Les travailleurs des postes intensifient la lutte pour leurs droits

L'arbitre fédéral refuse de traiter des revendications nécessaires


Ligne de piquetage à Napanee, le 10 novembre 2018

Le 11 juin, l'arbitre Elizabeth McPherson, une ancienne présidente du Conseil canadien des relations industrielles nommée arbitre dans le cadre de la mise en oeuvre de la Loi C-89, Loi sur la reprise et le maintien des services postaux, a publié son rapport final. La Loi a été adoptée par le Parlement le 26 novembre 2018 pour déclarer illégales les grèves tournantes des travailleurs des postes et forcer les travailleurs à mettre fin à leurs grèves légales sous la menace de lourdes amendes pour les travailleurs individuels et le syndicat.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) négociait avec Postes Canada depuis près d'un an au nom des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) dont la convention collective est arrivée à échéance le 31 décembre 2017, et de tous ceux qui sont affectés aux opérations urbaines, soit les facteurs, les travailleurs des services de messagerie et tous les travailleurs internes dont la convention collective a expiré le 31 janvier 2018.

Le numéro du 22 novembre 2018 de Forum ouvrier soulignait que Postes Canada et le gouvernement Trudeau ont provoqué une crise en refusant de négocier avec le syndicat, ayant plutôt choisi de recourir à une loi criminalisant la lutte des travailleurs pour leurs droits[1].

La Loi C-89 prévoyait 90 jours de médiation-arbitrage et les audiences ont commencé le 16 janvier 2019. Ce processus ne s'est pas mieux déroulé que les négociations. Après des reports et des retards continus, l'audience finale a eu lieu le 6 mai et l'arbitre a remis sa décision le 11 juin.

Au lieu des 90 jours prévus par la Loi, la médiation-arbitrage a pris plus de 560 jours. Le rapport ne contient aucune explication quant à l'incapacité de l'arbitre à faire son travail conformément à la Loi.

Il ressort clairement du rapport que l'arbitre n'a pas abordé le régime de non-négociation imposé par Postes Canada et appuyé par le gouvernement libéral. Les principales revendications des postiers n'ont toujours pas été correctement considérées lors des audiences d'arbitrage qui se sont étalées sur 560 jours. L'arbitre n'a pas résolu les problèmes importants de santé et de sécurité, le système de rémunération à deux vitesses, le paiement de toutes les heures travaillées pour les FFRS, la surcharge des facteurs et l'affectation du personnel pour les travailleurs internes avec l'utilisation accrue de travailleurs temporaires et du travail précaire à temps partiel.

C'est très préoccupant pour les travailleurs et travailleuses des postes de voir qu'après presque deux ans sans convention collective, ils sont contraints de travailler sous des ordonnances fédérales. On n'a pas tenu compte de leurs préoccupations en matière de santé et de sécurité, et de bonnes conditions de travail nécessaires pour effectuer leur travail. L'arbitre a publié un rapport qui va dans le sens du refus de Postes Canada de négocier, sachant très bien qu'elle pourrait compter sur les libéraux de Trudeau pour l'utilisation de pouvoirs législatifs pour criminaliser toute résistance des travailleurs et éliminer tout semblant de négociations.

Ce que l'arbitre avait à dire


La durée de la convention collective sera de quatre ans à compter de janvier 2018, ce qui veut dire qu'il ne reste que 18 mois.

Les échelles salariales prévues à l'annexe « A » de la convention collective sont majorées par les montants suivants aux dates indiquées :

1er février 2018 - 2,0 %

1er février 2019 - 2,0 %

1er février 2020 - 2,5 %

1er février 2021 - 2,9 %.

« L'augmentation de traitement pour l'unité des FFRS doit s'appliquer après la mise en oeuvre des augmentations imposées par la décision de l'arbitre Flynn sur l'équité salariale et de celles convenues par les parties dans le cadre de ce processus. Le but est de maintenir l'équité salariale atteinte grâce au processus de l'arbitrage Flynn. »

L'arbitre a refusé de se pencher sur le système de traitement salarial à deux vitesses qui existe. Par exemple, un travailleur interne embauché avant 2013 a un salaire horaire de sept dollars de plus qu'un travailleur de la même classification embauché après le 1er février 2013. Afin de régler ce problème, le syndicat a exigé que les huit années qu'il faut accumuler pour atteindre le maximum soient réduites. L'arbitre a refusé. Sa décision maintient le même arrangement pour les groupes un et deux des opérations urbaines.

En ce qui concerne la santé et la sécurité, les facteurs ont subi de graves blessures sur leurs itinéraires en raison de la méthode de livraison à deux liasses qui a été introduite avec la manière séquentielle de trier le courrier. L'arbitre a refusé de répondre à la demande des travailleurs d'éliminer cette méthode de travail dangereuse. Le problème est reconnu dans le rapport, mais l'arbitre n'a pas pris position pour éviter de nouveaux accidents. Le commentaire du rapport sur ce grave problème expose clairement la nature du processus d'arbitrage qui ferme les yeux sur les besoins des travailleurs. Sur la question du système à deux lots, l'arbitre déclare :

« La soussignée n'est pas une experte en ergonomie et hésite à préciser dans la convention collective une méthode particulière de tri et de livraison. Je propose plutôt un protocole d'entente qui officialisera la pratique actuelle qui consiste à ne pas sanctionner les factrices et facteurs qui choisissent de fusionner, avant de commencer leur livraison, leur courrier trié de manière séquentielle et leur courrier trié manuellement. »

De même, sur la question de la surcharge de travail des facteurs, l'arbitre a refusé de prendre position et a proposé une autre étude pour discuter du processus de mise à jour du volume des itinéraires des facteurs. Cela signifie qu'une fois de plus, les problèmes rencontrés par les facteurs en conséquence de l'augmentation considérable des volumes de colis et la nécessité de restructurer les itinéraires feront l'objet d'études complémentaires sans solution en vue.

L'arbitre n'a eu aucun problème à accepter la proposition de Postes Canada concernant un « effectif temporaire en période de pointe » qui n'aurait aucune restriction quant aux jours de la semaine où ces employés peuvent être déployés. Au lieu d'attribuer les postes vacants et de maximiser les postes réguliers à temps plein en combinant les postes à temps partiel en fonction des heures travaillées, la capacité de la société des postes à recourir à des travailleurs temporaires conduira à la création de plus de travail précaire et les problèmes d'affectation du personnel qui persistent ne seront pas résolus.

En ce qui concerne les FFRS, l'arbitre a refusé de répondre aux demandes du syndicat de rémunérer ces travailleurs pour toutes les heures travaillées. Cela nécessiterait la restructuration de leurs itinéraires sur la base d'une journée normative de huit heures de la même manière que les facteurs des opérations urbaines. L'arbitre a refusé de modifier le modèle de travail à la pièce existant et propose une autre étude sur la façon de mesurer le contenu, la charge de travail et les méthodes de rémunération appropriées pour rémunérer les FFRS pour toutes les heures travaillées de plus de 40 heures par semaine. L'arbitre a également rejeté la demande du syndicat d'une compensation horaire pour la livraison de colis la fin de semaine. Elle a plutôt accepté la proposition de Postes Canada de fournir aux FFRS qui livrent des colis la fin de semaine 2 $ pour chaque colis.

La Loi C-89 et la décision d'arbitrage n'aident pas les travailleurs des postes durant la pandémie

Le processus de médiation-arbitrage imposé par la Loi C-89 n'a pas permis de résoudre les graves problèmes auxquels sont confrontés les postiers. Le principal objectif de la Loi était d'empêcher les travailleurs de lutter pour leurs droits à des conditions de travail décentes et à un environnement de travail sécuritaire. Ce problème est devenu beaucoup plus grave, car les travailleurs des postes ont continué à travailler tout au long de la pandémie. Le service important qu'ils fournissent, le tri et la livraison des lettres et des colis dans toutes les collectivités du Canada les a placés en première ligne de la lutte contre la COVID-19, ce qui pose des risques énormes à leur santé.

Il est inconcevable que, dans des conditions aussi dangereuses, les travailleurs et travailleuses des postes aient encore une loi fédérale suspendue au-dessus de leur tête avec des menaces de lourdes amendes s'ils entreprennent des actions pour protéger leurs droits. Malgré cela, les travailleurs des postes partout au pays ont pris des mesures comme celles de fermer des centres de tri et de refuser de travailler si Postes Canada n'observe pas les mesures de sécurité. C'est grâce aux travailleurs et à l'affirmation de leurs droits que les services postaux ont été maintenus au niveau requis par les Canadiens.

Il est grand temps que la Loi C-89 soit abolie afin que Postes Canada n'ait aucun endroit où se faufiler et n'ait aucune excuse pour faire la sourde oreille aux revendications des travailleurs.

Voir le rapport complet de l'arbitre.

Note

1. Voir Forum ouvrier du 22 novembre 2018

(Photos : FO, STTP)


Cet article est paru dans

Numéro 43 - Numéro 43 - 23 juin 2020

Lien de l'article:
Les travailleurs des postes intensifient la lutte pour leurs droits: L'arbitre fédéral refuse de traiter des revendications nécessaires - Louis Lang


    

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