Numéro 38 - 24 juillet 2023
Vingt-quatrième semaine de la grève à Sel Windsor
Il y a une entente de principe
Rassemblement des travailleurs de Sel
Windsor à l'hôtel de ville, 29 juin 2023
• Les travailleurs du sel examineront avec sérieux l'entente de principe
Information sur la production de sel dans les Amériques
• La production du sel aux Îles-de-la-Madeleine
• Un gisement de sel inexploité à Terre-Neuve-et-Labrador
• Le contrôle de la production de sel dans les Amériques par Stone Canyon
• Stone Canyon, les clauses «Buy America» et le Canada
Vingt-quatrième semaine de la grève à Sel Windsor
Il y a une entente de principe
Le 20 juillet, les unités de négociation des sections locales 240 et 1959 d'Unifor ont annoncé qu'elles avaient conclu une entente de principe avec l'employeur, Stone Canyon Industries Holding Inc., au troisième jour de médiation.
L'entente sera soumise au vote des membres le mercredi 26 juillet pour les trois unités de négociation. La section locale 240 représente les employés de bureau et de laboratoire de la mine Ojibway et des usines d'évaporation et les deux unités de la section locale 1959 représentent les travailleurs de la mine et de l'usine d'évaporation. Près de 250 travailleurs syndiqués sont en grève aux deux endroits.
Les piquets de grève sont toujours en place aux deux installations. Les personnes qui le peuvent sont encouragées à continuer à se rendre sur les lignes de piquetage pour montrer leur soutien.
Les travailleurs du sel examineront avec sérieux l'entente de principe
Rassemblement du Premier Mai sur la ligne de piquetage à Sel
Windsor
Alors que les travailleurs de Sel Windsor se préparent à évaluer l'accord de principe que leur comité de négociation et l'entreprise ont conclu, ils prendront en considération avec sérieux plusieurs éléments avant de voter. Au cours de leur grève qui dure maintenant depuis plus de cinq mois, ils ont fait face à un cartel mondial qui a montré son intention de détruire leur syndicat afin de pouvoir traiter arbitrairement la main-d'oeuvre d'une manière qu'il considère comme la plus rentable. L'entreprise a utilisé son monopole sur l'extraction et le traitement du sel en Amérique du Nord pour continuer à remplir les commandes tandis que les travailleurs de Windsor étaient en grève et soumis à la pression d'abandonner la bataille.
Pendant plus de cinq mois, les travailleurs ont tenu bon et ont défendu la dignité du travail – la leur et celle de tous les travailleurs canadiens et québécois qui doivent faire face à la destruction nationale au nom de bons emplois et d'une économie forte. Des agents de sécurité d'agences privées ont été utilisés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour harceler et intimider les travailleurs dans le but de provoquer des incidents que l'entreprise a ensuite essayé, de façon lamentable, de mettre sur le dos des travailleurs afin de diviser leurs rangs et de les couper de la communauté. Des enquêteurs d'agences privées ont été engagés par on ne sait qui pour intimider les travailleurs à leur domicile, en faisant miroiter une récompense de 50 000 dollars de l'entreprise pour toute information sur un prétendu incident dont l'entreprise insinuait que le syndicat était responsable. Malgré toutes les difficultés, les travailleurs ont tenu bon et ont défendu leurs principes et leurs droits.
Les travailleurs savent parfaitement que l'entreprise n'abandonnera pas ses coups bas maintenant qu'il y a une entente de principe, qu'elle soit adoptée ou non. Leur propre expérience et ce qu'ils ont appris d'autres travailleurs qui ont eu affaire avec Stone Canyon Industries Holdings Inc. le montrent clairement. L'enjeu auquel ils sont confrontés aujourd'hui est de déterminer où est leur sécurité et comment renforcer leur unité et leur organisation alors qu'ils discutent de l'entente de principe et décident de l'accepter ou de la rejeter.
La propagande veut que lors d'une grève ou d'une médiation, les deux parties ne soient pas satisfaites et que ce soit le résultat naturel d'un processus dans lequel les deux parties doivent faire des compromis, être flexibles, être prêtes à faire des concessions. On dit que c'est ainsi que le régime des relations du travail maintient la paix industrielle. Or, aujourd'hui les relations du travail ne sont plus basées sur la « négociation de bonne foi » qui était considérée comme une mesure d'équité.
Aujourd'hui, des intérêts privés supranationaux étroits recherchent des profits énormes en utilisant leur contrôle des pouvoirs décisionnels dans différents pays, au niveau des États, des provinces et des municipalités. Ils ne négocient pas, ils dictent et détiennent toutes sortes de pouvoirs sur les travailleurs pour les priver de ce qui leur appartient de droit, comme leurs réclamations sur la valeur ajoutée qu'ils produisent par leur travail. Les travailleurs sont également très préoccupés par les lieux de production, leur rôle et leur nécessité pour l'édification nationale. La nécessité d'humaniser l'environnement naturel et social est également un sujet de préoccupation. Les tactiques de négociation de l'employeur fondées sur les menaces et les manoeuvres pour provoquer des grèves ou des lockouts afin de manipuler la situation et créer des divisions entre les travailleurs et la communauté peuvent et doivent être combattues. La sécurité des travailleurs ne réside pas dans une convention collective en tant que telle, mais dans leur lutte pour leurs droits et les droits de toutes et de tous.
Quelle que soit la décision des travailleurs, elle est basée sur ce qui peut être accompli à tout moment, mais ce n'est pas la fin d'une lutte, c'est un nouveau départ, un nouveau point de départ dans la lutte des travailleurs pour leurs droits et les droits de toutes et tous. Dans ces circonstances très difficiles et dans une situation où les gouvernements font partie intégrante des cartels plutôt que d'intervenir au nom du peuple, il est très important que les travailleurs évaluent calmement leur position et prennent la décision qui favorise leurs intérêts. Ils ne sont pas là pour prendre parti pour ou contre une entente parce c'est le meilleur qu'ils puissent obtenir et le résultat d'une médiation, mais pour évaluer s'il résout le conflit actuel d'une manière qui leur est favorable.
Les travailleurs du sel ont lutté avec dignité et nous ont tous fait honneur en refusant de se soumettre au diktat antisyndical et aux sales tactiques de l'entreprise. Le régime des relations du travail a permis à l'entreprise d'obtenir des injonctions contre les actions de grève et de poursuivre ses activités tandis que les travailleurs étaient dénigrés et criminalisés pour avoir défendu leurs intérêts. Au cours de la grève, 12 travailleurs ont fait face à des accusations criminelles dont les travailleurs demandent l'abandon. En même temps, l'entreprise ne subit aucune conséquence pour tous ses coups bas. Elle a pu se retirer des négociations sur un coup de tête, privant les travailleurs de revenus, et cela est considéré comme normal. Mais les travailleurs ont dit non, ce n'est pas acceptable et ils ont tenu bon. Ils ont rejeté l'intimidation et l'extorsion.
Tout au long de leur lutte et à chaque tournant, les travailleurs ont renforcé leur détermination à tenir bon parce qu'ils savent que leur cause est juste, qu'elle est nécessaire. Leur avenir et celui de leurs familles, de leurs communautés et de leur pays dépendent de l'existence de leur organisation syndicale et de leur force politique, et seuls les travailleurs, par leurs actions, peuvent y parvenir. Leur résistance au diktat et à l'impunité de l'entreprise a fait que, jour après jour, les actions de l'entreprise n'ont pas pu être cachées. Leur résistance a encouragé d'autres personnes à se joindre à eux, comme les enseignants, les travailleurs du secteur de l'éducation et des travailleurs de nombreux secteurs de l'économie. L'unité et le soutien exprimés par leurs camarades travailleurs du sel était aussi inestimable. Tout cela a également démoli la désinformation officielle et le silence du gouvernement sur la nécessité de défendre les emplois réels des travailleurs. Le gouvernement distribue des milliards de fonds publics pour l'exploitation de minéraux critiques au nom de la croissance économique et de la création de bons emplois, alors que les bons emplois existants dans l'exploitation de minéraux critiques comme le sel sont impitoyablement éliminés.
Le fait qu'il appartient aux travailleurs de s'assurer que les ressources canadiennes sont utilisées à l'avantage des travailleurs, de leurs familles, de leurs communautés et de leur pays, en harmonie avec les revendications des nations autochtones sur leurs terres et la nature, est devenu évident au cours de cette grève. Les travailleurs ne peuvent pas se permettre d'abandonner la défense de leurs droits face aux tentatives de les désorganiser et de les marginaliser. Ceci est d'autant plus important que les travailleurs de l'automobile d'Unifor vont bientôt entamer des négociations avec les Trois Grands de l'automobile et les gouvernements sur la manière dont l'électrification de l'industrie automobile se fera et qui en bénéficiera. La résistance des travailleurs du sel nous a beaucoup appris et beaucoup ont été inspirés et encouragés par cette résistance.
Au cours de leur grève, les travailleurs de la mine de sel ont ouvertement discuté ce que leur expérience leur apprenait. Ils ont été guidés par les conclusions qu'ils ont tirées et ils ne manqueront pas de faire de même lorsqu'il s'agira d'évaluer l'entente de principe et de décider de la manière de voter.
Information sur la production de sel dans les Amériques
La production du sel aux Îles-de-la-Madeleine
Mine de sel Seleine aux Îles-de-la-Madeleine
Empower Yourself Now s'est entretenu avec des
travailleurs de la mine Seleine aux Îles-de-la-Madeleine, au
Québec. Ces travailleurs ont suivi de près la grève des mineurs
de sel et des travailleurs de Windsor, en Ontario, et ont
exprimé leur soutien. EYN donne un aperçu de ce qu'ils ont dit
au sujet des mines Seleine, des Îles-de-la-Madeleine et de leur
économie.
La mine Seleine
La mine de sel de gemme aux Îles-de-la-Madeleine située au coeur du golfe du Saint-Laurent est connue sous le nom de mine Seleine. Le chlorure de sodium de cette mine est pur à 95 % et il s'agit de la seule mine de sel au Québec, produisant tout le sel de voirie pour la province. La mine Seleine fournit aussi du sel de voirie à d'autres régions des maritimes telles que Terre-Neuve, ainsi que la côte est des États-Unis et la France. Sept gisements de sel ont été trouvés sur les Îles-de-la-Madeleine par la Société québécoise d'exploration minière en 1972. Ces gisements portent le nom de dômes de sel puisqu'ils sont très proches de la surface. Des sept gisements, celui qui est le plus près de la surface est situé à Grosse Île, où se trouve la mine Seleine, quelque 30 mètres sous la terre. Cette mine génère près de 15 millions de dollars par année pour les îles.
La mine Seleine a ouvert en 1982 grâce à un investissement gouvernemental de 125 millions de dollars. Elle a été vendue en 1988 à la Canadian Salt Company (Sel Windsor) pour la somme de 35 millions[1]. Une des conditions de cette vente était que le siège de Sel Windsor devait déménager de Toronto au Québec. Elle a ensuite été acquise par le conglomérat minier européen K+S Americas, qui l'a intégrée au monopole Morton Salt. En 2021, Morton Salt a été acheté par Stone Canyon Industries Holdings Inc. (SCIH). Depuis que SCIH a acheté la mine Seleine, quatre travailleurs ont été congédiés et le directeur de la mine a été remplacé.
La mine emploie près de 200 travailleurs à la production ainsi que des ingénieurs et techniciens de laboratoire. Ils produisent plus de 1 300 000 tonnes métriques de sel de gemme par année. La mine fonctionne avec deux quarts horaires sur une période de 24 heures : un quart de jour de 8 h à 18 h et un quart de nuit de 20 h à 6 h. Les deux heures au bout de chacun de ces quarts sont réservées au dynamitage. La convention collective actuelle des travailleurs de la mine Seleine arrive à échéance à l'automne 2024 et les travailleurs, qui sont membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Mines Seleine de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), suivent de près les développements à Windsor, en Ontario, afin de se préparer aux batailles qui les attendent.
Une de leurs principales préoccupations est l'érosion de leurs salaires due aux taux d'inflation élevé. Les travailleurs du sel à Windsor ont une clause du coût de la vie dans leur convention collective actuelle qui fait en sorte que leurs salaires augmentent au rythme du coût de la vie. Il n'y a pas de telle clause dans la convention collective des travailleurs à la mine Seleine, mais c'est une mesure que ceux-ci aimeraient bien avoir face aux conditions qu'ils vivent. Ils rappellent que l'entreprise peine à retenir son personnel en raison des longues heures qui empêchent les jeunes travailleurs de passer du temps avec leur famille.
En août 2020, avant son acquisition par SCIH, avec l'appui financier du gouvernement du Québec, Sel Windsor a formé un partenariat avec Canada Steamship Lines (CSL) pour commander un nouveau navire diesel-électrique avec une capacité d'auto-chargement de pointe, le MV Nukumi. Selon CSL, le navire a été conçu pour « répondre aux besoins de Sel Windsor de livrer du sel de déglaçage à partir de Mines Seleine aux Îles-de-la-Madeleine aux réserves à Montréal, à la ville de Québec et à d'autres destinations au Québec et à Terre-Neuve ».
Le nouveau navire est entré en service en mai 2022.
L'automatisation a réduit le temps de chargement et le nombre de
travailleurs requis pour charger le sel de la mine — des
capteurs et des machines sont utilisés pour charger uniformément
le navire au lieu de devoir déplacer le navire pendant le
chargement pour répartir la charge. Les travailleurs qui
s'occupent du chargement des bateaux sont à contrat. Le nouveau
navire est aussi plus rapide que les autres avant lui, peut
naviguer dans des eaux moins profondes et se dirige plus
facilement, ce qui lui permet de naviguer sur des eaux que les
navires avant lui ne pouvaient pas. Il émet moins d'émissions de
carbone en raison de son moteur diesel-électrique.
Les Îles-de-la-Madeleine et leur économie
Les Îles-de-la-Madeleine sont un archipel du golfe du Saint-Laurent qui fait partie du district d'Epegwitg aq Pigtug de la Mi'kma'ki (la nation mi'kmaq), qui les appelle Menagoesenog, ce qui signifie « les îles balayées par les vagues ». L'archipel compte sept îles habitées, dont six sont reliées par une route principale, qui s'étend sur une distance approximative de 85 kilomètres le long de la route 199. La septième île, l'Île d'Entrée, n'est plus habitée et n'est accessible que par bateau.
Les Îles-de-la-Madeleine font partie du Québec, bien qu'elles soient beaucoup plus proches des provinces maritimes et de Terre-Neuve-et-Labrador que de la péninsule gaspésienne. Elles sont situées à 700 kilomètres du Québec continental et à environ 150 kilomètres de l'Île-du-Prince-Édouard. Les Îles-de-la-Madeleine sont accessibles par avion à partir de différents points de départ jusqu'à la Dune-du-Sud ou par traversier du port de Souris à l'Île-du-Prince-Édouard, jusqu'à Cap-aux-Meules. Le voyage en traversier dure environ cinq heures.
Historiquement, les Mi'kmaq se rendaient dans l'archipel de
façon saisonnière pour y pêcher. Les îles deviendront un refuge
pour les Acadiens lors de la Grande Déportation (1755-1764)
menée par les Britanniques, qui cherchaient à éliminer
l'opposition à leur occupation de l'Acadie, peu après la prise
du fort Beauséjour lors de la Guerre de sept ans. Les habitants
des Îles-de-la-Madeleine, dont 85 % s'identifient encore
aujourd'hui comme Acadiens, sont connus sous le nom de
Madelinots.
Économie des Îles-de-la-Madeleine
La population totale des Îles-de-la-Madeleine est d'environ 15 000 personnes. L'industrie principale est la pêche aux poissons et aux crustacés, principalement le homard et le crabe des neiges. Cette industrie rapporte environ 80 millions de dollars par an à l'archipel et les marchés comprennent le Canada et le Québec. Les pêcheries emploient environ 2 000 pêcheurs, aides-pêcheurs et ouvriers d'usine. Au Québec, c'est aux Îles-de-la-Madeleine que l'on retrouve la plus grande concentration de jeunes pêcheurs. Pour les Madelinots, la pêche est un mode de vie qui se transmet de génération en génération.
La deuxième industrie en importance pour l'économie locale des Îles-de-la-Madeleine est le tourisme. Cette industrie génère environ 50 millions de dollars par année et compte 1 400 emplois directs, indirects et saisonniers, pour la plupart à temps plein. Cette industrie s'est développée depuis les années 1960 et compte aujourd'hui un peu plus de 200 entreprises touristiques. Aujourd'hui, 90 % des visiteurs viennent aux Îles-de-la-Madeleine en juillet et en août, et la saison touristique annuelle s'étend de juin à septembre.
Un autre employeur important des îles est le secteur des services sociaux. Ce secteur représente environ 1 800 emplois dans les services gouvernementaux, l'éducation et les soins de santé. C'est à Cap-aux-Meules que l'on retrouve la plus grande concentration de population de tout l'archipel des Îles-de-la-Madeleine et c'est sur cette île que l'on retrouve un hôpital, des écoles, dont un cégep, et une centrale thermique qui produit la grande majorité de l'électricité des Îles.
Note
1. « Les débuts de l'exploitation de sel aux Îles-de-la-Madeleine », Radio Canada, 15 août 2017
Un gisement de sel inexploité
à Terre-Neuve-et-Labrador
Un nouveau gisement de sel à Terre-Neuve-et-Labrador, que le propriétaire actuel Atlas Stal appelle le « Great Atlantic Salt Deposit », pourrait être un des plus importants gisements au monde. Selon la compagnie, le gisement « est stratégiquement situé au coeur du robuste marché de sel de voirie de l'est de l'Amérique du Nord, qui dépend grandement d'importations pour répondre à la demande annuelle ». Le gisement est situé dans le bassin de la baie Saint-George sur la côte ouest de Terre-Neuve, à proximité d'importantes infrastructures, dont un port en eau profonde.
Atlas Salt dit aux investisseurs que les mines de Great Atlantic et de Compass Minerals à Goderich, en Ontario, ont des similarités géographiques, bien que les gisements du Great Atlantic débutent à une profondeur moindre de 300 mètres comparativement à ceux de Goderich et que le dépôt de sel est plus dense que celui de Goderich « par ordre de grandeur ».
L'entreprise prétend que le Great Atlantic est particulièrement peu profond suivant les normes de l'industrie et les données géotechniques viennent appuyer la méthode d'accès au sel au moyen d'une rampe inclinée, « une méthode unique et à rendement élevé dans le domaine des gisements de sel en Amérique du Nord ».
Atlas est aussi le plus important actionnaire de Triple Point Resources Ltd., qui cherche à s'inscrire à la Bourse des valeurs canadiennes. Triple Point est propriétaire du seul dôme de sel de Terre-Neuve (Fischell's), situé à 15 kilomètres au sud du Great Atlantic. Fischell's est reconnue pour sa capacité de stockage souterrain d'hydrogène gazeux dans de multiples cavernes de sel, ce qui, selon l'entreprise, en fait un atout du « pôle Énergie propre » émergeant à Terre-Neuve.
Selon un article de 2021 publié sur le blogue d'investissements Bull Market Run intitulé « La nouvelle guerre du sel en Amérique du Nord », la mine de sel Atlas deviendra la cible de deux cartels qui contrôlent la production de sel au Canada : Compass Minerals et Stone Canyon Industries Holdings Inc. Compass est propriétaire de la mine de sel Sifto à Goderich, en Ontario, la plus grande mine de sel gemme au monde. Le président d'Atlas, Rowland Howe, est ancien directeur de la mine Sifto. Stone Canyon Industries Holdings Inc., est propriétaire de Sel Windsor et de ses exploitations à Windsor (Ontario), à Pugwash (Nouvelle-Écosse) et aux Îles-de-la-Madeleine (Québec).
Si un gisement de sel aussi important peut être exploité avec les techniques les plus modernes et expédié facilement, il peut constituer un atout considérable pour le Canada et le monde entier. Cependant, sous le contrôle d'intérêts privés étroits, il sera utilisé pour attaquer et même fermer la production régionale de sel dans d'autres parties du Canada en attaquant les travailleurs de ces exploitations en prétendant qu'on n'a plus besoin d'eux. On spécule déjà sur ce point : si Stone Canyon prend le contrôle du gisement de sel de l'Atlantique, il pourra alors fermer d'autres exploitations, comme celle de Pugwash, en Nouvelle-Écosse, comme il l'a fait avec son plan d'évaporation à Lindbergh, en Alberta.
Les ressources naturelles du Canada, comme le sel, doivent être exploitées dans le respect de l'environnement et des besoins du Canada et de son climat nordique. Laissées aux mains de sociétés à portefeuille qui fonctionnent comme des cartels, les ressources naturelles du Canada sont dilapidées et utilisées pour extorquer les gouvernements et les travailleurs. Une nouvelle direction de l'économie est nécessaire, dans laquelle les vastes ressources naturelles du Canada sont sous le contrôle des travailleurs et des gouvernements qu'ils forment, qui peuvent les mettre à la disposition de l'édification nationale plutôt que de la destruction nationale.
Le contrôle de la production de sel dans les Amériques par Stone Canyon
En avril 2021, lorsque Stone Canyon Industries Holdings Inc. a acheté la division K+S Americas Salt, elle a pris le contrôle d'importants gisements de sel gemme, de mines et d'installations en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, en plus de celles aux États-Unis et au Canada. Ses acquisitions comprennent des opérations au Chili, au Pérou et aux Bahamas. En juin 2023, elle en a ajouté une autre au Brésil
Bahamas
Stone Canyon possède la deuxième plus grande exploitation de sel obtenu par évaporation en Amérique du Nord, en dehors de Matthew Town sur l'île de Great Inagua, aux Bahamas, connue comme Morton Bahamas. Inagua est l'île la plus méridionale et la troisième plus grande des Bahamas, à proximité de Cuba et d'Haïti. L'installation en surface récolte le sel de mer par évaporation solaire et éolienne de 80 étangs salins et constitue le principal employeur de l'île. Elle traite environ un million de tonnes de sel par an pour différents usages, notamment le sel de voirie, les États-Unis étant son principal marché d'exportation. Elle exporte aussi du sel au Canada et dans un certain nombre d'autres pays.
Dès les années 1600, du sel était produit et expédié vers les colonies espagnoles à partir d'Inagua, et son extraction était une activité en plein essor en 1803. En 1918, après la fin de la Première Guerre mondiale, la baisse des prix du sel et la concurrence ont entraîné la faillite des petits producteurs de Great Inagua, et les étangs salins ont été abandonnés, à l'exception d'un usage local accessoire. En 1935, les frères Erickson, originaires des États-Unis, ont fondé la société West India Chemicals Ltd. en achetant les salines abandonnées au gouvernement britannique. Depuis lors, l'exploitation est la principale industrie d'Inagua. Morton Salt a racheté les installations en 1954.
En juillet 2021, trois mois près avoir repris la propriété de Morton Salt, Stone Canyon a licencié 24 cadres supérieurs de l'usine des Bahamas, réduisant le nombre d'employés par plus de 20 %. Dans un communiqué, Morton Salt déclare : « Nous pouvons confirmer que Morton Salt a pris la décision difficile de réduire le personnel de son installation de production de sel située à Inagua, aux Bahamas. Cette décision n'a pas été prise à la légère, mais après une évaluation complète de l'efficacité opérationnelle et des niveaux de production récents de notre installation, la réduction du personnel était nécessaire pour maintenir la viabilité à long terme de notre installation d'Inagua, où nous opérons depuis 1954. »
Dans une entrevue accordée à l'émission Eyewitness News, basée à Nassau, le président du Trade Union Congress, Obie Ferguson, a déclaré que les licenciements concernaient 17 membres du personnel de production et sept superviseurs, dont au moins six travaillaient pour l'entreprise depuis plus de 35 ans, et certains depuis 46 ans. À l'époque, Obie Ferguson a soulevé le fait que l'entreprise refusait de respecter la convention collective conclue avec les travailleurs, qui leur donnait droit à une indemnité de licenciement pouvant aller jusqu'à 40 semaines. Il a indiqué que Morton Salt avait déclaré qu'elle paierait jusqu'à deux semaines par an, soit un maximum de 26 semaines, pour les travailleurs qu'elle avait licenciés, au mépris de la convention collective. En outre, Morton Salt n'avait même pas notifié le syndicat des licenciements.
« Il est criminel qu'une grande entreprise multinationale ait conclu un accord avec le syndicat, supervisé dans une large mesure et partagé avec le ministre, encouragé par lui à conclure l'accord, et qu'elle ignore maintenant complètement ce qui a été convenu entre les parties, a déclaré Obie Ferguson. C'est la raison pour laquelle j'ai dit, en tant que président du Trade Union Congress, que nous régressions en tant que peuple, en tant que travailleurs. »
Les licenciements de Stone Canyon font suite aux licenciements de 11 travailleurs effectués par K+S en janvier 2021, également dans le but de maintenir la « viabilité à long terme » de l'entreprise. À l'époque, K+S avait déjà signé un contrat avec Stone Canyon pour la vente de l'entreprise.
En septembre 2021, Jennifer Brown, présidente du Bahamas Industrial, Manufacturers & Allied Workers Union (BIMAWU), a déclaré au journal bahamien The Tribune que l'exploitation manquait désormais cruellement de personnel et que l'entreprise devrait probablement embaucher de nouveaux employés pour continuer ses opérations. Jennifer Brown a déclaré : « Cette nouvelle entreprise ayant pris le relais, elle a simplement voulu réduire le personnel pour voir de combien de personnes elle avait réellement besoin. Je pense qu'ils devront peut-être réembaucher un grand nombre de personnes. C'est juste une observation générale, parce que nous avions plus de 200 employés, et maintenant nous n'en avons même plus 80, et pourtant ils s'attendent à ce que le travail soit fait. »
« Il est pratiquement impossible d'accomplir le même travail avec moins de la moitié du personnel auquel Morton Salt était habitué dans un passé récent, ce qui n'est qu'une partie du problème. Le problème, c'est que les travailleurs ne sont pas rémunérés pour cette charge de travail plus lourde. Dans chaque service, il y a des départs et des postes à pourvoir. Nous ne nous occupons donc que des choses essentielles et importantes, et le reste traîne, mais quand on s'y attelle, on s'y met », a expliqué Jennifer Brown. Elle a également souligné que les travailleurs « marchent sur des oeufs » à la suite des derniers licenciements, ajoutant que l'entretien des machines fait désormais défaut. « Les choses que nous ne faisions pas auparavant, ils demandent aux employés de les faire maintenant, et ils ne se sentent pas en sécurité. »
Chili et Pérou
La concurrence entre Stone Canyon et Compass se profile également à l'horizon au Chili. Dans son rapport annuel 2022, Compass Minerals déclare : « En 2012, nous avons acquis des droits miniers sur environ 100 millions de tonnes de ressources en sel dans le désert chilien d'Atacama. Cette estimation des ressources est basée sur une évaluation initiale. Une étude de faisabilité devra être réalisée avant que nous ne décidions de poursuivre le développement de ce projet afin de s'assurer que les ressources en sel peuvent être converties en réserves. Le développement de ce projet nécessitera des infrastructures importantes pour établir des capacités d'extraction et de logistique. Compass a présenté son acquisition chilienne comme l'une des ressources en sel de la plus haute qualité qu'elle ait trouvée, et a déclaré qu'elle « sécurise notre accès à l'une des régions minières les moins coûteuses de l'hémisphère occidental ».
Dans la province d'Iquique, au nord du Chili, Stone Canyon possède une grande mine de sel à ciel ouvert située dans la région de Tarapacá, dans le désert d'Atacama de 45 kilomètres de long et de 4 à 5 kilomètres de large. La mine de Tarapacá se trouve à 30 kilomètres de deux ports du Pacifique, Patillo I et II, qui peuvent accueillir des navires transportant jusqu'à 100 000 tonnes. L'exploitation conserve son nom d'origine, Sociedad Punta de Lobos SA (SPL). La plupart des produits salins de SPL sont commercialisés sous la marque Lobos.
SPL Salt a été fondée en 1905. Elle a ensuite changé de mains à plusieurs reprises jusqu'à ce que Stone Canyon Industries Holdings Inc. rachète en 2021 la division Americas. du monopole minier allemand K+S.
La mine de Tarapacá est peu profonde, le sel se trouvant à environ 100 mètres de profondeur. Le sel extrait est un chlorure de sodium de très haute qualité, d'une pureté de l'ordre de 99 %, ce qui signifie qu'il ne nécessite pas de traitement supplémentaire pour éliminer les impuretés. Le climat aride signifie que le sel exposé une fois extrait n'est pas perdu à cause de la dissolution par la pluie. Tous ces facteurs, ainsi que l'exploitation des mineurs chiliens, font que le Chili est considéré comme une source de sel recherchée par les monopoles en raison du coût de production relativement faible. Les réserves sont réputées immenses et certains prétendent qu'elles pourraient durer encore 5 000 ans.
Le sel de déglaçage des routes provenant de Tarapaca est principalement expédié vers la côte est des États-Unis. Une plus petite quantité de sel est transformée dans le port voisin en sel de table pour les marchés du Chili, de la Bolivie et du Pérou.
Stone Canyon possède et exploite également SPL Peru, qui sert de centre d'emballage et de distribution pour Lobos Salt dans le principal port maritime commercial du Pérou, Callao. Au total, Stone Canyon possède six centres de distribution sur la côte pacifique de l'Amérique du Sud, dont cinq au Chili, et un sur l'Atlantique, dans le nord du Brésil.
Un rapport de décembre 2022 publié par le site d'information en ligne chilien Emol fournit des informations sur les exportations de sel du Chili, qui indiquent que ses exportations ont augmenté récemment. Entre janvier et octobre 2022, les exportations se sont élevées à plus de 148 millions de dollars américains, soit une augmentation de 23,2 % par rapport à la même période en 2021. Les destinations américaines ont représenté 56,92 % de ces exportations, soit une augmentation de 12 % par rapport à l'année précédente. Le principal produit exporté vers les États-Unis est le sel de déglaçage des routes. Selon des rapports d'entreprises privées consultés par l'agence de presse, en 2020, le Chili a exporté 6 428 414 tonnes de sel, K+S (aujourd'hui Stone Canyon) se taillant la part du lion, avec 73 % du marché[1].
En 2022, au cours de la période de huit mois susmentionnée, les expéditions ont été effectuées principalement par SPL (Stone Canyon) à destination de Baltimore (1 820 051 tonnes), Newark (596 038 tonnes), Boston (351 699 tonnes) et la Nouvelle-Orléans (233 183 tonnes). Les travailleurs de Sel Windsor à Pugwash, en Nouvelle-Écosse, signalent également que, par le passé, du sel provenant d'exploitations au Chili a été expédié au Canada et mélangé à leur sel, qui est de qualité inférieure, afin qu'il puisse être vendu à une qualité supérieure.
Brésil
En juin 2023, par l'intermédiaire de sa filiale SPL Salt Chile, Stone Canyon a acquis l'exploitation brésilienne Salinas de Diamante Branco (SDB) à Galinhos, dans l'État du Rio Grande do Norte. Les opérations ont un port qui est adjacent. Le site web de SDB indique qu'il s'agit de l'un des principaux producteurs de sel du Brésil, avec une capacité de production d'environ 700 000 tonnes de sel par an. Le sel est obtenu par évaporation dans des étangs salins, puis raffiné pour produire différentes qualités de sel. Elle vend sur le marché intérieur et à l'exportation, expédiant du sel pour l'industrie, la consommation, l'agriculture et le déglaçage des routes vers d'autres pays d'Amérique du Sud, vers l'est des États-Unis, ainsi que vers des pays d'Europe et d'Afrique.
Notes
1. « Alerta en la industria de la sal : Cómo opera en Chile, sus principales actores y la amenaza en Nueva York », Munita C., Ignacio, Emol, 2 décembre 2022
Stone Canyon, les clauses «Buy America» et le Canada
L'un des problèmes auxquels Stone Canyon est confronté est
celui des dispositions du « Buy America » aux États-Unis et de
la manière dont elles l'amèneront à réorienter ses activités
pour maintenir sa position dominante sur le marché américain. Il
est possible que le sel de déglaçage des routes importé dans
l'État de New York en provenance de l'extérieur des États-Unis
soit « discontinué » par la nouvelle loi « Buy American Salt Act
» de l'État. Stone Canyon devra donc trouver d'autres marchés
pour son sel chilien afin de remplacer ceux qu'elle pourrait
perdre à New York. Chaque année, la ville de New York achète à
elle seule plus de 300 000 tonnes de sel pour ses rues en hiver,
dont la majeure partie provient du Chili.
Le 22 décembre 2022, lorsque la gouverneure de l'État de New
York a signé la loi « Buy American Salt Act », le site web de
l'État soulignait que « New York possède au moins deux mines de
sel qui fournissent du sel gemme pour le déglaçage des routes et
offrent des emplois bien rémunérés ». Il s'agit d'une mine
appartenant à US Salt, qui est censée être indépendante des
grands monopoles du sel, et d'une mine appartenant à
l'agro-monopole Cargill, qui est censée être une « entreprise
familiale ». Un article de presse sur la loi indique toutefois
que des exemptions sont possibles « si le prix du sel national
est plus élevé que les prix internationaux et s'il n'y a pas
suffisamment de stocks dans les mines locales »[1].
Au Canada, Stone Canyon est en concurrence directe et féroce
pour le contrôle du marché du sel avec Compass Minerals, basée
au Kansas, qui possède la mine de Goderich, la plus grande mine
de sel gemme au monde.
Note
1. «
NYC imports road salt from Chile, but a new bill would have
the city buy local » Sophia Chang, Gothamist, September 29,
2022
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