23 avril 2020
Les travailleurs
assument la responsabilité des conditions
de travail pendant la pandémie
Le Jour de deuil
national et la COVID-19
- Peter Page,
Groupe des travailleurs accidentés du district
de Hamilton -
• Les
monopoles et les gouvernements sont responsables
de la propagation
désastreuse de la COVID-19 chez Cargill et dans
les autres usines de
traitement de la viande - Peggy Morton
• Entrevue au sujet de
l'oléoduc Keystone XL - André Vachon,
travailleur d'oléoduc
• Les travailleurs des
mines demandent le
respect des consignes de la Santé publique avec
la reprise des
activités minières - Entrevue avec
André Racicot, président
de la section locale 9291 du Syndicat des
Métallos en Abitibi
Les travailleurs assument la
responsabilité des conditions
de travail pendant la pandémie
- Peter Page, Groupe des
travailleurs
accidentés du district de Hamilton -
À quelques jours du 28 avril, Jour de deuil
national
pour les travailleurs tués au travail, un nuage
encore plus sombre
pèsera sur la cérémonie lorsque nous commémorerons
les travailleurs
tués au cours de la dernière année.
Le monument de l'ONA à Toronto qui rend
hommage
aux infirmières qui sont mortes en
soignant des patients atteints lors
de l'épidémie du SRAS en 2003.
|
En raison de la pandémie de la COVID-19, il
faudra
ajouter à la liste de cette année les travailleurs
de première ligne
qui ont mis leur vie en péril pour faire en sorte
que la société ne
soit pas totalement paralysée. Alors que nous
pensons d'abord aux
médecins, aux infirmières, aux paramédics, aux
pompiers et aux
policiers quand il est question de la première
ligne de défense, les
chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de taxi, les
camionneurs, les
préposés aux services de soutien à la personne,
les travailleurs
sociaux et les gens qui travaillent avec les
itinérants sont tous des
victimes potentielles du virus de la COVID-19.
Même nos travailleurs
d'épicerie ou la personne qui vous sert votre
tasse de café matinale
sont à risque d'être infectés par le virus. Il y a
une multitude de
héros méconnus trop nombreux pour que nous
puissions tous les nommer,
mais nous ne les oublierons pas lorsque nous nous
arrêterons le 28
avril pour commémorer ceux et celles qui sont
tombés pendant cette
période de crise.
Nous avons entendu nos politiciens nous dire que
nous
sommes en guerre contre cette pandémie et pourtant
nos soldats de
première ligne ont été mal équipés pour lutter
contre cet ennemi.
Plusieurs d'entre nous restons à la maison en
espérant que le virus ne
viendra pas frapper à notre porte ou toucher un
être cher tandis que
certains, dans leur égoïsme, se pensent
intouchables. Ce sera une dure
leçon si la maladie frappe quelqu'un qui n'aura
pas pris le problème au
sérieux.
Cette pandémie a mis en lumière les nombreuses
failles
de notre infrastructure et à quel point notre
système économique est
fragile. Dans le cadre de leur privatisation,
plusieurs de nos
importants systèmes gérés publiquement ont été
négligés ou
déréglementés par le motif du profit qui les
domine maintenant, à nos
risques et périls.
Le sous-financement de notre système de santé n'a
jamais
été aussi évident. Un système de santé sain et mu
par la compassion et
non le gain et le profit devrait être l'objectif
de tous les
gouvernements alors que nous essayons de maîtriser
cette pandémie.
Maintenant que nous tentons d'éduquer nos enfants
à la
maison, nous nous rendons compte à quel point les
enseignants sont
importants et de la nécessité d'un système
d'éducation public robuste.
À quoi ressemblera une salle de classe de 29
élèves dans la
période post-pandémique ? Le manque de
ressources disponibles pour
les parents, pour même débuter l'enseignement à
domicile, a été révélé
lui aussi.
Les travailleurs qui vivent chaque jour de
l'économie à
la demande, qui ont de la difficulté à gagner un
salaire décent, sont
ceux qui nettoient les hôpitaux ou les banques.
Tout à coup, les
travailleurs étrangers qui viennent au pays
cueillir nos fruits et
travailler dans les fermes qui nous nourrissent
sont devenus
importants. Et pourtant, ils ne sont pas appréciés
et ne reçoivent même
pas un salaire décent. « D'abord les profits,
ensuite les
travailleurs » semble être la devise de
l'idéologie néolibérale.
Qu'arrivera-t-il
une fois la pandémie
résolue ? Allons-nous retourner à nos vies
routinières et oublier
les sacrifices que nous avons consentis pendant
que les politiciens
retournent à leurs idéologies partisanes ?
Nous, les travailleurs
et le peuple de cette société, devons exiger une
reddition de comptes
de ces politiciens et les forcer à nous écouter
dans ce monde
postpandémique peu importe quand il arrivera.
Malheureusement, je pense
que nous allons tous retourner à nos querelles
partisanes sur qui
détient la meilleure idéologie et sur comment
avancer.
Nous ne pouvons pas laisser cela se produire et
tous les
partis politiques doivent repenser la société en
tant qu'ensemble et
non pas en fonction de quelques-uns.
Le système d'indemnisation des travailleurs doit
être
revu et rendu conforme à l'entente centenaire en
vertu de laquelle les
travailleurs ont cédé leur droit de poursuivre
l'employeur lorsque
blessés au travail en échange d'une indemnisation
tout au long de leur
période de rétablissement. Je pose la
question : qu'a fait la
Commission ontarienne de la sécurité
professionnelle et de l'assurance
contre les accidents du travail (CSPAAT) au cours
de cette
pandémie ? Elle s'est assurée que les
employeurs aient ce qu'ils
voulaient, mais a ignoré nos appels à l'aide.
Plusieurs
travailleurs seront infectés
par la COVID-19 et devront faire une demande
d'indemnisation en raison
de la maladie. Les familles des travailleurs tués
par le virus de la
COVID-19 doivent aussi être indemnisées et
recevoir de l'aide de notre
système d'indemnisation.
C'est pourquoi la Commission devrait de nouveau
s'appeler la Commission d'indemnisation des
travailleurs, un nom qui
reflète sa véritable raison d'être. Le système
doit demeurer un système
public afin qu'il honore cet important mandat de
veiller au bien-être
des travailleurs accidentés.
À l'occasion du 28 avril, Jour de deuil
national,
n'oublions pas les travailleurs qui auront fait
l'ultime sacrifice, ni
aucun travailleur par ailleurs, puisque nous
sommes tous des soldats de
l'industrie et que, sans notre travail, la société
s'écroulerait. Cela
n'a jamais été aussi évident que pendant cette
crise.
Que ceux qui sont au pouvoir pensent à la société
comme
étant un collectif et au fait que nous sommes tous
dans le même bateau.
Et lorsque nous émergerons de cette crise,
travaillons ensemble à une
société qui soutient les droits de tous.
- Peggy Morton -
Au 22 avril, 440 travailleurs de
l'usine
Cargill de traitement des viandes à High River, en
Alberta, au sud de
Calgary, ont été déclarés infectés par la COVID-19
et un travailleur
est décédé. Avec la propagation dans la
communauté, y compris parmi les
familles des travailleurs, il y a
maintenant 580 cas liés à
l'usine. Ils comprennent des cas dans des foyers
de soins de longue
durée où travaillent des membres des familles des
travailleurs de
Cargill. Le 20 avril, Cargill a finalement
annoncé la fermeture
temporaire de l'usine. Deux mille personnes y
travaillent.
Quatre-vingt-seize cas de la COVID-19 ont
également été
confirmés à l'usine de transformation de la viande
JBS à Brooks, en
Alberta. Un travailleur est mort à JBS, et la
cause de son décès n'a
pas été encore confirmée. JBS refuse de fermer
l'usine malgré les
demandes des travailleurs et de leur syndicat. Un
cas à l'usine de
boeuf Harmony à Balzac, en Alberta, en mars, a été
résolu. Les trois
usines représentent environ les trois quarts des
fournisseurs de boeuf
au Canada. Également en Alberta, 32 cas ont
été confirmés jusqu'à
présent, qui sont liés directement au projet de
sables bitumineux
Imperial Oil Kearl au nord de Fort McMurray. Il
s'agit d'une opération
par navette aérienne où les travailleurs viennent
de nombreuses régions
du Canada, et des cas se sont maintenant propagés
en
Colombie-Britannique, en Saskatchewan et en
Nouvelle-Écosse. Au total,
un cas sur cinq de la COVID-19 en Alberta est lié
à des éclosions dans
ces deux secteurs, et ce nombre devrait augmenter
selon le
médecin-hygiéniste en chef.
Forum
ouvrier exprime ses sincères condoléances à
la famille, aux amis et
aux collègues de travail des travailleurs
décédés et ses
meilleurs voeux de bon rétablissement à ceux qui
sont malades. Cette
tragédie était évitable. Elle s'est produite parce
que ces gigantesques
monopoles mondiaux sont autorisés à faire ce
qu'ils veulent et à mener
leurs activités comme si de rien n'était,
conformément à leurs
définitions intéressées de la santé et de la
sécurité. Cela s'est
produit parce que le droit des travailleurs à
avoir le dernier mot sur
les conditions de travail sécuritaires pendant la
pandémie leur a été
refusé et les propositions du syndicat ont été
ignorées. Cela s'est
produit aussi parce que plusieurs travailleurs
sont des travailleurs
philippins contractuels qui sont vulnérables et
considérés comme
aisément remplaçables. Tout ceci révèle
l'inhumanité de ceux qui ont
usurpé les positions de pouvoir, et à quel point
ils sont détachés des
problèmes des travailleurs dont ils ne connaissent
tien. En outre, cela
révèle l'absence d'une autorité publique qui
assume ses
responsabilités, ainsi que la cupidité débridée de
ce gigantesque
monopole mondial qui ne reconnaît pas que les
travailleurs sont des
êtres humains et les traite comme des choses.
Ces secteurs ont été considérés comme des «
services
essentiels » par le gouvernement de l'Alberta
et, sur cette base,
les employeurs ont autorisé « un retour à la
normale » des
activités par le biais de définitions intéressées
de « ce qui est
possible ». Cela montre un système brisé dans
lequel l'État a été
restructuré de sorte qu'il ne reste aucun vestige
d'une autorité
publique.
L'ampleur croissante des éclosions à l'usine de
High
River Cargill et de Brooks JBS et à l'installation
de sables bitumineux
de Kearl Lake montre que les travailleurs et les
Canadiens ne peuvent
pas faire confiance à ces gigantesques monopoles
mondiaux pour leur
santé et leur sécurité. Les travailleurs savent ce
qui est nécessaire
et ont proposé les actions requises, mais le
facteur humain/conscience
sociale a été bloqué par la cupidité et l'intérêt
étroit des
propriétaires.
Les propositions pour assurer la sécurité chez
Cargill
ont été écartées
« C'est une tragédie. Nous avons demandé pendant
plusieurs jours que l'usine de Cargill soit fermée
temporairement
pendant deux semaines, de renvoyer tous les
travailleurs chez eux pour
qu'ils s'isolent. C'est alors que nous avons eu
connaissance de 38
cas. C'était avant qu'ils mettent en place un
poste de dépistage dans
la région. Nous ne saurons jamais à quel point ce
nombre aurait pu être
inférieur », a déclaré le 17 avril le
président de la section
locale 401 du Syndicat des travailleurs et
travailleuses unis de
l'alimentation et du commerce, Tom Hesse.
Le 20 mars, le syndicat a réclamé des
mesures
concrètes pour protéger les travailleurs et le
droit des Canadiens à un
approvisionnement alimentaire sécuritaire. Le
syndicat a présenté un
plan de reconfiguration du lieu de travail, qui
met plus de distance
entre les travailleurs. Il a proposé de prolonger
la semaine de travail
pour permettre à la ligne de production de
ralentir, aux travailleurs
de se distancier socialement et de mettre en place
des mesures
sécuritaires rigoureuses. Le syndicat a également
demandé des mesures
d'hébergement pour les travailleurs à risque accru
s'ils contractent la
COVID-19, pour les travailleurs touchés par les
fermetures d'écoles et
de garderies, des heures supplémentaires
volontaires et la suppression
des exigences relatives aux notes de médecin.
Cargill n'a pas pris la peine de répondre aux
propositions de distanciation sociale sur le lieu
de travail. Au lieu
de cela, l'entreprise a déclaré avec
arrogance : « Nous avons pris
plusieurs décisions dans l'optique d'accorder la
priorité aux gens
alors que nous essayons de minimiser les
difficultés financières
auxquelles nos employés sont confrontés. »
Elle a ensuite appelé
le syndicat à exhorter les gens à venir
travailler. « Minimiser les
difficultés financières » signifiait
apparemment garder les lignes
de production en marche à pleine vitesse à tout
prix.
Le 12 avril, 250 travailleurs ont signé
une
lettre adressée au maire de High River, l'invitant
à appuyer leur appel
à fermer l'usine pendant deux semaines, a rapporté
CBC le 19
avril. Le 13 avril, le président de la section
locale 401 des
TUAC, Tom Hesse, a également demandé publiquement
un arrêt temporaire
de deux semaines de l'usine pour procéder à une
évaluation complète de
sa sécurité, avec une indemnisation complète
versée à chaque
travailleur. Le syndicat a également exigé « une
réunion immédiate avec
les responsables syndicaux, les experts et les
responsables
gouvernementaux de compétence et de juridiction
adéquates pour élaborer
des règles claires et applicables en matière de
santé et de sécurité
sur votre lieu de travail ». À ce moment-là,
Hesse a souligné
que 30 membres des TUAC sont morts en
Amérique du Nord et qu'il
est temps d'agir et de protéger des vies.
Le 14 avril, Cargill a temporairement
supprimé un
quart de travail et licencié 1 000
travailleurs, ont rapporté
les TUAC. Plusieurs jours plus tard, toute
activité a été suspendue sur
le « plancher de mise à mort » tandis que le
boeuf continuait
d'être transformé. L'usine traite normalement
environ 4 000
têtes de bétail par jour et est l'un des deux
principaux fournisseurs
de boeuf de McDonald's Canada.
Bien que les travailleurs et leur syndicat aient
été
très actifs pour revendiquer ce qui doit être
fait, ni Cargill ni le
gouvernement de l'Alberta n'ont assumé la moindre
responsabilité quant
aux conséquences de leurs décisions de refuser
d'accepter les décisions
éclairées des travailleurs sur ce qui était
nécessaire. Cela dément les
affirmations selon lesquelles « nous sommes tous
dans le même
bateau ».
Depuis le début, le ministre de l'Agriculture de
l'Alberta, Devin Dreeshen, a soutenu que les
agences gouvernementales
avaient travaillé pour garder les services
essentiels ouverts « et pour
s'assurer que les protocoles soient en place en
cas de maladie des
travailleurs » et a dit qu'il est convaincu
que l'usine est
sécuritaire. Il a répété l'affirmation selon
laquelle l'usine est «
sécuritaire » lors d'une téléconférence avec
les travailleurs
le 18 avril.
Les autorités tentent maintenant de détourner
l'attention des problèmes soulevés en ce qui a
trait aux conditions de
travail et blâment plutôt les travailleurs et
leurs conditions de vie,
suggérant que la propagation ne s'est pas passée
au travail mais dans
le covoiturage et les ménages où il est impossible
de s'isoler à cause
des conditions de vie exiguës. Elles insinuent
ainsi que leur logement
n'a aucun rapport avec les bas salaires des
travailleurs et essaient de
masquer que Cargill est en fait responsable de
l'organisation du
logement pour les travailleurs étrangers
temporaires qui travaillent
pour lui.
Les travailleurs et leur syndicat ont à plusieurs
reprises dénoncé cette mascarade comme étant
frauduleuse. Les
conditions dans l'usine rendent la distanciation
sociale impossible car
les travailleurs sont « coude à coude » sur
la ligne de
production. Les travailleurs ont déclaré à la CBC
qu'ils avaient subi
des pressions pour retourner au travail après
avoir été déclarés
positifs. De plus, Cargill a ajouté des primes et
des augmentations de
salaire horaire, auxquelles les travailleurs
n'étaient admissibles que
s'ils étaient présents à chaque quart de travail.
Punir ceux qui
tombent malades avec la COVID-19 ou qui se
conforment aux mesures
d'isolement est méprisable au plus haut point.
Le système est brisé lorsque personne n'en prend
la
responsabilité. Cargill et le gouvernement
provincial savaient tous
deux que le virus se propageait depuis le début
d'avril. Le
gouvernement fédéral est responsable de
l'inspection des installations
d'emballage de la viande et aurait certainement dû
mandater des
inspecteurs pour prendre des mesures. Mais
personne n'accepte quelque
responsabilité pour cette situation.
Ce qui est révélé, ce n'est pas seulement la
brutalité
de ces monopoles qui ont pris le contrôle de
l'approvisionnement
alimentaire du Canada, mais qu'on ne peut faire
confiance ni au
gouvernement ni aux monopoles pour défendre quoi
que ce soit, sauf si
ce n'est que leur propre intérêt et le contrôle de
la prise de décision
au service de l'oligarchie financière. Les
travailleurs ont le droit de
décider si les conditions de travail sont
sécuritaires et acceptables
pour eux. En se défendant, les travailleurs se
sont également battus
pour empêcher la propagation de la COVID, pour
laquelle Cargill et les
gouvernements à son service doivent assumer
l'entière responsabilité.
Il faut fermer l'usine de JBS maintenant, et mener
une enquête publique
pleine et entière sur les actions et la négligence
de ces monopoles, le
gouvernement de l'Alberta et les Services de santé
de l'Alberta. Les
travailleurs doivent avoir le dernier mot, et les
usines ne doivent
rouvrir que lorsque les travailleurs considèrent
que les conditions
mises en place sont acceptables.
- André Vachon, travailleur
d'oléoduc -
Le 30 mars, le premier ministre de
l'Alberta.
Jason Kenney, a annoncé que les « pelles étaient à
l'oeuvre » dès
6 heures du matin pour l'oléoduc Keystone XL. TC
Énergie (anciennement
TransCanada Pipelines), a dit Kenney, a décidé
d'aller de l'avant avec
le projet après que le gouvernement provincial a
accepté d'acheter
pour 1,5 milliard de dollars de participation
en capital dans le
projet, en plus d'offrir un prêt garanti de 6
milliards de
dollars. Cette décision a été prise après qu'aucun
investisseur n'ait
été trouvé pour un projet aussi risqué.[1]
L'Alberta va vendre sa participation en capital à
TC Énergie une fois
que et si le pétrole se met à couler dans
l'oléoduc. C'est ce qu'on
sait mais les termes et les conditions sont
confidentiels. Les
Albertains ne savent pas quel est le contenu exact
de l'entente mais
les médias ont mentionné que la participation en
capital couvrira les
coûts de construction de l'année 2020.
Kenney a affirmé
que 520 kilomètres
d'oléoduc en deux tronçons canadiens vont être
construits en 2020,
en plus de plusieurs tronçons aux États-Unis. «
Plusieurs travailleurs
qui ont été mis à pied dans le secteur du pétrole
vont avoir la chance
de travailler pour TC Énergie et ses
entrepreneurs. Les petits hôtels
et certains des restaurants qui peuvent être
ouverts le long de la
route vont faire des affaires ... »
Forum ouvrier s'est entretenu avec le
travailleur
d'oléoduc André Vachon à propos de l'annonce.
Forum ouvrier: Que penses-tu de
l'annonce
de Jason Kenney sur la construction du Keystone
XL ?
André Vachon : L'idée d'avoir «
tant de
monde » qui va travailler sur un nouvel
oléoduc en pleine pandémie
est outrageante et démontre l'absence d'égard pour
notre santé et
sécurité. Nous voyons aussi les conséquences de
décisions comme
celles-là à l'usine de transformation de la viande
de Cargill et dans
le projet de sables bitumineux de Kearl Lake.
C'est pratiquement
impossible de pratiquer la distanciation sociale
dans le travail
d'oléoduc. Tout au plus, on peut faire de la
préparation de terrain. Il
faut prévoir l'hébergement des travailleurs par la
location de chambres
dans les maisons, les hôtels et les motels, ce qui
enfreint la
distanciation sociale, et les travailleurs devront
se rendre au site
par autobus.
En fait, l'annonce est tout aussi frauduleuse
qu'indifférente envers notre bien-être. Les
pipelineurs ont tout de
suite contesté la déclaration que la construction
avait commencé parce
qu'il n'y a eu aucun affichage de poste pour
l'oléoduc et les
entrepreneurs n'engagent personne. En plus, chaque
travailleur de
l'industrie pétrolière et gazière sait que la
construction d'oléoducs
s'arrête pendant le dégel printanier parce que les
routes sont
interdites, ce qui rend impossible le transport de
l'équipement lourd.
Il n'y a pratiquement pas de construction
d'oléoduc pendant le
printemps en Alberta parce que le sol est encore
trop mouillé. Mon
syndicat, l'Union des opérateurs ingénieurs, a
immédiatement indiqué
que la construction de la section de l'oléoduc en
Saskatchewan ne va
pas commencer avant 2021. J'ai vu que
quelques jours après son
annonce, Kenney a « clarifié »
qu'environ 100 travailleurs
sont en train de faire du travail préliminaire au
Montana. Même cela
est faux parce qu'un juge du Montana a statué
le 15 avril que le
Corps des ingénieurs de l'armée américaine n'a pas
considéré de manière
adéquate les effets de l'oléoduc Keystone sur les
espèces menacées par
sa traversée des rivières et des ruisseaux. TC
Énergie n'a donc plus de
permis d'aller de l'avant au Montana.
FO : Kenney a aussi dit qu'il
espère
que l'économie va reprendre d'ici la fin du mois
de mai.
AV : C'est à peu près à ce
moment-là
que l'interdiction des routes est levée dans une
année normale. Mais
nous avons déjà dépassé la mi-avril et le dégel
printanier ne s'est pas
produit encore, alors la reprise sera beaucoup
plus tard. De toute
façon, il n'y a pas de construction d'oléoducs
dans cette période de
l'année, surtout que cette année a été
particulièrement froide. C'est
clair qu'il veut agir « comme si de rien
n'était » au lieu de
donner la première place à notre santé.
FO : Kenney a aussi dit qu'il
a parlé
aux gouverneurs du Montana, du Dakota du Sud et du
Nebraska, et que,
comme l'a fait TC Énergie, ils l'ont assuré qu'ils
vont prendre toutes
les précautions nécessaires pour protéger les
travailleurs et les
communautés.
AV : C'est vraiment poussé
comme
déclaration quand on sait que le Dakota du Sud et
le Nebraska sont
parmi les derniers récalcitrants, qui se sont
opposés à tout
confinement, ont continué d'agir comme si de rien
n'était et n'ont pris
aucune précaution pour protéger leur population
contre la COVID-19.
Suggérer qu'ils vont prendre soin des travailleurs
est frauduleux. Il
semble que le gouvernement albertain s'apprête à
payer TC Énergie pour
construire l'oléoduc à travers les États-Unis
cette année. Ce sont ces
emplois dont il parle, ce qui met en péril les
travailleurs américains.
FO : Selon TC Énergie, la
construction de l'oléoduc va créer 1 400
emplois au Canada.
Qu'en est -il selon toi ?
AV : Ce chiffre semble
réaliste. Mais
c'est important de savoir ce qu'on entend par «
emploi ». Cela ne
veut pas dire deux années de travail. Les
entrepreneurs font une
soumission pour compléter une section de l'oléoduc
qu'on appelle un «
tronçon ». Compléter un tronçon prend
habituellement un maximum de
trois mois, pendant lesquels nous travaillons six
et parfois sept jours
par semaine, 10 ou 11 heures par jour.
Cela est suivi d'une
longue période de chômage. Ce discours ronflant
sur les bienfaits de la
construction d'oléoducs du point de vue de
l'emploi est très exagéré.
L'emploi fait partie des cycles d'expansion et de
contraction qui
caractérisent l'industrie. C'est insensé de la
part de Kenney de vanter
la construction d'oléoducs comme une source de
prospérité pour les
Albertains.
L'Alberta
doit cesser de dépendre de l'expédition du pétrole
pour alimenter
l'économie et la machine de guerre des États-Unis.
Nous voulons faire
du Canada une zone de paix alors nous avons besoin
d'une nouvelle
direction. Bien sûr, on ne nous demande jamais
notre avis. Pourquoi les
travailleurs devraient-ils être soumis à un
chantage : ou bien
appuyer cette direction, dont nous savons qu'elle
n'apporte pas la
sécurité, ou alors rien, pas de travail ? En
plus de cela, des
milliards de dollars sont versés à TC Energy, qui
a même retiré le mot
Canada de son nom « pour refléter l'expansion de
son activité
commerciale par- delà le Canada, aux
États-Unis ».
En tant que travailleurs des métiers de la
construction,
nos compétences ne sont pas limitées à la
construction d'oléoducs. On
peut imaginer l'entreprise publique que pourraient
générer 6,5
milliards de dollars afin de donner une nouvelle
direction à
l'économie, au lieu de donner ce montant à un
monopole mondial pour une
aventure risquée. Les alternatives existent. Par
exemple, l'Alberta
pourrait investir dans une entreprise publique qui
fabrique des masques
N95, qui ne sont pas produits au Canada bien
qu'ils soient faits de
polypropylène, qui est un produit pétrochimique.
Ou encore le
laboratoire public si nécessaire que le
gouvernement Kenney a annulé.
Nous pourrions construire une entreprise publique
qui produit des
vaccins. Une entreprise publique qui fabriquerait
ces produits
assurerait la sécurité de l'approvisionnement pour
le Canada et serait
une source de revenus pour le trésor public. Un
besoin urgent,
peut-être le plus urgent, est celui de logements
modernes qui
respectent les cultures autochtones sur les
réserves, de même que dans
les zones urbaines pour la population autochtone
urbaine, car la
situation du logement y est effroyable. On
pourrait faire tant de
choses avec cette participation en capital et
cette garantie de prêt
de 7,5 milliards de dollars si c'est le
peuple qui décide de la
façon de le dépenser. Nous pourrions bâtir ces
entreprises au bénéfice
des Canadiens, au lieu d'un oléoduc qui profite à
TC Energy, à la
machine de guerre des États-Unis et qui contribue
à détruire les
économies des pays qui ne se soumettent pas aux
États-Unis.
FO : Merci beaucoup
Note
1. Lire le numéro
du 21
avril 2020 du Marxiste-Léniniste,
Manoeuvre de
l'Alberta pour payer 7,5 milliards de
dollars aux riches
oligarques financiers
- Entrevue avec André Racicot,
président
de la section locale 9291 du Syndicat des
Métallos en Abitibi -
Le 13 avril dernier, le gouvernement du
Québec a
annoncé que les activités minières, qui avaient
été arrêtées à
l'échelle du Québec le 25 mars dernier dans
le cadre de la crise
de la pandémie de la COVID-19, reprennent
progressivement à partir
du 15 avril. Forum ouvrier s'est
entretenu récemment avec
André Racicot, le président de la section
locale 9291 du Syndicat
des Métallos, qui représente notamment les
travailleurs de la Mine
Westwood de la minière Iamgold, à Preissac en
Abitibi-Témiscamingue,
sur les conditions dans lesquelles se fera la
reprise et sur le rôle
des travailleurs pour faire en sorte que celle-ci
se fasse en toute
sécurité pour les travailleurs miniers. André est
un spécialiste des
questions de santé et sécurité dans le secteur
minier.
Forum
ouvrier : Comment se déroulent
les
préparatifs pour la reprise des activités minières
à la mine Westwood?
André Racicot : En ce qui
concerne la
reprise des travaux dans le secteur minier, on a
travaillé fortement
avec l'employeur pour trouver les meilleures
normes sanitaires pour les
travailleurs, pour s'assurer de leur prévention
face au danger d'être
infectés par le virus. On a mis en place plusieurs
protocoles
concernant le nettoyage, l'action en milieu de
travail, notamment le
respect des deux mètres de distance entre les
travailleurs. Il y a eu
une problématique à régler en ce qui a trait au
transporteur sous
terre, ce qu'on appelle la cage. On a mis des
séparateurs dans la cage.
On a limité le nombre de personnes. Avant on
pouvait descendre 25
personnes dans la cage, maintenant on réduit le
nombre de moitié. Les
travailleurs n'ont pas le droit de parler dans la
cage, ils font face
au mur, et chaque place est séparée avec un
rideau. À chaque quart de
travail, les rideaux et la cage sont totalement
désinfectés.
En ce qui concerne le transport avec les
véhicules dans
la mine, ceux-ci sont nettoyés et désinfectés
régulièrement et on ne
peut pas transporter plus de deux travailleurs à
la fois. Le conducteur
est au poste de commande, tandis que l'autre
travailleur est assis du
côté droit, sur la banquette arrière. Dans les
camionnettes qui
transportent les personnes, on s'assure que le
deux mètres est respecté
entre les travailleurs.
En ce qui concerne les refuges sous terre, les
salles à
manger par exemple, elles ont été désinfectées et
pour chaque repas, le
personnel a été augmenté pour nettoyer la place.
Les horaires de repas
sont organisés pour qu'il n'y ait pas trop de
monde en même temps dans
les salles à manger et qu'on respecte le deux
mètres de distance. Les
horaires de travail ont été modifiés pour
permettre une entrée
graduelle à la mine, pas tout le monde ensemble.
Les travailleurs
doivent se laver les mains pendant 20
secondes sur une base
régulière. On s'assure de respecter les directives
de la Santé publique.
Chaque département a développé des protocoles
pour les
cas où il n'est pas capable de respecter le deux
mètres de
distanciation. Par exemple, dans le cas des
mécaniciens, quand ils ont
une tâche comme réparer une pompe, cela prend deux
travailleurs pour
faire la tâche. Ils vont devoir porter des masques
pour empêcher la
propagation du virus par gouttelettes parmi leurs
collègues.
Nous aurons des masques N95, des masques
chirurgicaux et
nous utiliserons aussi des masques qu'on utilise
normalement sous
terre, qui sont eux aussi efficaces à empêcher la
propagation des
gouttelettes. Nous avons fait l'inventaire au
comité d'urgence
sanitaire afin de nous assurer qu'il n'y aura pas
de pénurie de masques.
Il y a un véritable changement qui a été fait
pour faire
en sorte que les horaires de travail et le
protocole de retour du
travail permettent de mettre les normes sanitaires
en place. Cela n'a
pas été facile mais on voit qu'il y a une volonté
réelle de tout le
monde de se prendre en main.
FO : Est-ce que l'extraction
minière
a repris ?
AR : Elle est en voie de
reprise. Les
premiers qui ont été rappelés sont les mécaniciens
à l'usine pour
travailler sur un broyeur. À ce que je sache, il y
a des équipes de
mécaniciens mobiles qui commencent à rentrer au
travail. Les opérations
comme telles de minage vont commencer vers
le 25 avril je crois.
Pour le rappel, chaque personne va être appelée et
va suivre une séance
d'instruction sur les normes sanitaires parce que
c'est un changement
à 180 degrés. Pour assimiler cette
information et la mettre en
application, il va falloir que tout le monde s'y
mette. Pour être
certain que l'extraction du minerai va vraiment
fonctionner comme il se
doit, je pense que cela va prendre jusqu'à la
fin-avril début mai.
FO : Est-ce que les consignes
dont tu
parles seront les mêmes dans tout le secteur
minier au Québec ?
AR : À ce que je sache, avec
ce que
j'ai comme information, il semble que ces
consignes vont s'appliquer
dans tout le Québec. Comment cela fonctionne,
c'est que l'Association
minière du Québec (AMQ) donne les consignes à ses
membres.
Généralement, les membres suivent ces directives,
il y a de petites
variations, mais dans l'ensemble les mêmes
consignes sont suivies dans
tout le Québec.
FO : Comment vois-tu le rôle
des
travailleurs dans tout ce processus de
reprise ?
AR : Notre rôle est d'assurer
que les
normes de sécurité et les normes sanitaires soient
mises en
application. Nous avons un rôle à jouer pour
identifier, contrôler et
éliminer les risques. Notre rôle est de prévenir
la propagation de
cette maladie. On ne veut pas que le travailleur
soit infecté, que la
pandémie pénètre dans l'entreprise. Nous avons le
souci de nos familles
et de nos proches, le souci de ne pas les
contaminer. Nous pensons que
non seulement c'est dangereux pour les membres,
mais que c'est mauvais
pour l'industrie parce que la Santé publique peut
arrêter l'activité
d'une mine si les normes ne sont pas respectées.
J'apprécie la volonté
de l'entreprise de mettre sur pied des directives
qui sont bonnes, mais
il reste à voir comment cela va être appliqué sur
le terrain. C'est là
que tout va se jouer. On va concentrer tous nos
efforts pour surveiller
et identifier les problèmes. Nous devons nous
assurer que les
directives sont respectées, car elles peuvent ne
pas l'être pour toutes
sortes de raisons, il peut y avoir des pressions
administratives, ou
une question d'adaptation au changement, des
consignes non respectées,
on va veiller au grain.
Nous mettons en action notre structure syndicale.
En ce qui me
concerne, je suis assigné au télé-travail et il y
a des officiers du
syndicat qui travaillent à la mine pour faire des
comptes-rendus sur
l'application des normes de sécurité et des normes
sanitaires. Le
représentant en prévention est dépêché par moi
pour vérifier comment
cela marche à la mine réellement. Il a été formé
pour cela et il a des
directives claires pour faire son rapport à chaque
jour. Il est
libéré 40 heures par semaine pour s'occuper
de prévention, pour
vérifier tous les aspects de la santé et de la
sécurité et les normes
sanitaires, y compris celles provenant de la
CNEEST (Commission des
normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité
du travail).
Je suis allé à deux reprises à la mine, j'ai fait
une
simulation sur comment va se faire la rentrée au
travail. J'ai vu
certaines lacunes, surtout en ce qui concerne le
lavage des mains, pour
laquelle on doit s'assurer que le travailleur
utilise les 20
secondes nécessaires pour se laver les mains comme
il faut.
FO : Tu veux dire quelque
chose en
conclusion ?
AR : On est d'accord de
rentrer au
travail mais pas à n'importe quel prix. On veut
s'assurer que nos
travailleurs soient bien protégés pour protéger
leurs familles et leurs
proches. Nous avons tout intérêt à suivre les
consignes sanitaires de
la Santé publique.
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