Les restructurations antérieures du système de santé au Québec
Le gouvernement du Québec a présenté un nouveau projet de loi qui concentre davantage les prises de décisions et la mise en oeuvre des services de santé dans les mains d'intérêts privés étroits. Le projet de loi 15 est partie intégrante de la prise en charge continue de l'État par des intérêts privés. Il intensifie l'offensive antisociale qui nie la notion même d'une société moderne responsable envers ses membres et qui garantit leurs droits en tant qu'êtres humains et membres de la société.
Ce que des années de restructuration ont engendré
Il est utile de contextualiser le projet de loi 15 en rappelant les efforts des gouvernements successifs au Québec visant à restructurer l'État pour servir des intérêts privés étroits. Les mesures visant à démanteler l'État-providence et à ne pas investir convenablement dans les programmes sociaux a commencé au début des années 1980 avec le Parti québécois de René Lévesque à un moment où le besoin de réforme était devenu évident. Mais la question était quelle sorte de réforme devait-on entreprendre ? Devait-elle consolider le secteur public et doter les droits du peuple de garanties ou allait-elle servir de prétexte pour démanteler le système public ?
Le gouvernement libéral de Robert Bourassa a ensuite pris la relève en 1985. Entre autres, il a produit trois rapports – Fortier, Gobeil et Scowen – qui préconisaient tous une grande réorganisation gouvernementale par le biais de privatisations, de déréglementations, de démantèlement d'organismes et du recours à la sous-traitance. Les auteurs de ces rapports soutenaient que le gouvernement, par le biais de ses sociétés d'État, intervenait dans les sphères commerciales et industrielles aux dépens du secteur privé et en concurrence avec lui. Ils soutenaient qu'il était nécessaire de réexaminer les entreprises publiques et de privatiser celles dont le mandat pouvait être pris en charge de façon plus efficace par le secteur privé.
Au niveau de la déréglementation, il s'agissait d'éliminer toute intervention gouvernementale dans le fonctionnement et la conduite des activités privées. On recommandait aussi la privatisation des hôpitaux de petite et moyenne taille ainsi que de sociétés d'État. Ce qui sous-tendait ces rapports était que les sociétés d'État étaient intrinsèquement inefficaces, que le secteur public, par sa nature, était en contradiction avec le secteur privé, et que l'espace rempli dans l'économie par le secteur public devait être mis à la disposition du secteur privé.
C'est au nom du « déficit zéro » que le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard a poursuivi cette tendance au démantèlement du secteur public. Entre autres, sa Loi sur l'administration publique a réduit le personnel par attrition et les répercussions sont ressenties jusqu'à ce jour en termes d'élimination d'effectifs, de perte d'expertise et de surcharge de travail. Bouchard a lancé son projet de privatisation au Lac-Saint-Jean, au coeur même de la nation québécoise, mettant fin une fois pour toutes à ce qu'il était convenu d'appeler la solidarité québécoise. Depuis ce temps, ni le PQ ni le Bloc n'ont réussi à réclamer leur statut en tant que défenseurs des intérêts du Québec. Il a incombé au peuple québécois de lutter pour le droit à la santé, à l'éducation et aux services sociaux face à l'offensive antisociale brutale poursuivie par les gouvernements ultérieurs. Aujourd'hui, le gouvernement de Coalition avenir Québec (CAQ) continue de privatiser les soins de santé et puise à même le trésor public pour servir les intérêts privés. Tout comme la Loi sur l'administration publique prétendait être « un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique pour de meilleurs services aux citoyens », le gouvernement caquiste prétend que l'objectif de Santé Québec est de rendre la santé et les services sociaux plus accessibles.
Annoncée au lendemain de la victoire libérale en 2003, mais sans avoir été mentionnée dans leur plateforme électorale, la « réingénierie » du gouvernement libéral de Jean Charest visait, entre autres, la révision des structures de l'État et des programmes gouvernementaux, et la réorganisation du système de santé. Elle favorisait le recours aux experts du secteur privé et s'opposait à toute délibération publique, au dialogue et à la négociation avec les acteurs impliqués.
La réingénierie de l'État par les libéraux s'est plus tard transformée en « plan de modernisation ». Très semblable au langage du gouvernement caquiste d'aujourd'hui, la restructuration libérale était fondée sur la nécessité d'une séparation entre les activités opérationnelles et le développement des politiques publiques, et sur le renforcement de la gestion de la performance par la contractualisation des rapports entre les unités administratives. Cette nouvelle structure de gouvernance interne impliquait que les pouvoirs ministériels devaient se concentrer sur les politiques et les orientations.
La mission déclarée de Santé Québec est d'offrir des services de santé et des services sociaux par l'entremise d'établissements publics ainsi que de coordonner et soutenir des établissements privés et « certains autres prestataires de services ». Au ministre de la Santé sont confiées des fonctions en regard des priorités, des objectifs et des orientations ainsi que « certains pouvoirs relatifs à la supervision du système de santé et de services sociaux ».
Cet article a été publié dans
Numéro 27 - 25 mai 2023
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