Un statut pour tous !

Le Réseau des droits des migrants lance une campagne pancanadienne

Le dimanche 14 juin, le Réseau des droits des migrants (Migrant Rights Network) a été l'hôte d'un rassemblement en ligne pancanadien historique qui a lancé une campagne pour amener le gouvernement canadien à régulariser le statut et reconnaître les droits de tous les travailleurs migrants. Cet appel vise à mettre fin au système de trafic des êtres humains parrainé par l'État canadien qui cible les travailleurs migrants, les sans-papiers et les réfugiés.

Plus de 700 personnes se sont inscrites au forum en anglais dimanche après-midi. La rencontre virtuelle a ensuite eu lieu en espagnol le même jour. Beaucoup d'autres personnes ont regardé l'événement en rediffusion sur les médias sociaux et au moins 40 organisations de défense des droits ont appuyé formellement l'appel. Ce rassemblement en ligne a mis en lumière de manière frappante la lutte que mènent les sections les plus vulnérables de la classe ouvrière canadienne qui se dressent pour affirmer leurs droits en tant que travailleurs et en tant qu'êtres humains. Cette lutte et cette cause appartiennent à la classe ouvrière et au peuple canadien dans son ensemble.

Le rassemblement en ligne du 14 juin a débuté par la reconnaissance par les travailleurs migrants que la terre sur laquelle ils sont venus travailler est une  terre volée, où la souveraineté autochtone n'est pas reconnue par les mêmes autorités qui nient les droits des migrants, où les disparitions et les assassinats des femmes autochtones sont communs et où les autochtones sont emprisonnés et tués par la police.

L'hôte a souligné qu'en réponse à la déclaration du premier ministre Justin Trudeau que « le Canada doit faire mieux », les travailleurs migrants lui disent: « Fais-le maintenant et assure un statut complet à tous. » L'injustice raciale et les droits des migrants, a-t-elle dit, sont un enjeu pour la classe ouvrière et le peuple canadien dans son ensemble. Elle a ajouté que le rétablissement de la pandémie de la COVID-19 ne peut être intégral sans un statut complet d'immigration pour tous, afin que les enfants des migrants aient accès à l'éducation et aux soins de santé, que les familles ouvrières migrantes soient réunies et que cesse la discrimination systémique dans les salaires et les conditions de vie de ces travailleurs les plus vulnérables. Il faut régulariser la situation de tout travailleur sans statut, a-t-elle dit. Elle a lancé l'appel à tous d'inviter quiconque n'est pas encore membre d'une organisation de défense des droits à le devenir afin de participer à cette lutte.

Voici un résumé des interventions qui ont été faites par ceux qui ont pris la parole à la défense de leurs droits.

Centre d'action des proches aidants de Toronto

Winnie a dit que, comme tant d'autres, elle est venue au Canada pour prendre soin des familles canadiennes, des enfants, des personnes malades, de nous tous. « Nous sommes des aidants. Nous vivons avec votre famille, nous préparons vos enfants pour l'avenir. Nous travaillons de longues heures et pourtant nous sommes très mal payées et parfois même pas payées pour nos nombreuses heures supplémentaires. » Elle vit séparée de sa famille depuis six ans. « Nous sommes obligées de demeurer dans la maison de nos employeurs, même quand nous ne travaillons pas. Si nous quittons la maison, nous sommes congédiées. Nous sommes comme des esclaves. Quand j'ai quitté mon emploi, je n'avais pas d'argent et pas de place où aller vivre. Mon employeur m'a très mal traitée et plusieurs aidants ont vécu la même chose. Mais j'ai été forte et j'ai défendu mes droits et obtenu de l'aide des organisations d'appui aux travailleurs migrants. Nous demandons un statut maintenant. Nous voulons un statut sans préconditions de langue, d'éducation ou autre. Nous sommes des femmes de couleur. Nous sommes des travailleuses essentielles. Nous sommes en deuil en ce moment. Deux travailleurs migrants sont morts au cours des dernières semaines. Nous ne sommes pas venues au Canada pour y mourir. Nous sommes venues travailler et appuyer nos familles. Nous n'allons plus travailler et vivre dans la peur. Nous ne demandons pas un traitement spécial. Aujourd'hui, nous demandons un statut pour tous. Nous exigeons nos droits. Joignez-vous à nous ! »

Un travailleur agricole jamaïcain du Niagara en Ontario

Claude a dit qu'il fait partie des 60 000 travailleurs agricoles migrants au pays. Il travaille dans la région vinicole et productrice de fruits de Niagara, dans le sud de l'Ontario. « J'ai dû me séparer de ma famille pour venir produire des aliments pour vous. Nous occupons les pires emplois, les emplois les plus dangereux. Notre santé et notre sécurité sont en danger. Deux travailleurs agricoles sont morts de la COVID-19. Nous sommes venus au Canada en quête d'une vie meilleure, pas pour mourir. Il ne doit plus y avoir de morts ! Le Canada prétend être un pays qui a à coeur la famille. Nous devons être réunis avec nos familles. Nous voulons les amener ici avec nous. Nous voulons un statut complet. »

Une travailleuse dans les serres du Niagara

Blanca travaille dans les serres dans la région du Niagara. Elle travaille au Canada depuis 18 ans. « Mon mari est décédé en 1990, a-t-elle dit, à cause de ces conditions. Le gouvernement canadien devrait nous accorder le statut de résident permanent en tant que travailleurs migrants en reconnaissance de l'important travail que nous faisons, à la mémoire de mon mari et d'autres (Blanca a lu les noms des travailleurs agricoles migrants décédés au Canada). Nous voulons un statut de résidence permanente maintenant ! »

Des travailleurs migrants du Mexique

Laura a dit qu'elle a déménagé au Canada avec son mari et sa très jeune fille il y a cinq ans. « Nous avons été arnaqués par des gens qui nous ont pris notre argent et n'ont rien fait pour nous aider. À cette époque, j'étais enceinte de mon deuxième enfant. Nous n'avions même pas de refuge. Un groupe local de soutien aux migrants nous a aidés. Notre deuxième enfant est né au Canada, mais se voit tout refuser parce que nous n'avons pas de statut. Mon mari est un nettoyeur et un travailleur de la construction. Nous sommes actifs dans des groupes communautaires et contribuons à la société canadienne de plusieurs façons. Notre travail est digne. Il est essentiel à l'économie canadienne. Le statut permanent pour tous les travailleurs migrants, les travailleurs agricoles, les soignants, est une demande tout à fait juste. Nous croyons fermement que nous avons droit à toutes les nécessités de base : un logement, une éducation pour les enfants et un traitement décent au travail - les mêmes que tout le monde. »

Migrante Alberta

Evalyn Royo de Migrante Alberta a dit qu'elle est venue au Canada dans le cadre d'un programme de travailleurs temporaires. « Nous avons été invités à venir travailler ici dans des emplois dangereux, durs et mal payés. Pour un certain nombre de raisons, plusieurs ont dû prendre la décision de rester et de continuer à vivre et à travailler ici sans papiers. De nombreux migrants et en particulier les sans-papiers n'ont pas de soutien. C'était le cas avant la COVID-19, mais maintenant c'est flagrant. En Alberta, de nombreux travailleurs migrants employés dans la transformation de la viande, par exemple, doivent choisir d'aller au travail et risquer une infection, ou être forcés de rentrer chez eux. Nous travaillons comme n'importe quel autre travailleur. Ce sont des emplois permanents, pas des emplois temporaires. Pourquoi n'avons-nous pas droit à un statut permanent ? Appuyez l'appel de notre organisation. Appuyez la demande de statut pour tous ! »

Un travailleur haïtien sans-papiers vivant à Montréal

Mamadu est un travailleur haïtien sans-papiers vivant à Montréal. « Nous sommes fatigués de vivre dans la peur d'être arrêtés pour vérification d'identité dans le métro ; peur de tomber malade ; peur de perdre notre appartement. C'est pourquoi je parle aujourd'hui en mon nom et au nom d'autres comme moi pour dire à Trudeau que nous sommes fatigués de nous cacher et de vivre dans l'ombre et de voir des familles divisées par manque de statut. Nous n'avons pas de soins de santé. Ce sont des injustices imposées à des personnes sans statut. La COVID-19 ne nous a pas rendus essentiels. Nous étions essentiels avant la COVID-19  et sommes essentiels maintenant. C'est pourquoi nous exigeons un statut pour tous. »

Une réfugiée sud-asiatique à Mississauga en Ontario

Mika est une réfugiée sud-asiatique vivant à Mississauga. Elle a dit qu'elle avait fait la demande de statut, mais n'a aucune idée du progrès de sa demande. Elle a été maltraitée par son mari, par des avocats spécialisés en immigration, par les services d'immigration et par la police. « Mais je ne peux même pas me plaindre, a-t-elle dit, parce que je n'ai pas de statut. Si j'ai le statut, je peux me battre pour mes droits. Je ne suis pas seule. Nous devons être entendus. Nous avons besoin de votre aide pour lutter pour nos droits. »

Une étudiante internationale migrante

Rahil a parlé de la situation à laquelle sont confrontés de nombreux étudiants migrants et étrangers. « Les étudiants internationaux, a-t-elle dit, travaillent dans de nombreux services essentiels, dans des conditions du tiers-monde, avec des salaires très bas. Nous sommes maltraités en raison de notre statut temporaire. Souvent, nous ne pouvons pas trouver d'emploi, payer notre loyer, payer nos factures. Mais nous sommes en contact avec d'autres organisations étudiantes partout au Canada pour exiger un plein statut pour tous. Nous continuerons de construire un pouvoir collectif avec les migrants et d'autres pour lutter pour les droits fondamentaux. »

Une membre de Migrante Canada à Toronto

Marisol a dit qu'elle était venue au Canada en 2012. « Aujourd'hui, nous devons vivre dans l'ombre, nous briser le dos, subir des abus et l'exploitation au travail. Nous ne sommes pas des machines. Nous sommes des êtres humains ayant des besoins et des droits. C'est pourquoi nous, les travailleurs migrants, les aides-soignants, les réfugiés, les sans-papiers, voulons un statut pour tous. Le Canada doit reconnaître nos droits. Il est grand temps de s'organiser, de s'unir et de se battre. Que notre voix soit entendue partout au Canada. Soyons unis, forts et invincibles. Nous faisons partie de l'épine dorsale de ce pays. Nous voulons nos droits et nous les voulons maintenant. »

Forum ouvrier appelle ses lecteurs à faire leur cette lutte importante. On peut lire le texte de la déclaration « Full Immigration for All » (Un statut d'immigration complet pour tous) en cliquant ici.  Ajoutez votre nom à la campagne téléphonique pour dire à votre député local et au premier ministre de fournir un statut à tous en visitant le site Web de Migrant Rights Network.

Le rassemblement en ligne a été précédé d'une caravane de solidarité qui a fait le trajet de Toronto à Niagara le 13 juin 2020. Elle a tenu des rassemblements à Hamilton, Beamsville et St. Catharines. Au bureau de circonscription du député libéral de St. Catharines, Chris Bittle, des messages ont été écrits à la craie dans le stationnement et des pancartes collées sur la porte demandant un plein statut pour les migrants. (Migrant Workers Alliance for Change)


Cet article est paru dans

Numéro 42 - Numéro 42 - 18 juin 2020

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