Le projet de loi sur la santé du gouvernement du
Québec
est une rupture radicale avec le passé
Un Québec moderne peut et doit garantir le droit à la santé
Le principe de santé publique est basé sur le fait que la
société a atteint un niveau de développement tel que sa
prospérité future dépend de l'expansion des services publics.
L'énorme développement des forces productives au Québec et au
Canada et la révolution technologique qui en est le moteur dans
tous les aspects de la vie devraient se traduire par une
croissance correspondante de la capacité de répondre aux besoins
des citoyens en santé, y compris les microchirurgies et
les prothèses les plus récentes.
Or, c'est tout le contraire qui se produit. Le refus de répondre aux besoins cause des problèmes de plus en plus graves. Au lieu d'assumer la responsabilité sociale, les gouvernements sont directement accaparés par des intérêts privés et prennent des décisions antisociales pour le gain privé. C'est le cas avec la « réforme de la santé » du gouvernement Legault. Le « Plan santé » du gouvernement du Québec et le projet de loi 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, déposé par le ministre de la Santé Christian Dubé le 29 mars, montrent que le gouvernement est incapable de résoudre les problèmes d'un Québec moderne et recourent à tous les moyens pour faire taire ceux qui réclament leurs droits et écarter tous ceux qui qui sont le facteur crucial dans l'apport de solutions : les travailleurs qui procurent les services et qui savent d'expérience directe ce qui est nécessaire.
Le projet de loi met en place une structure qui centralise encore plus le pouvoir de décisions, libère le gouvernement de toute imputabilité et débilite les organisations de défense des travailleurs de la santé. Il montre aussi une obsession lorsqu'il parle de « coordonner » les plaintes des usagers. Il propose de créer « un comité national des usagers » et un « commissaire national aux plaintes » avec la responsabilité « d'harmoniser les pratiques des comités d'usagers et formuler des recommandations ». C'est pour gérer « l'insatisfaction des Québécoises et Québécois à l'égard de leur réseau de la santé », qu'il dit trouver « inacceptable ».
Le gouvernement utilise l'expression « top guns » pour décrire son intention d'aller chercher les meilleurs administrateurs du secteur privé pour mener cette réforme à bien. Le ministre Dubé cherche tout simplement à donner l'impression que cette fois-ci c'est la bonne, que cette fois-ci la privatisation de la gestion du système va « donner des résultats ». C'est pratiquement admettre que les quatre dernières décennies de réformes qui ont fait de la santé des Québécois une occasion de faire des profits au détriment des normes nationales, et surtout au détriment de la santé de la population, ont échoué et que maintenant il faut des « top guns » – une expression américaine utilisée pour désigner les meilleurs pilotes de chasse de l'armée de l'air des États-Unis.
L'irresponsabilité criminelle de la gestion privée des centres
où logent nos aînés a été exposée durant la pandémie et
amplement documentée par la Commission Kamel qui a remis son
rapport en mai 2022. La construction des grands centres
hospitaliers universitaires de Montréal a tellement été
l'occasion d'enrichissement privé et de corruption qu'une
demi-douzaine de « top guns » de la société SNC-Lavalin se sont
retrouvés derrière les barreaux.
Les gouvernements accaparés par des intérêts privés ne sont pas guidés par l'objectif de garantir le droit aux services de santé. Ils sont guidés par le mantra néolibéral selon lequel, pour développer la société, toutes les ressources de la nation doivent être mises à la disposition des intérêts privés étroits qui sont aux commandes. Motivés par la recherche du profit privé, ces intérêts privés créent des projets qui les servent et qui, comme effet secondaire, pourraient avoir des « retombées pour la société ». En d'autres termes, les droits des citoyens sont laissés au hasard et soumis à des limites, tandis que les exigences des riches bénéficient d'une garantie et ne sont soumises à aucune limite. Ce résultat est obtenu grâce à la déréglementation, à l'abandon des normes nationales et à une attaque en règle contre les droits.
Il y a beaucoup de confusion sur ce que représente la
privatisation de la santé. Le gouvernement dit que le recours au
privé ne veut pas dire que les usagers vont payer ou qu'il va y
avoir un système « à deux vitesses, selon qu'on a les moyens ou
pas ». On s'en sert ensuite pour dire qu'il n'y a pas de
problème et que tout le monde devrait se réjouir d'avoir « accès
à des soins de santé gratuits », qu'ils soient gérés et
exploités par l'État ou par le secteur privé.
C'est de la désinformation. Tout d'abord, il est faux de dire
qu'il n'y a pas de système à deux vitesses. Quiconque a dû avoir
recours au système de santé ces dernières années sait que malgré
les dénégations des ministres qui se sont succédé à la Santé, il
y a partout des situations qui apparaissent où on peut avoir un
accès plus rapide aux soins moyennant certains paiements ou
abonnements payants. Puis, comme l'expliquait récemment un
chercheur de l'Université de Sherbrooke dans un article au
Devoir, les transferts fédéraux au Québec ont été réduits
d'un certain montant « en raison de l'acceptation tacite [par le
gouvernement du Québec] de l'accès payant aux services
diagnostiques privés (imagerie par résonance magnétique, par
exemple), faute d'une couverture suffisante de ces services à
l'intérieur du système public ». Et il y a aussi de plus en plus
de services « médicalement nécessaires » qui peuvent maintenant
être obtenus auprès de non-médecins, à l'extérieur du régime
public, aux frais des patients.
Deuxièmement, les principes d'universalité et d'accessibilité sont bafoués par la remise de la gestion du système de santé et du pouvoir de décider à des intérêts privés. Cela veut dire que les besoins sont satisfaits en fonction de ce qui peut procurer un profit privé à quelqu'un. Le ministre Dubé dit que le but de son nouveau projet de loi est de rendre le réseau « plus humain », mais sa réforme, qui poursuit les réformes des quatre dernières décennies, voit les humains et leurs besoins comme des choses, comme des occasions de profit.
Les réclamations que les êtres humains sont en droit de faire à la société sont le véritable moteur du développement de toute société moderne. Un Québec moderne commence par la reconnaissance du droit à la santé comme un droit qui appartient à chacun du fait qu'il est un être humain et que les gouvernements ont le devoir de garantir. Le fait d'assortir ce droit d'une garantie signifie que les citoyens disposent d'un recours si le gouvernement ne remplit pas son obligation. Tant que le droit à la santé restera un énoncé de politique, les gouvernements continueront de privatiser les services et nous devons renforcer notre soutien aux travailleurs et aux professionnels de la santé dont les demandes d'augmentation de salaire et de conditions de travail adéquates sont dans l'intérêt du public.
Cet article a été publié dans
Numéro 27 - 25 mai 2023
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