Forum ouvrier

Numéro 42 - 18 juin 2020

Un statut pour tous !

Le Réseau des droits des migrants lance une campagne pancanadienne

Le gouvernement mexicain freine l'arrivée de travailleurs étrangers temporaires au Canada
Déclaration de l'Union nationale des fermiers-Ontario
Éclosion du coronavirus parmi les travailleurs étrangers agricoles temporaires au Québec

La situation des travailleurs de première ligne durant la pandémie
Les besoins urgents des paramédics de l'Ontario en équipement de protection adéquat - Entrevue, Jason Fraser, président, comité ambulancier de l'Ontario du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Les syndicats québécois de la santé demandent une préparation pour une deuxième vague de la pandémie


Un statut pour tous !

Le Réseau des droits des migrants lance
une campagne pancanadienne

Le dimanche 14 juin, le Réseau des droits des migrants (Migrant Rights Network) a été l'hôte d'un rassemblement en ligne pancanadien historique qui a lancé une campagne pour amener le gouvernement canadien à régulariser le statut et reconnaître les droits de tous les travailleurs migrants. Cet appel vise à mettre fin au système de trafic des êtres humains parrainé par l'État canadien qui cible les travailleurs migrants, les sans-papiers et les réfugiés.

Plus de 700 personnes se sont inscrites au forum en anglais dimanche après-midi. La rencontre virtuelle a ensuite eu lieu en espagnol le même jour. Beaucoup d'autres personnes ont regardé l'événement en rediffusion sur les médias sociaux et au moins 40 organisations de défense des droits ont appuyé formellement l'appel. Ce rassemblement en ligne a mis en lumière de manière frappante la lutte que mènent les sections les plus vulnérables de la classe ouvrière canadienne qui se dressent pour affirmer leurs droits en tant que travailleurs et en tant qu'êtres humains. Cette lutte et cette cause appartiennent à la classe ouvrière et au peuple canadien dans son ensemble.

Le rassemblement en ligne du 14 juin a débuté par la reconnaissance par les travailleurs migrants que la terre sur laquelle ils sont venus travailler est une  terre volée, où la souveraineté autochtone n'est pas reconnue par les mêmes autorités qui nient les droits des migrants, où les disparitions et les assassinats des femmes autochtones sont communs et où les autochtones sont emprisonnés et tués par la police.

L'hôte a souligné qu'en réponse à la déclaration du premier ministre Justin Trudeau que « le Canada doit faire mieux », les travailleurs migrants lui disent: « Fais-le maintenant et assure un statut complet à tous. » L'injustice raciale et les droits des migrants, a-t-elle dit, sont un enjeu pour la classe ouvrière et le peuple canadien dans son ensemble. Elle a ajouté que le rétablissement de la pandémie de la COVID-19 ne peut être intégral sans un statut complet d'immigration pour tous, afin que les enfants des migrants aient accès à l'éducation et aux soins de santé, que les familles ouvrières migrantes soient réunies et que cesse la discrimination systémique dans les salaires et les conditions de vie de ces travailleurs les plus vulnérables. Il faut régulariser la situation de tout travailleur sans statut, a-t-elle dit. Elle a lancé l'appel à tous d'inviter quiconque n'est pas encore membre d'une organisation de défense des droits à le devenir afin de participer à cette lutte.

Voici un résumé des interventions qui ont été faites par ceux qui ont pris la parole à la défense de leurs droits.

Centre d'action des proches aidants de Toronto

Winnie a dit que, comme tant d'autres, elle est venue au Canada pour prendre soin des familles canadiennes, des enfants, des personnes malades, de nous tous. « Nous sommes des aidants. Nous vivons avec votre famille, nous préparons vos enfants pour l'avenir. Nous travaillons de longues heures et pourtant nous sommes très mal payées et parfois même pas payées pour nos nombreuses heures supplémentaires. » Elle vit séparée de sa famille depuis six ans. « Nous sommes obligées de demeurer dans la maison de nos employeurs, même quand nous ne travaillons pas. Si nous quittons la maison, nous sommes congédiées. Nous sommes comme des esclaves. Quand j'ai quitté mon emploi, je n'avais pas d'argent et pas de place où aller vivre. Mon employeur m'a très mal traitée et plusieurs aidants ont vécu la même chose. Mais j'ai été forte et j'ai défendu mes droits et obtenu de l'aide des organisations d'appui aux travailleurs migrants. Nous demandons un statut maintenant. Nous voulons un statut sans préconditions de langue, d'éducation ou autre. Nous sommes des femmes de couleur. Nous sommes des travailleuses essentielles. Nous sommes en deuil en ce moment. Deux travailleurs migrants sont morts au cours des dernières semaines. Nous ne sommes pas venues au Canada pour y mourir. Nous sommes venues travailler et appuyer nos familles. Nous n'allons plus travailler et vivre dans la peur. Nous ne demandons pas un traitement spécial. Aujourd'hui, nous demandons un statut pour tous. Nous exigeons nos droits. Joignez-vous à nous ! »

Un travailleur agricole jamaïcain du Niagara en Ontario

Claude a dit qu'il fait partie des 60 000 travailleurs agricoles migrants au pays. Il travaille dans la région vinicole et productrice de fruits de Niagara, dans le sud de l'Ontario. « J'ai dû me séparer de ma famille pour venir produire des aliments pour vous. Nous occupons les pires emplois, les emplois les plus dangereux. Notre santé et notre sécurité sont en danger. Deux travailleurs agricoles sont morts de la COVID-19. Nous sommes venus au Canada en quête d'une vie meilleure, pas pour mourir. Il ne doit plus y avoir de morts ! Le Canada prétend être un pays qui a à coeur la famille. Nous devons être réunis avec nos familles. Nous voulons les amener ici avec nous. Nous voulons un statut complet. »

Une travailleuse dans les serres du Niagara

Blanca travaille dans les serres dans la région du Niagara. Elle travaille au Canada depuis 18 ans. « Mon mari est décédé en 1990, a-t-elle dit, à cause de ces conditions. Le gouvernement canadien devrait nous accorder le statut de résident permanent en tant que travailleurs migrants en reconnaissance de l'important travail que nous faisons, à la mémoire de mon mari et d'autres (Blanca a lu les noms des travailleurs agricoles migrants décédés au Canada). Nous voulons un statut de résidence permanente maintenant ! »

Des travailleurs migrants du Mexique

Laura a dit qu'elle a déménagé au Canada avec son mari et sa très jeune fille il y a cinq ans. « Nous avons été arnaqués par des gens qui nous ont pris notre argent et n'ont rien fait pour nous aider. À cette époque, j'étais enceinte de mon deuxième enfant. Nous n'avions même pas de refuge. Un groupe local de soutien aux migrants nous a aidés. Notre deuxième enfant est né au Canada, mais se voit tout refuser parce que nous n'avons pas de statut. Mon mari est un nettoyeur et un travailleur de la construction. Nous sommes actifs dans des groupes communautaires et contribuons à la société canadienne de plusieurs façons. Notre travail est digne. Il est essentiel à l'économie canadienne. Le statut permanent pour tous les travailleurs migrants, les travailleurs agricoles, les soignants, est une demande tout à fait juste. Nous croyons fermement que nous avons droit à toutes les nécessités de base : un logement, une éducation pour les enfants et un traitement décent au travail - les mêmes que tout le monde. »

Migrante Alberta

Evalyn Royo de Migrante Alberta a dit qu'elle est venue au Canada dans le cadre d'un programme de travailleurs temporaires. « Nous avons été invités à venir travailler ici dans des emplois dangereux, durs et mal payés. Pour un certain nombre de raisons, plusieurs ont dû prendre la décision de rester et de continuer à vivre et à travailler ici sans papiers. De nombreux migrants et en particulier les sans-papiers n'ont pas de soutien. C'était le cas avant la COVID-19, mais maintenant c'est flagrant. En Alberta, de nombreux travailleurs migrants employés dans la transformation de la viande, par exemple, doivent choisir d'aller au travail et risquer une infection, ou être forcés de rentrer chez eux. Nous travaillons comme n'importe quel autre travailleur. Ce sont des emplois permanents, pas des emplois temporaires. Pourquoi n'avons-nous pas droit à un statut permanent ? Appuyez l'appel de notre organisation. Appuyez la demande de statut pour tous ! »

Un travailleur haïtien sans-papiers vivant à Montréal

Mamadu est un travailleur haïtien sans-papiers vivant à Montréal. « Nous sommes fatigués de vivre dans la peur d'être arrêtés pour vérification d'identité dans le métro ; peur de tomber malade ; peur de perdre notre appartement. C'est pourquoi je parle aujourd'hui en mon nom et au nom d'autres comme moi pour dire à Trudeau que nous sommes fatigués de nous cacher et de vivre dans l'ombre et de voir des familles divisées par manque de statut. Nous n'avons pas de soins de santé. Ce sont des injustices imposées à des personnes sans statut. La COVID-19 ne nous a pas rendus essentiels. Nous étions essentiels avant la COVID-19  et sommes essentiels maintenant. C'est pourquoi nous exigeons un statut pour tous. »

Une réfugiée sud-asiatique à Mississauga en Ontario

Mika est une réfugiée sud-asiatique vivant à Mississauga. Elle a dit qu'elle avait fait la demande de statut, mais n'a aucune idée du progrès de sa demande. Elle a été maltraitée par son mari, par des avocats spécialisés en immigration, par les services d'immigration et par la police. « Mais je ne peux même pas me plaindre, a-t-elle dit, parce que je n'ai pas de statut. Si j'ai le statut, je peux me battre pour mes droits. Je ne suis pas seule. Nous devons être entendus. Nous avons besoin de votre aide pour lutter pour nos droits. »

Une étudiante internationale migrante

Rahil a parlé de la situation à laquelle sont confrontés de nombreux étudiants migrants et étrangers. « Les étudiants internationaux, a-t-elle dit, travaillent dans de nombreux services essentiels, dans des conditions du tiers-monde, avec des salaires très bas. Nous sommes maltraités en raison de notre statut temporaire. Souvent, nous ne pouvons pas trouver d'emploi, payer notre loyer, payer nos factures. Mais nous sommes en contact avec d'autres organisations étudiantes partout au Canada pour exiger un plein statut pour tous. Nous continuerons de construire un pouvoir collectif avec les migrants et d'autres pour lutter pour les droits fondamentaux. »

Une membre de Migrante Canada à Toronto

Marisol a dit qu'elle était venue au Canada en 2012. « Aujourd'hui, nous devons vivre dans l'ombre, nous briser le dos, subir des abus et l'exploitation au travail. Nous ne sommes pas des machines. Nous sommes des êtres humains ayant des besoins et des droits. C'est pourquoi nous, les travailleurs migrants, les aides-soignants, les réfugiés, les sans-papiers, voulons un statut pour tous. Le Canada doit reconnaître nos droits. Il est grand temps de s'organiser, de s'unir et de se battre. Que notre voix soit entendue partout au Canada. Soyons unis, forts et invincibles. Nous faisons partie de l'épine dorsale de ce pays. Nous voulons nos droits et nous les voulons maintenant. »

Forum ouvrier appelle ses lecteurs à faire leur cette lutte importante. On peut lire le texte de la déclaration « Full Immigration for All » (Un statut d'immigration complet pour tous) en cliquant ici.  Ajoutez votre nom à la campagne téléphonique pour dire à votre député local et au premier ministre de fournir un statut à tous en visitant le site Web de Migrant Rights Network.

Le rassemblement en ligne a été précédé d'une caravane de solidarité qui a fait le trajet de Toronto à Niagara le 13 juin 2020. Elle a tenu des rassemblements à Hamilton, Beamsville et St. Catharines. Au bureau de circonscription du député libéral de St. Catharines, Chris Bittle, des messages ont été écrits à la craie dans le stationnement et des pancartes collées sur la porte demandant un plein statut pour les migrants. (Migrant Workers Alliance for Change)

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Le gouvernement mexicain freine l'arrivée de travailleurs étrangers temporaires au Canada

Le 15 juin, l'ambassadeur du Mexique au Canada a annoncé que son gouvernement n'enverra plus de travailleurs étrangers temporaires au Canada tant que la lumière ne sera pas faite sur la mort de deux travailleurs ayant contracté la COVID-19. Il s'agit de Bonifacio Eugenio Romero, 31 ans, qui est mort le 30 mai, et de Rogelio Munoz Santos, 24 ans, qui est mort le 5 juin. Bonifacio travaillait chez Woodside Greenhouses à Kingsville dans le comté d'Essex et Rogelio chez Greenhill Produce à Chatham-Kent.

En entrevue, son excellence Juan José Gómez Camacho a dit que ce changement donnera le temps au gouvernement mexicain de « réévaluer avec les autorités fédérales, les provinces et les agriculteurs pourquoi ça s'est produit et s'il y a quoi que ce soit à corriger ». Son gouvernement veut être rassuré que la situation peut être contrôlée, a-t-il dit, avant d'autoriser d'autres travailleurs à se rendre au Canada. L'ambassadeur Gómez Camacho a annoncé que, dans l'ensemble du Canada, 300 Mexicains ont été infectés par le nouveau coronavirus.

Ce changement a des répercussions pour pas moins de 5 000 travailleurs étrangers temporaires qui devaient se rendre au Canada dans les mois à venir et pour les nombreuses exploitations agricoles partout au pays où ils devaient travailler. Les activités y ont déjà été très touchées par les mesures prises pour contenir la pandémie qui empêche les opérations normales. Les travailleurs du Mexique constitueraient près de la moitié des travailleurs étrangers temporaires embauchés dans le secteur de l'agriculture, ce qui en 2018 donnait un total de 25 060 personnes embauchées sur les fermes, dans les serres et dans des emplois connexes.[1]

L'ambassadeur a souligné que des entreprises agricoles touchées par les éclosions demandent au Mexique de continuer à leur envoyer des travailleurs et a dit que « cela ne se fera pas ». Il a ajouté que la pause ne devrait être que temporaire, compte tenu du fait que les agriculteurs ont besoin de travailleurs dans des périodes précises. Cependant, il a ajouté que les travailleurs ne seraient pas autorisés à se rendre au Canada jusqu'à ce que les représentants canadiens aient accru leur surveillance de l'application des règles de santé et de sécurité et garanti que les travailleurs seront payés pendant leur isolement.

L'ambassadeur a parlé des mesures que le gouvernement canadien a adoptées pour limiter la propagation de la COVID-19, dont l'obligation pour les travailleurs migrants de passer 14 jours en quarantaine à leur arrivée. Le gouvernement fédéral a fourni des fonds aux employeurs pour couvrir 60 heures de paie par travailleur et défrayer d'autres frais liés à cette quarantaine initiale de même que l'achat d'équipement de protection individuelle. Gómez Camacho a dit que le gouvernement mexicain a travaillé avec les représentants canadiens pour mettre en place certaines de ces mesures d'appui, y compris une disposition prévoyant que les travailleurs soient rémunérés pendant qu'ils sont en confinement à leur arrivée au Canada. Comment et si ces mesures sont mises en application varie d'une province et d'un endroit de travail à l'autre tandis que les conditions de travail, et surtout les conditions de vie, des travailleurs migrants rendent problématiques, voire impossibles, la distanciation sociale et de strictes mesures d'hygiène.

Le gouvernement mexicain a aussi mis sur pied un programme cette année qui fait en sorte que seulement les travailleurs demandés nommément par les fermes et serres canadiennes sont autorisés à venir ici. L'ambassadeur a dit que plusieurs travailleurs sont liés à des petites fermes familiales et ont développé des relations au fil du temps. La pause pour permettre à plus de travailleurs de venir est en reconnaissance de ces relations, a-t-il dit. « Nous le faisons par solidarité avec le Canada, dit l'ambassadeur. Nous voulons comprendre le rôle que ces travailleurs jouent dans votre chaîne agroalimentaire. »

Alors que l'ambassadeur a fait référence aux petites exploitations agricoles familiales et à la solidarité avec le Canada en contribuant à garantir son approvisionnement alimentaire pendant la pandémie, le gouvernement mexicain sait également que le Canada compte sur la valeur créée par ces travailleurs sous la forme d'exportations agricoles. Dans un communiqué annonçant le départ du premier contingent de travailleurs de cette année au début du mois d'avril, le ministère mexicain des Affaires étrangères a mentionné, entre autres, que le Canada est le cinquième exportateur mondial de produits agricoles et que cela représente une partie centrale de son économie. En outre, environ les deux tiers des travailleurs migrants sont employés par de grandes exploitations agricoles avec des recettes brutes de plus de 2 millions de dollars par an.

En plus de l'annonce par le gouvernement mexicain qu'il appelait à un arrêt temporaire des travailleurs arrivant au Canada, des rapports indiquent que la Commission nationale mexicaine des droits humains a lancé une enquête sur la mort des deux travailleurs et les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs agricoles migrants mexicains en Ontario. Elle enquêtera également sur le manque allégué d'attention des autorités consulaires mexicaines à l'égard de ces travailleurs, ce qui pourrait, selon la Commission, constituer des violations des droits humains.

Note

1. Statistique Canada signale que « les travailleurs étrangers temporaires sont essentiels pour le secteur de l'agriculture. Au Canada, leur nombre a crû de manière constante au cours des vingt dernières années. En 2018, des travailleurs étrangers temporaires occupaient près de 55 000 emplois dans l'industrie de l'agriculture au Canada. Ces postes représentaient 20 % des emplois totaux dans le secteur de l'agriculture primaire. Même si, en 2018, les travailleurs étrangers temporaires venaient de près de 100 pays, la majorité d'entre eux étaient originaires du Mexique (51 %), du Guatemala (20 %) et de la Jamaïque (18 %). »

(Sources : Globe and Mail, LatinUs, EFE)

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Déclaration de l'Union nationale des fermiers-Ontario

Le 30 mai, Bonifacio Eugenio Romero, un travailleur agricole migrant mexicain de 31 ans, est décédé de la COVID-19. Il a perdu la vie pour nous nourrir et pour subvenir aux besoins de sa famille.

L'Union nationale des fermiers[1] est atterrée par la mort tragique de Bonifacio Eugenio Romero. Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à tous les travailleurs agricoles essentiels qui risquent leur santé et leur sécurité pour apporter de la nourriture aux tables canadiennes tous les jours.

Plus que 400 travailleurs agricoles migrants ont été testés positifs à la COVID-19 lors d'épidémies massives dans le sud de l'Ontario. Le virus se propage parmi les travailleurs migrants en raison de la surpopulation et de l'insalubrité des logements et des conditions de travail dangereuses et / ou une incapacité à identifier et isoler rapidement les travailleurs infectés.

L'Union nationale des fermiers - Ontario (NFU-O) craint que tous les agriculteurs ne se conforment pas à la réglementation gouvernementale concernant la pandémie. Nous craignons que les inspections gouvernementales des exploitations agricoles et des logements des travailleurs migrants soient effectuées à distance et ne seront pas efficaces en l'absence d'inspections non annoncées sur le site. Nous sommes préoccupés par le fait que certains travailleurs migrants ne reçoivent pas une information continue et adéquate sur les protocoles de santé et de sécurité dans la langue de leur choix.

Les travailleurs agricoles migrants contractent le virus dans la communauté locale. Ils arrivent au Canada en bonne santé et respectent le protocole de quarantaine de 14 jours. Des mesures de quarantaine non coordonnées stigmatisent injustement ces travailleurs, même s'ils ne sont pas à l'origine des éclosions. La NFU s'oppose aux mesures d'exclusion discriminatoires qui ciblent les travailleurs migrants, tels que les cartes d'identité et les déplacements restreints et interdits à l'intérieur et à l'extérieur de la ferme. Nous trouvons répugnant le racisme persistant et systémique que les travailleurs agricoles migrants éprouvent, y compris des informations selon lesquelles on leur refuse l'entrée dans les épiceries locales. Les travailleurs migrants méritent de vivre et de travailler dans la sécurité et la dignité.

La NFU a une position de longue date en faveur des travailleurs migrants. La NFU a contribué aux demandes de changements réglementaires afin que les travailleurs migrants puissent changer d'emploi sans menace d'expulsion, avoir pleinement accès aux soins de santé et aux autres avantages sociaux des employés, et obtenir le statut de résident permanent. Nous sommes solidaires du Réseau des droits des migrants et de Justice pour les travailleurs migrants dans leur indignation face à la mort de Bonifacio Eugenio Romero et leurs efforts pour améliorer les conditions de logement, de travail et de statut des travailleurs migrants.

Note

1. L'Union nationale des fermiers est une organisation à adhésion directe composée de familles d'agriculteurs canadiennes partageant des objectifs communs. Un de ses objectifs est de « travailler ensemble pour mettre en place des politiques agricoles qui garantissent la dignité et la sécurité des revenus des familles agricoles tout en améliorant les terres pour les générations futures ». Elle est organisée sur une base régionale. Chaque région organise un congrès annuel où des représentants régionaux sont élus et des résolutions adoptées et discutées par les membres de la région. Les résolutions adoptées au niveau régional sont ensuite débattues et votées lors du Congrès national annuel. Un membre du conseil d'administration de chacune des régions assume la responsabilité de coordonnateur régional.

La NFU s'engage à :

- faire en sorte que les exploitations familiales constituent la principale unité de production alimentaire ;
- promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement ;
- donner aux agricultrices une voix égale dans l'élaboration de la politique agricole ;
- travailler pour des prix alimentaires justes pour les agriculteurs et les consommateurs ;
- impliquer, éduquer et responsabiliser la jeunesse rurale pour un avenir meilleur ;
- bâtir des communautés rurales saines et dynamiques ;
- assurer un approvisionnement adéquat en aliments sains et nutritifs aux Canadiens ;
- bâtir la solidarité avec les agriculteurs familiaux à l'échelle internationale.

Elle affirme qu'elle est « unique parmi les organisations agricoles qui travaillent pour les intérêts des gens contre le contrôle de notre système alimentaire par les entreprises ».

(Source : Union nationale des fermiers)

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Éclosion du coronavirus parmi les travailleurs étrangers agricoles temporaires
au Québec

Le jeudi 11 juin, les médias ont annoncé qu'il y avait eu une éclosion de la COVID-19 à Vegpro International[1], situé dans la ville de Sherrington, dans la région administrative de la Montérégie dans le sud-ouest du Québec.

Vegpro International est l'un des plus grands producteurs maraîchers de l'Amérique du Nord qui vend notamment des produits prêts-à-laver et prélavés tels que la laitue de marque Fresh Attitude.

Le premier cas d'éclosion a été confirmé le 28 mai, après qu'un travailleur guatémaltèque eut manifesté des symptômes.

Comme les travailleurs étrangers temporaires de la ferme partagent des locaux surpeuplés et plusieurs aires communes, le virus s'est rapidement propagé. Une porte-parole du Centre intégré de santé et des services sociaux (CISSSO) pour la région Montérégie-Centre a annoncé que d'un total de 23 travailleurs qui ont été déclarés positifs au virus après un test de dépistage, 18 sont des travailleurs étrangers temporaires.

L'éclosion a ralenti les opérations de la compagnie, qui attend l'arrivée d'autres travailleurs mexicains, qui doivent être mis en quarantaine dès leur arrivée. Le docteur Horacio Arruda, le sous-ministre adjoint à la Direction de la Santé publique et directeur de la Santé publique, a dit à la presse que les protocoles de pandémie devant assurer que les travailleurs temporaires arrivant au Québec sont en bonne santé et qu'ils le restent « recevront une attention particulière dans les jours qui suivent ».

L'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) a dit que cette année le Québec avait accueilli seulement la moitié des travailleurs étrangers temporaires de ce qu'il accueille d'habitude. Par exemple, seulement un peu plus de 5 000 travailleurs étrangers temporaires du Guatemala et du Mexique sont arrivés depuis le début de la saison sur les 12 660 qu'on attendait. En date du 11 juin, en fonction des prédictions, il aurait dû y avoir près de 10 000 travailleurs étrangers agricoles au Québec.

Note

1. Vegpro International, fondé en 1998, affirme être le plus important maraîcher au Canada. Il distribue ses produits partout au Canada ainsi que dans le nord-est des États-Unis. Se spécialisant dans le lavage et l'emballage des petites laitues, Vegpro vend aussi une grande variété de légumes cultivés sur ses terres et il a des champs au Québec et en Floride. Parmi ses détaillants, il y a les principales chaînes de distribution alimentaires dont des géants de l'industrie comme Walmart, Sobeys, Costco, Metro, IGA, Maxi, Loblaws, Foodland et Provigo.

(Sources : Radio-Canada, Vegpro International et Montreal Gazette)

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La situation des travailleurs de première ligne durant la pandémie

Les besoins urgents des paramédics de l'Ontario
en équipement de protection adéquat

Forum ouvrier : Quelles sont les préoccupations principales des paramédics à ce moment-ci ?

Jason Fraser : Je pense que nos préoccupations sont très similaires partout au Canada. Nous sommes confrontés aux mêmes défis - la pénurie d'équipements de protection individuelle (ÉPI).

Notre médecin hygiéniste en chef en Ontario a rétrogradé ce que nous considérons comme la norme qui est d'utiliser un masque N95, qui est comme l'étalon-or. Ils l'ont déclassé, affirmant que le port d'un masque chirurgical est suffisant pour lutter contre la COVID-19 et protéger les travailleurs face à une infection par le virus.

Nous sommes d'avis que les masques chirurgicaux ne sont pas appropriés. Ça devrait être un N95. Je dirais que la question des ÉPI est très similaire à ce qui se passe à travers le pays et dans le monde. Nous devons être prudents sur la quantité d'ÉPI que nous portons ou utilisons lors des appels. Différents services paramédicaux en Ontario adoptent des approches différentes. Certains services ont l'approche selon laquelle un seul ambulancier doit mettre son ÉPI et peut gérer l'appel en tant que préposé unique, tandis que l'autre ambulancier reste à 2 mètres en arrière pour lui venir en aide, afin de conserver l'ÉPI et de le faire durer plus longtemps. Les commandes d'équipement n'arrivent pas aussi rapidement que nous le souhaiterions, c'est certain. Je n'ai pas entendu parler de personne à court de matériel pour l'instant, mais il est certain que les services ont atteint des niveaux critiques et nous avons dû compter sur la province pour fournir l'ÉPI. Il y a des mois, la province ne cessait de répéter qu'elle disposait d'un approvisionnement suffisant en ÉPI, mais il y a des pénuries et cela crée une situation difficile pour les travailleurs.

À notre avis, la raison pour laquelle le médecin hygiéniste en chef de l'Ontario est passé du N95 aux masques chirurgicaux est uniquement fondée sur le manque d'ÉPI disponible. Si nous revenons à 2003, pendant l'épidémie du SRAS, nous portions des masques N95, des gants et des blouses à chaque appel. Peu importait la nature de l'appel. C'était la norme, la meilleure protection disponible.

Avançons rapidement à 17 ans plus tard, avec la COVID-19 et le manque d'ÉPI, cette norme est soudainement rabaissée à des masques chirurgicaux. Cela n'a tout simplement pas de sens. Nous ne voulons pas le strict minimum. Nous voulons le meilleur et le meilleur est le masque N95. Nous ne devrions pas être forcés de prendre des décisions en fonction de la disponibilité des équipements cruciaux. Cet équipement devrait être facilement disponible. Le gouvernement provincial a eu amplement le temps de se préparer. Fin décembre, début janvier, de nombreux indicateurs signalaient que le virus se dirigeait vers nous, que le Canada, y compris l'Ontario, n'allait pas pouvoir échapper au virus. Il avait suffisamment de temps pour préparer et obtenir un stock de masques N95 et de blouses pour garantir la protection de chaque travailleur de première ligne. Ils ont échoué. Ils n'ont pas réussi à planifier correctement. Nous jouons au rattrapage et nous courons toujours après le rattrapage. Nous ne devrions jamais être dans cette position. L'équipement doit être disponible et chaque travailleur doit être protégé.

FO : Votre volume d'appels augmente-t-il maintenant que plus d'endroits ouvrent en Ontario et que les restrictions de confinement se relâchent ?

JF : Fin mars, début avril, le volume des appels avait baissé. Les gens étaient prudents sur les déplacements à l'hôpital ou l'utilisation du 911. Ils ont écouté les conseils du gouvernement de rester à la maison et de ne sortir que pour des choses essentielles. Le volume des appels a recommencé à augmenter au cours des deux dernières semaines, ce qui va nous mettre encore plus à rude épreuve, rendant encore plus urgente l'obtention d'ÉPI approprié. La seule chose qui nous a peut-être sauvé en ce qui concerne les ÉPI est que le volume des appels était en baisse. Si notre volume d'appels était resté au niveau pré-COVID-19, nous aurions eu de gros ennuis. Cela peut encore se produire alors que nos volumes d'appels augmentent à mesure que de plus en plus d'endroits ouvrent et que les activités de différents types reprennent. Cela peut varier selon le type d'appels que nous allons avoir, comme plus de collisions de véhicules à moteur. Si nos approvisionnements en ÉPI ne viennent pas, nous pourrions nous retrouver dans une situation très difficile bientôt. C'est sans parler d'une deuxième vague, dont nous entendons parler.

FO : Veux-tu dire quelque chose en conclusion ?

JF : Nous devons continuer de faire preuve de diligence à mesure que le confinement se relâche en Ontario. Nous devons nous rappeler que le virus est toujours actif. Nous devons continuer de porter notre ÉPI lors des appels. Les ambulanciers paramédicaux se rendent dans différents types d'endroits - entreprises, foyers, établissements de soins de longue durée — et entrent et sortent des hôpitaux régulièrement. Nous ne voulons pas que les ambulanciers soient des transporteurs du virus. Nous devons considérer que tout le monde est positif jusqu'à preuve du contraire et nous protéger en conséquence.

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Les syndicats québécois de la santé demandent une préparation pour une deuxième vague de la pandémie

Il y a beaucoup d'inquiétude actuellement parmi les travailleurs et la population à propos d'une éventuelle deuxième vague de la COVID-19 au cours des prochains mois. Les inquiétudes sont élevées à cause des tragédies terribles qui continuent de se produire dans ce qu'on appelle la première vague, en particulier dans le système de santé qui a été mis à mal par plus de trente ans d'offensive antisociale des gouvernements successifs au service d'intérêts privés étroits. Au Québec, le nombre de décès attribuables à la COVID-19 a atteint 5 298 au 17 juin, dont plus de 4 700 dans les CHSLD (3 642), les résidences pour gens âgés et ce qu'on appelle les ressources intermédiaires (des résidences de groupe, ou des appartements supervisés pour des gens qui n'ont pas une pleine autonomie et ont besoin d'aide quotidienne dans leurs tâches quotidiennes). Une autre source de préoccupation majeure est l'opinion exprimée par les cercles dirigeants qu'il est temps de « rouvrir le Québec » en trouvant un équilibre entre « l'économie » et la santé et la sécurité des travailleurs et de la population. Il s'agit d'une équation fausse et intéressée pour justifier la poursuite d'une économie pour payer les riches dans laquelle la santé et la sécurité des personnes sont sacrifiées.

Le 8 juin, les syndicats québécois de la santé ont publié un communiqué de presse intitulé « Mieux préparer la deuxième vague dans le réseau de la santé et des services sociaux ». Les syndicats de la santé sont la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), la division québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique, la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ), le Syndicat québécois des employées et employés de services (SQEES-FTQ) et la Fédération des professionnel(le)s (FP-CSN).

Les syndicats soulignent que « la première phase de la crise de la COVID-19 a été un échec. En plus d'avoir coûté la vie à six personnes salariées du réseau de la santé et des services sociaux, elle a mis en lumière les lacunes en prévention dans les milieux de travail, comme en témoigne le fait que 5000 travailleuses et travailleurs ont été infecté(e)s. »

Ils affirment que cette situation qui dure depuis longtemps doit être corrigée en prévision de la deuxième vague de la COVID-19. Ils identifient comme l'un des problèmes les plus importants le manque de prévention face aux maladies professionnelles et aux accidents du travail qui, dans le secteur de la santé, sont directement liés à la santé et à la sécurité des patients et des résidents des établissements de soins de longue durée. Ce problème a atteint de nouvelles proportions dans les conditions de la pandémie, disent-ils.

Les syndicats déclarent également que dès le début de la pandémie, les recommandations de l'Institut national de santé publique du Québec étaient guidées par le peu d'équipements de protection individuelle en stock. Ils croient que les directives en matière de santé varient selon l'inventaire disponible et affirment que le gouvernement du Québec a refusé d'informer correctement les travailleurs sur les inventaires d'ÉPI disponibles et plusieurs résidences et CHSLD ont souffert d'un approvisionnement insuffisant.

Ils soulignent également que les exigences croissantes de mobilité imposées depuis la restructuration des soins de santé qui ont forcé de nombreux déplacements du personnel d'un établissement à l'autre, le recours à la main-d'oeuvre indépendante des agences de placement privées et les salaires et les conditions de travail qui obligent les travailleurs des établissements de soins de longue durée à travailler dans plusieurs établissements pour gagner leur vie ont tous contribué à créer des conditions favorables à la propagation de la COVID-19. En plus d'un équipement adéquat, disent-ils, la stabilité des équipes de soins doit être une priorité.

Les syndicats présentent les revendications suivantes qui, selon eux, sont nécessaires pour rectifier la situation et se préparer adéquatement à la deuxième vague de la COVID-19 :

« Avoir des données fiables sur le nombre de membres du personnel infectés par établissement, par mission, par service, par centre d'activités et par titre d'emploi pour mieux planifier les ressources disponibles. »

« Avoir l'heure juste sur l'état des stocks d'équipements de protection individuelle (ÉPI) pour assurer un approvisionnement adéquat et le plus haut niveau de protection pour le personnel du réseau.

« Avoir des moyens de faire de la prévention sur le terrain pour limiter le nombre d'infections.

« Appliquer d'urgence l'intégralité des quatre mécanismes de prévention prévus à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, dans l'ensemble des établissements du réseau, à commencer par l'identification d'un représentant à la prévention. Cette mesure devra être suivie par l'instauration de programmes de prévention et de programmes de santé ainsi que la mise sur pied de comités de santé et sécurité. »

La loi actuelle sur la santé et la sécurité au travail a été adoptée en 1979. Elle a notamment divisé arbitrairement les secteurs de l'économie en secteurs prioritaires et non prioritaires en termes de risques pour la santé et la sécurité et de la nécessité de mesures de santé et de sécurité. Elle a mis en place quatre mécanismes de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles qui sont le représentant en prévention, le programme de prévention, le programme de santé et les comités mixtes de santé et de sécurité, dont l'application dépend du secteur dont font partie les travailleurs. On estime que seulement environ 11 % des endroits de travail au Québec sont actuellement couverts par ces mécanismes. Même le secteur de la construction, qui est le secteur le plus meurtrier en termes d'accidents au travail et est considéré par la loi comme un secteur prioritaire, n'est pas entièrement couvert par les mécanismes en raison de l'opposition de longue date des entreprises de construction et du refus du gouvernement du Québec de même mettre en oeuvre ce qui est dans sa propre loi.

Les syndicats estiment que la nomination immédiate par les travailleurs d'un délégué à la prévention à plein temps, choisi parmi leurs pairs, dans tous les secteurs et lieux de travail, est très importante. Le seul mandat du représentant à la prévention est de s'assurer que les conditions de travail sont sécuritaires et salubres. Cela contribuerait à améliorer la situation et à se préparer adéquatement à ce qui nous attend.

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