiffre d'affaires annuel de 152 milliards de dollars en 2019.

La pandémie a mis en évidence que la prospérité d'intérêts privés étroits ne conduit pas à la prospérité de tous. Elle montre que les travailleurs et le peuple doivent prendre le contrôle des décisions qui les concernent et qui concernent leur société. Une nouvelle direction de l'économie est nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire des Canadiens et faire respecter les droits des travailleurs qui produisent, transforment et distribuent des aliments.

Haut de page


Les conditions de travail dans le commerce
de détail au Canada

En 1998, selon les données de Statistique Canada[1], 5,2 % de tous les travailleurs canadiens avaient un emploi au salaire minimum. Vingt ans plus tard, en 2018, l'année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles, ce pourcentage a doublé pour atteindre 10,4 %. En 2017-2018, le pourcentage des travailleurs au salaire minimum est passé de 6,4 % à 10,4 %. Cette augmentation est due en partie à l'augmentation du salaire minimum au cours des dernières années, qui était resté pratiquement inchangé en dollars constants pendant des décennies. Cela montre tout simplement qu'un très grand nombre de travailleurs gagnaient près du salaire minimum avant les augmentations.

Au début des années 2000, le commerce de détail a dépassé l'hébergement et les services de restauration en tant que principal secteur d'emploi pour les travailleurs au salaire minimum et est resté le plus important depuis. En 2018, 32,7 % de tous les travailleurs au salaire minimum étaient employés dans le commerce de détail, pour un total de 720 000 travailleurs. En 2018, la proportion d'employés gagnant le salaire minimum dans le commerce de détail était près de 2,5 fois supérieure à ce qu'elle était en 2006. Vingt-six pour cent des travailleurs au salaire minimum sont dans le secteur de l'hébergement et de la restauration.

Les femmes représentent plus de 60 % de tous les travailleurs qui gagnent le salaire minimum, et les travailleurs qui ont immigré au Canada sont également surreprésentés dans cette catégorie. La proportion de salariés gagnant le salaire minimum a augmenté plus rapidement dans les grandes entreprises que dans les moyennes et petites entreprises entre 1998 et 2018.

Ces statistiques montrent l'impact réel de la mondialisation néolibérale et de l'offensive antisociale. Le commerce de détail et la transformation des aliments ont traditionnellement connu le taux de syndicalisation le plus élevé pour les métiers du détail. Les oligarques qui contrôlent ce secteur ont mené une campagne antisyndicale continue et n'ont cessé d'attaquer les salaires, les avantages sociaux, les pensions et les conditions de travail.

Note

1. « Un minimum d'informations sur les travailleurs au salaire minimum : 20 ans de données », Statistiques Canada, 11 septembre 2019

Haut de page


À la défense des droits et de la dignité des travailleurs de l'hôtellerie

Les travailleurs de l'hôtellerie intensifient leur lutte pour la sécurité d'emploi


Des travailleurs de l'hôtellerie manifestent devant l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique à Victoria le 7 juillet 2020 pour exiger que le gouvernement protège leurs emplois.

Au moins un hôtel de la Colombie-Britannique se sert des conditions créées par la pandémie comme prétexte pour éliminer des emplois sans indemnité de départ. Les propriétaires de l'hôtel Four Points by Sheraton de l'aéroport de Vancouver prétendent qu'en raison de la pandémie, ils ne sont pas tenus de verser une indemnité de départ aux employés dont on a mis fin à l'emploi. Ils ont avisé de 20 à 30 travailleurs qu'on a mis fin à leurs emplois et qu'ils ne recevront pas d'indemnité de départ. En vertu de la Loi sur les normes de l'emploi de la Colombie-Britannique, l'employeur doit verser une indemnité de départ aux travailleurs qui sont mis à pied après un certain temps lorsque la mise à pied est devenue davantage une cessation, et que cette période, à la demande d'organisations d'employeurs, a été prolongée en vertu des pouvoirs d'urgence adoptés pour faire face à la pandémie. Si les actions de l'hôtel ne sont pas contestées, des centaines de milliers de travailleurs mis à pied pendant la pandémie qui ne sont pas encore retournés travailler risquent de se faire refuser leur indemnité de départ si leurs mises à pied deviennent des cessations d'emploi.

L'hôtel Four Points by Sheraton de l'aéroport de Vancouver appartient à un propriétaire indépendant, mais le nom Sheraton et certains services sont des franchises de Marriott International, Inc. dont la valeur nette est de près de 41 milliards de dollars. Le directeur général de l'hôtel, Vijaay Kanna, a écrit à des employés en mai pour leur dire que la baisse d'activités pendant la pandémie avait rendu les cessations inévitables. Selon Kanna : « Alors que les subventions salariales du gouvernement nous ont permis de vous offrir un certain travail en attendant un revirement de la situation, le besoin de vos services n'est plus une perspective raisonnable. »

Les travailleurs ne sont pas représentés par un syndicat. Les travailleurs congédiés doivent remplir des formulaires de plainte individuelles auprès de la direction provinciale des normes du travail. Shannon Leung, une employée à la réception depuis sept ans, fait partie des travailleurs congédiés. Elle dit que ce qui la préoccupe, c'est que les travailleurs plus âgés auront de la difficulté à trouver un nouvel emploi. « Je pense que tout le monde devrait avoir un choix de rester ou non. J'ai l'impression qu'ils tentent de se débarrasser de nous tout simplement parce qu'ils le peuvent. » Elle ajoute que les salaires de l'hôtel sont légèrement supérieurs au salaire minimum, mais elle craint que la compagnie cherche à embaucher de nouveaux travailleurs à des salaires inférieurs.

La section locale 40 de UNITE HERE, qui représente des milliers de travailleurs syndiqués de l'hôtellerie, des services alimentaires et de l'industrie aéroportuaire partout en Colombie-Britannique, ne parle pas uniquement au nom de ses propres membres, dont la plupart ont été mis à pied, elle parle aussi au nom des travailleurs qui n'ont pas d'organisation de défense.

Le 25 juin, le gouvernement Hogan a annoncé un prolongement de la période de mises à pied avant que les employeurs n'aient à verser une indemnité de départ. De 13 semaines stipulées par la législation, la période a été prolongée à 24 semaines. La disposition arrive à échéance le 30 août. Le jour même, la section locale 40 a organisé un rassemblement et une conférence de presse devant le Rosewood Hotel Georgia avec le mot d'ordre « Où est notre droit de retour au travail ? » La présidente Zailda Chen affirme : « Nous sommes vraiment déçus de la décision du gouvernement aujourd'hui de prolonger les mises à pied temporaires et de retarder l'indemnité de départ pour venir en aide à la communauté d'affaires sans aucune mesure de protection pour les travailleurs. Le gouvernement a dû mettre 50 000 travailleurs de l'hôtellerie au chômage, mais sans aucun droit juridique leur permettant de récupérer leurs emplois. Les travailleurs de la restauration sont déjà en train de perdre leurs emplois de façon permanente en raison de cette pandémie. Une vague de cessations d'emploi est possible en septembre. Cette décision ne répond pas à ce dont les travailleurs mis à pied ont besoin pour rester en lien avec leurs emplois. Le gouvernement de la Colombie-Britannique doit agir et protéger les travailleurs et non seulement les entreprises. »

Le président de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique, Laird Cook, a dit dans un communiqué de presse du 25 juin : « Si les employeurs ont plus de temps pour remettre leur entreprise en marche, il va de soi que les travailleurs ont le droit de retourner à leurs emplois à la fin de cette période... Les employeurs soutiennent qu'un prolongement leur permettrait de ramener leurs employés au travail — donc veillons à ce qu'ils le fassent. »

Les travailleurs de l'hôtellerie exigent que le gouvernement prenne des mesures pour protéger leurs emplois, peu importe la durée des mises à pied, qu'ils soient syndiqués ou non - toutes des choses possibles en vertu des pouvoirs d'urgence. Les travailleurs qui sont membres de la section locale 40 de UNITE HERE ont négocié le droit de retourner à leurs emplois à la suite d'une mise à pied allant jusqu'à six mois dans la convention collective signée à l'issue de la grève de l'automne 2019. Ils craignent que dès que la période de six mois sera terminée l'employeur congédiera tout le monde afin d'embaucher de nouvelles personnes à des salaires inférieurs et ainsi se débarrasser de la convention collective négociée ainsi que du syndicat.

James Milling, qui a travaillé comme portier à l'hôtel Georgia pendant 9 ans, explique : « Notre contribution à l'industrie de l'hôtellerie de la Colombie-Britannique est majeure. J'espère que la province ne laissera pas tomber des travailleurs ayant plusieurs années d'expérience. Le gouvernement provincial doit veiller à ce que les travailleurs de l'hôtellerie qui ont bâti cette industrie aient une garantie de retrouver leurs emplois dès que l'industrie se stabilisera. »

Au début de la pandémie, l'oligarchie financière, par le biais de ses représentants politiques, répétait sans fin : « Nous sommes tous dans le même bateau. » Or, il est clair que les riches ne sont intéressés à résoudre la crise que s'ils en sortent gagnants, tandis que tous les autres n'ont qu'à subvenir à leurs propres besoins. Les travailleurs de l'hôtellerie et leurs alliés intensifient la lutte pour la reconnaissance de leur droit à la sécurité d'emploi.

(Photos: UNITE HERE 40, Retail Action Network)

Haut de page


La nécessité de réparer les soins de longue durée

Les travailleurs exigent une enquête publique sur les décès au foyer de soins Northwood

Fin juin, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a annoncé qu'il lançait une révision de l'éclosion de COVID-19 qui a coûté la vie à 53 résidents du foyer de soins pour personnes âgées Northwood à Halifax.

Le Manoir Northwood est un gigantesque foyer de soins, avec près de 600 résidents et 400 travailleurs qui en prennent soin, où 53 résidents sont décédés de la COVID-19 ce printemps. Des centaines de résidents et de travailleurs ont également été infectés. À la fin d'avril, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a émis un arrêté ministériel ordonnant le redéploiement des membres du Syndicat des employés du gouvernement de la Nouvelle-Écosse (NSGEU) au Manoir Northwood. Le NSGEU a dénoncé le recours à un arrêté ministériel pour imposer le redéploiement, une violation de la convention collective selon laquelle le redéploiement vers un autre employeur doit se faire sur une base volontaire. Le syndicat a indiqué que les membres du NSGEU qui se sont rendus à Northwood ont déclaré que la situation était semblable à une zone de guerre. Elle était marquée, entre autres, par une absence de mesures de contrôle des infections pour protéger les personnes âgées et les travailleurs de première ligne vulnérables et par le manque d'équipement de protection individuelle (ÉPI) approprié.

Le gouvernement a annoncé qu'il n'allait pas tenir d'enquête publique sur le nombre de décès ni sur l'ensemble de la situation dans les établissements de soins de longue durée de la province, mais a ordonné qu'une révision soit effectuée par un comité d'amélioration de la qualité composé de deux membres nommés. Ce comité de révision devra soumettre des recommandations au ministre d'ici la fin du mois de septembre, après avoir tenu des consultations avec le personnel et les médecins, les administrateurs, les familles et d'autres intervenants. Le gouvernement procédera également à l'interne à une révision des mesures de prévention et de contrôle des maladies infectieuses dans le domaine des soins de longue durée. L'activité du comité d'amélioration de la qualité est régie par la Loi sur l'amélioration de la qualité de la protection des informations qui donne au ministre le pouvoir de limiter la publication des informations recueillies au cours de la révision en vertu de la Loi sur la liberté et la protection de l'information et de la vie privée. Cela signifie que la province ne rendra publiques que les recommandations du comité basées sur l'enquête du comité et non les détails de l'enquête elle-même. Pour justifier son refus de tenir une enquête publique et d'utiliser à la place le processus prévu par la Loi sur l'amélioration de la qualité de la protection des informations, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a donné l'argument fallacieux qu'il a choisi la meilleure approche pour que les enquêteurs se mettent au travail le plus rapidement possible afin que les recommandations puissent être rendues publiques le plus vite possible.

Les travailleurs rejettent cet argument, car ils y voient un moyen d'empêcher les travailleurs, les patients et leurs familles, ainsi que les Néo-Écossais en général, de s'exprimer et d'être entendus publiquement afin que leur contribution soit connue et que leurs solutions soient également rendues publiques.

Le Syndicat des employés du gouvernement de la Nouvelle-Écosse

Le NSGEU écrit dans son communiqué du 2 juillet :

« Le gouvernement aurait dû lancer immédiatement une enquête publique plutôt que d'attendre la fin de la première vague. Nous savons que divers facteurs, comme la double occupation des chambres et les ratios inadéquats d'affectation du personnel, ont contribué à la propagation de la COVID-19 au Manoir Northwood. Le gouvernement doit agir immédiatement pour résoudre ces problèmes connus et reconnus.

« 'Cinquante-trois personnes sont décédées dans cet établissement, et leurs familles méritent de savoir ce qui s'est réellement passé', a déclaré Jason MacLean, président du Syndicat des employés généraux et du gouvernement de Nouvelle-Écosse (NSGEU/NUPGE).

« 'Ces familles méritent de savoir comment les problèmes d'affectation du personnel et le contrôle inadéquat des maladies infectieuses ont aggravé la situation. Ces familles et tous les Néo-Écossais méritent de connaître la réponse à une question très importante : était-ce évitable ? Nous devons savoir ce qui aurait pu être fait pour éviter ces décès afin de pouvoir garantir que le personnel et les résidents de tous les établissements de soins de longue durée soient mieux protégés en cas de deuxième vague.'

« La situation exige la tenue d'une enquête publique exhaustive qui donne l'occasion à tous - résidents, membres de la famille, personnel et syndicats - de donner des témoignages directs sur ce qui s'est passé et sur ce qui, selon eux, pourrait être amélioré. »

La Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse

La Fédération du travail de Nouvelle-Écosse exige également une enquête publique exhaustive et transparente sur les soins de longue durée. Son président, Danny Cavanagh, a écrit le 6 juillet une lettre au ministre de la Santé et du Mieux-être. Randy Delorey, dans laquelle il dit notamment :

« [...] la méthode annoncée récemment par le gouvernement libéral - une révision en vertu de la Loi sur l'amélioration de la qualité de la protection des informations - permet de procéder à la révision à huis clos.

« Toutes les personnes impliquées - y compris le personnel et la direction de Northwood, les représentants du gouvernement et des autorités sanitaires de la Nouvelle-Écosse, les membres des familles et les autres personnes - doivent se sentir libres de parler ouvertement, sans crainte de conséquences juridiques, et toutes les conclusions doivent être rendues publiques.

« Les problèmes dans le domaine des soins de longue durée n'ont pas commencé en mars. Le système était brisé bien avant la pandémie. Nous constatons aujourd'hui que la crise de la COVID-19 a attiré l'attention sur des règlements incohérents, la faiblesse des normes de soins et les conditions de travail déplorables dans les établissements de soins de longue durée. Il est maintenant temps de saisir l'occasion pour tirer des leçons de ce qui s'est mal passé et d'élaborer un plan clair pour remettre sur pied le système.

« Toute révision des soins de longue durée doit impliquer les syndicats qui sont en première ligne chaque jour et la révision doit porter sur l'ensemble du système, y compris Northwood. Avant la pandémie, tout travailleur de première ligne vous aurait dit que nos foyers de soins de longue durée sont en crise depuis des années. En fait, de nombreux syndicats ont demandé des rapports au gouvernement sur cette crise.

« Les travailleurs vous diront que l'arrivée de la COVID-19 a ajouté un stress énorme à un système qui était déjà en panne. Tout rapport ne peut pas porter que sur le blâme, mais doit se concentrer sur l'amélioration du système de soins de longue durée. Une révision doit également porter sur le financement du système au cours des 20 dernières années. Le système devrait-il relever de la Loi canadienne sur la santé et être fondé sur des normes nationales minimales ?

« Le rapport dans son ensemble doit être rendu public pour éviter que le gouvernement ne partage pas les informations sur ses conclusions. Une deuxième vague de COVID-19 est à l'horizon et nous savons que divers facteurs, comme la double occupation des chambres et des ratios de personnel inadéquats, ont contribué à la propagation de la COVID-19 au Manoir Northwood. Le gouvernement doit agir immédiatement pour résoudre ces problèmes connus et reconnus. »

La Coalition de la santé de la Nouvelle-Écosse

La Coalition de la santé de la Nouvelle-Écosse demande au ministre de la Santé et du Mieux-être de s'engager à rendre public le rapport complet du Comité d'amélioration de la qualité et demande également une enquête indépendante complète sur le système de soins de longue durée. Dans son communiqué de presse du 2 juillet, elle affirme :

« Le Comité, annoncé aujourd'hui et qui devrait terminer son enquête en septembre, rendra directement compte au ministre Delorey qui décidera ensuite de la quantité d'informations qui seront divulguées au public. Étant donné que le Comité de deux personnes enquêtera vraisemblablement sur le rôle du ministre et d'autres élus dans la planification en cas de pandémie, cela crée un conflit d'intérêts inévitable.

« 'Cinquante-trois personnes sont mortes à Northwood et le public mérite de connaître la vérité non censurée sur ce qui s'est passé, affirme Chris Parsons, coordonnateur provincial de la Coalition et ancien travailleur de première ligne au Manoir Northwood. Des vies sont en jeu. Ce n'est pas au ministre ou au cabinet du premier ministre de décider ce que le public peut et ne peut pas savoir de cette tragédie.'

« 'Le mandat met trop l'accent sur les agissements du personnel et des administrateurs de Northwood, ajoute M. Parsons. Étant donné la deuxième vague imminente de COVID-19 et les défaillances plus générales de notre système de soins de longue durée que la maladie a révélées, il est clair que nous avons besoin d'un examen du système dans son ensemble pour savoir ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné dans toute la province. Ces problèmes n'ont pas commencé en mars.'

« Bien que des réponses rapides soient nécessaires pour éviter que des erreurs ne se reproduisent, la Coalition demande également une enquête publique complète et indépendante en vertu de la Loi sur les enquêtes publiques. Une telle enquête permettrait une indépendance totale vis-à-vis du ministre et fournirait les ressources d'enquête et les moyens juridiques nécessaires, les pouvoirs nécessaires pour comprendre la tragédie de Northwood et les échecs plus généraux du système de soins de longue durée de la Nouvelle-Écosse. »

(Photos : SIEU, L. Smith)

Haut de page


(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)

PDF

NUMÉROS PRÉCÉDENTS | ACCUEIL

Site web:  www.pccml.ca   Courriel:  forumouvrier@cpcml.ca