Numéro 27 - 25 mai 2023

Le projet de loi sur la santé du gouvernement du Québec
est une rupture radicale avec le passé

Un Québec moderne peut et doit
garantir le droit à la santé


Action des travailleurs de la santé devant l'Assemblée nationale du Québec, le 13 décembre 2022, pour exiger des comptes du gouvernement parce que c'est lui, et non les travailleurs, qui laisse tomber les malades.

Concentration massive du pouvoir décisionnel et antisyndicalisme

- Pierre Chénier -

Les restructurations antérieures du système de santé au Québec

- Pierre Soublière -

Ontario

La nouvelle loi répréhensible sur la santé reçoit la sanction royale

- Enver Villamizar -

Référendum de la Coalition de la santé de l'Ontario


Le projet de loi sur la santé du gouvernement du Québec
est une rupture radicale avec le passé

Un Québec moderne peut et doit garantir
le droit à la santé

Le principe de santé publique est basé sur le fait que la société a atteint un niveau de développement tel que sa prospérité future dépend de l'expansion des services publics. L'énorme développement des forces productives au Québec et au Canada et la révolution technologique qui en est le moteur dans tous les aspects de la vie devraient se traduire par une croissance correspondante de la capacité de répondre aux besoins des citoyens en santé,  y compris les microchirurgies et les prothèses les plus récentes.

Or, c'est tout le contraire qui se produit. Le refus de répondre aux besoins cause des problèmes de plus en plus graves. Au lieu d'assumer la responsabilité sociale, les gouvernements sont directement accaparés par des intérêts privés et prennent des décisions antisociales pour le gain privé. C'est le cas avec la « réforme de la santé » du gouvernement Legault. Le « Plan santé » du gouvernement du Québec et le projet de loi 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, déposé par le ministre de la Santé Christian Dubé le 29 mars, montrent que le gouvernement est incapable de résoudre les problèmes d'un Québec moderne et recourent à tous les moyens pour faire taire ceux qui réclament leurs droits et écarter tous ceux qui qui sont le facteur crucial dans l'apport de solutions : les travailleurs qui procurent les services et qui savent d'expérience directe ce qui est nécessaire.

Le projet de loi met en place une structure qui centralise encore plus le pouvoir de décisions, libère le gouvernement de toute imputabilité et débilite les organisations de défense des travailleurs de la santé. Il montre aussi une obsession lorsqu'il parle de « coordonner » les plaintes des usagers. Il propose de créer « un comité national des usagers » et un « commissaire national aux plaintes » avec la responsabilité « d'harmoniser les pratiques des comités d'usagers et formuler des recommandations ». C'est pour gérer « l'insatisfaction des Québécoises et Québécois à l'égard de leur réseau de la santé », qu'il dit trouver « inacceptable ».

Le gouvernement utilise l'expression « top guns » pour décrire son intention d'aller chercher les meilleurs administrateurs du secteur privé pour mener cette réforme à bien. Le ministre Dubé cherche tout simplement à donner l'impression que cette fois-ci c'est la bonne, que cette fois-ci la privatisation de la gestion du système va « donner des résultats ». C'est pratiquement admettre que les quatre dernières décennies de réformes qui ont fait de la santé des Québécois une occasion de faire des profits au détriment des normes nationales, et surtout au détriment de la santé de la population, ont échoué et que maintenant il faut des « top guns » – une expression américaine utilisée pour désigner les meilleurs pilotes de chasse de l'armée de l'air des États-Unis.

L'irresponsabilité criminelle de la gestion privée des centres où logent nos aînés a été exposée durant la pandémie et amplement documentée par la Commission Kamel qui a remis son rapport en mai 2022. La construction des grands centres hospitaliers universitaires de Montréal a tellement été l'occasion d'enrichissement privé et de corruption qu'une demi-douzaine de « top guns » de la société SNC-Lavalin se sont retrouvés derrière les barreaux.

Les gouvernements accaparés par des intérêts privés ne sont pas guidés par l'objectif de garantir le droit aux services de santé. Ils sont guidés par le mantra néolibéral selon lequel, pour développer la société, toutes les ressources de la nation doivent être mises à la disposition des intérêts privés étroits qui sont aux commandes. Motivés par la recherche du profit privé, ces intérêts privés créent des projets qui les servent et qui, comme effet secondaire, pourraient avoir des « retombées pour la société ». En d'autres termes, les droits des citoyens sont laissés au hasard et soumis à des limites, tandis que les exigences des riches bénéficient d'une garantie et ne sont soumises à aucune limite. Ce résultat est obtenu grâce à la déréglementation, à l'abandon des normes nationales et à une attaque en règle contre les droits.

Il y a beaucoup de confusion sur ce que représente la privatisation de la santé. Le gouvernement dit que le recours au privé ne veut pas dire que les usagers vont payer ou qu'il va y avoir un système « à deux vitesses, selon qu'on a les moyens ou pas ». On s'en sert ensuite pour dire qu'il n'y a pas de problème et que tout le monde devrait se réjouir d'avoir « accès à des soins de santé gratuits », qu'ils soient gérés et exploités par l'État ou par le secteur privé.

C'est de la désinformation. Tout d'abord, il est faux de dire qu'il n'y a pas de système à deux vitesses. Quiconque a dû avoir recours au système de santé ces dernières années sait que malgré les dénégations des ministres qui se sont succédé à la Santé, il y a partout des situations qui apparaissent où on peut avoir un accès plus rapide aux soins moyennant certains paiements ou abonnements payants. Puis, comme l'expliquait récemment un chercheur de l'Université de Sherbrooke dans un article au Devoir, les transferts fédéraux au Québec ont été réduits d'un certain montant « en raison de l'acceptation tacite [par le gouvernement du Québec] de l'accès payant aux services diagnostiques privés (imagerie par résonance magnétique, par exemple), faute d'une couverture suffisante de ces services à l'intérieur du système public ». Et il y a aussi de plus en plus de services « médicalement nécessaires » qui peuvent maintenant être obtenus auprès de non-médecins, à l'extérieur du régime public, aux frais des patients.

Deuxièmement, les principes d'universalité et d'accessibilité sont bafoués par la remise de la gestion du système de santé et du pouvoir de décider à des intérêts privés. Cela veut dire que les besoins sont satisfaits en fonction de ce qui peut procurer un profit privé à quelqu'un. Le ministre Dubé dit que le but de son nouveau projet de loi est de rendre le réseau « plus humain », mais sa réforme, qui poursuit les réformes des quatre dernières décennies, voit les humains et leurs besoins comme des choses, comme des occasions de profit.

Les réclamations que les êtres humains sont en droit de faire à la société sont le véritable moteur du développement de toute société moderne. Un Québec moderne commence par la reconnaissance du droit à la santé comme un droit qui appartient à chacun du fait qu'il est un être humain et que les gouvernements ont le devoir de garantir. Le fait d'assortir ce droit d'une garantie signifie que les citoyens disposent d'un recours si le gouvernement ne remplit pas son obligation. Tant que le droit à la santé restera un énoncé de politique, les gouvernements continueront de privatiser les services et nous devons renforcer notre soutien aux travailleurs et aux professionnels de la santé dont les demandes d'augmentation de salaire et de conditions de travail adéquates sont dans l'intérêt du public.

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Concentration massive du pouvoir
décisionnel et antisyndicalisme

- Pierre Chénier -

Les infirmières de Drummondville manifestent contre des conditions de travail intenables, 26 février 2023.

Le 29 mars dernier, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace. Alors que la société et l'ensemble des professionnels et travailleurs de la santé réclament un financement adéquat du système de santé public et une garantie du droit à la santé des Québécoises et Québécois, le gouvernement livre le système en bloc à des intérêts privés étroits. Il établit une nouvelle chaîne de commande, une nouvelle centralisation des pouvoirs décisionnels et administratifs entre les mains du ministère et d'un conseil d'administration trié sur le volet, composé de PDG de l'industrie privée, à la tête d'une nouvelle agence appelée Santé Québec. Les multiples organes et positions que Santé Québec est autorisée à créer et à régir réduisent les accréditations syndicales de 136 à 4, dont aucune ne sera autorisée à représenter les revendications de celles et ceux qui travaillent dans le réseau de la santé.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a dit qu'il prévoit doter le conseil d'administration de « top guns » du secteur privé. Cela ouvre évidemment la voie au diktat d'intérêts privés sur les salaires et les conditions de travail et sur les décisions de fermer, fusionner et privatiser davantage les services au nom de l'efficacité et de la bonne gestion. Le trésor public paiera des tarifs plus élevés pour la prestation privée de services et le problème de l'absence de redevabilité ne fera qu'empirer. Il s'agit d'une rupture radicale avec la notion de système public qui, à une époque, était guidée par le principe du plus grand bien pour le plus grand nombre et la règle de tous pour un et un pour tous.

Aujourd'hui, le système est devenu « tous pour un », le « un » étant constitué d'intérêts privés étroits qui n'ont que faire du facteur humain/conscience sociale. L'atteinte de l'efficacité en supprimant le facteur humain et en traitant les travailleurs comme des objets jetables exacerbera considérablement la crise de la prestation des services. Les progrès modernes de la médecine, qui sont considérables, n'apporteront pas de contribution sociale tant que domine la pratique profondément antisociale qui consiste à payer les riches et à le justifier par des arguments intéressés, comme dire que les PDG de l'industrie privée, dont beaucoup se sont révélés extrêmement corrompus, comme ceux qui ont participé à la construction de l'un des méga-hôpitaux de Montréal, savent mieux ce qu'il faut faire que les professionnels et les travailleurs.

La réduction forcée des unités de négociation syndicales de 136 à 4 est un signe inquiétant. Cela signifie que les conventions collectives signées localement, basées sur les conditions concrètes de chaque région, seront abolies et que des conclusions non fondées seront tirées à partir de statistiques qui ne peuvent être agrégées. Selon le gouvernement, il agit légalement (parce qu'il fait la loi). Il s'appuie sur une loi adoptée sous bâillon il y a 20 ans qui prescrivait la fusion des unités de négociation syndicales dans tous les établissements de santé, qui étaient alors au nombre d'environ 200. La réforme de 2015 du ministre libéral Gaétan Barrette a réduit le nombre des établissements de santé à 34 et a imposé une nouvelle fusion des accréditations syndicales. Plutôt que de constater que cela n'a pas du tout amélioré la situation dans le réseau, le gouvernement Legault conclut que le problème est que ces réformes ne sont pas allées assez loin.

Le projet de loi de 300 pages contient 1180 articles et modifie 37 lois. Le ministre de la Santé Christian Dubé et le premier ministre François Legault ont donné une idée de ce qu'il contient dans les jours qui ont précédé son dépôt à l'Assemblée nationale. Le ministre Dubé a dit qu'il va « recruter des top guns du privé » pour diriger sa réforme du réseau de la santé et des services sociaux qui « ébranlera les colonnes du temple ». Les médias ont aussi rapporté que le ministre s'est adressé à une cinquantaine de gens d'affaires qui ont répondu à une invitation faite par l'entremise de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il y avait là des dirigeants de sociétés telles IBM Canada, Google Canada, Énergir, Accenture, Pharmaprix et KPMG, et le ministre leur a demandé de lui recommander des candidats parmi leurs réseaux pour faire partie du conseil d'administration de Santé Québec, l'agence que va créer le projet de loi 15 s'il est adopté.

Le 28 mars, le premier ministre a déclaré aux médias qu'il est essentiel de s'attaquer à la structure du réseau de la santé et que « le succès de sa démarche dépend beaucoup de cette flexibilité qu'on va être capable d'aller chercher dans l'organisation du travail ». Il a clairement voulu blâmer les syndicats pour les problèmes du réseau quand il a dit que « les réorganisations locales peuvent être bloquées par des syndicats locaux ». « On voudrait que ce ne soit plus possible, qu'on soit capable localement de s'adapter à chaque situation et de faire une bonne réorganisation. » La réalité est que c'est grâce aux syndicats locaux que les travailleurs sont une force organisée et qu'ils ont pu maintenir une quelconque cohésion du système à un moment où il ne tenait qu'à un fil à cause de l'offensive antisociale, du manque de financement et du traitement des travailleurs comme des choses jetables. Mais son espoir de voir les « réorganisations » débloquées en détruisant les syndicats locaux ne dissuadera pas les Québécoises et Québécois de devenir une force organisée qui met tout le poids du nombre et de l'organisation au service des réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société.


Des infirmières des petites communautés du Nunavik, au Québec, tiennent un sit-in pour exiger que des mesures soient prises pour remédier à la pénurie de personnel qui les empêche de s'occuper des patients comme il le faut, le 20 janvier 2023.

Les gouvernements néolibéraux qui prétendent défendre les droits humains, et qualifient d'autocraties les sociétés hautement organisées pour atteindre un objectif précis, introduisent en fait toutes les structures autocratiques pour obtenir un rendement maximal des investissements sous la forme de profits privés. Cela n'a rien à voir avec l'obtention de rendements qui améliorent le bien-être des membres de la société et de la société elle-même.

La corruption des intérêts privés qui pillent les fonds publics et escroquent le système se révélera tôt ou tard et les intentions du gouvernement Legault seront confirmées.

Création de Santé Québec

Le projet de loi 15 crée l'Agence Santé Québec. Selon le ministre de la Santé, Santé Québec sera responsable des questions opérationnelles, c'est-à-dire de la gestion du système de santé, ce qui permettra au ministre de se concentrer sur les priorités, les objectifs et les orientations dans le domaine de la santé et des services sociaux et s'assurer de leur application. Plusieurs ont remarqué que le projet de loi ne mentionne pas une seule fois que le système de santé au Québec est un système public. En fait, Santé Québec se rapportera au ministre et non à l'Assemblée nationale ou au public. Il sera administré par un conseil d'administration composé de 13 personnes nommées par le ministre. Il est question d'une forme de consultation des gestionnaires internes du réseau et de recommandations d'entreprises privées pour choisir les membres du conseil d'administration. La formulation consacrée, qui revient dans tout le projet de loi, est que Santé Québec, dans son rôle de gestionnaire, coordonne et soutient les établissements publics et les établissements privés.

On lit à l'article qui définit la mission de Santé Québec :

« Santé Québec a pour mission d'offrir, par l'entremise des établissements publics, des services de santé et des services sociaux dans les différentes régions sociosanitaires du Québec. Dans ces régions, elle coordonne et soutient, notamment par des subventions, l'offre de tels services par les établissements privés ainsi que celle de services du domaine de la santé et des services sociaux par certains autres prestataires privés. » (Notre souligné)

Santé Québec devient l'employeur, et l'employeur unique, des 350 000 travailleurs et travailleuses du réseau de la santé et des services sociaux. Les employeurs actuels, soit les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS), créés dans les différentes régions du Québec par la réforme de la santé du gouvernement libéral en 2015, disparaissent comme entités dans le projet de loi. Le projet de loi 15 établit un méga-établissement de santé à l'échelle de tout le Québec, à l'encontre des 34 CISSS et CIUSSS qui étaient considérés chacun comme un établissement.

Toujours dans la perspective d'une chaîne de commande unique ministre-conseil d'administration de Santé Québec, Santé Québec est chargé de mettre sur pied toute une série d'organismes régis par lui.

Par exemple, Santé Québec est chargé de créer des établissements territoriaux dont il a la gouverne. Il doit aussi constituer entre autres un comité national de vigilance et de la qualité, un Programme national sur la qualité des services, un comité national des usagers, un régime d'examen des plaintes, tous redevables au conseil d'administration de Santé Québec.

Il est à noter que pas une seule fois dans ce projet de loi de 300 pages la voix et les revendications des travailleuses et des travailleurs de la santé ne sont mentionnées.

Une attaque en règle contre les syndicats

En instituant Santé Québec comme employeur unique dans la santé et les services sociaux à la tête d'un méga-établissement de santé à l'échelle du Québec, le ministre de la Santé impose une restructuration des syndicats. Avec la réduction des accréditations syndicales de 136 à 4, plusieurs organisations syndicales risquent de simplement disparaître.

En 2003, le gouvernement libéral a adopté sous bâillon le projet de loi 30, qui ordonnait la fusion des unités d'accréditation syndicale dans chacun des établissements de santé, lesquels étaient environ du nombre de 200. Les unités de négociation de chaque établissement ne pouvaient être constituées que sur la base d'un syndicat par catégorie de personnel. Il existe quatre catégories de personnel dans le système de santé québécois.

La catégorie 1 comprend le personnel en soins infirmiers et cardiorespiratoires. Elle comprend les infirmières, les infirmières auxiliaires, les inhalothérapeutes et les candidates à l'exercice de la profession infirmière et de la profession infirmière auxiliaire.

La catégorie 2 comprend le personnel paratechnique et le personnel des services auxiliaires et de métiers. Elle comprend notamment les préposés aux bénéficiaires, à l'entretien ménager, aux services alimentaires, les cuisiniers, les aides de service, les mécaniciens et les ouvriers.

La catégorie 3 comprend le personnel de bureau et les techniciens et professionnels de l'administration. Elle comprend notamment les agentes administratives, les adjointes de direction, les secrétaires médicales, les techniciens en administration, les techniciens informatiques et les agents de gestion du personnel.

La catégorie 4 comprend les techniciens et les professionnels de la santé et des services sociaux. Elle comprend notamment les travailleurs sociaux, les techniciens en travail social, les agents de relations humaines, les organisateurs communautaires, éducateurs, psychoéducateurs, ergothérapeutes, physiothérapeutes, archivistes médicaux, diététistes-nutritionnistes, hygiénistes dentaires, les audiologistes et les orthophonistes.

En 2015, toujours sous le bâillon, le gouvernement libéral a imposé la Loi 10 qui, en créant les CISSS et les CIUSSS en tant qu'établissements et employeurs des travailleuses et des travailleurs de la santé et des services sociaux, a réduit le nombre d'établissements à 34. Cette loi s'est appuyée sur la Loi 30 pour imposer une nouvelle restructuration des syndicats. Après une campagne de maraudage, les syndiqués des établissements ont déterminé par un vote lequel des syndicats les représenterait dans chaque catégorie de personnel.

Le projet de loi 15 va plus loin et dicte qu'il n'y aura que quatre accréditations syndicales en tout dans tout le Québec, une par catégorie de personnel, dans le réseau de la santé et des services sociaux, sous l'égide de l'employeur unique, Santé Québec.

En plus, les conventions collectives vont elles-mêmes être réduites à quatre pour tout le réseau. Déjà, les syndicats de régions éloignées ont dénoncé le fait qu'il n'y aura plus de conventions collectives locales, lesquelles permettaient aux travailleurs et travailleuses des régions d'inclure des clauses qui correspondent à leurs conditions spécifiques.

Un président d'un syndicat représentant les infirmières de l'est du Québec était récemment interviewé par Radio-Canada au sujet de l'impact du projet de loi :

« Du moment qu'il y a une seule convention qui s'applique pour l'ensemble du réseau québécois, quelle sera l'épingle du jeu, par exemple de la Gaspésie, dans les conditions de travail ? »

Le projet de loi est déposé en plein milieu des négociations pour le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public, négociations qui n'avancent pas parce que le gouvernement ne veut pas qu'elles aboutissent. Le ministre Dubé a dit en conférence de presse qu'il veut que les principes de la restructuration prévue par le projet de loi 15 soient incorporés aux nouvelles conventions collectives, sans préciser comment cela se fera.

Évaluation des services et accès aux services

Dans le cadre du mandat proclamé du projet de loi, qui est de rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, le gouvernement se dit préoccupé par l'évaluation des services et l'accès aux services. Or, son approche purement statistique de la question le mène à établir des tableaux indicateurs, des tableaux de bord, sur la performance des différentes activités selon les installations de santé, sans aucun égard pour le facteur humain. Par exemple, dans un projet-pilote le gouvernement a développé un tableau du nombre d'heures que les gens doivent attendre dans un certain nombre d'urgences avant d'être vus par un médecin. Les établissements locaux sont mis en concurrence les uns avec les autres sur des bases statistiques. Le ministre de la Santé parle de l'expérience-patient comme une mesure pour évaluer les services et leur accès. En outre, un régime de sondage des patients est établi pour mesurer leur taux de satisfaction. Un régime national de plaintes est aussi établi par le projet de loi dans lequel les gens soumettent leurs plaintes à Santé Québec par le biais de divers organismes établis par celui-ci.

Cette approche statistique est dénoncée par les travailleurs et les travailleuses parce qu'elle ne fait rien pour améliorer leurs conditions et résoudre spécifiquement le problème d'attraction et de rétention de la main-d'oeuvre, qui est un des problèmes majeurs du réseau de la santé et des services sociaux.

L'évaluation des services et de leur accès sur une base statistique ne va pas au fond des choses et laisse croire que le gouvernement et le conseil d'administration de Santé Québec pourraient utiliser les données pour fermer ou fusionner des services ou les privatiser.

Le projet de loi 15 n'a rien à voir avec la reconnaissance de la santé en tant que droit et rien à voir avec la reconnaissance d'un rôle décisif pour la voix, les revendications et les solutions de celles et ceux qui fournissent les services.

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Les restructurations antérieures
du système de santé au Québec

- Pierre Soublière -

Le gouvernement du Québec a présenté un nouveau projet de loi qui concentre davantage les prises de décisions et la mise en oeuvre des services de santé dans les mains d'intérêts privés étroits. Le projet de loi 15 est partie intégrante de la prise en charge continue de l'État par des intérêts privés. Il intensifie l'offensive antisociale qui nie la notion même d'une société moderne responsable envers ses membres et qui garantit leurs droits en tant qu'êtres humains et membres de la société.

Ce que des années de restructuration ont engendré

Il est utile de contextualiser le projet de loi 15 en rappelant les efforts des gouvernements successifs au Québec visant à restructurer l'État pour servir des intérêts privés étroits. Les mesures visant à démanteler l'État-providence et à ne pas investir convenablement dans les programmes sociaux a commencé au début des années 1980 avec le Parti québécois de René Lévesque à un moment où le besoin de réforme était devenu évident. Mais la question était quelle sorte de réforme devait-on entreprendre ? Devait-elle consolider le secteur public et doter les droits du peuple de garanties ou allait-elle servir de prétexte pour démanteler le système public ?

Le gouvernement libéral de Robert Bourassa a ensuite pris la relève en 1985. Entre autres, il a produit trois rapports – Fortier, Gobeil et Scowen – qui préconisaient tous une grande réorganisation gouvernementale par le biais de privatisations, de déréglementations, de démantèlement d'organismes et du recours à la sous-traitance. Les auteurs de ces rapports soutenaient que le gouvernement, par le biais de ses sociétés d'État, intervenait dans les sphères commerciales et industrielles aux dépens du secteur privé et en concurrence avec lui. Ils soutenaient qu'il était nécessaire de réexaminer les entreprises publiques et de privatiser celles dont le mandat pouvait être pris en charge de façon plus efficace par le secteur privé.

Au niveau de la déréglementation, il s'agissait d'éliminer toute intervention gouvernementale dans le fonctionnement et la conduite des activités privées. On recommandait aussi la privatisation des hôpitaux de petite et moyenne taille ainsi que de sociétés d'État. Ce qui sous-tendait ces rapports était que les sociétés d'État étaient intrinsèquement inefficaces, que le secteur public, par sa nature, était en contradiction avec le secteur privé, et que l'espace rempli dans l'économie par le secteur public devait être mis à la disposition du secteur privé.

C'est au nom du « déficit zéro » que le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard a poursuivi cette tendance au démantèlement du secteur public. Entre autres, sa Loi sur l'administration publique a réduit le personnel par attrition et les répercussions sont ressenties jusqu'à ce jour en termes d'élimination d'effectifs, de perte d'expertise et de surcharge de travail. Bouchard a lancé son projet de privatisation au Lac-Saint-Jean, au coeur même de la nation québécoise, mettant fin une fois pour toutes à ce qu'il était convenu d'appeler la solidarité québécoise. Depuis ce temps, ni le PQ ni le Bloc n'ont réussi à réclamer leur statut en tant que défenseurs des intérêts du Québec. Il a incombé au peuple québécois de lutter pour le droit à la santé, à l'éducation et aux services sociaux face à l'offensive antisociale brutale poursuivie par les gouvernements ultérieurs. Aujourd'hui, le gouvernement de Coalition avenir Québec (CAQ) continue de privatiser les soins de santé et puise à même le trésor public pour servir les intérêts privés. Tout comme la Loi sur l'administration publique prétendait être « un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique pour de meilleurs services aux citoyens », le gouvernement caquiste prétend que l'objectif de Santé Québec est de rendre la santé et les services sociaux plus accessibles.

Annoncée au lendemain de la victoire libérale en 2003, mais sans avoir été mentionnée dans leur plateforme électorale, la « réingénierie » du gouvernement libéral de Jean Charest visait, entre autres, la révision des structures de l'État et des programmes gouvernementaux, et la réorganisation du système de santé. Elle favorisait le recours aux experts du secteur privé et s'opposait à toute délibération publique, au dialogue et à la négociation avec les acteurs impliqués.

La réingénierie de l'État par les libéraux s'est plus tard transformée en « plan de modernisation ». Très semblable au langage du gouvernement caquiste d'aujourd'hui, la restructuration libérale était fondée sur la nécessité d'une séparation entre les activités opérationnelles et le développement des politiques publiques, et sur le renforcement de la gestion de la performance par la contractualisation des rapports entre les unités administratives. Cette nouvelle structure de gouvernance interne impliquait que les pouvoirs ministériels devaient se concentrer sur les politiques et les orientations.

La mission déclarée de Santé Québec est d'offrir des services de santé et des services sociaux par l'entremise d'établissements publics ainsi que de coordonner et soutenir des établissements privés et « certains autres prestataires de services ». Au ministre de la Santé sont confiées des fonctions en regard des priorités, des objectifs et des orientations ainsi que « certains pouvoirs relatifs à la supervision du système de santé et de services sociaux ».

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Ontario

La nouvelle loi répréhensible sur la santé reçoit la sanction royale

- Enver Villamizar -

Le 18 mai, le projet de loi 60, Loi de 2023 concernant votre santé,du gouvernement Ford de l'Ontario a reçu la sanction royale. Cette nouvelle loi permet, entre autres, que les services médicaux de base actuellement dispensés dans les hôpitaux publics, y compris les opérations chirurgicales et les diagnostics, soient fournis par des hôpitaux et des cliniques privés à but lucratif.

Le gouvernement a annoncé qu'il envisageait dans un premier temps de transférer 14 000 opérations de la cataracte dans de nouveaux hôpitaux de jour privés qui, selon lui, seront opérationnels d'ici l'automne prochain. Il a également annoncé qu'il prévoyait de privatiser les opérations de la hanche et du genou d'ici à 2024. Les opérations de la cataracte et des articulations artificielles nécessitent l'implantation de dispositifs médicaux : l'opération de la cataracte consiste à placer une lentille artificielle, tandis que l'opération des articulations consiste à poser une prothèse ou une articulation artificielle. Ces opérations permettent aux cliniques privées d'inciter les patients à acheter des produits supérieures aux implants prothétiques standards qui ne sont plus à jour et qui sont fournis par le Régime d'assurance-santé de l'Ontario (OHIP), et les patients se voient offrir le « choix » de payer la différence qui peut s'élever à des milliers de dollars.

Le projet de loi 60 privatise également la supervision des cliniques privées et dérèglemente le personnel de santé, notamment en ce qui concerne les médecins, les chirurgiens, les infirmières, les technologues en IRM, les inhalothérapeutes, etc.

Cela se produit alors que le gouvernement de l'Ontario a déjà annoncé des subventions renouvelables de dizaines de millions de dollars pour les cliniques privées, tout en réduisant le financement des soins de santé publique qui, dans une société moderne, ont le devoir de répondre aux besoins réels de la population et du système de santé.

Cela se produit également au milieu d'un travail d'organisation résolu des travailleurs de la santé de l'Ontario qui proposent des solutions à la crise des soins de santé. Cette crise est due à l'offensive néolibérale antisociale qui détourne l'argent des programmes publics vers des stratagèmes pour payer les riches. Tous les gouvernements ont exacerbé la crise en attaquant les travailleurs avec des plafonds salariaux imposés par la loi et des limites sur ce que les travailleurs de la santé peuvent négocier. Le but est de créer les conditions d'un débat sur la plus grande efficacité de la privatisation tout en empêchant les travailleurs de résoudre des problèmes comme les pénuries de personnel et l'épuisement professionnel d'une manière qui favorise les travailleurs et le système de santé publique.

Comme au Québec avec le projet de loi 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, la restructuration du système de santé en Ontario ouvertement pour le profit survient après la pandémie et se déroule au milieu des négociations avec les travailleurs de la santé pour des conventions collectives qui défendent leurs droits et les droits des patients. En dehors du cadre de ces négociations, le gouvernement apporte des changements importants au système de santé et les impose comme un fait accompli, comme si les travailleurs n'étaient pas concernés par le fonctionnement réel du système.

Voir aussi : « Le gouvernement de l'Ontario compte réduire les temps d'attente en santé en finançant des cliniques privées », Barbara Biley et Peggy Morton, LML mensuel, février 2023

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Référendum la Coalition de la santé de l'Ontario

Au cours du mois de mai, la Coalition ontarienne de la santé organise un référendum pour permettre aux Ontariens de s'exprimer sur la privatisation des soins de santé en Ontario. Des votes en personne auront lieu du 26 au 27 mai partout en Ontario dans des endroits organisés par 38 chapitres de la Coalition de la santé.

« Maintenant que le projet de loi 60 a été adopté, notre tâche en tant que Coalition ontarienne de la santé est de tout faire en notre pouvoir pour empêcher sa mise en uvre. Nous devons faire en sorte qu'il sera politiquement impossible pour le gouvernement Ford de privatiser nos hôpitaux publics », a déclarer la directrice générale de la Coalition ontarienne de la santé Natalie Mehra.

Pour trouver un bureau de vote près de chez vous ou pour voter en ligne, cliquez ici.

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