Quels critères doivent déterminer si les écoles
rouvrent ou non?
- Geneviève Royer -
Les écoles de ce qu'on appelle le réseau public
d'éducation sont fermées depuis le 13 mars.
Les près de 105 000 enseignantes et
enseignants des commissions scolaires (maintenant
centres de services) n'ont pas tardé à être actifs
pour contribuer à restreindre la pandémie et
participer ou initier des activités sur les
réseaux sociaux pour échanger avec leurs élèves,
fournir des exercices scolaires, répondre aux
questions des parents, lancer des activités
d'improvisation solo, des cours de musique en
ligne, et tellement d'autres encore.
Le 10
avril dernier, sans qu'aucune consultation n'ait
été faite avec les enseignants et leur
organisation syndicale, le premier ministre
François Legault a lancé un ballon d'essai à
l'effet de rouvrir les écoles avant le 4 mai.
Le gouvernement applique la pratique habituelle de
lancer une mesure qui n'est pas issue des
travailleurs, de modifier ensuite sa position si
elle est jugée inacceptable, mais toujours pour
atteindre le même but. C'est pourquoi François
Legault, le même jour, a publié sur son compte
Twitter « Je répète que toute ouverture des écoles
sera faite avec l'accord de la Santé publique.
Nous ne précipiterons aucune décision. »
C'est inacceptable de lancer une telle bombe dans
l'intense période de stress que nous vivons.
Réduire la décision du retour à l'école à un
accord ou non de la Santé publique, alors que nous
avons au visage chaque jour que des critères de
base de santé publique ne peuvent être appliqués
dans les CHSLD par manque de personnel, ne donne
pas confiance que les choses sont prises en main.
Ni Legault, ni le directeur de la Santé publique
ou la ministre de la Santé et des services sociaux
n'ont nommé les mesures qui ont été prises dans
les écoles depuis qu'elles sont fermées, ni celles
devant être prises à leur réouverture. Ce n'est
pas pour rien qu'une pétition demandant que
l'école n'ouvre pas avant plusieurs semaines,
lancée le 10 avril, a recueilli près
de 185 000 signatures en 4 jours.
Des mesures doivent donc être prises pour assurer
la santé des travailleurs de l'éducation et celle
de leurs élèves. Travailler dans une école, c'est
avoir toute une série d'interactions
sociales : enseignants, élèves, secrétaires,
agents de sécurité, éducateurs, ouvriers et
concierges, bibliothécaires, personnel de la
cafétéria, etc. Toutes ces personnes, avant même
de mettre le pied à l'école le matin, ont eu des
contacts avec d'autres gens.
Les enseignants et leurs collègues réfléchissent
aussi à leur retour en classe. Une des leçons
qu'ils tirent de la pandémie, c'est qu'on ne peut
pas retourner au statu quo. Les enseignants
portent le système d'éducation public à bout de
bras depuis plus de 20 ans. Ils prennent leur
responsabilité sociale et exigent d'avoir leur mot
à dire concernant les conditions de réouverture
des écoles.
On doit se rappeler que la crise dans le réseau
de l'éducation date de bien avant la pandémie.
Depuis des années, les enseignants demandent la
réduction du ratio enseignants-élèves, que le
nombre d'heures des infirmières, travailleurs
sociaux, éducateurs, psychologues et autres, y
compris ceux qui se consacrent au nettoyage et à
l'assainissement, soit suffisant dans chaque école
pour répondre aux besoins de leurs élèves. De
telles demandes, en plus d'instaurer un climat
d'éducation sain pour l'esprit, contribuent, on le
voit maintenant, à prévenir la transmission
d'infections.
Les personnes qui vivent
dans les écoles sont témoins et victimes de la
dégradation de l'hygiène publique depuis plus
de 20 ans d'offensive antisociale. On peut
citer l'exemple récent de présence de plomb dans
l'eau des robinets, de moisissure, de
questionnement quant à la qualité de l'air, etc.
Ceci, couplé avec la diminution du nombre d'heures
allouées à la maintenance, fait que les écoles
sont des nids fertiles pour la propagation de
maladies. Par exemple, le ministère de la Santé et
des Services sociaux a publié en 2015 les
critères d'entretien de surfaces et des objets
d'une école. [1]
À titre d'exemple, les bureaux, tables de travail,
claviers et souris d'ordinateurs partagés doivent
être nettoyés à la fin de chaque journée. Dans la
réalité de beaucoup d'écoles, les bureaux de
classe ne sont nettoyés qu'une fois par année et à
peine plus souvent en ce qui concerne le matériel
informatique ! Ce qui est encore plus
inquiétant, c'est que ni la ministre de la Santé
ni le directeur de la Santé publique du Québec
n'aient exercé leur autorité, le 10 avril et
depuis, en informant la population sur ce qu'ils
comptaient faire pour que les exigences d'hygiène
et de distanciation sociale soient respectées
concrètement dans les écoles.
Monsieur Legault, en rouvrant les écoles, vous
déclarez que les travailleurs de l'éducation sont
des travailleurs essentiels. Très bien. Soyez
alors avisé qu'il n'est pas question que les
enseignants mettent leur santé ou celle de leur
famille à risque. Partant du principe que les
enseignants et le reste du personnel des écoles
doivent être au coeur des conditions de
réouverture des écoles, voici quelques mesures qui
devraient être prises pour être cohérent et
responsable en cette période de pandémie :
- Mesures de distanciation sociale : il y
a 1 210 699 élèves répartis
dans 2 725 établissements d'enseignement
publics au Québec. Ce qui représente une moyenne
de 444 élèves par établissement. Des écoles
primaires en ont jusqu'à 1 600, et des
écoles secondaires jusqu'à 2 700. Cela ne
tient pas compte du personnel enseignant et non
enseignant qui oeuvre dans ces écoles. Il faut
donc envisager les ressources humaines et
physiques pour s'assurer de respecter le 2
mètres de distance.
- Horaires différents pour avoir moins d'élèves
en classe (un bureau de distance entre chacun) et
circulant dans l'école. Favoriser l'entrée à
l'école avec station sanitaire par une porte et la
sortie par une autre.
- Application des mesures d'hygiène
publique : présence de personnel de
maintenance avec équipement adéquat dans chaque
classe, puisqu'on ne retrouve des lavabos avec du
savon que dans les toilettes.
- Support psychologique pour les élèves, car nos
élèves sont sous stress depuis des mois et doivent
avoir accès sur place aux personnes ressources.
- Transmission de l'information dans la langue de
nos élèves issus de l'immigration récente.
- Tests de dépistage réguliers aux intervenants
et aux élèves.
- Accès aux services de garde pour le personnel
des écoles.
- Prévision des mesures pour le transport en
commun, puisque l'achalandage y augmentera. Même
chose pour le transport adapté, pour les élèves
avec un handicap.
Geneviève Royer est dirigeante du Parti
marxiste-léniniste du Québec et enseignante au
secondaire depuis plus de 25 ans.
Note
1. Prévention
et
contrôle
des infections dans les services de garde et
écoles du Québec - annexe 4, MSSS
Cet article est paru dans
Numéro 22 - 17 avril 2020
Lien de l'article:
Quels
critères doivent déterminer si les écoles
rouvrent ou non? - Geneviève Royer
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