Air Canada suspend 30 lignes régionales intérieures

Une fermeture inacceptable qui sacrifie les besoins des régions sur l'autel du profit privé

Air Canada aime prétendre qu'elle est le « transporteur national » du Canada. La taille du Canada, sa géographie, son climat, son organisation politique, économique et sociale dictent des besoins réels qui doivent être comblés. Sur cette base, les Canadiens identifient le rôle que doivent jouer un transporteur national ou des entreprises aériennes afin que ces besoins soient comblés. La vérité, c'est qu'Air Canada ne comble pas ces besoins parce que le faire n'est pas profitable aux intérêts privés étroits qui possèdent et contrôlent ce transporteur. Ce problème n'est pas soumis à la discussion mais les besoins des Canadiens se heurtent toujours à l'intérêt privé et les Canadiens sont préoccupés par cette situation.

Avec l'annonce du 30 juin selon laquelle la compagnie interrompra indéfiniment son service de 30 lignes régionales ainsi que huit escales à des aéroports régionaux au Canada, l'impact dévastateur et la destruction nationale sont révélés encore plus. Il n'y a aucune mention dans le communiqué de presse des répercussions sur les régions touchées qui luttent déjà pour survivre. Il n'y a aucune mention non plus du nombre de travailleurs qui seront touchés par ces mesures. De toute évidence, ces suspensions de lignes auront aussi des répercussions sur l'emploi dans les escales qui ne seront pas fermées.

Des 30 liaisons qui seront suspendues, 14 sont dans les Maritimes et à Terre-Neuve-et-Labrador, 12 sont au Québec et en Ontario et quatre dans l'ouest du Canada. Ces dernières suspensions touchent le service entre Régina, Winnipeg et Saskatoon et entre les deux villes de la Saskatchewan et la capitale nationale.

Les suspensions au Québec auront des répercussions sur Baie-Comeau, Mont-Joli, Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine, Québec, Sept-Îles, Val-d'Or, Rouyn-Noranda et Montréal. En Ontario, elles affecteront Kingston, London, North Bay et Windsor.

Les suspensions en Atlantique touchent Deer Lake, Goose Bay, St-John's, Fredericton, Halifax, Moncton, Charlottetown, Gander, Bathurst et Wabush, ainsi que le service entre Fredericton et Moncton et la capitale nationale.

Niant toute responsabilité envers les gens touchés, Air Canada dit qu'elle met en oeuvre « divers changements structuraux, notamment d'importantes mesures d'économie et de préservation des liquidités » afin de rassurer les actionnaires que tout est fait pour qu'ils puissent continuer de profiter des activités des compagnies aériennes. Parmi ces « mesures d'économie », il y a la récente mise à pied de 20 000 employés — plus de 50 % de son personnel.

Les travailleurs et leurs syndicats dénoncent vertement ce coup bas d'Air Canada. Le 30 juin, Serge Saint-Pierre, président du conseil central de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine (CSN), a écrit sur la page Facebook du conseil :

« Air Canada, le principal transporteur dans notre région vient de nous lâcher. Il est temps que tous, citoyens, élus, travailleuses et travailleurs syndiqué-es ou non, formions un bloc afin que le gouvernement considère que tous les habitants des régions font partie intégrante de la société. Ils ont droit aux mêmes services que tous les citoyens. Pour ce faire, surtout ne pas se fier aux compagnies privées pour donner ce service, car elles n'ont que le profit en tête. Le service du transport aérien est primordial au développement social et économique d'une région. Ce service doit être fourni par le gouvernement. »

Les maires et les conseillers municipaux sont furieux. Chris Maine, un conseiller municipal de North Bay, affirme que l'annonce est « une bien triste nouvelle pour les petits aéroports partout dans le pays », surtout qu'Air Canada envisage d'autres suspensions de services. Il a expliqué qu'Air Canada fournissait 80 % du revenu de l'aéroport et qu'ils devront peut-être le fermer. La ville s'est engagée à couvrir les salaires et les frais d'exploitation jusqu'à la fin de décembre.

Le maire de Bathurst a déclaré que c'était un « autre coup dur » pour le nord du Nouveau-Brunswick à la suite de la perte d'importants employeurs ces dernières années. Air Canada est le seul transporteur et il doit rester ouvert, car il accueille des vols nolisés, des services de messagerie, des services d'urgence et d'autres activités, quoiqu'il doive réduire ses activités et mettre à pied du personnel. La compagnie a récemment investi 7 millions de dollars pour l'expansion de son terminal et le prolongement de sa piste d'atterrissage. Les aéroports de Moncton et Fredericton ont aussi réagi avec consternation face au dur coup sur le plan financier que sont les suspensions, qui éliminent pratiquement les liaisons entre Halifax et les autres villes de l'Atlantique.

Le premier ministre Trudeau a exprimé sa déception et le ministre du Transport Marc Garneau a commenté que la décision était un « développement malencontreux » et a versé quelques larmes de crocodile pour les résidents et les communautés touchés. Le gouvernement continue de « travailler avec les lignes aériennes et les aéroports canadiens au cours de cette période difficile », a-t-il dit. Cela montre que le gouvernement n'a vraiment aucune solution au problème et est à genoux parce qu'il est d'accord avec Air Canada que la mission du transporteur est de servir ses actionnaires privés.

Le gouvernement du Québec considère la possibilité de créer sa propre compagnie aérienne pour desservir les régions  de même que d'autres possibilités, y compris payer les riches en offrant des subventions à une compagnie aérienne pour qu'elle se charge des vols qu'Air Canada a abandonnés. Pour justifier l'option de subventions gouvernementales, le gouvernement de François Legault a déclaré que toutes les régions du Québec sont des « services essentiels », mais il n'a pas expliqué pourquoi il avait laissé Air Canada abandonner ce service essentiel.

En raison de la COVID-19, des pays ont imposé des restrictions de déplacement en tant que mesure pour protéger leurs citoyens. Même dans les endroits où les gens ont le droit de voyager, ils hésitent toujours à le faire par crainte de la pandémie.

Air Canada et les autres compagnies aériennes ont fait pression sur le gouvernement pour que ces restrictions aux voyages soient levées pour qu'elles puissent retrouver leur profitabilité. Voilà où réside le problème.

Dans un grand pays comme le nôtre, le transport aérien est un service essentiel pour les voyages d'affaires, pour l'accès aux services de santé et autres services essentiels, pour connecter les familles et pour le loisir. Il est également essentiel pour le transport de biens et services, au pays et internationalement. Il n'est pas durable ou soutenable de dépendre de compagnies aériennes dont le seul mobile est le profit.

Nous avons besoin d'une compagnie aérienne nationale qui appartient aux Canadiens, est gérée par ceux et celles qui y travaillent et est organisée pour répondre à nos besoins. Cela fait partie de la nouvelle direction requise dans le secteur aérien et dans l'économie dans son ensemble. C'est seulement ainsi que de telles attaques contre les régions cesseront et qu'on réponde aux besoins du peuple dans des périodes de crise, comme la pandémie que nous vivons présentement.


Cet article est paru dans

Numéro 48 - Numéro 48 - 9 juillet 2020

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Air Canada suspend 30 lignes régionales intérieures: Une fermeture inacceptable qui sacrifie les besoins des régions sur l'autel du profit privé - Garnett Colly


    

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