Le gouvernement de l'Ontario compte réduire les temps d'attente en santé en finançant des cliniques privées

– Barbara Biley et Peggy Morton –


Manifestation à Toronto contre les plans en soins de santé du gouvernement Ford, 12 décembre 2022

Le 16 janvier, le gouvernement Ford en Ontario a annoncé un plan en trois étapes pour permettre à des centres privés de soins de santé de faire certains types de chirurgie et d'autres interventions médicales, pour « éliminer les retards et réduire les temps d'attente relatifs aux chirurgies ». Le gouvernement qualifie ces cliniques privées de « centres communautaires de chirurgie et de diagnostic ».

Dans son annonce du 16 janvier, le gouvernement déclare : « On estime qu'il y a actuellement 206 000 personnes en attente d'une intervention chirurgicale. À titre de référence, l'automne dernier, il y avait environ 209 000 patients et patientes en attente d'une intervention chirurgicale dans un bloc opératoire d'un hôpital de l'Ontario, et environ 200 000 avant la pandémie. » Avec ce plan, prétend-on, les listes d'attente pour les interventions chirurgicales devraient revenir aux niveaux antérieurs à la pandémie d'ici mars 2023, sous réserve de certains « imprévus opérationnels ».

À la première étape, le gouvernement propose de s'attaquer au retard dans les chirurgies de la cataracte en ayant recours aux centres de santé privés de Windsor, Kitchener-Waterloo et Ottawa pour qu'ils réalisent 14 000 chirurgies de la cataracte supplémentaires par année, ce qui, selon le gouvernement, représenterait près de 25 % « de la liste d'attente actuelle de la province pour ce type de chirurgie et tient compte des retards estimatifs liés à la COVID ». Le gouvernement ajoute qu'il investit plus de 18 millions de dollars dans des centres médicaux privés pour effectuer « plus de 49 000 heures de services d'imagerie diagnostique, 4 800 chirurgies de la cataracte, 900 autres chirurgies ophtalmologiques, 1 000 chirurgies gynécologiques peu effractives et 2 845 chirurgies plastiques telles que la réparation des tissus mous de la main ».

À la deuxième étape, le gouvernement de l'Ontario compte élargir la portée des centres communautaires privés de chirurgie et de diagnostic pour répondre aux besoins régionaux, surtout en ce qui a trait aux interventions liées « aux cataractes, au service d'imagerie diagnostique, à la colonoscopie et à l'endoscopie. » Il dit que l'accent sera mis sur les procédures qui sont « non urgentes, à faible risque et peu effractives », qui « permettront aux hôpitaux de concentrer leurs efforts et leurs ressources sur les chirurgies plus complexes et à risque élevé, en plus de réduire les temps d'attente ».

À la troisième étape, le gouvernement Ford compte présenter en février un projet de loi qui, s'il est adopté, permettra aux centres de diagnostic privés « d'effectuer davantage de tests par imagerie diagnostique afin que les gens puissent accéder plus rapidement à ces services en financement public, et ce, plus près de chez eux. À compter de 2024, cette mesure permettra également de pratiquer davantage de chirurgies de remplacement de la hanche et du genou. » Le gouvernement ajoute que ces modifications législatives « renforceront aussi, si elles sont adoptées, le suivi des établissements de chirurgie communautaire afin que les gens puissent continuer de s'attendre à recevoir des soins de classe mondiale, et fourniront à la province une plus grande souplesse pour continuer à améliorer l'accès aux chirurgies et à réduire davantage les temps d'attente ».

Le gouvernement Ford a aussi annoncé que l'Ontario « s'efforcera de mieux définir le rôle des centres de chirurgie et de diagnostic communautaires, [et que] Santé Ontario et le ministère de la Santé continueront de collaborer avec les partenaires du système de santé et les spécialistes pour mettre en place les normes les plus élevées en matière de qualité et de sécurité ».

Retards chirurgicaux et autres questions pertinentes

Dans un rapport publié en février 2022, intitulé « Une approche en trois étapes pour régler le problème des chirurgies en soins intensifs et des temps d'attente pour une chirurgie », l'Association médicale de l'Ontario (AMO) souligne : « En raison de la structure provinciale actuelle, les chirurgies dans les hôpitaux se font au rythme d'une capacité de 100 % ou plus. À la lumière de l'analyse de l'AMO, le système de santé devrait travailler à 120 % de sa capacité pendant au moins 31 mois pour diminuer au maximum le retard dans les temps d'attente. En mai 2022, l'AMO faisait valoir qu'il y avait un retard dans près de 22 millions de services de soins de santé, y compris 1 million de chirurgies.

« Les données de l'AMO font suite à un rapport du Bureau de responsabilité financière de l'Ontario selon lequel mettre fin aux retards en procédures chirurgicales et en diagnostic ne pourrait se faire qu'après trois ans et un investissement de 1,3 milliard de dollars. Des délais chroniques ont des impacts négatifs sur les patients et les prestataires de soins, ce qui complique davantage les défis à relever. »

En mai 2022, l'AMO a dit que le gouvernement ontarien devait :

- investir dans le personnel, l'infrastructure et un système efficace pour réduire les temps d'attente et les retards dans les services;

- augmenter les services de santé mentale et relatifs aux dépendances;

- améliorer et élargir les soins à domicile et communautaires pour réduire la dépendance aux hôpitaux et aux soins de longue durée;

- renforcer la préparation de la santé publique face aux pandémies;

- offrir à chaque patient une équipe de prestataires de soins pouvant interagir numériquement, puisqu'il y a présentement 1,3 millions d'Ontariens qui n'ont pas de médecin de famille.

Certaines questions pertinentes se posent.

Où le gouvernement a-t-il obtenu ses chiffres au sujet de retards, et pourquoi ne correspondent-ils pas à ceux de l'AMO ?

Pourquoi les chirurgies pour la cataracte sont-elles priorisées, tout comme les autres interventions dont il est question dans le plan du gouvernement ? Ce que ces chirurgies ont en commun est qu'elles requièrent l'implantation d'un dispositif médical – pour la chirurgie de la cataracte, il s'agit d'une lentille artificielle, tandis que pour la chirurgie de remplacement de la hanche il s'agit d'une prothèse ou d'une hanche artificielle. Les deux offrent la possibilité d'augmenter les prix par rapport à la norme fournie par l'assurance-santé de l'Ontario, les patients ayant le « choix » de payer la différence de coût qui peut s'élever à des milliers de dollars, ce qui rend ces cliniques très attrayantes pour les intérêts privés qui cherchent un profit maximum.

Si le gouvernement n'a pas identifié, quantifié et qualifié l'ampleur et la nature du retard chirurgical en Ontario, quel est le but de son plan en trois étapes ?

Quelles mesures sont prises pour répondre aux revendications de longue date des travailleurs de la santé qui réclament des conditions de travail décentes et comment le mieux-être du patient est-il garanti ?

(Avec des informations du gouvernement de l'Ontario, AMO, CBC)


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Volume 53 Numéro 2 - Février 2023

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