Les travailleurs continuent de
prendre la parole
sur les questions de sécurité
Le besoin de briser le silence sur le manque de sécurité sur les chantiers de construction
Entrevue avec Evans Dupuis,
directeur de l'Union des opérateurs grutiers
Forum ouvrier : Tu as
soulevé dans les médias qu'il existe un sérieux
problème sur les chantiers de construction en ce
qui concerne l'information sur la propagation
possible de la COVID-19. Peux-tu nous en dire
plus ?
Evans
Dupuis : Le problème est que la
Santé publique, la compagnie ou le maître
d'oeuvre, et la CNESST (Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité du
travail) ne veulent pas nous fournir l'information
à savoir quel travailleur est atteint, si c'est un
de nos membres, s'il a passé un test, s'il a été
déclaré positif, si une enquête a été faite, si
les mesures en place étaient adéquates, si tout le
monde qui a été contact avec lui a fait l'objet
d'une enquête, etc. Nous ne sommes pas capables
d'avoir l'information. Comment peut-on faire un
suivi dans ces conditions afin de rassurer les
travailleurs que tout a été fait de manière
sécuritaire, qu'il n'y aura pas de
propagation ?
Les compagnies ou les maîtres d'oeuvre nous
disent qu'il s'agit d'une information personnelle,
confidentielle, et que nous devons nous adresser à
la Santé publique. La Santé publique nous dit elle
aussi que c'est une information confidentielle. Ça
n'a pas de sens.
Nous avons par exemple un grutier qui a été mis
en quarantaine parce qu'il avait des symptômes et
qu'il a passé un test. Selon la règle, si tu vas
passer un test parce que tu as des symptômes, la
Santé publique dit que tu dois te mettre en
quarantaine tant que tu n'as pas les résultats.
Nous avons fini par le savoir parce que le membre
nous a appelés. Il est allé voir la Santé publique
qui lui a dit que sa situation est problématique,
qu'il s'est beaucoup promené d'un chantier à
l'autre, que c'est peut-être un gros cas. Il
venait de passer un test, qui s'est avéré négatif
plus tard, a passé un second test, lui aussi
négatif. Son médecin, voyant que les tests étaient
négatifs, lui a finalement donné un billet de
retour au travail, disant que ses symptômes
n'étaient pas des symptômes de la COVID-19. Ce
travailleur ne sera pas payé pour sa période de
quarantaine. Ses tests sont négatifs, alors il ne
sera pas couvert par le système d'indemnisation de
la CNESST. Il ne sera pas admissible à la PCU
parce qu'il a gagné trop d'argent. Il ne sera pas
admissible aux prestations d'assurance-emploi pour
maladie, parce que sur son dossier c'est écrit «
possible COVID ».
En plus, avec la pandémie, les comités mixtes de
santé et sécurité ne fonctionnent pas. C'est un
endroit où on pourrait poser des questions,
demander quelle enquête a été faite, si les
conditions de sécurité pour prévenir la COVID-19
étaient en place, si la distanciation de deux
mètres était respectée, si les travailleurs
portaient des masques, avec qui le travailleur
avait été en contact.
Nous demandons d'avoir accès à l'information,
soit de la Santé publique ou de la CNESST, pour
pouvoir faire un suivi. La CNESST dit que ce n'est
pas à elle de nous informer, que cela appartient à
la Santé publique. La Santé publique devrait
travailler avec la CNESST pour que celle-ci nous
donne l'information. Quand il y a un accident de
travail qui est déclaré, la CNESST nous donne
l'information. Si l'accident implique un de mes
membres, je me rends sur les lieux de l'accident,
je discute des mesures correctives. Avec la COVID
cela devrait être la même chose.
FO : Comment sont les
conditions de sécurité sur les chantiers en ce
moment en rapport à la COVID-19 ?
ED : Il
y a des chantiers sur lesquels il n'y a aucune
mesure de sécurité de prise face à la COVID. Sur
d'autres chantiers, les compagnies disent aux
travailleurs de porter un masque et une visière et
alors il n'y a plus de distanciation de deux
mètres. À d'autres endroits, la distanciation de
deux mètres est respectée. La situation peut
dégénérer et donner lieu à une épidémie, à mon
avis.
Quand les chantiers de construction ont été
rouverts, la CNESST s'était engagée à faire des
enquêtes systématiques sur la situation avec la
COVID-19 sur les chantiers, mais cela n'est pas ce
qui se passe. Si la CNESST n'est pas là pour faire
son enquête et qu'un travailleur est retiré des
chantiers, c'est tout un débat à savoir si le
travailleur va être indemnisé auprès de la CNESST,
s'il a contracté ses symptômes au travail, si
c'est relié au travail ou non. La CNESST doit
travailler avec la Santé publique, elle doit être
là très activement sur les chantiers.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'on pense
juste à travailler et on laisse faire les cas.
S'il y a beaucoup de cas, il y a des chantiers qui
vont fermer, ce ne sera pas mieux. Ce n'est pas ça
qu'on veut. On dirait qu'ils nous cachent cela
pour qu'on ne mette pas de la pression. Mais les
règles ne sont pas respectées. Le deux mètres
n'est pas respecté. La méthode de travail n'est
pas bonne. C'est ça qui est camouflé.
J'espère qu'on aura plus d'ouverture de la part
autant de la Santé publique que de la CNESST, que
la CNESST va participer aux enquêtes pour qu'on
puisse faire un suivi des cas de COVID et qu'on
puisse intervenir. C'est important.
Cet article est paru dans
Numéro 43 - Numéro 43 - 23 juin 2020
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