Numéro 49
27 octobre 2022
Non à toute intervention militaire étrangère en Haïti
La dignité du peuple
haïtien
ne peut être piétinée
• Haïti main dans la main avec Maman Afrique
• Report du vote du Conseil de sécurité sur l'invasion d'Haïti
• L'« assistance » canadienne et américaine en Haïti, une autre invasion sous couvert d'assistance
Notre sécurité est dans la lutte pour les droits de toutes et tous
• Contestation
judiciaire de l'Entente de tiers pays sûrs
examinée par la Cour suprême
Entrevue
• Comment l'Entente
sur les tiers pays sûrs mine les droits
des réfugiés aux États-Unis et au Canada
Non à toute intervention militaire étrangère en Haïti
La dignité du peuple haïtien ne peut être piétinée
« Non à l'intervention militaire étrangère en Haïti ! », « Non au Core Group ! », « Liberté, liberté, liberté pour les Haïtiens ! », a scandé une des organisatrices de la marche le samedi 22 octobre à Montréal. Rassemblés devant le bureau de Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada, les manifestants ont dénoncé le plan ourdi par les pays étrangers, dont le Canada et les États-Unis, d'envahir Haïti sous le prétexte d'y apporter de l'aide.
Tour à tour, dans un feu roulant, les intervenants ont rappelé pendant près d'une heure leur triste expérience de la présence des forces militaires étrangères dans leur pays. Les crimes commis par celles-ci sous le diktat des États-Unis, du Canada, de la France et de l'ONU contre le peuple haïtien sous occupation militaire sont frais dans leur mémoire : les viols de femmes, de jeunes filles et d'enfants, la traite d'êtres humains, la MINUSTAH qui a introduit le choléra qui revient aujourd'hui, le pillage des maisons et tant d'autres crimes.
Les intervenants ont dénoncé la fraude des discours du gouvernement Trudeau qui parle des droits de la personne, qui est promue ici et qu'ont appris à connaître les Haïtiens venus vivre au Québec et au Canada. La fraude se voit dans le fait que le Canada nie ces droits au peuple haïtien en Haïti. Les Haïtiens sont aussi des êtres humains à part entière comme les Canadiens, ont-ils dit. Ils ont rendu hommage à leurs ancêtres et au héros national Dessalines qui a établi un Haïti libre où les êtres humains sont égaux, mettant fin à l'esclavage.
Ils ont dénoncé également la corruption et le financement des gangs de rue par de riches familles haïtiennes et d'autres qui maintiennent le chaos dans le pays. Ils ont réitéré leur demande pour la fin de toute intervention militaire avec ou sans l'ONU et affirmé le droit inaliénable du peuple haïtien de défendre sa souveraineté et son droit de décider de sa destinée.
Pendant près de 2 heures les manifestants ont poursuivi leur
action en marchant dans les rues de Montréal scandant des
slogans en appui à la juste lutte de résistance du peuple
haïtien : « Non à la corruption ! Non au Core Group ! Non à
toute intervention étrangère ! Non à l'occupation ! Assez, c'est
assez ! » et bien d'autres dénonçant le sale rôle du
gouvernement canadien. Ils se sont rendus devant les bureaux du
premier ministre Justin Trudeau où ils ont rapporté que des
manifestations similaires se sont tenues aux États-Unis, en
Martinique, au Bénin et en Haïti. Ils ont ensuite repris leur
marche de retour vers le bureau de Mélanie Joly où les
organisateurs ont annoncé qu'ils poursuivraient leurs actions
dans les prochaines semaines.
(Photos ; LML)
Haïti main dans la main avec Maman Afrique
Une manifestation a eu lieu à Ottawa le vendredi 21 octobre dans l'après-midi devant l'ambassade de France au Canada où les revendications nettement anti-impérialistes et anticolonialistes se sont fait entendre. Le rassemblement a été appelé pour appuyer les luttes des peuples, plus particulièrement des peuples d'Afrique contre le néocolonialisme français et contre toute ingérence étrangère en Haïti. Les gens présents ont scandé leur opposition à la présence française en Afrique et ont exigé que les forces militaires françaises quittent leurs pays, que cessent le pillage de leurs ressources naturelles ainsi que le maintien de mercenaires et de groupes terroristes. Le sentiment exprimé tant pour l'Afrique que pour Haïti était que ce sont les peuples qui sont souverains, qu'ils doivent être les décideurs, qu'ils doivent prendre le contrôle de leur destin et qu'ils le feront.
Les manifestants ont dénoncé les
récents développements en Haïti, où des forces internationales,
dont le Canada et les États-Unis, s'ingèrent à nouveau sous
prétexte qu'ils ont été invités par Ariel Henry et que le but
serait de combattre les gangs qui sévissent en Haïti, alors que
le but premier est de réprimer le mouvement du peuple haïtien
qui manifeste massivement depuis plusieurs semaines contre la
pauvreté, l'insécurité alimentaire, l'inflation galopante, les
pénuries de combustible, les enlèvements et les tueries. Il a
été souligné que si les gangs et les armes existent en Haïti,
c'est grâce aux États-Unis. Il y a eu recrudescence du mouvement
populaire le 10 octobre suite à l'appel du gouvernement à
l'intervention étrangère, alors que le peuple exige la démission
du premier ministre Ariel Henry imposé par l'étranger et
s'oppose à toute intervention étrangère. Des propositions
concrètes sont mises de l'avant dont celle de former un
gouvernement de transition permettant de trouver des solutions à
la crise politique qui secoue le pays, des solutions qui sont
favorables au peuple.
Un représentant du PCC(M-L) a pris la parole devant l'ambassade
de France. Il a salué les luttes des peuples du monde, en
particulier le courage et la ténacité du peuple haïtien à
trouver des solutions à la crise qui sévit, en commençant par le
départ d'Ariel Henry et la fin de toute ingérence étrangère dans
les affaires d'Haïti. Il a condamné le rôle accru du
gouvernement canadien au service des États-Unis, comme son rôle
au sein du Groupe de Lima qui cherche à mobiliser les pays de
l'Amérique latine contre le Venezuela. À l'ONU, le premier
ministre du Canada a été le premier à se faire le porte-parole
d'une nouvelle intervention militaire en Haïti, au nom de « la
stabilité, la sécurité et la prospérité », en dépit du fait
qu'en 2004 le gouvernement canadien a joué un rôle de premier
plan dans l'enlèvement de Jean-Bertrand Aristide, le président
dûment élu par le peuple haïtien, et dans les élections
frauduleuses qui ont suivi alors que le parti Fanmi Lavalas
d'Aristide a été interdit.
Après avoir manifesté devant l'ambassade française pendant deux
heures, tout le monde s'est rendu à la Colline parlementaire, en
passant par l'ambassade des États-Unis.
(Photos: Afrikayita)
Report du vote du Conseil de
sécurité
sur l'invasion d'Haïti
Le 18 octobre, le Conseil de sécurité des Nations unies a reporté l'examen d'une résolution autorisant l'intervention de forces étrangères en Haïti.
L'équipe Haïti-Amérique de l'Alliance noire pour la paix (ANP) a déclaré : « Nous saluons la décision des représentants chinois et russes au Conseil de sécurité de s'élever contre la pression exercée par les États-Unis et le Mexique en faveur d'une autre invasion militaire étrangère en Haïti. Nous notons également, avec inquiétude, que l'appel à une force armée 'non onusienne', sans aucune surveillance ou contrôle, pour envahir Haïti est extrêmement imprudent, et démontre le mépris de l'Occident et de ses sous-fifres pour le peuple haïtien. Le peuple haïtien ne veut pas d'une autre intervention étrangère dirigée par les États-Unis ; il veut affirmer sa souveraineté et mettre fin à l'ingérence impérialiste dans son pays. »
La crise en Haïti est le résultat de l'exploitation et de l'oppression étrangères, ainsi que de l'intervention. La France a d'abord exploité Haïti jusqu'à la moelle, puis les États-Unis sont intervenus à plusieurs reprises pour s'approprier le pays. Les États-Unis, le Core Group, qui comprend le Canada, aligné sur le Mexique, la République dominicaine et maintenant des membres du CARICOM, prétendent que leur intervention prévue est « humanitaire ». Le peuple haïtien, lui, affirme clairement que ce n'est pas le cas. L'invasion que ces forces planifient n'est pas conçue pour servir le peuple haïtien et appuyer ses demandes de souveraineté sur ses propres affaires, mais pour soutenir le gouvernement fantoche illégitime et criminel qu'ils ont eux-mêmes installé.
L'« assistance » canadienne et américaine en Haïti, une autre invasion sous couvert d'assistance
La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly,
dirige une réunion sur Haïti, aux côtés du secrétaire d'État
américain, Anthony Blinken.
Des avions militaires canadiens et américains ont atterri en Haïti pour livrer du matériel militaire à la police nationale haïtienne, le 15 octobre 2022. Ces avions ont été précédés par l'arrivée de la Garde côtière américaine dans les eaux haïtiennes trois jours plus tôt. Comment une telle présence militaire étrangère en Haïti peut-elle être justifiée au regard du droit international ? Certains ont répondu à cette question en soulignant que le gouvernement haïtien lui-même a demandé une intervention militaire. Mais voici le problème : cette demande de présence militaire étrangère en Haïti est illégale, car l'article 236.1 de la Constitution haïtienne interdit clairement la présence d'une armée étrangère sur le sol haïtien. L'illégalité de la demande est d'autant plus évidente quand on considère qu'il n'y a pas de gouvernement légitime en Haïti.
Le premier ministre de facto d'Haïti, Ariel Henry, est membre du parti PHTK fondé par l'ancien président frauduleusement élu Michel Martelly. Le PHTK s'est livré au pillage de fonds publics, à la dépossession des agriculteurs haïtiens et à des massacres sanctionnés par l'État selon un rapport d'avril 2021 de l'International Human Rights Clinic de la Faculté de droit de Harvard. Ariel Henry a été nommé par Jovenel Moïse, également un président frauduleusement élu dont le mandat avait expiré depuis des mois lorsqu'il a été assassiné le 7 juillet 2021. L'ancien président Michel Martelly et Ariel Henry sont tous deux soupçonnés d'être impliqués dans le meurtre de Jovenel Moïse . Ariel Henry agit en tant que premier ministre d'Haïti depuis juillet 2021 et doit sa désignation à cette fonction au Core Group, une coalition d'ambassadeurs étrangers (avec des représentants des États-Unis, du Canada, de la France, de l'Espagne, de l'Allemagne, du Brésil, de l'ONU et de l'OÉA) qui dirigent efficacement les affaires d'Haïti (derrière des marionnettes sélectionnées) depuis le renversement de Jean Bertrand Aristide, élu démocratiquement en 2004. Bien que Ariel Henry bénéficie toujours du soutien du Core Group, il n'a jamais été approuvé comme premier ministre par le Parlement haïtien comme l'exige la Constitution haïtienne.
Ignorant les considérations constitutionnelles et juridiques, le 9 octobre, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a répondu à la demande d'intervention militaire d'Ariel Henry en soumettant au Conseil de sécurité une lettre présentant des options pour un soutien renforcé à la sécurité d'Haïti. Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU a eu lieu le 17 octobre pour discuter de cette lettre et de la question d'Haïti. En prévision de cette réunion du Conseil de sécurité, le comité de rédaction du Washington Post a décidé d'aller de l'avant et de publier un article d'opinion se félicitant d'une prochaine intervention militaire internationale en Haïti. Après avoir laissé entendre que cette force aiderait à promouvoir la démocratie dans le pays, l'article reconnaît qu'une telle perspective n'est pas à prendre à la légère, compte tenu de l'histoire de la MINUSTAH, la dernière force d'intervention dirigée par l'ONU. La MINUSTAH a commencé en 2004 et a pris fin en 2017 après une série d'exécutions extrajudiciaires, de scandales d'abus sexuels et l'introduction d'une épidémie de choléra dans le pays.
Ce que le comité de rédaction du Washington Post oublie de mentionner, c'est qu'en ce moment, il y a déjà une présence de l'ONU en Haïti qui s'appelle le BINUH. Ce bureau des Nations unies en Haïti existe depuis 2019 et a pour mandat d'aider le gouvernement haïtien à mettre en oeuvre des réformes démocratiques. Il y a eu des critiques du BINUH pour son soutien perçu au parti PHTK et au président contesté Jovenel Moïse avant son assassinat. Avant les échecs de la MINUSTAH et du BINUH en Haïti, il y a eu au moins huit missions internationales de maintien de la paix qui ont totalement échoué à instaurer la démocratie en Haïti. Des soldats de l'ONU ont été accusés de violer, de réprimer et même de tuer des civils haïtiens innocents.
Cette tendance arrogante à ignorer les causes profondes des manifestations haïtiennes se reflète dans la récente publication par le Globe and Mail d'un article d'opinion appelant à placer Haïti sous le contrôle de l'ONU, qui peut être résumé comme un exemple parfait de ce qu'est le complexe du sauveur blanc.
Dans une interview accordée à France 24, l'économiste haïtien Camille Chalmers explique que les interventions étrangères ont aggravé la crise sociétale en Haïti en affaiblissant les institutions étatiques et en augmentant la dépendance du pays envers les entités étrangères. Il a décrit les appels à l'intervention étrangère comme une instrumentalisation du dernier soulèvement dans les rues d'Haïti. Selon Camille Chalmers, ces appels visent à légitimer les pouvoirs autocratiques et étrangers en Haïti. Ce qui reste du Sénat haïtien a demandé que la demande d'Ariel Henry soit reportée. Plusieurs organisations, dont des syndicalistes et d'anciens soldats de l'armée haïtienne, ont qualifié la demande d'Ariel Henry de haute trahison. Des groupes militants de la nation caribéenne ont dénoncé cette demande et ont appelé à la mobilisation populaire contre le gouvernement de facto et contre l'ingérence étrangère. Dans les rues de plusieurs grandes villes haïtiennes, les manifestants portent des pancartes « À bas le Core Group ». Le BSA (Bureau de suivi de l'Accord de Montana), membres du comité de suivi du groupe de l'accord de Montana qui a travaillé à l'élaboration de solutions haïtiennes aux problèmes sociaux, politiques et économiques du pays, ont condamné la demande d'Ariel Henry d'une intervention militaire étrangère comme étant inconstitutionnelle.
Sans se laisser décourager par l'opposition haïtienne à l'aide qu'ils insistent à offrir, la ministre des Affaires étrangères du Canada, la ministre de la Défense nationale du Canada, le secrétaire d'État américain et le secrétaire américain à la Défense ont publié une déclaration conjointe le 15 octobre qui donne l'explication suivante sur leur présence militaire en Haïti ce jour-là :
« Aujourd'hui, des avions militaires américains et canadiens sont arrivés à Port-au-Prince, en Haïti, pour transporter de l'équipement de sécurité essentiel, acheté par le gouvernement haïtien, au directeur général de la Police nationale haïtienne (PNH). Cet équipement inclut notamment des véhicules tactiques et blindés, ainsi que des provisions. La livraison de l'équipement faisait partie d'une opération conjointe impliquant des avions de l'Aviation royale canadienne et de l'armée de l'air américaine.
« Cet équipement aidera la PNH dans sa lutte contre des agents criminels qui fomentent la violence et perturbent le flux d'aide humanitaire vitale, nuisant ainsi aux efforts visant à stopper l'épidémie de choléra en Haïti. »
Après cette déclaration conjointe, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a tweeté que les États-Unis et le Canada restent déterminés à soutenir la police nationale haïtienne et que les deux pays « continueront à soutenir le rétablissement de la sécurité en Haïti ». Mais quel a été le résultat du soutien des États-Unis et du Canada jusqu'à présent ? Les États-Unis ont une très longue et sombre histoire d'ingérence dans les affaires haïtiennes. La plupart des Haïtiens connaissent bien l'occupation américaine qui a duré de 1915 à 1934 et qui, comme les événements d'aujourd'hui, a suivi l'assassinat d'un chef d'État haïtien, le président Vilbrun Guillaume Sam. Cette occupation américaine de 19 ans a entraîné le vol de la totalité de la réserve d'or nationale d'Haïti par la Citybank et la mort de milliers d'Haïtiens. Elle a également mis fin aux aspirations démocratiques sous le régime soutenu par les États-Unis. Bien que l'implication du Canada en Haïti soit beaucoup plus récente que celle des États-Unis, en ce qui concerne les objectifs déclarés de rétablissement de la sécurité ou de la démocratie, elle s'est également avérée désastreuse.
Depuis l'Initiative d'Ottawa sur Haïti en 2003 jusqu'à aujourd'hui, la politique étrangère du Canada envers Haïti a été conçue pour saboter la souveraineté de la nation noire. Le point de vue raciste selon lequel les Haïtiens sont incapables de se gouverner eux-mêmes a été adopté. Les grands médias canadiens ont tendance à assimiler les soulèvements populaires à la violence des gangs. Ils oublient de signaler que la plupart des Haïtiens ont manifesté contre les politiques néolibérales du Fonds monétaire international qui ont incité le gouvernement haïtien à supprimer les subventions sur le carburant et à augmenter le prix de l'essence. Le gouvernement canadien a construit des prisons en Haïti dont les prisonniers se sont évadés à plusieurs reprises. Il a financé et formé la police nationale haïtienne qui a été accusée de tirer sur des manifestants pacifiques et de commettre des massacres dans les quartiers pauvres de La Saline et de Bel-Air. Pourquoi le gouvernement Trudeau veut-il continuer sur cette voie ?
Très peu de journalistes canadiens ont enquêté ou rapporté sur les échecs de l'implication canadienne en Haïti. Il y a également un silence retentissant sur le rôle des compagnies minières canadiennes, dans l'exploitation des travailleurs haïtiens et le pillage des ressources naturelles d'Haïti. Les Canadiens qui veulent savoir ce qui se passe actuellement en Haïti seront induits en erreur si leurs seules sources d'information sont les grands médias américains et canadiens. Depuis quelques jours, les principaux sujets de discussion qui passent pour des nouvelles sur Haïti portent sur « la violence des gangs » et sur « les appels à une intervention internationale pour aider Haïti ». Ces points de discussion sont trompeurs, car ils masquent un certain nombre de faits embarrassants sur le rôle du Canada dans la violence sans cesse croissante que subissent les Haïtiens depuis des décennies. Un public canadien bien informé conclurait sans doute que les interventions étrangères sont un problème et non une solution en Haïti et que tous les membres du Core Group, à commencer par le Canada et les États-Unis, devraient se retirer d'Haïti.
Pour lire cet article sur le site The Canadian Files, cliquer ici.
Jennie-Laure Sully est membre du conseil consultatif de The
Canada Files. Jennie-Laure Sully est une organisatrice
communautaire à la CLES, un centre de soutien pour les femmes
et les filles exploitées sexuellement. Après avoir étudié
l'anthropologie et la santé publique, Jennie-Laure Sully a
obtenu une maîtrise en sciences biomédicales de l'Université
de Montréal. Jennie-Laure Sully a également travaillé comme
coordinatrice de recherche dans des hôpitaux et comme
assistante psychosociale dans un centre d'aide aux victimes de
viol. Elle a écrit pour The Monitor, Le journal des
Alternatives et les Nouveaux Cahiers du Socialisme.
(18 octobre 2022. Photo : U.S. Mission to the OAS)
Notre sécurité est dans la lutte pour les droits de toutes et tous
Contestation judiciaire de l'Entente de tiers pays sûrs examinée par la Cour suprême
L'Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) est, depuis le 6 octobre 2022, examinée par la Cour suprême du Canada. La ETPS est une entente entre le Canada et les États-Unis en vertu de laquelle les personnes cherchant un statut de réfugié et qui sont entrées au Canada par une frontière terrestre seront refusées. Ce refus repose sur la prémisse que les États-Unis sont un pays sûr pour les réfugiés. L'entente est entrée en vigueur en 2004 peu après le déclenchement de la guerre en Irak dirigée par les États-Unis, alors que les États-Unis ont exigé du Canada que celui-ci se munisse de mesures telles que la ETPS pour contribuer à la guerre contre le terrorisme des États-Unis. Ceux-ci prétendaient que le Canada était un refuge pour les terroristes et que c'était aux États-Unis de décider qui pouvait et ne pouvait pas entrer au Canada pour y faire une demande de réfugié.
La ETPS est contestée par Amnistie Internationale, le Conseil canadien des Églises et le Conseil canadien pour les réfugiés. Bien que ce sera la première fois que la Cour suprême du Canada examinera une contestation de la ETPS, ce n'est pas la première fois que la loi est contestée devant les tribunaux. Les deux premières fois, la Cour fédérale du Canada avait décidé que la ETPS était en violation des droits des réfugiés demandeurs garantis par la charte, mais la Cour fédérale d'appel a renversé ces décisions pour des raisons techniques. La ETPS engendre un grand nombre d'horribles conséquences pour les personnes cherchant refuge, et elle doit être abrogée.
Voici un sommaire de la contestation tel que publié par la cour :
« Depuis l'entente de 2004 entre le Canada et les États-Unis, communément appelée Entente sur les tiers pays sûrs, les États-Unis ont été désignés tiers pays sûr, au titre de l'art 159.3 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002 227. Par conséquent, les demandeurs arrivant à un point d'entrée terrestre canadien en provenance des États-Unis sont considérés comme irrecevables à présenter une demande d'asile au Canada, en application de l'al. 101(1)e) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c 27. Les individus appelants font partie de ces demandeurs qui ont été considérés comme irrecevables. Les appelants, ABC et ses enfants, sont originaires du Salvador, ils demandent l'asile en raison de la violence des gangs et de la persécution fondée sur le sexe. Les appelants Homsi/Al Nahass sont des membres d'une famille musulmane syrienne qui a quitté les États-Unis après l'instauration de la première mesure d'interdiction de voyager par le gouvernement américain. L'appelante, Mme Mustefa, est une femme musulmane originaire d'Éthiopie qui a été détenue après sa tentative d'entrer au Canada en provenance des États-Unis. Les organisations appelantes ont obtenu le droit de participer aux demandes en tant que parties intéressées. Les appelants contestent collectivement le défaut du gouvernement canadien de revoir la désignation actuelle des États-Unis au titre de l'article 159.3 du Règlement qui rendrait cette disposition ultra vires et non conforme aux par. 102(2) et 102(3) et à l'al. 101(1)a) de la Loi. Ils font aussi valoir que la désignation et leur irrecevabilité à demander l'asile violent les droits que les articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés leur garantissent et ne sont pas justifiées au titre de l'article premier.
« La Cour fédérale a rejeté l'argument fondé sur le caractère ultra vires, mais a jugé que l'art. 159.3 du Règlement et l'al. 101(1)e) de la Loi violaient l'art. 7 de la Charte et n'étaient pas justifiés au regard de l'article premier. Cette cour a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'examiner si les dispositions violaient aussi l'art. 15. La Cour d'appel a accueilli l'appel, a rejeté l'appel incident sur le fondement du caractère ultra vires et des questions relatives à l'art. 15, a annulé les décisions de la Cour fédérale et a rejeté les demandes de contrôle judiciaire. »
(empoweryourselfnow.ca, 6 octobre 2022)
Entrevue
Comment l'Entente sur les tiers pays sûrs mine les droits des réfugiés aux États-Unis et au Canada
Dans cet entretien avec Laura Chesnik, Alex Vernon, avocat spécialisé en immigration à Détroit, au Michigan, parle de l'effet de l'Entente sur les tiers pays sûrs sur les personnes qu'il représente et des défis auxquels sont confrontés ceux qui se présentent à la frontière canadienne pour demander le statut de réfugié. Il parle également des procédures de l'audience de la Cour suprême du Canada où l'entente est contestée.
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
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