17 avril 2020
Le droit à l'éducation pendant la pandémie
Les enseignants et les travailleurs
de l'éducation démêlent la situation
- Laura Chesnik -
• Quels
critères
doivent déterminer si les écoles rouvrent ou
non? - Geneviève Royer
• Les épisodes du balado
l'Éducation est un droit sur l'éducation et la
pandémie de la COVID-19
Le droit au
logement durant la pandémie
• Un logement décent et
abordable est une nécessité pour assurer la
sécurité et la santé de tous
• Les organismes de
défense du droit au logement prennent la parole
• Un appel à une action
immédiate pour loger tous les résidents de
Colombie-Britannique non logés
• La Rapporteure spéciale
des Nations unies dit que le logement est la
première ligne de défense contre la COVID-19
Le droit à l'éducation pendant la
pandémie
- Laura Chesnik -
Les enseignants et les travailleurs de
l'éducation partout au Canada, comme ailleurs dans
le monde, ont été propulsés dans un nouvel
environnement avec la fermeture des écoles pour
endiguer la propagation de la COVID-19. Les
classes en ligne sont maintenant devenues la norme
pour tous les niveaux scolaires. Un des gros
problèmes est que les enseignants et les
travailleurs de l'éducation veulent trouver
comment affirmer le droit à l'éducation dans le
contexte actuel, mais sont confrontés au fait
qu'ils n'ont pas véritablement voix au chapitre
sur la façon dont les choses se passent. On leur
demande de faire preuve de flexibilité et
d'accommodement, ce qui veut dire en pratique ne
pas parler des problèmes qui existent, sinon se
contenter de réagir à ce que décident les conseils
scolaires et les gouvernements provinciaux. Les
enseignants et les travailleurs de l'éducation ont
prouvé qu'ils sont très flexibles et accommodants
quand il s'agit de veiller à ce que les étudiants
reçoivent l'éducation dont ils ont besoin. Or,
cela ne doit pas vouloir dire accepter les mesures
qui portent atteinte à leurs propres conditions de
travail qui sont, comme ils le savent, les
conditions d'apprentissage des étudiants.
C'est tout un défi
en ce moment de pouvoir discuter de ce qui se
passe. Entre autres, nous devons avoir notre
propre perspective pour ne pas être submergés par
l'accent disproportionné mis sur la technologie et
les entreprises informatiques qui rivalisent pour
obtenir les contrats de livraison des services
d'éducation en ligne et qui espèrent sortir
gagnantes de la situation. Chaque province, et
même chaque conseil scolaire, a recours à un
système différent, avec comme conséquence qu'il
n'existe aucune approche commune et personne n'a
l'intention d'en établir une. D'une école à
l'autre, les approches diffèrent. Il y a aussi les
nombreuses applications numériques en éducation -
qui sont maintenant gratuites dans plusieurs cas -
et les entreprises bousculent tout le monde pour
imposer leurs systèmes et en sortir gagnantes.
Un problème majeur pour les enseignants et les
travailleurs de l'éducation est comment s'assurer
qu'on ne laisse pas s'échapper dans les mailles du
filet les jeunes ayant des besoins spéciaux en
classe ou ceux qui ont des défis personnels dans
ces circonstances où les ressources nécessaires ne
sont pas au rendez-vous. La réalité est que le
passage soudain à l'apprentissage en ligne, sans
plan centralisé pour garantir que tous les élèves,
enseignants et travailleurs de l'éducation
disposent des infrastructures dont ils ont besoin
pour participer pleinement au processus, a été
dans une grande mesure laissé à l'initiative
individuelle et au hasard. Lorsque les
gouvernements ont annoncé la fermeture des écoles,
rien n'a été fait pour garantir que toutes les
familles disposent de l'équipement nécessaire, en
quantité nécessaire, et d'un savoir-faire
technologique adéquat pour naviguer dans ce
nouveau type de « salle de classe ». C'est
sans compter le soutien nécessaire pour les défis
personnels ou les situations financières
difficiles, surtout quand on sait que les choses
de base faisaient déjà énormément défaut avant la
fermeture des écoles.
Les élèves de 12e année se sont retrouvés
confrontés à beaucoup de défis au cours de leur
année de fin d'études secondaires. Les universités
de l'Ontario, par exemple, continuent d'exiger des
notes de mi-parcours d'ici le 20 avril pour
évaluer les offres pour une première admission.
Cependant, il s'agit d'une demande irréaliste,
étant donné que les notes ne refléteraient que le
travail en classe effectué jusqu'au 13 mars.
Les élèves et les éducateurs sont préoccupés par
le fait que la situation actuelle accentuera les
inégalités et fera en sorte que les étudiants
ayant plus de ressources et de soutien auront de
meilleures chances d'entrer à l'université de leur
choix. Comment affirmer le droit à l'éducation
dans ces circonstances n'est pas si simple. Les
étudiants devraient-ils recevoir une note de
passage ? Comment cela affectera-t-il l'accès
à l'enseignement postsecondaire ?
Le point de départ pour régler ces problèmes doit
être que l'éducation est un droit et non une
compétition qui divise la société. Des
investissements sont nécessaires pour s'assurer
que tous les jeunes continuent de progresser dans
leurs études et obtiennent la formation dont ils
ont besoin pour faire une contribution à la
société. Tout d'abord, cela signifie des
investissements pour former plus d'enseignants et
de travailleurs de l'éducation pour appuyer le
système en tant qu'enseignants, tuteurs, aides
enseignants et autres qui fournissent un soutien
spécialisé aux élèves ayant des besoins élevés
afin que tout le monde puisse être appuyé dans les
circonstances. Cela signifie également que les
enseignants et les travailleurs de l'éducation
prennent en main de proposer des solutions qui
défendent en pratique le droit à l'éducation.
- Geneviève Royer -
Les écoles de ce qu'on appelle le réseau public
d'éducation sont fermées depuis le 13 mars.
Les près de 105 000 enseignantes et
enseignants des commissions scolaires (maintenant
centres de services) n'ont pas tardé à être actifs
pour contribuer à restreindre la pandémie et
participer ou initier des activités sur les
réseaux sociaux pour échanger avec leurs élèves,
fournir des exercices scolaires, répondre aux
questions des parents, lancer des activités
d'improvisation solo, des cours de musique en
ligne, et tellement d'autres encore.
Le 10
avril dernier, sans qu'aucune consultation n'ait
été faite avec les enseignants et leur
organisation syndicale, le premier ministre
François Legault a lancé un ballon d'essai à
l'effet de rouvrir les écoles avant le 4 mai.
Le gouvernement applique la pratique habituelle de
lancer une mesure qui n'est pas issue des
travailleurs, de modifier ensuite sa position si
elle est jugée inacceptable, mais toujours pour
atteindre le même but. C'est pourquoi François
Legault, le même jour, a publié sur son compte
Twitter « Je répète que toute ouverture des écoles
sera faite avec l'accord de la Santé publique.
Nous ne précipiterons aucune décision. »
C'est inacceptable de lancer une telle bombe dans
l'intense période de stress que nous vivons.
Réduire la décision du retour à l'école à un
accord ou non de la Santé publique, alors que nous
avons au visage chaque jour que des critères de
base de santé publique ne peuvent être appliqués
dans les CHSLD par manque de personnel, ne donne
pas confiance que les choses sont prises en main.
Ni Legault, ni le directeur de la Santé publique
ou la ministre de la Santé et des services sociaux
n'ont nommé les mesures qui ont été prises dans
les écoles depuis qu'elles sont fermées, ni celles
devant être prises à leur réouverture. Ce n'est
pas pour rien qu'une pétition demandant que
l'école n'ouvre pas avant plusieurs semaines,
lancée le 10 avril, a recueilli près
de 185 000 signatures en 4 jours.
Des mesures doivent donc être prises pour assurer
la santé des travailleurs de l'éducation et celle
de leurs élèves. Travailler dans une école, c'est
avoir toute une série d'interactions
sociales : enseignants, élèves, secrétaires,
agents de sécurité, éducateurs, ouvriers et
concierges, bibliothécaires, personnel de la
cafétéria, etc. Toutes ces personnes, avant même
de mettre le pied à l'école le matin, ont eu des
contacts avec d'autres gens.
Les enseignants et leurs collègues réfléchissent
aussi à leur retour en classe. Une des leçons
qu'ils tirent de la pandémie, c'est qu'on ne peut
pas retourner au statu quo. Les enseignants
portent le système d'éducation public à bout de
bras depuis plus de 20 ans. Ils prennent leur
responsabilité sociale et exigent d'avoir leur mot
à dire concernant les conditions de réouverture
des écoles.
On doit se rappeler que la crise dans le réseau
de l'éducation date de bien avant la pandémie.
Depuis des années, les enseignants demandent la
réduction du ratio enseignants-élèves, que le
nombre d'heures des infirmières, travailleurs
sociaux, éducateurs, psychologues et autres, y
compris ceux qui se consacrent au nettoyage et à
l'assainissement, soit suffisant dans chaque école
pour répondre aux besoins de leurs élèves. De
telles demandes, en plus d'instaurer un climat
d'éducation sain pour l'esprit, contribuent, on le
voit maintenant, à prévenir la transmission
d'infections.
Les personnes qui vivent
dans les écoles sont témoins et victimes de la
dégradation de l'hygiène publique depuis plus
de 20 ans d'offensive antisociale. On peut
citer l'exemple récent de présence de plomb dans
l'eau des robinets, de moisissure, de
questionnement quant à la qualité de l'air, etc.
Ceci, couplé avec la diminution du nombre d'heures
allouées à la maintenance, fait que les écoles
sont des nids fertiles pour la propagation de
maladies. Par exemple, le ministère de la Santé et
des Services sociaux a publié en 2015 les
critères d'entretien de surfaces et des objets
d'une école. [1]
À titre d'exemple, les bureaux, tables de travail,
claviers et souris d'ordinateurs partagés doivent
être nettoyés à la fin de chaque journée. Dans la
réalité de beaucoup d'écoles, les bureaux de
classe ne sont nettoyés qu'une fois par année et à
peine plus souvent en ce qui concerne le matériel
informatique ! Ce qui est encore plus
inquiétant, c'est que ni la ministre de la Santé
ni le directeur de la Santé publique du Québec
n'aient exercé leur autorité, le 10 avril et
depuis, en informant la population sur ce qu'ils
comptaient faire pour que les exigences d'hygiène
et de distanciation sociale soient respectées
concrètement dans les écoles.
Monsieur Legault, en rouvrant les écoles, vous
déclarez que les travailleurs de l'éducation sont
des travailleurs essentiels. Très bien. Soyez
alors avisé qu'il n'est pas question que les
enseignants mettent leur santé ou celle de leur
famille à risque. Partant du principe que les
enseignants et le reste du personnel des écoles
doivent être au coeur des conditions de
réouverture des écoles, voici quelques mesures qui
devraient être prises pour être cohérent et
responsable en cette période de pandémie :
- Mesures de distanciation sociale : il y
a 1 210 699 élèves répartis
dans 2 725 établissements d'enseignement
publics au Québec. Ce qui représente une moyenne
de 444 élèves par établissement. Des écoles
primaires en ont jusqu'à 1 600, et des
écoles secondaires jusqu'à 2 700. Cela ne
tient pas compte du personnel enseignant et non
enseignant qui oeuvre dans ces écoles. Il faut
donc envisager les ressources humaines et
physiques pour s'assurer de respecter le 2
mètres de distance.
- Horaires différents pour avoir moins d'élèves
en classe (un bureau de distance entre chacun) et
circulant dans l'école. Favoriser l'entrée à
l'école avec station sanitaire par une porte et la
sortie par une autre.
- Application des mesures d'hygiène
publique : présence de personnel de
maintenance avec équipement adéquat dans chaque
classe, puisqu'on ne retrouve des lavabos avec du
savon que dans les toilettes.
- Support psychologique pour les élèves, car nos
élèves sont sous stress depuis des mois et doivent
avoir accès sur place aux personnes ressources.
- Transmission de l'information dans la langue de
nos élèves issus de l'immigration récente.
- Tests de dépistage réguliers aux intervenants
et aux élèves.
- Accès aux services de garde pour le personnel
des écoles.
- Prévision des mesures pour le transport en
commun, puisque l'achalandage y augmentera. Même
chose pour le transport adapté, pour les élèves
avec un handicap.
Geneviève Royer est dirigeante du Parti
marxiste-léniniste du Québec et enseignante au
secondaire depuis plus de 25 ans.
Note
1. Prévention
et
contrôle
des infections dans les services de garde et
écoles du Québec - annexe 4, MSSS
En utilisant Internet et les médias sociaux, les
enseignants et les travailleurs de l'éducation
s'efforcent de s'organiser, de trouver leurs
repères et d'établir leurs propres cadres de
référence sur la façon de procéder. Au fur et à
mesure que les choses évoluent, ils réfléchissent
à la manière d'intervenir pour garantir que les
questions soient résolues en faveur du droit à
l'éducation.
Le balado l'Éducation est un droit a
publié six épisodes traitant spécifiquement de la
façon dont les enseignants et les travailleurs de
l'éducation s'orientent pour mettre en oeuvre
l'apprentissage en ligne et comment affirmer leurs
droits à un salaire et à des conditions de travail
appropriés dans les circonstances. Le balado
informe également son auditoire sur la manière
dont d'autres pays tels que la Chine ont fait face
à la pandémie dans le domaine de l'éducation pour
contribuer à démêler ce qui se passe ici.
Pour écouter les balados cliquer ici.
Le droit au logement durant la
pandémie
Lors du point de
presse quotidien du 25 mars du premier
ministre Legault, il a abordé la question de la
date de paiement des loyers du 1er avril. Il
s'était dit ouvert à réfléchir rapidement à des
solutions pour les ménages qui peinent à payer
leur épicerie et qui s'inquiètent de l'échéance du
paiement de loyer. Il a demandé aux locataires de
s'assurer de contacter les propriétaires pour
prendre un arrangement, et à ces derniers « de
faire preuve de compréhension ».
Ce n'est pas un secret qu'avant même la pandémie,
le manque immense de logements abordables,
salubres et accessibles était criant dans de
nombreuses villes du Québec. Depuis des années,
les organismes de défense du droit au logement
informent du faible taux de disponibilité, de
l'abandon de la construction de logements sociaux
par les gouvernements. Près de 457 500
ménages locataires consacrent déjà plus que la
norme de 30 % de leurs revenus au loyer,
dont 195 645 y consacrent plus
de 50 %. Avec la pandémie, une perte
d'emploi pourrait les mener à la rue.
La déclaration du premier ministre n'a contribué
en rien à répondre aux organismes et aux familles
qui demandent des arrangements concrets quant au
paiement des loyers. Cette question ne peut être
laissée à la bonne ou mauvaise volonté des
propriétaires de logements. Sachant qu'une grande
partie des logements à Montréal, entre autres,
appartient à des grandes firmes immobilières
privées, dont les propriétaires ne peuvent être
rejoints et dont la seule personne à qui un
locataire peut parler est souvent un concierge qui
applique les directives, la réponse du
gouvernement doit être tout autre. Dans le
contexte de la pandémie, de la période de
confinement et des pertes massives d'emplois, il
doit y avoir des mesures nationales pour ne
laisser personne à lui-même, et qui protègent tous
les locataires du Québec. Il s'agit de prendre
responsabilité pour que personne n'ait à mettre sa
santé à risque à cause de difficultés de paiement
ou d'avoir à choisir entre nourrir sa famille, la
soigner ou payer son loyer.
Avoir un logement décent, salubre et abordable
fait partie des conditions de vie nécessaires pour
être capable de prendre soin de sa famille et de
ses enfants. Lorsque plus de 30 % des
revenus sont engouffrés pour payer un loyer, cela
rend les conditions de vie insoutenables.
Depuis la fin du
mois de mars, différentes organisations de défense
des droits ont proposé des mesures concrètes pour
venir en aide aux ménages locataires qui ne seront
pas en mesure de payer les prochains mois de
loyer. Elles n'ont pas accepté la réponse du
premier ministre Legault qui demandait aux
propriétaires d'être « compréhensifs » envers
les locataires dans l'incapacité de payer leur
loyer au 1er avril. « On ne peut laisser cet
arrangement entre les mains des individus car il
existe sur le marché immobilier de nombreuses
compagnies à numéros qui seront peu enclines à
attendre pour le paiement du loyer »,
ont-elles indiqué. Elles demandent au gouvernement
d'agir.
Le Front d'action populaire en réaménagement
urbain (FRAPRU), actif depuis plus de 40 ans
pour la défense du droit au logement, a publié les
demandes suivantes pour que le gouvernement du
Québec prenne action :
-interdise toute tentative d'éviction imputable
au non-paiement du loyer d'avril 2020 (ainsi
que pour chaque mois supplémentaire qui sera
déclaré comme urgence sanitaire) ;
-plus largement, qu'il suspende toutes les
audiences à la Régie du logement et les exécutions
de jugement menant à l'éviction de locataires,
jusqu'à ce que les mesures de confinement soient
levées et que les locataires aient rétabli leur
capacité de payer leur loyer ;
-allonge d'un mois la période dont disposent les
locataires pour répondre à l'avis de
renouvellement du bail ;
-envisage que tous les baux en vigueur soient
prolongés pour une période correspondant
minimalement à la durée de l'urgence
sanitaire ;
-mette en place un programme de suppléments au
loyer d'urgence pour les ménages locataires à
faibles revenus.
En ce qui a trait au gouvernement fédéral, le
FRAPRU rappelle que « De son côté, le gouvernement
Trudeau doit :
-mettre en place un fonds de dépannage spécial
pour soutenir les locataires dans l'incapacité de
payer l'entièreté ou une partie de leur
loyer ;
-rendre disponibles les sommes nécessaires à la
réparation des logements sociaux existants
financés par le passé par votre gouvernement et
qui sont actuellement barricadés en raison de leur
mauvais état. »
Le réseau FADOQ, qui représente plus
de 535 000 personnes âgées de plus
de 50 ans, a fait part aussi de ses
préoccupations le 3 avril dernier face aux
hausses de loyer imposées à des aînés vivant en
résidences privées pour aînés (RPA). Il réclame
que « tous les avis d'augmentation de loyer soient
reportés à une date ultérieure [et] qu'aucun frais
accessoire ne soit facturé aux aînés vivant en RPA
s'il s'agit de mesures de prévention pour freiner
la propagation de la COVID-19. »
« Nous avons reçu
de nombreux signalements de nos membres à ce
sujet. Par ailleurs, la situation actuelle fait en
sorte que les locataires ne peuvent pas obtenir de
l'aide en personne de la part des CAAP (centres
d'assistance et d'accompagnement aux plaintes du
Québec). Cette situation est aberrante et nous
demandons qu'un gel des baux soit envisagé dès
maintenant », déclare la présidente du Réseau
FADOQ, Gisèle Tassé-Goodman.
Le 1er avril, une lettre signée par 34
avocats et avocates et étudiants en droit parue
dans Le Droit soulignait que la défense
de la dignité humaine est au coeur de ces
demandes :
« Pour les raisons énumérées et pour des
considérations élémentaires de dignité humaine,
nous, les juristes, avocat-es et étudiant-es en
droit soussigné-es, demandons une annulation des
loyers directement affectés par la crise
sanitaire, soit au moins pour avril et
mai 2020, ainsi que des mesures d'aide
matérielle ou financière permettant à toutes et
tous - locataires et locateurs confondus - de se
pourvoir des biens nécessaires à la vie et de ne
pas se trouver pénalisé-es à la fin de la crise en
raison de défauts de paiement accumulés. »
Ils ont ajouté de plus : « nous pensons
qu'il serait souhaitable de profiter du contexte
pour voir émerger des solutions durables et
pérennes à une crise du logement et à une
précarité chronique de locataires qui est bien
antérieure au contexte de pandémie. Être à la
hauteur de la situation, c'est également faire
preuve de courage politique et d'asseoir les bases
d'une société plus juste sur le long terme. »
Des organisations qui défendent les sans-abri et
les personnes les plus vulnérables face à la
pandémie de la COVID-19 ont écrit au gouvernement
et aux ministres du gouvernement de la
Colombie-Britannique, au Groupe de travail sur le
logement et les résidents vulnérables de la
Colombie-Britannique, aux maires et conseillers de
la province, et à la médecin hygiéniste en chef de
Colombie-Britannique, Bonnie Henry, le 9
avril. Les auteurs de la lettre y présentent leurs
revendications pour la fourniture d'un logement à
« tous les résidents sans logis et mal logés de
Colombie-Britannique ».
La lettre se lit en
partie :
« Nous écrivons pour demander une action
immédiate afin de faire face à la menace que
représente la COVID-19 pour les personnes non
logées et mal logées de Colombie-Britannique.
Les actions importantes qui ont été faites jusqu'à
maintenant ne sont pas suffisantes pour protéger
la santé et la sécurité des résidents qui ne sont
pas capables d'appliquer la distanciation physique
et l'auto-isolement par manque d'un logement
autonome.
« La Rapporteure spéciale de l'ONU sur le droit à
un logement adéquat qualifie le refuge que procure
un logement de « première ligne de défense »
face à la COVID-19. Les directives de la Santé
publique à l'échelle du Canada indiquent
clairement que « rester à la maison » est le
principal moyen de protéger la santé individuelle
et publique pendant cette pandémie. Comme vous le
savez, ces directives sont impossibles à suivre
pour ceux qui se sont vu refuser l'accès à un
logement, un revenu et au réseau d'appui
social. »
Parlant des actions que le gouvernement
provincial a prises jusqu'à maintenant, les
activistes indiquent que « depuis le début de
cette urgence, le gouvernement de la province n'a
acquis que 900 espaces pour des gens non
logés pour qu'ils observent une distance physique,
s'isolent ou vivent leur quarantaine, alors que
nous savons qu'il y a au moins 7 655
personnes non logées en Colombie-Britannique. En
plus, le gouvernement provincial reconnaît 'qu'un
plus grand nombre de chambres ont été identifiées'
mais qu'il les utilisera seulement 'si un besoin
est identifié par les autorités de la santé'. Il
est inconcevable que tout logement d'urgence soit
gardé en réserve pendant ces moments
critiques. » Les activistes réclament une
action rapide pour loger tout résidant non logé ou
mal logé de Colombie-Britannique.
Des activistes se sont emparés d'un
centre communautaire de Surrey pour mettre
en lumière le besoin que des immeubles
publics soient utilisés pour les
sans-abri.
|
La lettre demande spécifiquement à Selima
Robinson, la ministre des Affaires municipales et
du Logement, de même qu'au premier ministre et aux
maires et conseillers de la province de « prendre
action de manière décisive pour loger de manière
adéquate les sans-abri qui vivent dans la rue,
dans des campements, des refuges, des maisons de
chambre mal entretenues et dans des logements
surpeuplés dans des réserves ». Les auteurs
soulignent que « ceux qui vivent dans des
campements, dans des logements inadéquats comme
les maisons de chambre, des refuges et dans la rue
en Colombie-Britannique ont été abandonnés à leur
sort jusqu'à maintenant. La peur, la colère, la
panique et la mésinformation se sont installées.
Nous vous demandons de prendre action de manière
décisive en Colombie-Britannique et à Vancouver en
mobilisant toutes les ressources disponibles afin
que les personnes les plus vulnérables dans nos
communautés ne succombent pas à la COVID-19. Un
leadership sans compromis sur la question de
l'itinérance est quelque chose de plus critique
que jamais. Nous vous appelons à ne pas faillir à
la tâche en ce qui concerne les résidents non
logés de Colombie-Britannique. »
La lettre indique que les autorités provinciales
et municipales ont le pouvoir « d'acquérir et de
faire usage de la propriété publique et privée
requise pour prévenir la propagation de la
COVID-19 », mais que ces pouvoirs « ne sont
pas utilisés comme ils devraient l'être pour
permettre aux personnes non logées ou logées de
manière inadéquate d'observer une distanciation
physique, de s'isoler ou de vivre une quarantaine
en ce moment. Il est temps de mener l'action
urgente décisive que permet la législation et de
réquisitionner les logements nécessaires. [...] La
seule approche qui est adéquate et basée sur les
droits humains est celle qui rend possible une
réelle distanciation physique, l'auto-isolement et
l'accès aux conditions sanitaires que nos hauts
fonctionnaires de la santé demandent d'urgence de
tout citoyen. Les maisons de chambre surpeuplées
et les refuges de type 'boîtes à microbes' avec
salles de bain et douches communes, ne permettent
pas les mesures sanitaires adéquates et mettent en
péril les occupants et les travailleurs. Retirer
les personnes des refuges surpeuplés et du parc de
logements une fois qu'elles ont développé des
symptômes est trop peu, trop tard, et mine les
droits et la sécurité individuels et
publics. »
La lettre appelle tous les niveaux de
gouvernement à agir rapidement et de manière
décisive, y compris par les actions
suivantes :
« Fournir des chambres d'hôtel, de motel ou
d'autres chambres isolées, avec toilettes,
douches, lavabos et lits pour chaque personne qui
souhaite quitter la rue, les campements, les
refuges et les logements inadéquats, y compris les
chambres pour personne seule et les logements
surpeuplés dans les réserves, et commencer la
planification à long terme du logement pour tous
ceux qui sont logés temporairement.
« Faire en sorte que le nombre d'unités tient
compte du trop-plein de femmes, de personnes
transgenre et non conformes au genre, et d'enfants
qui fuient la violence domestique durant la
COVID-19 ; de travailleurs étrangers
temporaires et autres qui ont un statut
d'immigration précaire ; de ceux qui
pourraient être libérés des centres de détention
surpeuplés et dangereux pendant cette période.
« Livrer trois repas sains par jour dans chaque
chambre pour permettre aux personnes d'observer la
distanciation physique et de s'isoler tel que
requis.
« Livrer l'approvisionnement sécuritaire
nécessaire, y compris l'alcool, à toute personne
qui en a besoin quotidiennement.
« Fournir les services de nettoyage réguliers et
l'accès aux fournitures d'hygiène tel que requis.
« Fournir des équipements de protection
individuelle (ÉPI), de la formation et des mesures
de sécurité adéquates à tout le personnel de
soutien des hôtels, des services sociaux et à
d'autre personnel de soutien qui travaille pour
appuyer les membres de la communauté hébergés dans
le parc d'hôtels.
« Pour ceux qui ne peuvent pas emménager dans ces
endroits, que ce soit parce qu'il n'y a pas de
refuges suffisants ou parce que le refuge
disponible ne correspond pas à leurs besoins,
aider les gens à se « créer un espace » dans
les parcs et les espaces verts vides dans
l'ensemble de la province sans risquer d'être
déplacés ou persécutés. »
La lettre est signée par :
Leslie Varley, directrice générale, Association
des centres d'amitié autochtones de la
Colombie-Britannique
Viveca Ellis, organisatrice communautaire par
intérim pour la Coalition pour la réduction de la
pauvreté en Colombie britannique
Fiona York, coordinatrice du Projet d'action
communautaire Carnegie
Anna Cooper, avocat-conseil sur les questions
d'itinérance pour la Société juridique Pivot
Le 18 mars,
Leilani Farha, la Rapporteuse spéciale des Nations
unies sur le droit à un logement convenable, a
publié sur le site de l'organisation un article
dans lequel elle mentionne les responsabilités des
gouvernements et des États pour enrayer la
pandémie. Ils doivent, notamment :
« cesser toutes les expulsions ; fournir un
logement d'urgence avec des services pour celles
qui sont touchées par le virus et doivent être
isolées ; veiller à ce que l'application de
mesures de confinement n'entraîne pas de sanctions
à l'encontre de quiconque en raison de son statut
de logement ; fournir un accès égal aux tests
et aux soins de santé ; et fournir un
logement adéquat qui peut nécessiter la mise en
oeuvre de mesures extraordinaires, y compris
l'utilisation de logements vacants et abandonnés
et de locations disponibles. »
Pour les personnes confrontées à des pertes
d'emplois et à des difficultés économiques,
l'experte appelle les États à fournir une aide
financière directe ou différer les paiements des
loyers et d'hypothèques ; promulguer un
moratoire sur les expulsions pour arriérés ;
introduire des mesures de stabilisation ou de
réduction des loyers ; et, au moins pendant
la durée de la pandémie, suspendre les coûts des
services publics et les suppléments.
Elle a aussi souligné le danger que peuvent
causer les intérêts privés dans la lutte contre la
COVID-19 : « Des mesures sont mises en place
et des ressources importantes sont allouées pour
atténuer le ralentissement économique causé par
COVID-19, comme la baisse des taux d'intérêt. Il
existe un risque que de telles mesures permettent
aux acteurs financiers mondiaux d'utiliser la
pandémie et les malheurs de beaucoup pour dominer
les marchés du logement sans tenir compte des
normes des droits de l'homme, comme ils l'ont fait
au lendemain de la crise financière de 2008
[...] Les États doivent empêcher les pratiques
prédatrices des investisseurs institutionnels dans
le domaine de l'immobilier ».
Elle conclut en disant « En garantissant l'accès
à des logements sûrs et à un assainissement
adéquat, les États protégeront non seulement la
vie de ceux qui sont sans abri ou vivant dans des
établissements informels, mais aideront à protéger
la population mondiale dans son ensemble en
aplatissant la courbe du COVID-19. »
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
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