Numéro 43 - 23 juin 2020
Les travailleurs des postes intensifient la
lutte pour leurs droits
L'arbitre fédéral refuse de traiter des
revendications nécessaires
- Louis Lang -
Manifestation à Edmonton le 22
novembre 2018 contre le projet de loi C-89
obligeant les travailleurs des postes à
retourner au travail
Dominion Diamond Mines dans les
Territoires du Nord-Ouest se range sous la
protection de la loi sur les faillites
• Les travailleurs sont
déterminés à défendre leurs droits -
Todd Parsons
Les
travailleurs continuent de prendre la parole sur
les questions de sécurité
• Le besoin de briser le
silence sur le manque de sécurité sur les
chantiers de construction - Evans
Dupuis
• Nous ne pouvons accepter
aucun relâchement dans les normes et les
règlements sanitaires - André Racicot
• Les questions de
sécurité qui préoccupent les travailleurs des
postes pendant la pandémie - Toni
MacAfee
Les travailleurs des postes
intensifient la lutte pour leurs droits
- Louis Lang -
Ligne de piquetage à Napanee, le 10
novembre 2018
Le 11 juin, l'arbitre Elizabeth McPherson,
une ancienne présidente du Conseil canadien des
relations industrielles nommée arbitre dans le
cadre de la mise en oeuvre de la Loi C-89, Loi
sur la reprise et le maintien des services
postaux, a publié son rapport final. La Loi
a été adoptée par le Parlement le 26
novembre 2018 pour déclarer illégales les
grèves tournantes des travailleurs des postes et
forcer les travailleurs à mettre fin à leurs
grèves légales sous la menace de lourdes amendes
pour les travailleurs individuels et le syndicat.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des
postes (STTP) négociait avec Postes Canada depuis
près d'un an au nom des factrices et facteurs ruraux et
suburbains (FFRS) dont la convention collective
est arrivée à échéance le 31
décembre 2017, et de tous ceux qui sont
affectés aux opérations urbaines, soit les
facteurs, les travailleurs des services de
messagerie et tous les travailleurs internes dont
la convention collective a expiré le 31
janvier 2018.
Le numéro du 22 novembre 2018 de Forum
ouvrier
soulignait que Postes Canada et le
gouvernement Trudeau ont provoqué une crise en
refusant de négocier avec le syndicat, ayant
plutôt choisi de recourir à une loi criminalisant
la lutte des travailleurs pour leurs droits[1].
La
Loi C-89 prévoyait 90 jours de
médiation-arbitrage et les audiences ont commencé
le 16 janvier 2019. Ce processus ne
s'est pas mieux déroulé que les négociations.
Après des reports et des retards continus,
l'audience finale a eu lieu le 6 mai et
l'arbitre a remis sa décision le 11 juin.
Au lieu des 90 jours prévus par la Loi, la
médiation-arbitrage a pris plus de 560 jours.
Le rapport ne contient aucune explication quant à
l'incapacité de l'arbitre à faire son travail
conformément à la Loi.
Il ressort clairement du rapport que l'arbitre
n'a pas abordé le régime de non-négociation imposé
par Postes Canada et appuyé par le gouvernement
libéral. Les principales revendications des
postiers n'ont toujours pas été correctement
considérées lors des audiences d'arbitrage qui se
sont étalées sur 560 jours. L'arbitre n'a pas
résolu les problèmes importants de santé et de
sécurité, le système de rémunération à deux
vitesses, le paiement de toutes les heures
travaillées pour les FFRS, la surcharge des
facteurs et l'affectation du personnel pour les
travailleurs internes avec l'utilisation accrue de
travailleurs temporaires et du travail précaire à
temps partiel.
C'est très préoccupant pour les travailleurs et
travailleuses des postes de voir qu'après presque
deux ans sans convention collective, ils sont
contraints de travailler sous des ordonnances
fédérales. On n'a pas tenu compte de leurs
préoccupations en matière de santé et de sécurité,
et de bonnes conditions de travail nécessaires
pour effectuer leur travail. L'arbitre a publié un
rapport qui va dans le sens du refus de Postes
Canada de négocier, sachant très bien qu'elle
pourrait compter sur les libéraux de Trudeau pour
l'utilisation de pouvoirs législatifs pour
criminaliser toute résistance des travailleurs
et éliminer tout semblant de négociations.
Ce que l'arbitre avait à dire
La durée de la convention collective sera de
quatre ans à compter de janvier 2018, ce qui
veut dire qu'il ne reste que 18 mois.
Les échelles salariales prévues à l'annexe «
A » de la convention collective sont majorées
par les montants suivants aux dates
indiquées :
1er février 2018 - 2,0 %
1er février 2019 - 2,0 %
1er février 2020 - 2,5 %
1er février 2021 - 2,9 %.
« L'augmentation de traitement pour l'unité des
FFRS doit s'appliquer après la mise en oeuvre des
augmentations imposées par la décision de
l'arbitre Flynn sur l'équité salariale et de
celles convenues par les parties dans le cadre de
ce processus. Le but est de maintenir l'équité
salariale atteinte grâce au processus de
l'arbitrage Flynn. »
L'arbitre a refusé de se pencher sur le système
de traitement salarial à deux vitesses qui existe.
Par exemple, un travailleur interne embauché
avant 2013 a un salaire horaire de sept
dollars de plus qu'un travailleur de la même
classification embauché après le 1er
février 2013. Afin de régler ce problème, le
syndicat a exigé que les huit années qu'il faut
accumuler pour atteindre le maximum soient
réduites. L'arbitre a refusé. Sa décision
maintient le même arrangement pour les groupes un
et deux des opérations urbaines.
En ce qui concerne la santé et la sécurité, les
facteurs ont subi de graves blessures sur leurs
itinéraires en raison de la méthode de livraison à
deux liasses qui a été introduite avec la manière
séquentielle de trier le courrier. L'arbitre a
refusé de répondre à la demande des travailleurs
d'éliminer cette méthode de travail dangereuse. Le
problème est reconnu dans le rapport, mais
l'arbitre n'a pas pris position pour éviter de
nouveaux accidents. Le commentaire du rapport sur
ce grave problème expose clairement la nature du
processus d'arbitrage qui ferme les yeux sur les
besoins des travailleurs. Sur la question du
système à deux lots, l'arbitre déclare :
« La soussignée n'est pas une experte en
ergonomie et hésite à préciser dans la convention
collective une méthode particulière de tri et de
livraison. Je propose plutôt un protocole
d'entente qui officialisera la pratique actuelle
qui consiste à ne pas sanctionner les factrices et
facteurs qui choisissent de fusionner, avant de
commencer leur livraison, leur courrier trié de
manière séquentielle et leur courrier trié
manuellement. »
De même, sur la question de la surcharge de
travail des facteurs, l'arbitre a refusé de
prendre position et a proposé une autre étude pour
discuter du processus de mise à jour du volume des
itinéraires des facteurs. Cela signifie qu'une
fois de plus, les problèmes rencontrés par les
facteurs en conséquence de l'augmentation
considérable des volumes de colis et la nécessité
de restructurer les itinéraires feront l'objet
d'études complémentaires sans solution en vue.
L'arbitre n'a eu aucun problème à accepter la
proposition de Postes Canada concernant un «
effectif temporaire en période de pointe »
qui n'aurait aucune restriction quant aux jours de
la semaine où ces employés peuvent être déployés.
Au lieu d'attribuer les postes vacants et de
maximiser les postes réguliers à temps plein en
combinant les postes à temps partiel en fonction
des heures travaillées, la capacité de la société
des postes à recourir à des travailleurs
temporaires conduira à la création de plus de
travail précaire et les problèmes d'affectation du
personnel qui persistent ne seront pas résolus.
En ce qui concerne
les FFRS, l'arbitre a refusé de répondre aux
demandes du syndicat de rémunérer ces travailleurs
pour toutes les heures travaillées. Cela
nécessiterait la restructuration de leurs
itinéraires sur la base d'une journée normative de
huit heures de la même manière que les facteurs
des opérations urbaines. L'arbitre a refusé de
modifier le modèle de travail à la pièce existant
et propose une autre étude sur la façon de mesurer
le contenu, la charge de travail et les méthodes
de rémunération appropriées pour rémunérer les
FFRS pour toutes les heures travaillées de plus de
40 heures par semaine. L'arbitre a également
rejeté la demande du syndicat d'une compensation
horaire pour la livraison de colis la fin de
semaine. Elle a plutôt accepté la proposition de
Postes Canada de fournir aux FFRS qui livrent des
colis la fin de semaine 2 $ pour chaque
colis.
La Loi C-89 et la décision d'arbitrage n'aident
pas les travailleurs des postes durant la pandémie
Le processus de médiation-arbitrage imposé par la
Loi C-89 n'a pas permis de résoudre les graves
problèmes auxquels sont confrontés les postiers.
Le principal objectif de la Loi était d'empêcher
les travailleurs de lutter pour leurs droits à des
conditions de travail décentes et à un
environnement de travail sécuritaire. Ce problème
est devenu beaucoup plus grave, car les
travailleurs des postes ont continué à travailler
tout au long de la pandémie. Le service important
qu'ils fournissent, le tri et la livraison des
lettres et des colis dans toutes les collectivités
du Canada les a placés en première ligne de la
lutte contre la COVID-19, ce qui pose des risques
énormes à leur santé.
Il est inconcevable que, dans des conditions
aussi dangereuses, les travailleurs et
travailleuses des postes aient encore une loi
fédérale suspendue au-dessus de leur tête avec des
menaces de lourdes amendes s'ils entreprennent des
actions pour protéger leurs droits. Malgré cela,
les travailleurs des postes partout au pays ont
pris des mesures comme celles de fermer des
centres de tri et de refuser de travailler si
Postes Canada n'observe pas les mesures de
sécurité. C'est grâce aux travailleurs et à
l'affirmation de leurs droits que les services
postaux ont été maintenus au niveau requis par les
Canadiens.
Il est grand temps que la Loi C-89 soit abolie
afin que Postes Canada n'ait aucun endroit où se
faufiler et n'ait aucune excuse pour faire la
sourde oreille aux revendications des
travailleurs.
Voir le rapport
complet de l'arbitre.
Note
1. Voir Forum
ouvrier du 22 novembre 2018
Dominion Diamond Mines dans les
Territoires du Nord-Ouest
se range sous la protection de la loi sur les
faillites
- Entrevue avec Todd Parsons,
président du Syndicat des travailleurs
du Nord, Territoires du Nord-Ouest -
Le chantier principal de la mine de diamants
d'Ekati
Dominion Diamond Mines est sous
la protection de la Loi sur les
arrangements avec les créanciers des
compagnies (LACC) depuis le 22 avril.
Les travailleurs et leur syndicat exigent que
la compagnie respecte ses obligations envers
les fonds de retraite et les clauses
de leur convention collective portant sur
la protection des emplois. Ils demandent
également que la mine Ekati soit maintenue en
activité.
Dominion Diamond Mines est l'un
des plus grands producteurs et fournisseurs
mondiaux de diamants bruts de première
qualité. Elle possède et exploite la mine de
diamants Ekati et détient 40 % de la mine de
diamants Diavik dont le principal propriétaire
est Rio Tinto, également l'exploiteur de la
mine. L'entreprise est propriétaire du projet
diamantifère de Lac de Gras qui fait partie du
champ de kimberlites et qui comprend les mines
de diamants Ekati et Diavik. Le projet est
considéré comme ayant un potentiel
d'exploration important pour la kimberlite
diamantifère. Tous ces sites sont situés à
environ 300 kilomètres au nord-est de
Yellowknife. En plus de ses activités minières
et d'exploration, la compagnie a des bureaux
de vente en Belgique et en Inde. En 2017,
Dominion Diamond Mines a été achetée par le
monopole américain Washington Companies qui
détient des sociétés de transport ferroviaire,
de transport maritime, de construction et
d'exploitation minière, de vente d'équipements
lourds, de technologie aéronautique et de
développement immobilier.
Forum ouvrier publie
ci-dessous une récente entrevue avec Todd
Parsons, président du Syndicat des
travailleurs du Nord (UNW), qui représente
plus de 400 travailleurs de la mine de
diamants d'Ekati.
Forum ouvrier :
Quelle est l'importance de Dominion Diamond
Mines comme employeur dans les Territoires du
Nord-Ouest ?
Todd Parsons :
Dominion Diamond Mines est l'un des plus gros
employeurs à part le gouvernement dans notre
région. Entre autres, il fournit des emplois
aux autochtones dans bon nombre de nos petites
collectivités ainsi qu'aux habitants de
Yellowknife. Alors que 400 membres de l'unité
de négociation sont touchés par la demande de
protection contre l'insolvabilité, il y en a
700 autres qui ne font pas partie de notre
unité de négociation, mais qui travaillent
dans la mine et sont également touchés. La
fermeture de la mine aurait un effet
dévastateur pour les travailleurs et leur
collectivité et pour l'ensemble de l'économie
des Territoires du Nord-Ouest.
FO : Dominion
Diamond Mines a en fait fermé la mine de
diamants d'Ekati le 19 mars, avant de déposer
une demande de protection contre
l'insolvabilité, n'est-ce pas ?
TP : Oui. La
société dit que la fermeture est liée à des
inquiétudes concernant la COVID-19 et
l'impossibilité de vendre les diamants
extraits sur le site[1]. Elle dit
qu'elle n'était pas en mesure de vendre son
produit sur les marchés, car les parquets en
Belgique et en Europe étaient fermés, pour la
plupart à cause de la COVID-19. La mine n'a en
fait jamais rouvert. Nous avons soulevé la
question avec l'employeur, mais il n'a pas
donné de date définitive pour la réouverture.
Pendant ce temps, l'autre
société d'exploitation du diamant, Diavik
Diamond Mine, qui est détenue à 40 % par
Dominion Diamond Mine et le reste par Rio
Tinto, n'a jamais fermé ses portes et dit
qu'elle est en mesure de vendre ses diamants
sur les marchés mondiaux. Il y a un conflit
entre elles sur cette question. Il est
difficile de confirmer les faits.
Un mois après la fermeture de la
mine Ekati, Dominion Diamond Mines a obtenu la
protection des tribunaux contre
l'insolvabilité en vertu de la LACC.
Le fait que tout cela arrive en
même temps soulève plusieurs questions.
Notre syndicat est très impliqué
dans le suivi des procédures judiciaires.
Notre conseil juridique cherche à protéger les
travailleurs à la fois pour ce qui est des
obligations de retraite et des obligations
d'emploi prévues par la convention collective.
L'employeur doit continuer de respecter ses
obligations en matière de retraite et
d'accorder les avantages sociaux prévus dans
la convention collective. Ces obligations sont
primordiales. Nous voulons aussi que les
opérations minières soient maintenues.
Nous voyons qu'une autre filiale
de Washington Companies a fait une offre
d'achat des actifs de la mine Ekati. L'offre
comprend le maintien des obligations de
retraite et d'emplois et la poursuite des
opérations minières.
Cependant, il appartiendra au
tribunal de déterminer si cette offre est
acceptée ou non. D'autres soumissions peuvent
être faites dans le cadre des procédures
judiciaires de la LACC. Il est assez
inhabituel, dans le contexte des procédures en
protection de faillites, que Washington
Companies déclare publiquement son offre. Je
ne suis au courant d'aucune autre offre en ce
moment.
Ce qui est certain, c'est que si
le site minier ferme, ce serait très grave
pour les travailleurs et les communautés, et
très dur pour l'économie du Nord, surtout dans
les conditions de la pandémie de la COVID-19.
Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre
ce moteur économique de notre économie. Les
obligations en matière de retraite et
d'emplois doivent être respectées et la mine
Ekati doit continuer d'exploiter le diamant.
Note
1. Lorsque Dominion Diamond
Mines a suspendu les opérations à la mine Ekati en
mars, le syndicat a dit que c'était une décision
unilatérale et que la compagnie n'avait pas
travaillé avec le syndicat pour trouver des
solutions mutuellement acceptables aux problèmes
de santé et sécurité de tous les travailleurs, de
leur famille et de leur communauté, et à
l'incertitude économique que la suspension des
opérations cause pour les travailleurs. Le
syndicat a également déposé un grief pour
violation de divers éléments de la convention
collective, car l'entreprise a tout simplement
déclaré que la convention collective ne
s'appliquait pas à une situation de pandémie
mondiale. Par conséquent, elle a violé les
procédures négociées pour les mises à pied et les
rappels lorsqu'elle a décidé quelle équipe elle
garderait pour entretenir le site minier. Les
travailleurs se sont vu refuser leurs indemnités
de départ dûment négociées s'ils optaient pour une
mise à pied permanente en raison de la suspension
indéfinie des opérations. La compagnie a également
enfreint les accords socioéconomiques et les
accords sur les retombées économiques qu'elle a
conclus avec des groupes des
Premières Nations, qui prévoient l'emploi d'un
certain nombre d'autochtones dans l'exploitation
de la mine.
Les travailleurs continuent de
prendre la parole
sur les questions de sécurité
Entrevue avec Evans Dupuis,
directeur de l'Union des opérateurs grutiers
Forum ouvrier : Tu as
soulevé dans les médias qu'il existe un sérieux
problème sur les chantiers de construction en ce
qui concerne l'information sur la propagation
possible de la COVID-19. Peux-tu nous en dire
plus ?
Evans
Dupuis : Le problème est que la
Santé publique, la compagnie ou le maître
d'oeuvre, et la CNESST (Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité du
travail) ne veulent pas nous fournir l'information
à savoir quel travailleur est atteint, si c'est un
de nos membres, s'il a passé un test, s'il a été
déclaré positif, si une enquête a été faite, si
les mesures en place étaient adéquates, si tout le
monde qui a été contact avec lui a fait l'objet
d'une enquête, etc. Nous ne sommes pas capables
d'avoir l'information. Comment peut-on faire un
suivi dans ces conditions afin de rassurer les
travailleurs que tout a été fait de manière
sécuritaire, qu'il n'y aura pas de
propagation ?
Les compagnies ou les maîtres d'oeuvre nous
disent qu'il s'agit d'une information personnelle,
confidentielle, et que nous devons nous adresser à
la Santé publique. La Santé publique nous dit elle
aussi que c'est une information confidentielle. Ça
n'a pas de sens.
Nous avons par exemple un grutier qui a été mis
en quarantaine parce qu'il avait des symptômes et
qu'il a passé un test. Selon la règle, si tu vas
passer un test parce que tu as des symptômes, la
Santé publique dit que tu dois te mettre en
quarantaine tant que tu n'as pas les résultats.
Nous avons fini par le savoir parce que le membre
nous a appelés. Il est allé voir la Santé publique
qui lui a dit que sa situation est problématique,
qu'il s'est beaucoup promené d'un chantier à
l'autre, que c'est peut-être un gros cas. Il
venait de passer un test, qui s'est avéré négatif
plus tard, a passé un second test, lui aussi
négatif. Son médecin, voyant que les tests étaient
négatifs, lui a finalement donné un billet de
retour au travail, disant que ses symptômes
n'étaient pas des symptômes de la COVID-19. Ce
travailleur ne sera pas payé pour sa période de
quarantaine. Ses tests sont négatifs, alors il ne
sera pas couvert par le système d'indemnisation de
la CNESST. Il ne sera pas admissible à la PCU
parce qu'il a gagné trop d'argent. Il ne sera pas
admissible aux prestations d'assurance-emploi pour
maladie, parce que sur son dossier c'est écrit «
possible COVID ».
En plus, avec la pandémie, les comités mixtes de
santé et sécurité ne fonctionnent pas. C'est un
endroit où on pourrait poser des questions,
demander quelle enquête a été faite, si les
conditions de sécurité pour prévenir la COVID-19
étaient en place, si la distanciation de deux
mètres était respectée, si les travailleurs
portaient des masques, avec qui le travailleur
avait été en contact.
Nous demandons d'avoir accès à l'information,
soit de la Santé publique ou de la CNESST, pour
pouvoir faire un suivi. La CNESST dit que ce n'est
pas à elle de nous informer, que cela appartient à
la Santé publique. La Santé publique devrait
travailler avec la CNESST pour que celle-ci nous
donne l'information. Quand il y a un accident de
travail qui est déclaré, la CNESST nous donne
l'information. Si l'accident implique un de mes
membres, je me rends sur les lieux de l'accident,
je discute des mesures correctives. Avec la COVID
cela devrait être la même chose.
FO : Comment sont les
conditions de sécurité sur les chantiers en ce
moment en rapport à la COVID-19 ?
ED : Il
y a des chantiers sur lesquels il n'y a aucune
mesure de sécurité de prise face à la COVID. Sur
d'autres chantiers, les compagnies disent aux
travailleurs de porter un masque et une visière et
alors il n'y a plus de distanciation de deux
mètres. À d'autres endroits, la distanciation de
deux mètres est respectée. La situation peut
dégénérer et donner lieu à une épidémie, à mon
avis.
Quand les chantiers de construction ont été
rouverts, la CNESST s'était engagée à faire des
enquêtes systématiques sur la situation avec la
COVID-19 sur les chantiers, mais cela n'est pas ce
qui se passe. Si la CNESST n'est pas là pour faire
son enquête et qu'un travailleur est retiré des
chantiers, c'est tout un débat à savoir si le
travailleur va être indemnisé auprès de la CNESST,
s'il a contracté ses symptômes au travail, si
c'est relié au travail ou non. La CNESST doit
travailler avec la Santé publique, elle doit être
là très activement sur les chantiers.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'on pense
juste à travailler et on laisse faire les cas.
S'il y a beaucoup de cas, il y a des chantiers qui
vont fermer, ce ne sera pas mieux. Ce n'est pas ça
qu'on veut. On dirait qu'ils nous cachent cela
pour qu'on ne mette pas de la pression. Mais les
règles ne sont pas respectées. Le deux mètres
n'est pas respecté. La méthode de travail n'est
pas bonne. C'est ça qui est camouflé.
J'espère qu'on aura plus d'ouverture de la part
autant de la Santé publique que de la CNESST, que
la CNESST va participer aux enquêtes pour qu'on
puisse faire un suivi des cas de COVID et qu'on
puisse intervenir. C'est important.
Entrevue avec André Racicot,
président de la section locale 9291 du Syndicat
des Métallos en Abitibi
Forum ouvrier : Quels sont
les plus récents développements dans le travail du
syndicat pour la défense de la santé et de la
sécurité des travailleurs de la mine dans le
contexte de la COVID-19[1] ?
André Racicot : Notre
préoccupation constante, c'est l'application des
normes sanitaires sur le terrain pour faire en
sorte que les travailleurs ne contractent pas et
ne propagent pas la COVID-19. À ce sujet, le
syndicat a demandé à l'employeur de libérer un
autre représentant en prévention, à plein temps,
strictement pour s'assurer de l'application des
normes sanitaires.
Pour te donner un exemple, il faut assurer la
désinfection des équipements sous terre, je parle
ici des équipements mobiles, les camions
tombereaux, les chargeuses-navettes, etc. Les
personnes qui entrent à chaque quart de travail
doivent désinfecter les équipements pour éviter
une possible contamination. Une recette maison
avait été faite au début, une solution comprenant
de l'eau de javel pour désinfecter ces
équipements. Le Purell était difficile à trouver
sur le marché parce que la demande était très
forte. Mais une solution à l'eau de javel comme
désinfectant, c'est efficace pour une journée
seulement, cela s'évapore très rapidement. Pour
l'employeur, c'était une solution commode, cela ne
coûte pas cher, pas besoin d'un fournisseur pour
obtenir le produit. Nous sommes allés sur le
terrain pour voir comment cela se faisait, nous
avons fait des recherches, nous avons fait notre
travail de représentant à la prévention. Et nous
avons demandé à l'employeur d'arrêter ce type de
désinfection et de fournir un véritable
désinfectant, et il a accepté. S'il avait refusé,
nous aurions fait une plainte à la CNESST
[Commission des normes, de l'équité, de la santé
et de la sécurité du travail].
Nous devons nous prémunir contre le relâchement
dans les normes sanitaires, surtout si on va vers
une deuxième vague. Maintenir le deux mètres de
distance, le lavage des mains, la désinfection des
outils communs, la désinfection des séparateurs
qui ont été mis dans les jeeps de transport du
personnel, etc. L'employeur a fait son travail
pour la réouverture de la mine, mais si on ne fait
pas d'action syndicale, si on ne vérifie pas les
normes, c'est le relâchement qui s'installe. On
doit s'assurer que les normes sanitaires entrent
dans les moeurs des travailleurs. Il faut faire
beaucoup d'interventions sur le terrain auprès des
travailleurs pour les sensibiliser, les rappeler à
l'ordre au besoin. Nous devons prendre le pouls
des travailleurs en tout temps. Personne ne
connaît mieux le travail que ceux qui le font.
Nous faisons notre propre travail de vérification.
Nous avons un devoir comme société, et nous avons
aussi un devoir comme syndicat de veiller au
bien-être de nos membres et de nous assurer qu'ils
ne tombent pas malades et ne propagent pas la
maladie chez eux ou dans la communauté.
L'employeur connaît notre efficacité et il sait
que nous n'allons pas hésiter à intervenir pour
corriger les choses qui ne vont pas bien du point
de vue de la santé et de la sécurité.
Nous allons être aux prises avec la pandémie pour
une bonne période de temps. Nous allons
probablement connaître une deuxième vague, nous
devons être préparés à faire face à la musique.
Nous devons aller dans le même sens au point de
vue sanitaire, les employeurs et les travailleurs,
mettre de hauts standards en place, pas seulement
par écrit, mais sur le terrain.
La priorité de l'employeur demeure de sortir le
plus de minerai possible, c'est le côté
productivité qui prime. Surtout au prix de l'or en
ce moment, qui est très élevé, et avec un dollar
canadien à environ 70 cents face au dollar
américain alors que l'or se transige en dollars
américains. Les employeurs réalisent un excédent
de profit avec la dépréciation du dollar canadien.
En Abitibi, je suis convaincu qu'on va assister à
la réouverture d'une série de mines, en
particulier des mines de surface qui coûtent moins
cher à exploiter qu'une mine souterraine et qui
peuvent être rentables avec une teneur en or
inférieure à ce qu'elle doit être dans une mine
souterraine. Ici même, chez Westwood, en plus de
la mine souterraine, la compagnie est en train
d'exploiter une fosse non loin d'ici. C'est un
nouveau développement. Le potentiel de faire plus
d'argent avec l'or est très fort. Il y a de plus
en plus de petites minières qui veulent partir des
activités et les grosses minières examinent la
situation et vont se les accaparer, c'est comme ça
que ça marche.
La question de la santé et de la sécurité devient
alors de plus en plus importante. La pression est
que ça presse, il faut sortir le minerai
rapidement, et le danger d'accidents de travail
devient plus grand. Avec l'augmentation de
l'extraction, ils vont faire appel à des
entrepreneurs pour leur fournir de la
main-d'oeuvre pour sauver sur les coûts, ne pas
avoir à louer de la machinerie, etc. Nous voulons
qu'ils donnent le travail à nos travailleurs, mais
s'ils engagent des travailleurs à contrat, nous
devons les défendre eux aussi, ce sont des
travailleurs, ils sont partie prenante des
conditions de travail dans les installations, on
ne fait pas de différence, leur santé et leur
sécurité doivent être protégées elles aussi.
Pour nous, ça veut dire plus de vigilance,
surtout que cela se passe en pleine crise de la
pandémie. On doit s'assurer que tous les
travailleurs rentrent chez eux le soir avec tous
leurs membres et pas infectés par la COVID-19.
Pour cela, nous devons éduquer les travailleurs,
les former, être sur le terrain, nous assurer que
les travailleurs comprennent la raison pour
laquelle nous mettons ces mesures sanitaires en
place.
Note
1. Lire « Les
travailleurs des mines demandent le respect des
consignes de la Santé publique avec la reprise
des activités minières - Entrevue avec André
Racicot, président de la section
locale 9291 du Syndicat des Métallos en
Abitibi », Forum ouvrier, 23 avril
2020
(Photos: FTQ-Construction)
Toni MacAfee, dirigeante de
l'éducation et de l'organisation de la région de
l'Atlantique du Syndicat des travailleurs et
travailleuses des postes
Forum ouvrier publie ci-dessous un
article de Toni MacAfee, écrit le 26 mars,
sur la lutte que mènent les travailleurs des
postes pour affirmer leurs droits et garantir leur
santé et sécurité et celle du public alors qu'ils
continuent de fournir les services postaux pendant
la pandémie.
Jeff Callaghan, le directeur de la région de
l'Atlantique du STTP, qui a soumis l'article,
souligne que la lutte des travailleurs des postes
est toujours bien vivante aujourd'hui, comme elle
l'a été depuis le début de la pandémie, sur des
questions comme le besoin d'équipement de
protection individuelle, le maintien de la
propreté des endroits de travail, la distanciation
sociale et le droit de refuser un travail
dangereux.
***
La région de l'Atlantique du STTP
représente les membres des quatre provinces
atlantiques. Cela comprend les facteurs/factrices,
les courriers des services postaux, les commis et
les répartiteurs, les commis des services au
détail, les factrices et facteurs ruraux et
suburbains, les techniciens et les mécaniciens qui
travaillent chez Postes Canada. Le STTP représente
également d'autres travailleurs chez d'autres
employeurs ; les membres qui fournissent les
services de livraison pour de multiples
entreprises privées qui sont des sous-traitants de
Postes Canada ; les agents de communications
et les administrateurs de transfert au Centre
médical d'urgence qui font tous les transferts,
prennent tous les appels et répartissent les
ambulances en Nouvelle-Écosse ; les agents de
communications du 911 à Medacom à
l'Île-du-Prince-Édouard ; les nettoyeurs de
Bee Clean dans les établissements postaux de
Moncton, Saint John au Nouveau-Brunswick et
Saint-Jean à Terre-Neuve.
Alors que de nombreux travailleurs sont
présentement à la maison, nos membres, aux côtés
des travailleurs de la santé, des travailleurs de
vente au détail, des livreurs motorisés, des
commis de magasin, des pompistes et de plusieurs
autres travailleurs fournissant d'importants
services continuent de travailler pendant la
pandémie.
Pour les travailleurs de Postes Canada, les
enjeux principaux sont les équipements de
protection individuelle, le nettoyage adéquat des
établissements, des dépôts et des comptoirs au
détail, et le défi de la distanciation sociale
dans les centres et les dépôts de même que pendant
la livraison sur la route et dans les comptoirs de
vente au détail.
Nos membres ont lutté très fort pour obtenir des
clauses dans nos conventions collectives qui
protègent clairement nos droits et assurent la
protection de notre santé et sécurité. Maintenant
plus que jamais, nos membres et nos sections
locales s'assurent que ces droits sont reconnus en
pratique. Depuis le début de la crise, les membres
du STTP ont invoqué leur droit de refus en ce qui
concerne les enjeux cités plus haut de même que
sur d'autres problèmes qui n'étaient pas traités
dans leurs endroits de travail d'une manière
adéquate et en temps opportun.
Être représentant en santé et sécurité du STTP
est maintenant une position pleine de défis, mais
nos membres et nos sections locales exigent que
les droits, la santé et la sécurité de nos membres
soient protégés. Les membres des exécutifs locaux
travaillent sans relâche et présentent des
revendications à l'employeur pour obtenir les
équipements nécessaires pour que nos membres
accomplissent leur travail de façon sécuritaire.
Nous avons pu observer le contraste qui existe
entre ce que dit la direction au plus haut niveau
et ce qui se passe sur le plancher de travail. Il
semble que ce n'est pas toute la direction qui
prend cette pandémie aussi au sérieux que nos
membres, ce qui souvent ne leur laisse d'autre
choix que de refuser des conditions de travail non
sécuritaires. Il y a eu de nombreuses occasions où
des cadres et des superviseurs ont pris une
mauvaise décision et où nos sections locales les
ont contestées sur le plancher et, lorsque
nécessaire, ont fait parvenir cette information à
la région pour qu'elle soit discutée au niveau
supérieur.
Alors que les
travailleurs des postes continuent de fournir les
services aux comptoirs de vente au détail, de
trier votre courrier et vos colis, de vous livrer
vos produits, nous vous demandons de respecter les
protocoles de distanciation sociale pendant que
nous travaillons. Il arrive souvent que les gens
se rassemblent pendant que les travailleurs
livrent le courrier dans leurs boîtes aux lettres
d'appartement et leurs boîtes aux lettres
communautaires. Nous vous invitons à attendre que
nous ayons fini notre travail et à respecter notre
espace pour que tous soient en sécurité. Dans les
comptoirs de vente au détail, nous vous demandons
de suivre les guides directeurs qui ont été mis en
place pour limiter le nombre des clients et mettre
en oeuvre la distanciation sociale.
Les détails changent d'une province à l'autre,
mais nos membres continuent de riposter à
l'employeur afin d'assurer le respect de la santé
et de la sécurité. Il faut que Postes Canada et le
gouvernement garantissent que les travailleurs
aient les bons équipements et les bons outils pour
accomplir leur travail de façon sécuritaire. Nos
membres, qui vivent déjà beaucoup de stress, ne
doivent pas être inquiets de se retrouver au
travail sans les gants, les gels antibactériens et
les serviettes désinfectantes qui sont si
essentiels. Postes Canada et le gouvernement ne
doivent pas invoquer les coûts comme excuse pour
ne pas protéger nos membres. Nous devons avoir la
garantie que nos endroits de travail et nos
équipements seront nettoyés adéquatement, que les
instruments protecteurs comme les diviseurs en
plexiglas sont installés et que les gants, les
gels antibactériens pour les mains et les
serviettes désinfectantes sont disponibles à
chaque jour lorsque requis. Sinon, nos membres
n'auront d'autre choix que de refuser les
conditions de travail non sécuritaires.
Lorsque vous voyez votre postier ou tout autre
travailleur en train de travailler au sein du
public et pour le public pendant cette crise,
assurez-vous d'être aimable, respectueux et de
faire de votre mieux pour que leur sécurité soit
protégée. En luttant pour garantir notre sécurité,
nous luttons aussi pour protéger la vôtre.
Lorsque tout ce chaos sera derrière nous et que
la poussière retombera, il faudra se rappeler les
travailleurs qui étaient à l'oeuvre pour fournir
les services afin de combler nos besoins pendant
cette période. Nous devrons aussi nous assurer que
les gouvernements et les employeurs démontrent à
ces travailleurs le respect qui leur revient en
assurant une meilleure protection de leurs droits
et une amélioration de leurs salaires, de leurs
avantages sociaux et de leur protection.
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