Numéro 35 - 19 mai 2020
Les travailleurs
de la santé continuent de prendre la parole
Les travailleurs
de la santé manifestent dans tout l'Ontario pour
de l'équipement de
protection individuelle et des primes salariales
liées à la pandémie
pour tous les travailleurs de première ligne
• Les
infirmières du Québec défendent leur droit de
prendre la parole sur les
problèmes vitaux liés à la lutte contre la
pandémie
• Les conséquences des
arrêtés ministériels
pour les travailleurs de
la santé - Pierre
Soublière
• Des syndicats défendent
le droit du personnel
de la santé et des services sociaux à ses
vacances et ses congés
Sérieuses
préoccupations des travailleurs alors que les
chantiers de construction
rouvrent au Québec
• Entrevue avec Simon
Lévesque, responsable de
la santé et de la sécurité à la FTQ-Construction
Les
travailleurs en
lockout tiennent bon
• Le lockout injuste des
travailleurs de la
raffinerie Co-op en Saskatchewan entre dans son
sixième mois
• Les travailleurs du site
d'enfouissement
d'Allardville, au Nouveau-Brunswick, continuent
de demander une
convention collective acceptable
Les travailleurs de la santé
continuent
de prendre la parole
Le 14 mai, les travailleurs de la santé de
première
ligne, organisés par le Conseil des syndicats
d'hôpitaux de l'Ontario
du Syndicat canadien de la fonction publique
(CSHO/SCFP), ont organisé
des manifestations pour réclamer des équipements
de protection
individuelle (ÉPI) et un traitement égal pour tous
les travailleurs de
la santé pour ce qui est de la prime de 4
dollars de l'heure liée
à la pandémie. Le gouvernement de l'Ontario a
délibérément rendu plus
de la moitié des travailleurs de la santé de
première ligne
inadmissibles au versement spécial.
Avant le 14
mai, les travailleurs de
la santé du SCFP ont mené des actions à
l'intérieur de leurs
institutions pour des ÉPI, mais c'était la
première fois qu'ils
organisaient des piquetages et des marches devant
les hôpitaux et dans
les rues des villes. Des actions ont eu lieu à
Guelph, Hamilton,
Kingston, Lindsay, Milton, Mississauga, Oakville,
Oshawa, Ottawa,
Peterborough, Sudbury et dans d'autres villes.
Michael Hurley, le président du Conseil des
syndicats
d'hôpitaux de l'Ontario, a expliqué à quel point
il est déraisonnable
de la part du gouvernement provincial
d'exclure un si grand
nombre de travailleurs de la santé de la prime. Il
a dit qu'ils
travaillent tous en tant qu'équipe. « Une équipe
lutte contre la COVID-19,
et chacun de ses membres est à risque
d'attraper la maladie », a-t-il déclaré.
« Tous les employés des hôpitaux sont soumis, en
vertu
du décret d'urgence, à un redéploiement n'importe
où dans l'hôpital
pour combattre la COVID-19, ainsi qu'à un
redéploiement dans des foyers
de soins de longue durée, qui subissent les pires
éclosions de la
COVID-19. Maintenant, en plus de l'anxiété causée
par le travail auprès
de personnes atteintes de la COVID-19 et de
l'exposition à un danger
élevé d'infection, nous avons un problème de crise
morale provoqué par
le fait que le gouvernement refuse de reconnaître
l'importante
contribution de nombreux membres des équipes qui
luttent contre ce
virus. »
« La liste des
personnes qui n'ont pas
droit à la prime liée à la pandémie comprend la
moitié de la
main-d'oeuvre des hôpitaux », a dit Michael
Hurley. Par exemple,
les cuisiniers sont considérés comme essentiels,
mais les préposés en
alimentation qui apportent les repas aux patients
atteints de la
COVID-19 ne le sont pas. Le personnel d'entretien
qui entretient les
chambres à pression négative n'est pas inclus, ni
le personnel qui
entretient les systèmes d'aération ou qui voit au
bon fonctionnement du
bâtiment.
« Les employés de bureau ou d'administration ne
sont pas
inclus. Les secrétaires-réceptionnistes des unités
de COVID-19 ou des
services d'urgence, les employés de bureau des
centres de dépistage et
les préposés à l'inscription ou aux dossiers
médicaux sont exclus. De
plus, les employés qui stérilisent les
ventilateurs ou le matériel
médical, les personnes qui distribuent les masques
et d'autres
équipements de protection, les pharmaciens et les
employés de
laboratoire et presque tous les technologues ne
sont pas inclus. »
Des dizaines de milliers de membres du personnel
d'hôpital ne sont pas reconnus par cette prime de
reconnaissance. En
fait, le gouvernement provincial a imposé une
rémunération inégale en
reconnaissant uniquement certains travailleurs en
première ligne dans
les institutions de santé contre la pandémie, au
détriment des autres,
une mesure totalement arbitraire. « Les équipes
des hôpitaux
fonctionnent bien seulement lorsque tous les
membres font leur part.
Tout le monde devrait être inclus et avoir droit à
la prime liée à la
pandémie », écrit le SCFP.
Le CSHO/SCFP appelle aussi le gouvernement à
régler immédiatement les pénuries d'équipement de
protection
individuelle qui affligent l'Ontario. Les cas
d'infections sont très
élevés parmi les travailleurs de la santé, en
particulier dans les
soins de longue durée. Avec huit décès et 3
600 travailleurs
de la santé infectés, l'Ontario a un des taux de
décès et d'infection
les plus élevés au monde. Le SCFP n'a cessé
d'exiger que le
gouvernement ontarien ordonne à General Motors de
commencer
immédiatement la production de masques N95 à
Oshawa, comme il le fait à
Warren, au Michigan.
Tout travailleur de la santé doit avoir accès aux
masques N95 lorsqu'il est à proximité d'une
personne qui pourrait avoir
la COVID-19. Les travailleurs de la santé font
tout ce qu'ils peuvent
pour servir le bien-être du public. « Tout ce
qu'ils demandent, c'est
que toutes les mesures possibles soient prises
pour assurer leur
sécurité et celle des patients », a dit le
SCFP.
Ottawa
Cornwall
Winchester
Kingston
Huron Perth; Tri-Towns
Oakville
Hamilton
Plusieurs photos affichées sur la page Facebook de
la FIQ rendent
hommage
aux travailleurs de la santé.
Dans son communiqué de presse du 16 mai, la
Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec-FIQ critique
sévèrement l'annonce faite par la ministre de la
Santé et des Services
sociaux d'instaurer une boîte courriel
confidentielle entre le
ministère et les travailleurs et travailleuses de
la santé. Ceux-ci
sont invités à envoyer des messages de
dénonciation ou faire état de
leur satisfaction face à différentes mesures
prises dans la lutte à la
pandémie de la COVID-19.
La FIQ écrit dans son communiqué :
« La Fédération
interprofessionnelle de
la santé du Québec-FIQ est exaspérée des gestes
superficiels du
gouvernement qui tente de faire croire qu'il
écoute les
professionnelles en soins. Réagissant à l'annonce
d'une nouvelle boîte
courriel, ironiquement baptisée ‘On vous écoute',
la FIQ estime que
cette initiative, loin de mettre fin à l'omerta
qui sévit dans le
réseau de la santé, vise à limiter les prises de
parole des
professionnelles en soins dans l'espace public.
« 'Depuis le début de l'année, c'est la troisième
fois
que la ministre annonce la fin de l'omerta et que
ça ne veut
strictement rien dire. Le gouvernement dit qu'il
veut des nouvelles du
terrain, mais il ne respecte pas les
professionnelles de terrain, il ne
les entend pas, il les méprise, il bafoue leurs
droits à coup d'arrêtés
et aujourd'hui, il trouve encore un autre moyen de
les faire taire',
affirme Nancy Bédard, présidente de la FIQ.
[...]
« 'La ministre dit qu'elle veut savoir où ça se
passe
précisément. Comment se fait-il qu'elle ne le
sache pas ? Est-ce
qu'on pense vraiment qu'en acheminant des
commentaires au Ministère ça
va redescendre dans les établissements et que les
problèmes vont être
réglés ? Est-ce que ces courriels-là seront
gérés comme ceux du
site Je contribue ? [site du gouvernement
où des personnes se
portent volontaires pour aller aider dans les
établissements de santé -
La FIQ a souvent souligné qu'elle attend
toujours les milliers de
volontaires annoncés qui doivent venir aider ses
équipes. Note de FO]
La fin de l'omerta devrait signifier que les
professionnelles en soins
sont enfin libres de parler sans craindre les
représailles et non que
l'on mette à leur disposition une boîte courriel
qui servira à étouffer
leurs dénonciations', déclare Mme Bédard. »
La FIQ rappelle qu'elle a établi le site
fiqsante.qc.ca/jedenonce dans lequel ses membres
et le public dénoncent
les situations inacceptables qui se produisent et
auquel la ministre
peut accéder.
Elle demande à la ministre de donner l'ordre aux
administrateurs des hôpitaux de cesser leurs avis
disciplinaires contre
les professionnelles de la santé qui prennent la
parole, plutôt que de
créer cette boîte courriel. Elle demande aussi à
la ministre et au
gouvernement de cesser de procéder par décrets et
arrêtés ministériels
et d'écouter la voix des professionnelles, de
négocier avec les
professionnelles en soins et de respecter leur
jugement clinique et de
leur fournir les équipements nécessaires.
En effet, le gouvernement du Québec, au nom de
l'urgence
sanitaire, procède constamment par arrêtés
ministériels, au lieu
d'écouter la voix des travailleurs et des
travailleuses de la santé et
des services sociaux. Il s'est notamment donné le
pouvoir, par arrêté
ministériel, de modifier unilatéralement les
conventions collectives et
les conditions de travail du personnel de ces
services. Au centre de
l'action du gouvernement est le refus de
reconnaître la lutte et la
force organisée des travailleurs, qui rendent
encore plus puissante la
contribution essentielle qu'ils font déjà en
produisant les biens et
fournissant les services dont dépend la société,
en tout temps et en
période de crise comme c'est le cas en ce moment.
Ce caractère
organisé, qui permet le déploiement du facteur
humain/conscience
sociale pour résoudre les problèmes à l'avantage
des travailleurs et de
la société, est considéré comme une entrave à
l'entière remise du
pouvoir à des intérêts privés étroits et à leurs
organes exécutifs
arbitraires.
Il n'est pas étonnant que la ministre indique
clairement
que cette mesure de boîte courriel fait partie
d'un plan plus large de
mise au silence des travailleurs et des
travailleuses. Dans le
communiqué qui annonce la mesure, la ministre
écrit : « Il s'agit
d'une première action qui s'inscrit dans une
démarche globale visant à
mieux encadrer les pratiques entourant la
confidentialité et les
communications publiques, notamment sur les médias
sociaux. En effet,
la ministre de la Santé et des Services sociaux
envisage de déposer, à
l'automne prochain, une politique cadre qui
s'appliquerait sur
l'ensemble du territoire québécois et qui serait
accompagnée d'un
mécanisme de communication des enjeux non
résolus. »
On ne peut dire plus clairement que l'autorité
politique
actuelle cherche à utiliser la crise de la
pandémie pour accroître son
propre pouvoir au détriment d'une recherche de
solutions aux problèmes,
où la prise de parole par ceux qui font le travail
et protègent nos
vies, pour déterminer ce qui doit être fait pour
le bien-être de tous,
est essentielle à la solution des problèmes.
L'opposition de la Fédération
interprofessionnelle de la
santé du Québec-FIQ à cette mesure du gouvernement
du Québec est juste
et légitime.
- Pierre Soublière -
Les arrêtés ministériels du gouvernement du
Québec dans
un contexte d'état d'urgence général ont laissé le
champ libre aux
employeurs dans le domaine de la santé au Québec
pour ce qui est des
conditions des travailleurs. Même avant cette
latitude, les employeurs
des résidences pour aînés, des hôpitaux et des
soins de santé en
général étaient extrêmement abusifs, par exemple
par le recours au
temps supplémentaire obligatoire, la mobilité du
personnel — cette
dernière étant de toute évidence un facteur dans
la propagation du
virus dans divers établissements de santé — le
manque de personnel,
etc. Ce sont des conditions que les travailleurs
de la santé
dénonçaient bien avant l'arrivée de la pandémie.
La plus récente mesure
en ce sens est le refus dans de plus en plus
d'endroits de travail de
permettre aux travailleurs de prendre leurs
vacances telles que
planifiées. Dans un établissement en particulier,
les vacances d'été de
tout le personnel de soins de santé ont été
annulées.
Dans un cas, les vacances d'une préposée aux
bénéficiaires ont été annulées à la dernière
minute. Celle-ci affirme
que si elle refuse de travailler, elle est
passible d'une amende allant
de 1 000 dollars à 6 000
dollars. Elle
ajoute : « On se démène pour sauver des vies,
pour garder nos
résidents en sécurité, pour être sûr que rien ne
leur arrive, mais
personne ne veille sur nous. » Au sujet de ce
grave problème de la
nécessité des travailleurs de la santé d'avoir le
temps de se reposer,
Nancy Bédard, la présidente de la Fédération
interprofessionnelle de la
Santé (FIQ), affirme : « Si seuls les efforts
collectifs et la
solidarité permettent de venir à bout de la
situation, ce n'est pas en
épuisant ses propres travailleuses que le
gouvernement y
parviendra. »
Le gouvernement du Québec doit arrêter de
considérer que
les travailleurs sont remplaçables. Il doit
reconnaître ce que les
travailleurs ont toujours soutenu, que les
conditions de travail des
travailleurs de la santé sont les conditions de
santé et de sécurité
des personnes qu'ils soignent. L'époque où les
généraux envoyaient
leurs troupes au front sans armes comme chair à
canon est révolue. Ce
n'est définitivement pas la façon de régler de
tels problèmes qui
exigent une collaboration avec les travailleurs en
première ligne qui,
pour leur part, ne demandent qu'à collaborer sur
la base de leur
expérience et de leurs besoins, en particulier
pour pouvoir travailler
dans un environnement le plus sécuritaire possible
dans ces
circonstances.
Qu'est-ce que le gouvernement ne comprend pas au
juste ?
Dans une lettre ouverte publiée le 15 mai,
des
syndicats CSN de Montréal et Laval de la santé et
des services sociaux
avertissent le premier ministre du Québec que les
travailleurs et
travailleuses de ces secteurs ont droit à leurs
vacances et leurs
congés et en ont un urgent besoin. Ils
l'avertissent aussi que ceux-ci
ne doivent pas être annulés par des arrêtés
ministériels. En plus,
disent-ils, sacrifier les vacances et les congés
pour résoudre la
pénurie de personnel ne réglera absolument rien.
La lettre se lit :
« Monsieur le premier ministre,
« Nous avons été alertés par plusieurs de nos
membres
qui craignent l'arrivée d'un éventuel arrêté
ministériel qui leur
interdirait de prendre des vacances ou qui leur en
limiterait l'accès.
Depuis le 21 mars dernier, un arrêté
ministériel permet, entre
autres, aux gestionnaires du réseau de la santé et
des services sociaux
d'annuler les congés et les vacances de leur
personnel et certaines
directions ont déjà commencé à le faire. Or,
surtout dans les
circonstances actuelles, les vacances et les
congés sont un besoin
essentiel pour les travailleuses et les
travailleurs. Jour après jour,
ils se vouent corps et âme à leurs nobles
fonctions. Sans eux, nous ne
réussirons pas à traverser cette crise.
« Déjà, un grand nombre d'entre eux subissaient
une
surcharge de travail avant la pandémie. Pourtant,
depuis le début de
cette crise, ils continuent, malgré l'épuisement,
d'exercer leur emploi
dans des conditions extrêmement difficiles,
particulièrement dans la
région de Montréal et de Laval. Plusieurs sont au
bord de la
dépression ; d'autres envisagent de
démissionner devant l'ampleur
de la tâche, ce qu'un grand nombre d'entre eux ont
d'ailleurs déjà fait.
« Sacrifier les vacances et les congés pour
résoudre la
pénurie de personnel ne règlera rien. Au
contraire, cela risque de
créer de plus gros problèmes comme des
possibilités d'erreurs liées à
la fatigue, de l'épuisement professionnel, des
dépressions, mais aussi
de multiples départs en congé de maladie prolongé,
voire carrément, des
vagues de démissions. Nous risquons grandement de
nous retrouver dans
une situation de pénurie de personnel plus grande
encore.
« Les travailleuses et les travailleurs ont
besoin de
ces congés et de ces vacances. Vous souhaitez
soutenir ceux et celles
que vous appelez les anges gardiens ?
Laissez-les souffler et
reprendre des forces. Toute la société québécoise
vous en sera
reconnaissante. »
La lettre est signée par dix présidents et
présidentes
de syndicats locaux et par deux dirigeantes de la
CSN de niveau central
et régional.
Sérieuses préoccupations des
travailleurs
alors que les chantiers
de construction rouvrent au Québec
Forum ouvrier : Le 28
avril
dernier, le gouvernement Legault a décrété la
réouverture des chantiers
de construction et des entreprises manufacturières
pour le 11 mai.
Est-ce que tous les chantiers de construction sont
ouverts en ce moment
à l'échelle du Québec ?
Simon Lévesque : Oui. Tous
les
secteurs de la construction sont ouverts depuis
le 11 mai. Tous
les chantiers sont donc rouverts eux aussi, sauf
quelques-uns qui ont
décidé de ne pas rouvrir tout de suite, ou qui
peut-être ne rouvriront
plus, pour des raisons économiques probablement.
FO : Qu'est-ce qui ressort de
cette
première semaine de réouverture ?
SL : Mon
impression c'est
qu'au milieu de cette reprise, il y a une pression
qui est faite par
les employeurs de vouloir retravailler comme
avant, bien que la
situation demande des changements dans la façon de
travailler. On
observe par exemple chez les employeurs une
préoccupation de se
protéger de la COVID-19, une protection légale je
dirais, plutôt qu'une
protection qui se fait par la prévention.
Par exemple, nous avons un guide pour la COVID-19
pour
les chantiers de construction, qui comprend plein
de choses à respecter.
Entre autres choses, il y a la validation de
l'état de
santé des travailleurs lorsqu'ils arrivent sur le
chantier. L'employeur
doit valider quotidiennement l'état de santé de
chacun de ses
travailleurs, lors de son arrivée sur le chantier,
en lui posant les
questions suivantes : a-t-il des symptômes de
la COVID-19, est-il
en contact avec une personne atteinte de la
COVID-19, et revient-il
d'un voyage à l'extérieur du pays depuis moins de
deux semaines ?
S'il répond oui à une des questions, le
travailleur doit retourner et
rester chez lui. Évidemment, la question de savoir
s'ils ont voyagé,
lorsque ce sont toujours les mêmes travailleurs
qui se présentent sur
le chantier, elle n'a pas vraiment à être posée à
chaque jour après la
première journée. Ce qu'on a observé, c'est que
des employeurs, une
semaine après la réouverture de tous les secteurs,
disent déjà qu'ils
en ont assez de faire cette validation. Ils ont
incorporé la validation
dans un formulaire qu'ils font cocher tous les
matins par les
travailleurs, ou dans une petite application sur
laquelle on peut
cliquer. Ils peuvent compiler les réponses et dire
que oui ils ont posé
les questions. Mais est-ce qu'ils ont pris le
temps de parler avec les
travailleurs ? Ils n'ont pas de temps à
perdre avec cela. C'est
fait surtout pour se protéger légalement plutôt
que d'engager le
dialogue social avec les travailleurs. À mon avis,
si on ne retrouve
pas le dialogue social à l'occasion d'une crise
comme celle-là, on ne
le retrouvera jamais.
Il y a aussi, surtout avec le discours actuel du
premier
ministre Legault sur l'importance des masques pour
freiner la COVID-19,
une tentation qu'on ressent chez les employeurs de
trouver un
équipement de protection qui va permettre qu'on
travaille comme avant,
avec masque et visière par exemple. Nous sommes en
discussion là-dessus
avec la CNESST et la Santé publique.
À mon avis, la
question du masque sur les
chantiers est une arme à deux tranchants parce que
l'accent est mis sur
l'équipement plutôt que sur les méthodes de
travail. Nous, on maintient
qu'il faut continuer de travailler pour réaliser
la distanciation de
deux mètres, qu'il faut planifier les travaux pour
qu'il y ait un
maximum de prévention sur les chantiers, qu'on
doit travailler sur les
méthodes de travail, même si on obtient des
masques et des visières.
Sur les chantiers, on a pris du retard, on veut
rattraper ces retards et ces délais, on doit
retrouver la rentabilité,
on accélère la cadence. Les employeurs disent que
ça va coûter plus
cher de trouver des méthodes de travail plus
sécuritaires. C'est
reparti très vite avec du monde partout, alors que
les syndicats n'ont
pas les mécanismes de prévention en place pour
être partout et
efficaces dans tous les milieux.
Autrement dit, une impression qui est très forte
avec
cette première semaine de reprise des chantiers,
c'est l'inquiétude. Ce
sera tout un défi de passer à travers cette crise
en assurant que le
travail est fait de façon sécuritaire.
Les travailleurs en lockout
tiennent bon
Les travailleurs de la raffinerie Co-op en lockout
tiennent un
rassemblement de voitures devant l'édifice de la
législature de la Saskatchewan, le 7
mai 2020.
Les membres de la section locale 594
d'Unifor qui
travaillent pour les Coopératives fédérées (FCL)
sont maintenant en
lockout depuis le 5 décembre 2019.
Les 730 travailleurs
ont été mis en lockout après avoir voté contre
l'offre de la compagnie
durant les négociations et émis un préavis de
grève de 48 heures.
La compagnie avait préparé son geste depuis des
mois et avait bâti un
camp pour les scabs qui ont été amenés très
rapidement de l'extérieur
de la province. La production s'est poursuivie
avec les cadres et les
scabs et elle a été réduite à la mi-avril à cause
de la baisse de la
demande dans le cadre de la pandémie.
Dès le début, la compagnie s'est appuyée sur
l'État et
la police dans une tentative après l'autre de
diminuer l'impact du
piquetage du syndicat, en commençant par une
injonction en décembre qui
limitait le piquetage, un harcèlement constant et
l'arrestation de
plusieurs travailleurs sur les lignes de
piquetage. Pendant toute cette
dure lutte des travailleurs pour défendre leur
droit de négocier des
salaires et des conditions de travail acceptables,
contre les demandes
toujours plus poussées de concessions de la
compagnie sur les pensions
et d'autres aspects qui ont été négociés dans le
passé, les
travailleurs ont reçu l'appui des membres de
sections locales d'Unifor
et d'autres syndicats au pays.
Le
5 mars, le syndicat a déposé deux plaintes auprès
de la Commission des
relations de travail de la Saskatchewan pour
pratique déloyale de
travail: une pour espionnage industriel et l'autre
pour négociation de
façade. Dans ses plaintes, le syndicat décrit
différentes actions
de la compagnie, qui a suivi les travailleurs
jusqu'à chez eux, a
retenu de l'argent qu'elle leur devait, et, en ce
qui concerne la
négociation, a négocié juste pour la forme (une «
négociation de
façade ») sans faire d'effort pour négocier
une convention
collective. Dans ses discussions avec le syndicat
une fois le lockout
décrété, la compagnie est revenue à la charge avec
des demandes de
concessions qui avaient été abandonnées auparavant
lorsque les
travailleurs avaient abandonné certaines de leurs
demandes. Il n'y a eu
encore aucune audience sur ces deux plaintes.
Le syndicat a réclamé l'intervention du
gouvernement et
la nomination d'un médiateur qui produirait un
rapport, lequel serait
exécutoire et mettrait fin au conflit. En février,
les médiateurs Vince
Ready et Amanda Rogers ont été nommés. Le 19
mars, après 20
jours de discussion avec la compagnie et le
syndicat, les médiateurs
ont remis leur rapport qui n'était pas exécutoire.
Leur proposition de
résolution comprenait des changements au régime de
retraite qui
auraient forcé les travailleurs à payer des
millions de dollars dans le
régime à même leurs salaires. Bien que le rapport
des médiateurs
favorisait grandement la compagnie, les
travailleurs, en l'espace de
quelques jours, ont voté à 98 % en sa
faveur afin de mettre
fin au lockout et de retourner au travail.
La compagnie a immédiatement rejeté le rapport et
a
demandé d'autres concessions. Le président de la
section
locale 594, Kevin Bittman, a réitéré la
position du syndicat,
qu'il était trop tard, que le « rapport des
médiateurs était le
processus que les travailleurs et la compagnie
avaient accepté, nous
l'avons ratifié et le gouvernement de Scott Moe
doit le mettre en
oeuvre. » Le syndicat a continué de demander
au gouvernement de la
Saskatchewan de Scott Moe de rendre les
recommandations des médiateurs
exécutoires et de forcer la compagnie à mettre fin
au lockout.
Le 28 avril les membres de la section
locale 594 d'Unifor ont voté à 89 %
contre « la
meilleure offre finale » que la compagnie a
tenté d'imposer depuis
son rejet du rapport des médiateurs. Dans le
communiqué de presse
du 29 avril d'Unifor, le président de la
section locale 594 a
écrit :
« Le premier ministre a engagé les médiateurs les
plus
expérimentés au pays. Il doit maintenant
faire ce qui est logique et appliquer les
recommandations des
médiateurs. » Les travailleurs poursuivent
leur travail
d'information et de mobilisation.
Le 7
mai, plus de 300 véhicules ont convergé vers
l'immeuble de la
législature de la Saskatchewan en appui aux
travailleurs en lockout, et
de nombreux membres de la section locale 594,
leurs familles, et
leurs sympathisants ont participé à l'action. Les
véhicules ont
encerclé la législature, sous le bruit des klaxons
et arborant
drapeaux, bannières et pancartes. Le même jour,
étant empêchés de tenir
un piquetage efficace au site CCRL de Regina, les
membres de la
section 594 ont dressé une ligne de piquetage
au site Co-op Bulk
Fuel à Moose Jaw, un site qui n'est pas visé par
l'ordonnance de la
cour qui restreint le piquetage à la raffinerie.
La GRC s'est tout de
suite présentée pour faire du harcèlement, et, le
lendemain, elle a
menacé de porter des accusations de méfait si les
piqueteurs
entravaient l'entrée et la sortie des personnes au
site.
L'avocat du travail
de la Saskatchewan,
Ronni Nordal, a décrit la situation en ces
termes : « Il semble
que, le 8 mai 2020, la CCRL (Coopérative
des consommateurs de
la Raffinerie Limitée) peut continuer d'exploiter
la raffinerie avec
ses travailleurs de remplacement, tandis qu'il a
été déclaré illégal
que les membres de la section locale 594
d'Unifor exercent tout
droit à un piquetage efficace. Le droit de
piqueter en Saskatchewan a
été réduit à se tenir sur le côté de la route et à
faire un signe de la
main aux automobilistes, à moins qu'un conducteur
ne choisisse
volontairement de s'arrêter pour parler aux
travailleurs en lockout. Le
cycle est complet, la loi protège le droit de
l'employeur à bâtir un
camp pour loger les travailleurs de remplacement
au beau milieu d'une
pandémie, tout en faisant usage de toute sa force
pour faire en sorte
que le piquetage n'ait aucun impact sur les
opérations de l'employeur.
» [1]
Les membres en lockout de la section
locale 594
d'Unifor font tout ce qu'ils peuvent pour
mobiliser l'opinion publique
en appui à leurs justes demandes. Ils appellent à
la continuation du boycottage
de la Co-op et
demandent que des messages d'appui soient envoyés
à leur page Facebook
et ils
organisent d'autres actions.
Non aux concessions
antiouvrières
!
Tous en appui aux travailleurs de la
raffinerie FCL de Regina !
Note
1. « Right
to
Picket All But Dead in Saskatchewan : RCMP
Moves In to Protect
Co-Op in Protracted Lockout », Ronni
Nordal, Canadian Law of Work
Forum, 8 mai 2020
Les travailleurs du site d'enfouissement de Red
Pine, le 18
mars 2020, avant de mettre fin à leur ligne
de piquetage pour se
conformer aux ordonnances de la santé pour la
COVID-19
Dans son communiqué de presse du 4 mai, le
Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
informe qu'à compter
du 13 mai, les 23 travailleurs du site
d'enfouissement de Red
Pine en seront à leur quatrième mois de lockout
imposé par leur
employeur, le site d'enfouissement de Red Pine à
Allardville, au
Nouveau-Brunswick. L'installation est exploitée
par la Commission des
services régionaux Chaleur (CSRC), qui est
principalement composée de
maires des municipalités qui composent la région
de Chaleur dans le
nord du Nouveau-Brunswick.
On ne voit pas la fin de ce lockout, déclare le
communiqué de presse, alors que la CSRC refuse de
renoncer à son coup
de force inacceptable par lequel elle leur nie un
congé de maladie en
exigeant que les travailleurs obtiennent une note
du médecin dès le
premier jour qu'ils s'absentent pour maladie.
Selon les travailleurs,
cela augmente considérablement le nombre
d'employés qui travaillent
alors qu'ils sont malades. Les employés du site
d'enfouissement et leur
syndicat, la section locale 4193 du SCFP, ont
demandé à maintes
reprises que la Commission mette fin au lockout
pendant la pandémie et
permette aux travailleurs de réintégrer leur poste
afin que des
négociations de bonne foi puissent commencer et
que le problème soit
réglé. Cependant, les travailleurs ont été
confrontés à un refus
brutal. En fait, la Commission profite
honteusement de la pandémie de
la COVID-19 et de l'état d'urgence décrété
le 19 mars par le
gouvernement du Nouveau-Brunswick et qui a été
depuis renouvelé deux
fois. À la suite de la directive d'urgence
du 19 mars du
gouvernement provincial face à la pandémie, les
travailleurs du site
d'enfouissement d'Allardville ont mis fin à leur
ligne de piquetage
conformément à l'ordonnance qui les empêche de se
rassembler pendant la
crise de la pandémie. Cela a été interprété par la
CSRC comme un chèque
en blanc pour embaucher ouvertement plus de
briseurs de grève pour
remplacer les travailleurs en lockout. Ces
derniers soulignent en outre
que les employeurs utilisent des membres de leurs
propres familles et
affichent des postes d'étudiants pour un travail
qui appartient aux
membres du syndicat.
À l'heure actuelle, outre l'injustice commise à
leur
encontre, les travailleurs du site d'enfouissement
signalent également
des désastres potentiels pour l'environnement que
le lockout pourrait
provoquer.
« Le printemps arrive, le sol dégèle et le site
d'enfouissement est maintenant une bombe à
retardement
environnementale », a déclaré le président de
la section
locale 4193 du SCFP, Serge Plourde, dans un
communiqué de presse
daté du 5 mai.
Parmi les employés en lockout se trouve un
technologue
en environnement qui est sérieusement préoccupé
par la situation. « Les
pratiques de tests de traitement de l'eau
sont-elles régulièrement et
méticuleusement réalisées par du personnel
compétent et expérimenté qui
connaît la réalité du site
d'enfouissement ? », s'interroge
Yvon Richard, le technologue du site
d'enfouissement.
« Ce n'est qu'une question de temps, en cas
d'absence de
tests et un printemps très pluvieux, avant que des
déversements
contaminés se répandent dans la rivière
Nepisiguit », ajoute
Richard.
Face à cette situation inacceptable, le SCFP
renouvelle
son appel à toutes ses organisations et sections
locales à travers le
pays d'aider les travailleurs de la section
locale 4193 du SCFP
dans sa demande d'une fin immédiate au lockout et
de la signature d'une
convention collective qu'ils jugent acceptable. Il
leur demande aussi
de lui envoyer des lettres d'appui et des
contributions financières. En
visitant la page Facebook du président de la
section locale 4193 du
SCFP, on peut voir le grand nombre d'organisations
et de sections
locales du SCFP de partout au pays qui contribuent
financièrement aux
travailleurs en lockout. D'autres syndicats
fournissent également une
aide financière à ces travailleurs, comme le
Syndicat des infirmières
du Nouveau-Brunswick et le Conseil des
Travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce des provinces de
l'Est.
Un soutien financier peut être envoyé à la
section
locale 4193 du SCFP, à l'attention de Serge
Plourde,
président, 4246 chemin 134, Allardville,
Nouveau-Brunswick,
E8L 1H2.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
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