Numéro 33 - 12 mai 2020
Défendons le droit des travailleurs de
l'alimentation à des conditions de travail
sécuritaires
Cargill ferme son usine de transformation
de la viande à Chambly au Québec
• Aidons
à protéger les travailleurs et les travailleuses
du secteur de la transformation alimentaire!
- Les Travailleurs unis de l'alimentation et
du commerce
Les
États-Unis
• La pandémie du
coronavirus dans les usines de transformation de
la viande aux États-Unis
• Les conditions dans
l'industrie de la transformation de la viande
aux États-Unis
• Le maintien de
l'approvisionnement alimentaire des États-Unis
commence avec la sécurité des travailleurs
- Marc Perrone, président de l'Union
internationale des travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce
Mexique
• Grève pour protester
contre les décès de la COVID dans les usines
frontalières
Défendons le droit des
travailleurs de l'alimentation à
des conditions de travail sécuritaires
L'usine de transformation de la viande de
Cargill à Chambly, dans la région de la
Montérégie, à environ 35 kilomètres au sud de
Montréal, ferme ses opérations, alors que 64
travailleurs, soit 13 % de tous les
travailleurs de l'usine, ont contracté la
COVID-19, a confirmé la compagnie dans un courriel
à la Presse canadienne. La compagnie a dit qu'il
s'agit d'une fermeture « temporaire ». Tous
les travailleurs de l'usine vont être testés et
toute la production est censée s'arrêter le
mercredi 13 mai. L'usine pourrait rouvrir dès la
semaine prochaine, si un nombre suffisant
d'employés sont déclarés négatifs. Cargill
emploie 500 travailleurs syndiqués à l'usine.
Selon la
section locale 500 des Travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce, qui représente les
travailleurs de l'usine, le premier cas de la
COVID-19 a été signalé à la fin du mois d'avril.
Au mercredi 6 mai, 171 travailleurs
étaient absents du travail, soit qu'ils avaient
contracté le virus ou qu'ils avaient été en
contact avec quelqu'un ayant des symptômes.
La compagnie a dit qu'elle fournirait 80
heures de congé payé à quiconque a besoin de
s'absenter du travail à cause de la COVID-19 et
qu'elle paiera les employés pendant la fermeture
jusqu'à un maximum de 36 heures.
La compagnie suggère que la présence de membres
d'une même famille qui travaillent à l'usine ou le
fait que des travailleurs vivent avec un conjoint
qui oeuvre dans le secteur de la santé peuvent
expliquer comment le virus a été transmis. Les
faits sont têtus cependant, et ils révèlent que
les mesures nécessaires n'ont pas été prises par
la compagnie pour protéger les travailleurs. En
fait, le 23 mars, Cargill a augmenté le
salaire horaire de 400 de ses travailleurs
syndiqués à l'usine de Chambly et leur a offert un
montant forfaitaire de 500 dollars après huit
semaines de travail d'affilée à des heures
régulières. On a donc offert un incitatif aux
travailleurs, non pour prendre soin de leur santé,
mais pour qu'ils continuent à travailler en dépit
du fait qu'ils pourraient avoir des symptômes de
la COVID-19, facilitant sa propagation.
L'usine d'abattage et de traitement d'Olymel à
Yamachiche, également au Québec, à 150
kilomètres au nord-est de Montréal, a dû elle
aussi fermer le 29 mars après qu'au moins
neuf cas du virus ont été détectés parmi les
employés. L'usine a rouvert le 14 avril.
- Les Travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce -
Les travailleurs et les travailleuses des usines
de transformation de la viande du Canada
travaillent dur en première ligne pour produire de
la viande pour les familles de tout le pays.
Jusqu'à présent,
plus de 1 400 cas de COVID 19 ont
été confirmés chez des travailleur(euse)s de
l'industrie alimentaire. Certain(e)s de ces
derniers et ces dernières qui luttent contre la
COVID-19 sont dans un état critique et certain(e)s
sont mort(e)s.
En réponse à la pandémie, le gouvernement fédéral
a récemment annoncé 77 millions de dollars
pour les entreprises de transformation
alimentaire, mais les détails de la distribution
de ces fonds sont encore incertains.
Les travailleur(euse)s du secteur alimentaire
doivent avoir un rôle central dans la
détermination des conditions et des critères du «
Fonds de traitement d'urgence ».
Faites savoir au gouvernement du Canada que
l'argent des contribuables versé aux entreprises
doit d'abord garantir la santé et la sécurité des
travailleur(euse)s, et que les travailleur(euse)s
du secteur alimentaire doivent avoir leur mot à
dire dans la détermination des conditions de leurs
propres santé et sécurité !
Montrez votre soutien aux travailleur(euse)s du
secteur alimentaire en envoyant une lettre
MAINTENANT !
Depuis plusieurs semaines, les travailleur(euse)s
de l'industrie alimentaire canadienne réclament
les mesures ci-dessous, recommandées par les
défenseurs des travailleur(euse)s de l'industrie
alimentaire du monde entier, mais n'ont reçu aucun
engagement du gouvernement fédéral sur ces
dispositions de base :
- Veiller à ce que les travailleur(euse)s
puissent travailler à une distance de deux mètres
(6,5 pieds) les un(e)s des autres tout au long de
leur journée de travail. Pour ce faire, il est
possible de modifier l'organisation du travail,
les horaires de travail et les pauses. Il peut
être nécessaire de modifier la conception des
postes de travail, par exemple en installant du
Perspex, du Plexiglas ou un matériau similaire
pour protéger les travailleur(euse)s contre les
risques d'infection mutuelle.
- Réduire la vitesse et la quantité de produits
sur la chaîne de production pour assurer un
espacement de deux mètres entre les
travailleur(euse)s. Cela doit se faire sans
supprimer de poste, et les décisions concernant
les équipes, les accords de partage du travail et
les heures supplémentaires doivent impliquer le
syndicat.
- Mettre à disposition des postes adéquats de
lavage et de désinfection des mains et augmenter
le nombre de pauses afin que le lavage des mains
devienne une partie intégrante du travail.
- Assurer un nettoyage et un assainissement
réguliers et complets du lieu de travail, y
compris des toilettes et des salles à manger.
Toutes les surfaces communes, par exemple, les
établis, les poignées de porte, les rampes et les
claviers, doivent être nettoyées régulièrement.
- Fournir un équipement de protection
individuelle (ÉPI) approprié, bien que celui-ci ne
puisse se substituer à un espacement approprié
entre les travailleur(euse)s.
- Prendre les dispositions nécessaires pour se
rendre au lieu de travail et en revenir en toute
sécurité afin de minimiser le risque d'exposition
à la COVID 19.
- Afficher les protocoles adoptés sur le lieu de
travail sur des panneaux d'affichage dans des
langues que tous et toutes les travailleur(euse)s
peuvent comprendre et maintenir une communication
régulière.
La protection des travailleur(euse)s du secteur
alimentaire et l'arrêt de la propagation de la
COVID 19 dans les usines de fabrication de
produits alimentaires au Canada nécessitent une
approche cohérente guidée par les parties
prenantes, les syndicats et les employeurs, et
mise en oeuvre par le gouvernement.
Les travailleur(euse)s du secteur alimentaire ont
besoin d'aide MAINTENANT !
Les États-Unis
Aux États-Unis, le 8 mai, plus de cinq
mille cas d'infections au coronavirus avaient été
confirmés comme étant liés à l'industrie de
transformation de la viande dans le pays. Ce
nombre est probablement largement sous-déclaré
étant donné le manque de tests de dépistage. Au
moins quarante-neuf travailleurs de la
transformation de la viande sont morts de la
COVID-19, dans 27 usines différentes
réparties dans 18 États. Quarante usines ont
été forcées de fermer temporairement, soit à cause
d'ordonnances de la santé publique, soit parce que
tant de travailleurs étaient malades que la
production était impossible.
L'administration
Trump et les quatre oligopoles qui contrôlent la
transformation de la viande et de la volaille aux
États-Unis, Cargill, JBS, Smithfield et Tyson
Foods, sont déterminés à maintenir ouvertes les
usines de transformation de la viande. Le 28
avril, Trump a émis un décret présidentiel qui
déclare que les usines de transformation de la
viande sont une « infrastructure critique »,
ce qui permet aux agences fédérales d'intervenir
et éventuellement d'annuler les décisions prises
par les autorités locales. Alors que la pandémie
s'est développée à travers les États-Unis, les
géants de la transformation de la viande ont tenté
de cacher l'étendue de la crise dans leurs usines.
Dans certains États, les gouverneurs ont annulé
les autorités sanitaires locales afin de maintenir
les usines ouvertes.
Le Nebraska est un État où JBS a obtenu ce qu'il
voulait et le gouverneur a agi pour bloquer la
fermeture d'une usine recommandée par les
autorités sanitaires locales. JBS possède des
usines de viande de boeuf, de porc et de volaille
dans 27 États. Dès le 31 mars, une
éclosion importante a été identifiée par les
médecins de l'usine de JBS à Grand Island, au
Nebraska, et le directeur régional de la santé a
demandé au gouverneur de prendre des mesures. Le
gouverneur a dit non, citant l'ordre de Trump
selon lequel la transformation de la viande est
une « infrastructure critique ».[1] Les courriels
obtenus par le groupe de défense ProPublica
montrent que JBS avait l'intention de dissimuler
la propagation de la COVID-19 dans ses usines. «
Nous voulons nous assurer que les tests de
dépistage sont effectués d'une manière qui ne
fomente pas la peur ou la panique parmi nos
employés ou la communauté », a écrit le 15
avril le responsable de l'éthique et de la
conformité chez JBS, Nicholas White, aux autorités
sanitaires locales.
Le virus s'est rapidement propagé au-delà de
l'usine et à travers la communauté, avec plus de
1 200 cas dans la ville de 50 000
habitants, et 32 décès, dont un travailleur
de JBS. Des tests limités de dépistage, restreints
à ceux qui présentent des symptômes, ont permis
d'identifier 260 cas à l'usine. Il y a maintenant
des éclosions du coronavirus partout au Nebraska
dans les villes de transformation de la viande où
Tyson Foods, Smithfield Foods et Costco ont des
usines. Alors que les cas atteignaient des niveaux
stupéfiants et que les hôpitaux étaient débordés,
les usines ont finalement été fermées pour un
nettoyage à fond. Le gouverneur a annoncé que les
responsables locaux de la santé ne seraient plus
en mesure de communiquer les données de la
COVID-19 de l'usine de transformation de la viande
pour des raisons de « confidentialité »
Dans une usine après l'autre, les travailleurs
ont signalé qu'ils avaient été renvoyés au travail
après avoir informé les superviseurs et les
infirmières qu'ils étaient malades. À l'usine de
Cargill en Pennsylvanie, un travailleur, qui est
décédé depuis du coronavirus, a dit à ses enfants
qu'un superviseur lui avait demandé de retirer son
masque facial au travail car cela provoquait une
anxiété inutile parmi les autres employés.
D'autres travailleurs ont déclaré que les
superviseurs leur avaient dit de ne pas porter de
masques, car seuls les malades devraient avoir des
masques, que les professionnels de la santé en ont
plus besoin et que le fait de les porter faisait
peur sur le lieu de travail.
La section locale 7 des TUAC, à l'usine de
viande de JBS, à Greeley, a tenu une discussion
en ligne à l'occasion du Premier Mai.
À Greely, au Colorado, l'usine JBS a finalement
été fermée, longtemps après que les responsables
de la santé publique ont signalé le 1er avril
qu'un grand nombre de travailleurs de JBS se
présentaient aux services d'urgence. Les
responsables locaux de la santé ont exhorté JBS à
faire du dépistage et de la distanciation sociale
à l'usine sinon celle-ci serait fermée, ont-ils
déclaré. JBS a repoussé l'appel, affirmant que le
gouverneur n'était pas en faveur de la fermeture.
L'usine a finalement été fermée, mais trop tard
pour arrêter la propagation. Toujours avec des
tests limités, 280 travailleurs ont été
déclarés positifs et sept d'entre eux sont
décédés.
Les travailleurs de chaque usine ont mentionné
des cas similaires d'ordres de revenir au travail
après un test positif et de « ne pas
l'ébruiter » sous peine d'être
licencié ; on a dit aux travailleurs de
retourner au travail avant la fin de la
quarantaine de 14 jours même s'ils se sentaient
malades ; les travailleurs manifestement
malades au travail se sont vu refuser
l'autorisation de rentrer chez eux. Les
travailleurs des usines JBS et Cargill en Alberta
ont dit la même chose.
Ces propos ont été confirmés par les
propriétaires selon lesquels le problème n'était
pas les usines elles-mêmes, mais les « pratiques
culturelles » des travailleurs. Les
travailleurs sont blâmés de vivre dans des
conditions de logements surpeuplés, des conditions
qui sont imposées par les bas salaires de
l'industrie, et dans des ménages
multigénérationnels.
Les travailleurs ont pris la parole pour briser
le silence sur leurs conditions de vie et de
travail, y compris les travailleurs non syndiqués
qui trouvent des moyens de défendre leurs droits.
À Milan, dans le Missouri, un travailleur et la
Rural Workers Community Alliance ont intenté une
action en justice contre Smithfield en raison de
son refus de protéger les travailleurs contre
l'infection par le coronavirus. La plainte indique
que les travailleurs doivent généralement se tenir
presque coude à coude, le plus souvent pendant des
heures sans pouvoir se nettoyer ou se désinfecter
les mains, et ils ont du mal à prendre un congé de
maladie. La poursuite en cour a également souligné
que les travailleurs de l'usine reçoivent un point
de pénalité s'ils prennent un jour de congé, ce
qui peut éventuellement conduire à un
licenciement. Un juge fédéral a rejeté la
poursuite le 5 mai, déclarant que Smithfield
avait pris « des mesures importantes pour réduire
le risque d'une éclosion à l'usine ». En
fait, l'usine avait pris un certain nombre de
mesures pour fournir un équipement de protection
et accroître la distanciation sociale, mais
seulement après le dépôt de la poursuite.
Une autre mesure utilisée par les entreprises
consistait à offrir des augmentations temporaires
de salaire et des primes aux travailleurs qui
venaient travailler à chaque quart de travail.
C'était également le cas au Canada, bien que les
entreprises aient prétendu plus tard que les
travailleurs mis en quarantaine recevraient
également la prime. JBS USA a offert une prime
de 600 $ et une augmentation de salaire
de 4 $ l'heure à ses employés qui
travaillaient à chaque quart de travail. Ceux qui
devaient se mettre en quarantaine ou s'isoler
recevaient soit un salaire régulier, soit une
prestation d'invalidité de courte durée, selon
l'entreprise. C'était clairement une incitation à
venir travailler quoi qu'il arrive, un geste
inadmissible de pression sur les travailleurs pour
qu'ils viennent travailler même s'ils présentaient
des symptômes liés au coronavirus.
Les preuves provenant de
travailleurs à travers les États-Unis ne laissent
aucun doute sur le fait que la pression exercée
sur les travailleurs pour qu'ils restent au
travail en cas de maladie ou après une exposition
à la COVID-19 était délibérée, généralisée et à
l'échelle de l'industrie. Elle a été faite avec le
soutien et la collusion des gouvernements des deux
États et du fédéral. Face à ce mépris absolu
envers leur bien-être, les travailleurs, qui sont
issus des couches les plus marginalisées et
vulnérables de la classe ouvrière américaine, ont
montré leur courage et leur détermination à
défendre leurs droits, et que le statu quo n'est
pas une option.
Note
1. Le même jour, le 31
mars, le premier ministre de l'Alberta, Jason
Kenney, a dit qu'il avait parlé au gouverneur du
Nebraska au sujet du début de la construction de
l'oléoduc Keystone XL et que le gouverneur lui
avait assuré que toutes les mesures seraient en
place pour mener à bien la construction, de
manière sécuritaire pendant la pandémie. Ont-ils
également parlé de maintenir les usines de
transformation ouvertes ?
Une photo sur la page Facebook du Premier
Mai 2020 de l'Alliance des travailleurs de la
chaîne alimentaire demande que tous les
travailleurs de l'alimentation soient protégés.
La COVID-19 a mis en lumière les conditions
brutales, dangereuses et pénibles des travailleurs
de l'industrie de la transformation de la viande
et de la volaille aux États-Unis. Elle a également
mis en lumière le contrôle des oligopoles de la
transformation des viandes sur l'ensemble du
secteur, avec toutes ses conséquences négatives.
La taille et la productivité massives de ces
usines rendent les propriétaires d'autant plus
déterminés à les garder ouvertes à tout prix, et,
dans ce contexte, les autorités fédérales et
étatiques ont été leurs serviteurs consentants.
Les travailleurs et leurs syndicats parlent
ouvertement des conditions qui ont provoqué de
grandes éclosions du coronavirus dans les usines
de viande et de volaille.
Le traitement de la viande est un travail
dangereux, éreintant et sous-payé effectué par des
travailleurs qui sont dans de nombreux cas
extrêmement vulnérables, notamment des
travailleurs sans-papiers, des réfugiés et
d'autres immigrants récents. Au début des années
1980 et même avant, l'industrie s'est relocalisée
des grandes villes vers les zones rurales. Avec
l'aide de l'administration Reagan, les oligarques
de la viande ont entrepris de détruire les
syndicats.
La transformation de la viande est concentrée
dans les États des grandes plaines, notamment le
Dakota du Sud, l'Iowa, le Kansas et le Missouri,
ainsi qu'au Colorado et au Texas. Les États du sud
des États-Unis ont également une production de
volaille importante. Il n'y avait pas suffisamment
de travailleurs dans les zones rurales pour ces
usines massives, en particulier compte tenu du
taux de roulement élevé en raison des terribles
conditions de travail. Les entreprises ont plutôt
fonctionné en recrutant les travailleurs les plus
vulnérables et marginalisés, notamment les
réfugiés d'Asie du Sud-Est et d'Afrique, et plus
récemment d'Amérique centrale et d'Amérique du
Sud. On estime que près d'un tiers de la
main-d'oeuvre est composée d'immigrants récents et
qu'un travailleur sur quatre est sans papiers. Des
raids périodiques menés par le Service de
l'immigration et des contrôles douaniers (ICE)
sont utilisés pour renforcer cette vulnérabilité
et servir d'avertissement que les tentatives de
défendre leurs droits peuvent avoir des
conséquences désastreuses.
La brutalité des employeurs et de l'État à leur
service n'a pas de limites. The Atlantic a
fait un reportage sur un raid en août 2019
effectué dans sept usines de volaille au
Mississippi. Six cents agents de l'ICE, armés de
fusils et de gilets pare-balles, ont arrêté 680
travailleurs principalement latinos. The
Atlantic rapporte que leurs enfants se sont
rassemblés à l'extérieur de l'usine, regardant
leurs parents se faire emmener. Le raid a illustré
le racisme organisé par l'État, s'étant lui-même
produit trois semaines après la tuerie terroriste
de 22 personnes à El Paso au Texas, où le tireur
avait ciblé des clients mexicains dans un Walmart
par désir d'arrêter « l'invasion hispanique du
Texas ».
Cette force de travail vulnérable fait face à un
danger constant, travaillant à une vitesse
vertigineuse avec des couteaux et des scies, des
milliers de travailleurs oeuvrant coude à coude
dans une usine. Les sols sont glissants et saturés
en eau et en sang. Selon les accidents signalés,
les travailleurs de la viande aux États-Unis sont
trois fois plus susceptibles d'être blessés que le
travailleur moyen au pays et sept fois plus
susceptibles de subir plusieurs fois une blessure
au travail. Chaque semaine, il y a des
amputations, des fractures, des brûlures graves,
des traumatismes crâniens et d'autres blessures
graves. Dans les usines de volaille, l'utilisation
de produits chimiques provoque des maladies
respiratoires et d'autres maladies.
Les cadences sur
les lignes de production aux États-Unis sont le
double de celles en Europe, et la vitesse est
vertigineuse. Aux États-Unis, les moyennes de
l'industrie varient de 1000 porcs à l'heure à
plus de 8000 poulets à l'heure. Il n'y a
aucun moyen pour les travailleurs de suivre des
directives telles que se couvrir la bouche en
éternuant. Les travailleurs de nombreuses usines
s'exposent à des mesures disciplinaires s'ils
ratent même un seul morceau de viande ou de
volaille qui arrivent sur la ligne à la vitesse de
l'éclair. En octobre 2019, l'administration
Trump a supprimé les limites de vitesse des
chaînes de production dans les usines de
transformation du porc. Même si la pandémie
faisait rage, le département de l'Agriculture a
accordé des dérogations autorisant 15 usines
de volaille à augmenter la cadence de leurs
chaînes jusqu'à 175 oiseaux par minute. Les
statistiques sur le taux de blessures, qui sont
probablement largement sous-déclarées, ont été
compilées avant la suppression des restrictions de
vitesse.
Certaines parties d'une usine de transformation
de la viande, comme le département des mises à
mort, sont très chaudes, tandis que d'autres
sections sont semblables au travail dans un
réfrigérateur. Le froid est considéré comme un
facteur qui permet de prolonger la durée de survie
d'un virus à l'extérieur d'un hôte, ce qui
augmente le risque de transmission du coronavirus.
Cela contribue également à l'incidence élevée de
l'arthrite chez les travailleurs des usines de
transformation.
Les éclosions, qui ont imposé un lourd tribut aux
travailleurs des usines de transformation, à leurs
familles et à leurs communautés sont le résultat
direct de la cupidité et de la recherche du profit
maximum des oligarques et du fait que l'autorité
publique qui pourrait les restreindre n'existe
plus. Cela montre la nécessité d'une nouvelle
direction où les droits des travailleurs sont
respectés dans une industrie agricole et
alimentaire moderne et durable dans le but de
fournir des aliments sains et salubres pour tous.
Les travailleurs qui parlent en leur propre nom et
dénoncent la négligence criminelle des oligarques
défendent leurs droits et les droits de tous à la
sécurité et la salubrité alimentaires.
- Marc Perrone, président de
l'Union internationale des travailleurs unis
de l'alimentation et du commerce -
L'approvisionnement alimentaire de notre pays
fait face à la menace sans précédent de l'éclosion
du coronavirus et des centaines de milliers de
travailleurs américains dans les usines de
transformation de la viande et alimentaire sont
témoins de nouveaux cas qui sont signalés chaque
semaine. En tant que le plus grand syndicat de
l'alimentation et du détail des États-Unis, nous
entendons nos 250 000 membres des usines de
transformation de la viande nous dire à chaque
jour à quel point ils sont préoccupés par leur
sécurité et le danger auquel notre chaîne
d'approvisionnement alimentaire fait face.
Qu'on ne s'y trompe
pas ! La menace qui pèse sur ces travailleurs
et la chaîne d'approvisionnement est réelle, et,
si on ne donne pas la priorité à la sécurité des
travailleurs, cette menace collective ne fera que
s'aggraver.
Jusqu'à maintenant, il y a eu 21 décès
tragiques de nos membres dans les usines de
transformation de la viande et 5 000
travailleurs ont été infectés ou exposés. Comme
nous l'avons tous vu, plus de 20 usines ont
fermé dans un effort pour freiner la propagation
du virus au Dakota du Sud, au Wisconsin, en Iowa,
en Pennsylvanie, au Missouri, en Indiana et au
Minnesota.
Les dirigeants élus à l'échelle du pays,
républicains et démocrates, n'ont pas agi avec la
vitesse requise pour traiter des enjeux urgents de
sécurité auxquels ces usines font face et ils ont
mis en péril ces travailleurs et notre
approvisionnement alimentaire.
Le nouveau décret présidentiel du président Trump
invoque la Loi sur la production de défense pour
garder ouvertes toutes les usines de
transformation de la viande et prévenir d'autres
pénuries d'approvisionnement alimentaire.
Cependant, la nouvelle politique de la
Maison-Blanche ne rend obligatoire aucune des
normes robustes de sécurité des travailleurs qui
sont requises pour protéger ces usines et les
employés de nouvelles éclosions du virus.
Ce que le président et beaucoup trop de nos
dirigeants élus ne sont pas capables de
reconnaître, c'est que ces usines sont organisées
de façon telle que des centaines de travailleurs
se tiennent très près les uns des autres pendant
de longues heures, ce qui rend presque impossible
la distanciation physique. En l'absence de mesures
et de protections de sécurité robustes et mises en
oeuvre, ces usines sont comme des navires de
croisière immobiles, faisant face aux mêmes
problèmes de sécurité et tout aussi susceptibles
de devenir des foyers du coronavirus.
Clairement, personne ne souhaite fermer des
usines. Les fermetures d'usines de transformation
de la viande ont déjà causé une réduction
de 25 % de la capacité d'abattage du
porc et de 10 % de celle du boeuf. Nos
travailleurs de l'industrie de la transformation
de la viande veulent travailler, mais nous ne
pouvons pas ignorer les enjeux sérieux de sécurité
qui existent.
Le geste le plus important qui doit être posé
pour protéger l'approvisionnement alimentaire des
États-Unis est de donner la première place à la
sécurité de ces travailleurs et de ces usines.
Les gouverneurs des États disent partager notre
préoccupation pour l'approvisionnement alimentaire
et la sécurité des travailleurs de notre pays.
Chaque État doit mettre en pratique son engagement
envers la sécurité en adoptant des décrets qui
définissent les normes de sécurité des
travailleurs qui sont claires et qui doivent être
mises en application dans chaque usine de
transformation de la viande de notre pays.
Une action robuste de l'État pour accroître la
sécurité des usines de transformation de la viande
doit comprendre la mise en oeuvre la plus large
possible d'une distanciation sociale et physique
de deux mètres et l'accès des travailleurs au plus
haut niveau possible d'équipement de protection
individuelle (ÉPI) lorsque la distanciation
physique est impossible.
Les États doivent faire en sorte qu'un test de
dépistage quotidien est disponible pour les
travailleurs et leurs familles, et les employeurs
doivent fournir tous les congés de maladie
nécessaires afin que les travailleurs malades
puissent demeurer à la maison et n'aient jamais à
choisir entre leur santé et un chèque de paie. Les
États doivent s'assurer de l'application des
guides récents des Centres de contrôle et de
prévention des maladies sur la transformation de
la viande et travailler avec les inspecteurs
fédéraux pour faire une surveillance constante de
ces usines afin de garantir que les mesures de
sécurité soient mises en place immédiatement.
Face à cette crise de santé publique sans
précédent, les dirigeants d'affaires et élus
doivent intervenir et travailler avec les
Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce
et nos sections locales dans tout le pays pour
garantir que ces travailleurs essentiels ont les
protections essentielles dont ils ont besoin. Les
décrets présidentiels qui ne donnent pas la
priorité à la sécurité des travailleurs ne
protégeront pas l'approvisionnement alimentaire de
notre pays au moment où nous en avons le plus
besoin.
Nous sommes déjà témoins de pénuries de boeuf
dans les chaînes de restauration rapide et de
limites placées sur les achats de viande dans les
épiceries. Forcer les usines de transformation de
la viande à rouvrir sans que soient mises en place
des garanties robustes va se retourner contre nous
et aggraver la crise à laquelle notre pays fait
face.
Les Américains ont besoin d'une action rapide et
forte de la part des dirigeants de notre pays pour
que la sécurité prime dans les usines de
transformation de la viande. La protection
véritable de notre approvisionnement alimentaire
commence et se termine par la protection des
travailleurs de notre pays. C'est la seule façon
d'affronter cette tempête et de garantir que les
Américains vont avoir la nourriture dont ils ont
besoin pendant cette crise mortelle.
Mexique
Les logis des travailleurs des maquiladoras dans
un quartier mexicain
Forum ouvrier reproduit ci-dessous un
article de David Bacon publié à l'origine par TruthOut
le 5 mai.
***
À Washington, le président Trump fait tout ce
qu'il peut pour rouvrir des usines de
transformation de la viande présentement fermées,
alors que les travailleurs continuent de
contracter le virus de la COVID-19 et de mourir. À
Tijuana, au Mexique, où les travailleurs meurent
dans des usines appartenant principalement à des
compagnies américaines (les maquiladoras)
qui produisent et exportent des marchandises vers
les États-Unis, le gouverneur de l'État de la
Basse-Californie, ancien fidèle du Parti
républicain de la Californie, fait la même chose.
Jaime Bonilla Valdez a été élu en 2018 dans
la vague qui a porté au pouvoir le président
Andrés Manuel Lopez Obrador. Et au début, en tant
que membre dirigeant du parti MORENA de Lopez
Obrador, il a été une voix forte en faveur de la
suspension de la production aux usines à la
frontière.
Lopez Obrador a lui-même été critiqué pour ne pas
avoir agi assez rapidement contre la pandémie.
Mais à la fin du mois de mars, face à
l'augmentation du nombre de décès de la COVID-19
au Mexique, il a finalement déclaré l'état
d'urgence sanitaire. On a ordonné aux entreprises
non essentielles de fermer leurs portes et de
continuer de verser les salaires des travailleurs
jusqu'au 30 avril.
Le secrétaire du Travail de Bonilla, Sergio
Martinez, a appliqué la règle du gouvernement
fédéral aux usines étrangères à la frontière, où
sont produites des marchandises pour le marché
américain, à l'exception, encore une fois, des
entreprises essentielles.
Lorsque la nouvelle s'est répandue que de
nombreuses usines défiaient l'ordre de fermeture,
Bonilla les a dénoncées. « Les employeurs ne
veulent pas arrêter de faire de l'argent, a-t-il
déclaré lors d'une conférence de presse à la
mi-avril. Ils cherchent essentiellement à
sacrifier leurs employés. » Mais maintenant,
un mois plus tard, il autorise la réouverture de
nombreuses usines non essentielles.
La volte-face s'explique par deux sources de
pression opposées. Dans un premier temps, les
travailleurs des usines ont pris des mesures pour
fermer ces dernières, une décision largement
soutenue dans les villes frontalières. Mais les
propriétaires ont résisté et ont obtenu l'aide du
gouvernement américain. L'administration Trump a
exercé une pression énorme sur le gouvernement et
l'économie du Mexique, vulnérables en raison de
leur dépendance envers le marché américain.
Maintenant que les usines rouvrent, les morts
continuent d'augmenter.
Début des grèves à Mexicali
Bien que la Basse-Californie soit beaucoup moins
densément peuplée que les autres États du Mexique,
elle est désormais troisième pour le nombre de cas
de COVID-19, avec 1 660 personnes
infectées. Quelque 261 personnes sont mortes
dans tout l'État et 164 à Tijuana seulement.
C'est plus de décès que les 131 de San Diego,
une métropole beaucoup plus grande. Quinze pour
cent des personnes atteintes de la COVID-19 à
Tijuana meurent, comparé à
seulement 3,5 % à San Diego. Comme c'est
le cas partout, en l'absence de dépistage sur une
grande échelle, personne ne sait vraiment combien
sont malades.
« Vous pouvez
imaginer à quel point nous sommes désemparés, car
nous sommes pauvres et la loi ne nous protège pas.
Ici, si vous n'avez pas d'argent, le gouvernement
ne fera pas appliquer la loi. Nous avons vraiment
de très bonnes lois au Mexique, mais un très
mauvais gouvernement. » Ce sont les paroles
de Veronica Vasquez, prononcées au milieu d'une
rue poussiéreuse de Tijuana. « Les entreprises
viennent au Mexique pour faire de l'argent. Elles
pensent qu'elles peuvent faire tout ce qu'elles
veulent avec nous parce que nous sommes Mexicains.
Eh bien, c'est notre pays, même si nous sommes
pauvres. Pas le leur. »
À Tijuana, la plupart des personnes décédées sont
en âge de travailler. Étant donné qu'un dixième
des 2,1 millions d'habitants de la ville
travaillent dans plus de 900 maquiladoras,
et bien d'autres encore dépendent de ces emplois
d'usine, la propagation du virus parmi ces
travailleurs est très menaçante.
L'alarme s'est déclenchée lorsque deux employés
sont décédés début avril chez Plantronics,
où 3 300 travailleurs fabriquent des
casques téléphoniques. Schneider Electric a fermé
ses portes lorsqu'un travailleur est décédé
et 11 autres sont tombés malades. Skyworks,
un fabricant de pièces d'équipement de
communication avec 5 500 travailleurs, a
admis que certains avaient été infectés.
Dans un climat de peur grandissant, les
travailleurs ont commencé à arrêter de travailler.
À Mexicali, la capitale de l'État de la
Basse-Californie, des travailleurs ont fait la
grève le 9 avril dans trois usines
américaines : Eaton, Spectrum et LG. Les
grévistes ont déclaré que les entreprises
forçaient les gens à venir travailler sous la
menace d'un licenciement permanent. Elles ont
refusé de payer les salaires tel que l'ordonne le
gouvernement et de fournir des masques à leurs
employés. Les usines ont été contraintes de fermer
par le gouvernement de l'État.
Le travail s'est ensuite arrêté dans trois autres
usines : Jonathan, SL et MTS. Ces entreprises
offraient des primes de 20 à 40 %
aux employés qui continuaient de travailler, mais
l'offre a été rejetée par l'ensemble des
travailleurs. Daniel, un gréviste, a déclaré à un
journaliste du quotidien mexicain La Jornada :
« Nous voulons la santé - nous ne voulons pas
d'argent, ni de primes ni même un salaire double.
Nous voulons juste qu'ils se conforment à
l'ordonnance présidentielle de fermer les usines
non essentielles et de nous verser nos pleins
salaires. » Jonathan fabrique des rails
métalliques pour mitrailleuses et chars pour des
entreprises américaines. Les travailleurs ont
démenti les allégations de l'entreprise selon
lesquelles elle fabrique des équipements de
télécommunications « essentiels », une
affirmation courante des usines qui veulent rester
ouvertes.
L'Organisation des travailleurs et des peuples,
un groupe radical parmi les travailleurs des maquiladoras
de la Basse-Californie, a signalé une semaine
d'arrêt de travail chez Skyworks et une grève chez
Gulfstream le 10 avril. Chez Honeywell
Aerospace, les travailleurs ont commencé à arrêter
la production le 6 avril. « L'entreprise a
ensuite licencié 100 personnes sans salaire et en
a congédié quatre autres », explique Jesus
Casillas, travailleur et activiste de Mexicali.
Honeywell a fermé pendant une semaine, puis a
rouvert.
Alors que les grèves progressaient, les
travailleurs ont signalé la mort de deux personnes
dans les deux usines de Clover Wireless où sont
réparés des téléphones portables. Elles ont été
fermées pour un quart de travail, puis ont
redémarré. Enfin, le 14 avril, une grève
générale a été déclenchée par les travailleurs des
maquiladoras de Mexicali, soutenus par la
section nationale de la Nouvelle Centrale
syndicale, une fédération syndicale créée par le
Syndicat des électriciens du Mexique.
Les usines ne ferment pas vraiment
Les entreprises qui ont déclaré qu'elles
fermaient leurs portes ne l'ont jamais vraiment
fait, accusent les travailleurs. « Elles ferment
la porte d'entrée et mettent une chaîne, explique
Casillas. Ensuite, elles font entrer les
travailleurs par la porte arrière. Elles font
venir les travailleurs à l'usine et leur disent
que s'ils ne retournent pas au travail, ils
perdront leur emploi de façon permanente. »
Ailleurs à la frontière, les travailleurs disent
être également contraints de travailler. Il y a
même des brasseries parmi les entreprises qui ne
respectent pas la loi. Dans le reste du Mexique,
la bière a commencé à disparaître des rayons des
magasins à la suite de l'ordonnance de Lopez
Obrador fermant les brasseries puisque la
production d'alcool n'est pas jugée «
essentielle ». Modelo et Heineken, deux
énormes producteurs, ont obéi. Les deux énormes
brasseries de Constellation Brands à Coahuila, qui
fabriquent la Corona et la Modelo pour le marché
américain, ne l'ont pas fait.
Le 1er mai, on a même pu voir sur Facebook
des travailleurs de l'usine de verre de Piedras
Negras où sont fabriquées les bouteilles des
marques Constellation, sur les chaînes
d'assemblage sans masque. Alejandro Lopez, un
travailleur de l'usine, écrit : « Nous
demandons des masques et ils nous les refusent,
comme ils refusent aussi de fournir le gel [pour
se laver les mains], qu'ils ne nous donnent qu'à
l'entrée [de la brasserie] et c'est tout. »
La directrice des relations humaines de l'usine,
Sofia Bucio, répond en disant que l'entreprise
fait tout ce qui est nécessaire, puis poursuit en
réprimandant le travailleur : « Nous ne
sommes pas allés vous sortir de votre maison et
vous forcer à travailler avec nous, pas
vrai ? Si vous n'aimez pas les mesures prises
par IVC [la société verrière], les portes sont
grandes ouvertes pour vous laisser entrer quand
vous venez et aussi pour vous laisser
sortir. »
Dans les villes frontalières de l'autre côté du
Rio Grande, face au Texas, d'autres usines qui
voulaient rester ouvertes ont déclaré qu'elles
laisseraient les travailleurs inquiets rester à la
maison, mais avec seulement 50 % de leur
salaire normal. « Les gens ne peuvent pas vivre
avec cela, proteste Julia Quiñones, directrice du
Comité des travailleurs frontaliers. Depuis que
Lopez Obrador a ordonné une augmentation il y a un
an, le salaire minimum à la frontière est
de 185,56 pesos (7,63 $) par jour.
Cinquante pour cent de cela, à Nuevo Laredo,
achèterait à peine un gallon de lait (80
pesos). »
« Il n'y a pas d'autre travail que les femmes
peuvent faire en ville, explique Quiñones. Dans le
passé, certaines travailleuses traversaient la
frontière pour gagner de l'argent supplémentaire
en faisant un don de sang. Mais la frontière est
maintenant fermée, même pour ceux qui ont un visa.
Elles ne peuvent pas vendre des choses dans la rue
à cause du confinement. La seule option est de
travailler. »
Une travailleuse lui a dit : « Il vaut mieux
travailler à 100 %, même si nous
risquons nos vies, que d'être à la maison
avec 50 %. »
Pendant ce temps, les arrêts de travail se sont
étendus à d'autres villes frontalières, et le
nombre de morts augmente. Lear Corporation, qui
emploie 24 000 personnes dans la
fabrication de sièges d'auto à Ciudad Juarez, y a
fermé ses 12 usines le 1er avril. Lear a
enregistré plus de décès de la COVID-19 que
n'importe quelle entreprise à la frontière. Elle
ne cite pas de chiffres et dit n'avoir appris le
premier décès que le 3 avril. Or, à la fin
avril, 16 employés de Lear étaient morts du
virus, 13 dans la seule usine de Rio Bravo.
Alors que d'autres usines poursuivaient leurs
activités malgré un nombre important de morts, des
grèves ont éclaté. Le 17 avril, les
travailleurs ont déclenché la grève dans six maquiladoras
pour exiger que les entreprises cessent leurs
activités et versent les salaires selon
l'ordonnance du gouvernement. Vingt personnes dans
la ville étaient mortes à ce moment-là, dont deux
travailleurs de Regal Beloit (un fabricant de
cercueils) et deux de Syncreon, selon des
manifestants. À Honeywell, 70 grévistes ont
déclaré que l'entreprise n'avait pas fourni de
masques et avait forcé des personnes souffrant
d'hypertension et de diabète à se présenter au
travail.
L'usine d'Electrolux a cessé ses opérations
le 24 avril après la mort de deux employées,
Gregoria Gonzalez et Sandra Perea. Deux semaines
plus tôt, les travailleurs de l'usine avaient
protesté contre le manque de protection.
Lorsqu'ils ont finalement cessé de travailler,
l'entreprise les a enfermés à l'intérieur et a par
la suite licencié 20 personnes. L'une d'elles
a déclaré au journaliste Kau Sirenio : «
L'entreprise ne nous a rien dit, même si nous
savions tous que nous travaillions au risque
d'être infectés. Ils ont attendu jusqu'à ce que
deux meurent avant de fermer et ont licencié ceux
qui protestaient contre le manque de conditions de
sécurité. Ils disent toujours que leur opération
est essentielle, mais vous pouvez voir à quel
point ils se soucient peu de la vie des
travailleurs. »
À Juarez, le maire a fermé les restaurants de la
ville, mais a permis aux maquiladoras de
continuer de fonctionner. Lorsque les travailleurs
de TPI Composites ont commencé leur protestation,
la police de la ville a même été appelée pour
mater l'opposition. Néanmoins, en avril les
travailleurs de Juarez et d'autres villes
frontalières ont réussi à forcer le gouvernement à
exiger que les entreprises se conforment à la loi.
Les États-Unis interviennent
Fin avril, le gouvernement américain est
intervenu au nom des propriétaires des usines
forcées de fermer. L'administration Trump est
déterminée à faire respecter le nouvel accord
États-Unis-Mexique-Canada qui entre en vigueur
le 1er juillet. Bien que l'accord comporte
des mesures formelles de protection de la santé et
de la sécurité des travailleurs, on ne prévoit pas
que celles-ci soient invoquées pour garantir que
les usines restent fermées jusqu'à ce que le
danger de la COVID-19 se résorbe. L'objectif de
l'accord est plutôt de protéger les chaînes
d'approvisionnement et d'investissement entre le
Mexique et les États-Unis, notamment en ce qui
concerne les usines à la frontière.
L'ordonnance de Lopez Obrador classe comme «
essentielles » uniquement les entreprises
directement engagées dans des industries critiques
telles que la santé, la production alimentaire ou
l'énergie, et n'inclut pas les entreprises qui
fournissent des matériaux aux usines de ces
industries. Mais depuis le début, de nombreuses maquiladoras
se sont déclarées « essentielles » de toute
façon parce qu'elles approvisionnent d'autres
usines aux États-Unis. Luis Hernandez, un cadre
d'une association d'exportateurs de Tijuana, a
admis : « Les entreprises ont voulu utiliser
les classifications étasuniennes pour déterminer
ce qui est ‘essentiel'. »
Le complexe militaro-industriel a des intérêts
importants et grandissants dans les usines
frontalières, qui ont exporté 1,3 milliard de
dollars de produits aérospatiaux et d'armement aux
États-Unis en 2004, pour atteindre 9,6
milliards de dollars l'année dernière. Pour
défendre cet énorme enjeu, Luis Lizcano, directeur
général de la Fédération mexicaine des industries
aérospatiales, a déclaré au gouvernement mexicain
qu'il devait donner à l'industrie de la défense
mexicaine le statut d'« essentielle » dont
elle jouit aux États-Unis et au Canada.
La sous-secrétaire d'État à la Défense pour les
acquisitions et le soutien du Pentagone, Ellen
Lord, a annoncé qu'elle rencontrait le ministre
mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard,
pour l'exhorter à laisser les sociétés de défense
américaines reprendre la production dans leurs maquiladoras.
« Le Mexique est actuellement quelque peu
problématique pour nous, mais nous travaillons par
le biais de notre ambassade », a-t-elle
déclaré. Elle a ensuite annoncé que sa visite
avait été un succès.
Utilisant le langage de l'administration Trump,
l'ambassadeur américain Christopher Landau a
minimisé le risque posé pour les travailleurs. «
Il y a des risques partout, mais nous ne restons
pas tous à la maison par crainte d'avoir un
accident de voiture, écrit-il dans un tweet. La
destruction économique menace également la santé
... Des deux côtés de la frontière, investissement
= emploi = prospérité. »
Enfin, le 28 avril, le gouverneur de Baja
Bonilla a cédé à la pression et ordonné la
réouverture de 40 maquiladoras «
fermées ». Selon le secrétaire au
Développement économique Mario Escobedo Carignan,
elles sont désormais considérées comme faisant
partie de la chaîne d'approvisionnement des
produits essentiels. « Nous ne cherchons pas à
suspendre vos opérations, a-t-il dit aux
propriétaires, mais à travailler avec vous pour
continuer de créer des emplois et de générer de la
richesse dans cet État. »
Étant donné que de nombreuses usines «
fermées » fonctionnaient déjà, Julia Quiñones
a déclaré amèrement : « C'est ce qui se passe
toujours ici, à la frontière. Les entreprises
enfreignent la loi, puis la loi est modifiée pour
légaliser leur action. Et le gouvernement fédéral
du Mexique lui-même a également commencé à
reculer, annonçant trois jours après une demande
américaine qu'il autoriserait les nombreuses
énormes usines automobiles du Mexique à redémarrer
leurs chaînes d'assemblage une fois que les
constructeurs automobiles les auraient redémarrées
au nord de la frontière.
Les annonces ne précisent pas si le Mexique a
aplani la courbe d'infection du coronavirus ou si
les usines sont désormais des lieux sûrs.
En 24 heures, du 29 au 30 avril, le
nombre de cas par million de personnes est passé
de 138 à 149. Un million de personnes
travaillent dans plus de 3 000 usines à
la frontière. Le virus a déjà fait de nombreux
morts parmi elles et si toutes les usines
reprennent la production alors que la pandémie
fait encore rage, le nombre de décès va sûrement
augmenter.
Luis Hernandez Navarro, rédacteur en chef du
quotidien de gauche La Jornada (aucun lien
avec l'homme d'affaires de Tijuana), a rappelé à
ses lecteurs que la propagation catastrophique du
virus en Italie était due au fonctionnement
continu des usines en Lombardie jusqu'à ce qu'il
soit trop tard.
« L'industrie des maquiladoras ne s'est
jamais souciée de la santé de ses travailleurs,
elle ne se soucie que de ses profits, écrit-il.
Leurs chaînes de production ne doivent pas
s'arrêter, et dans la meilleure tradition
coloniale, Oncle Sam a fait pression sur le
Mexique pour que les usines d'assemblage
continuent de fonctionner. L'obstination des maquiladoras
fait que le cas italien se répétera probablement
ici. »
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