Le gouvernement mexicain freine l'arrivée de travailleurs étrangers temporaires au Canada

Le 15 juin, l'ambassadeur du Mexique au Canada a annoncé que son gouvernement n'enverra plus de travailleurs étrangers temporaires au Canada tant que la lumière ne sera pas faite sur la mort de deux travailleurs ayant contracté la COVID-19. Il s'agit de Bonifacio Eugenio Romero, 31 ans, qui est mort le 30 mai, et de Rogelio Munoz Santos, 24 ans, qui est mort le 5 juin. Bonifacio travaillait chez Woodside Greenhouses à Kingsville dans le comté d'Essex et Rogelio chez Greenhill Produce à Chatham-Kent.

En entrevue, son excellence Juan José Gómez Camacho a dit que ce changement donnera le temps au gouvernement mexicain de « réévaluer avec les autorités fédérales, les provinces et les agriculteurs pourquoi ça s'est produit et s'il y a quoi que ce soit à corriger ». Son gouvernement veut être rassuré que la situation peut être contrôlée, a-t-il dit, avant d'autoriser d'autres travailleurs à se rendre au Canada. L'ambassadeur Gómez Camacho a annoncé que, dans l'ensemble du Canada, 300 Mexicains ont été infectés par le nouveau coronavirus.

Ce changement a des répercussions pour pas moins de 5 000 travailleurs étrangers temporaires qui devaient se rendre au Canada dans les mois à venir et pour les nombreuses exploitations agricoles partout au pays où ils devaient travailler. Les activités y ont déjà été très touchées par les mesures prises pour contenir la pandémie qui empêche les opérations normales. Les travailleurs du Mexique constitueraient près de la moitié des travailleurs étrangers temporaires embauchés dans le secteur de l'agriculture, ce qui en 2018 donnait un total de 25 060 personnes embauchées sur les fermes, dans les serres et dans des emplois connexes.[1]

L'ambassadeur a souligné que des entreprises agricoles touchées par les éclosions demandent au Mexique de continuer à leur envoyer des travailleurs et a dit que « cela ne se fera pas ». Il a ajouté que la pause ne devrait être que temporaire, compte tenu du fait que les agriculteurs ont besoin de travailleurs dans des périodes précises. Cependant, il a ajouté que les travailleurs ne seraient pas autorisés à se rendre au Canada jusqu'à ce que les représentants canadiens aient accru leur surveillance de l'application des règles de santé et de sécurité et garanti que les travailleurs seront payés pendant leur isolement.

L'ambassadeur a parlé des mesures que le gouvernement canadien a adoptées pour limiter la propagation de la COVID-19, dont l'obligation pour les travailleurs migrants de passer 14 jours en quarantaine à leur arrivée. Le gouvernement fédéral a fourni des fonds aux employeurs pour couvrir 60 heures de paie par travailleur et défrayer d'autres frais liés à cette quarantaine initiale de même que l'achat d'équipement de protection individuelle. Gómez Camacho a dit que le gouvernement mexicain a travaillé avec les représentants canadiens pour mettre en place certaines de ces mesures d'appui, y compris une disposition prévoyant que les travailleurs soient rémunérés pendant qu'ils sont en confinement à leur arrivée au Canada. Comment et si ces mesures sont mises en application varie d'une province et d'un endroit de travail à l'autre tandis que les conditions de travail, et surtout les conditions de vie, des travailleurs migrants rendent problématiques, voire impossibles, la distanciation sociale et de strictes mesures d'hygiène.

Le gouvernement mexicain a aussi mis sur pied un programme cette année qui fait en sorte que seulement les travailleurs demandés nommément par les fermes et serres canadiennes sont autorisés à venir ici. L'ambassadeur a dit que plusieurs travailleurs sont liés à des petites fermes familiales et ont développé des relations au fil du temps. La pause pour permettre à plus de travailleurs de venir est en reconnaissance de ces relations, a-t-il dit. « Nous le faisons par solidarité avec le Canada, dit l'ambassadeur. Nous voulons comprendre le rôle que ces travailleurs jouent dans votre chaîne agroalimentaire. »

Alors que l'ambassadeur a fait référence aux petites exploitations agricoles familiales et à la solidarité avec le Canada en contribuant à garantir son approvisionnement alimentaire pendant la pandémie, le gouvernement mexicain sait également que le Canada compte sur la valeur créée par ces travailleurs sous la forme d'exportations agricoles. Dans un communiqué annonçant le départ du premier contingent de travailleurs de cette année au début du mois d'avril, le ministère mexicain des Affaires étrangères a mentionné, entre autres, que le Canada est le cinquième exportateur mondial de produits agricoles et que cela représente une partie centrale de son économie. En outre, environ les deux tiers des travailleurs migrants sont employés par de grandes exploitations agricoles avec des recettes brutes de plus de 2 millions de dollars par an.

En plus de l'annonce par le gouvernement mexicain qu'il appelait à un arrêt temporaire des travailleurs arrivant au Canada, des rapports indiquent que la Commission nationale mexicaine des droits humains a lancé une enquête sur la mort des deux travailleurs et les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs agricoles migrants mexicains en Ontario. Elle enquêtera également sur le manque allégué d'attention des autorités consulaires mexicaines à l'égard de ces travailleurs, ce qui pourrait, selon la Commission, constituer des violations des droits humains.

Note

1. Statistique Canada signale que « les travailleurs étrangers temporaires sont essentiels pour le secteur de l'agriculture. Au Canada, leur nombre a crû de manière constante au cours des vingt dernières années. En 2018, des travailleurs étrangers temporaires occupaient près de 55 000 emplois dans l'industrie de l'agriculture au Canada. Ces postes représentaient 20 % des emplois totaux dans le secteur de l'agriculture primaire. Même si, en 2018, les travailleurs étrangers temporaires venaient de près de 100 pays, la majorité d'entre eux étaient originaires du Mexique (51 %), du Guatemala (20 %) et de la Jamaïque (18 %). »

(Sources : Globe and Mail, LatinUs, EFE)


Cet article est paru dans

Numéro 42 - Numéro 42 - 18 juin 2020

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