Numéro 13 - 17 mars 2023

Début de la quatrième semaine de grève des travailleurs
de Sel Windsor

La présidente nationale du syndicat envoie une lettre au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants


Des travailleurs en grève de Sel Windsor et des membres des communautés qui appuient la ligne de piquetage, 3 mars 2023 (Unifor)

Reprise des négociations

La sous-traitance met en péril la santé et la sécurité des mineurs du sel qui est une question de vie ou de mort

Le sauvetage minier : essentiel à la santé et la sécurité
des travailleurs

À propos de Sauvetage minier Ontario

Le rôle des tribunaux de l'Ontario pour aider les sociétés de fonds d'investissement à détruire un syndicat canadien

Des arguments intéressés pour justifier les abus de pouvoir
de l'entreprise



Début de la quatrième semaine de grève des travailleurs de Sel Windsor

La présidente nationale du syndicat envoie une lettre au Régime de retraite des enseignantes
et des enseignants

La présidente d'Unifor, Lana Payne, a envoyé la lettre suivante par courriel au conseil d'administration du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario le 14 mars 2023. Cette lettre a été publiée sur le site Web d'Unifor à des fins d'information publique. Pour en savoir plus sur les investissements du RREO dans Stone Canyon, cliquez ici.

OBJET : LE CONFLIT DE TRAVAIL À LA MINE DE SEL DE WINDSOR

Bonjour,

Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, représentant plus de 315 000 travailleuses et travailleurs dans tous les grands secteurs de l'économie, y compris les mines. Comme vous le savez peut-être, 250 membres des sections locales 240 et 1959 d'Unifor, qui travaillent à la mine de sel et à l'usine d'évaporation de Windsor, sont en grève depuis maintenant quatre semaines. La société Stone Canyon Industries Holdings, qui a fait l'acquisition de la Société canadienne de sel en 2021, refuse de retourner à la table de négociation et de discuter de questions financières, à moins que ses travailleuses et travailleurs n'acceptent de dures concessions, notamment la sous-traitance du travail exécuté par les membres de l'unité de négociation.

Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario (RREO) est en fait l'un des principaux investisseurs de la société Stone Canyon Industries Holdings, et les quantités importantes d'actions achetées par le Régime au cours des dernières années ont permis à la société de portefeuille industrielle d'étendre sa présence dans l'industrie du sel, où sa filiale, SCI Salt, contrôle actuellement la part du lion du marché en dehors de la Chine. Ashfaq Qadri, un directeur général du Régime, siège au conseil d'administration de Stone Canyon.

Unifor a en commun avec le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario la philosophie selon laquelle l'investissement responsable dans les fonds de retraite doit comprendre la gestion, c'est-à-dire la participation et la surveillance actives des sociétés de portefeuille pour promouvoir un changement positif. Figurant parmi les plus importants investisseurs institutionnels au monde et assurant la sauvegarde des pensions de dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs syndiqués, le Régime a le pouvoir de veiller à ce que les entreprises dans lesquelles il investit se comportent de façon responsable, surtout lorsqu'il s'agit de respecter les droits dans le domaine du travail.

Pour parler franchement, le comportement de la Stone Canyon Industries Holdings dans ce conflit de travail n'est pas à la hauteur des principes pour l'investissement responsable du Régime et viole les normes environnementales, sociales et de gouvernance, comme l'indiquent clairement les lignes directrices du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario sur l'investissement responsable. Comme vous le savez bien, l'un des principaux éléments qui déterminent le facteur social est la capacité d'une entreprise d'établir une relation constructive avec ses employés, ce qui ne commence pas en exigeant des concessions pénalisantes comme condition pour négocier.

Unifor demande donc au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario de respecter ses principes d'investissement et de gestion responsables en utilisant son influence pour exiger que la société Stone Canyon Industries Holdings retourne à la table de négociation sans imposer de conditions préalables. Aucun investissement ne peut être responsable si les droits des travailleuses et travailleurs et le processus de négociation collective ne sont pas respectés.

J'espère que vous comprenez, à la lecture de cette lettre, le niveau élevé de préoccupation que nous souhaitons communiquer. Je suis disponible si vous souhaitez discuter de la question directement avec moi.

Cordialement,

Lana Payne
Présidente nationale

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Reprise des négociations

Selon une déclaration coommune des sections locales 240 et 1959 d'Unifor et de Sel Windsor, publiée sur le site Web national d'Unifor, Stone Canyon Industries Holdings (SCIH) et le syndicat ont entamé des discussions informelles sur la possibilité de retourner à la table de négociation. En conséquence, « les deux parties conviennent qu'un retour à la table de négociationsest dans leur intérêt, et elles sont optimistes quant à leur capacité à conclure une convention collective qui soit juste et équitable pour toutes les parties concernées ».

Les travailleurs se réjouissent de la reprise des négociations mais ils s'inquiètent du délai de près de six jours qui s'est écoulé entre l'annonce et la reprise des pourparlers. Ils soupçonnent que ce délai est dû au fait que l'entreprise a dû faire venir son avocat américain du cabinet d'avocats antisyndical Jackson Lewis, qui dirige les négociations du côté de l'entreprise. Ils croient que cela montre l'arrogance persistante de l'entreprise envers leur moyen de subsistance.

Malgré leurs inquiétudes, les travailleurs espèrent que leurs efforts et le soutien qu'ils ont reçu de la communauté et d'autres membres du mouvement syndical au Canada ont convaincu l'entreprise et son propriétaire SCIH de négocier d'une manière respectueuse envers les travailleurs et  leur syndicat, au lieu  de se livrer à des manoeuvres antisyndicales.

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La sous-traitance met en péril la santé et la sécurité des mineurs du sel qui est une question
de vie ou de mort

Une des préoccupations majeures soulevées par les mineurs en grève de Sel Windsor face aux nouveaux propriétaires, Stone Canyon Industries Holdings, qui veulent imposer la sous-traitance et attaquer la capacité de fonctionnement du syndicat, porte sur la santé et la sécurité. Les mineurs soulignent que le travail qu'ils font peut être très dangereux si les normes habituelles – qui ont été établies au cours des 130 années d'exploitation des mines de sel à Windsor – ne sont pas respectées. Ce sont les travailleurs, avec leur syndicat, qui défendent ces normes jour après jour puisque leur vie en dépend. Ces derniers expliquent par exemple que lorsqu'il y a du dynamitage pour dégager le sel, personne – à l'exception des dynamiteurs et des mécaniciens qui sont à une certaine distance de l'opération – n'est autorisé à être sous terre. Des systèmes ont été mis en place pour s'assurer que tout le monde est sorti de la mine avant le dynamitage.

Pour les travailleurs, c’est une question de fierté que de défendre ces normes et de se protéger eux-mêmes et de protéger leurs collègues. Il ne s'agit là que d'un exemple parmi d'autres, et les travailleurs savent bien que c'est en partie à ce type de normes de sécurité que l'entreprise veut s'attaquer, voire qu'elle veut éliminer, pour réduire les coûts dans l'espoir de pouvoir ensuite céder l'exploitation à un autre acheteur pour faire de l'argent rapidement.

Les attaques contre les normes de santé et sécurité dans les mines prennent la forme de l'embauche de travailleurs à contrat sans sécurité d'emploi ni droit leur permettant de se défendre et de défendre leurs confrères de façon organisée. Ces attaques prennent aussi la forme d'une demande de réduction ou d'élimination des libérations syndicales permettant aux travailleurs de s'occuper d'affaires syndicales. Tout cela vise à affaiblir et à éliminer la voix organisée des travailleurs, par le biais de leur syndicat, et leur capacité à défendre les normes et les conditions qu'ils ont eux-mêmes établies au cours des 130 années de travail dans ce domaine et qui ont été transmises d'une génération de travailleurs à l'autre.

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Le sauvetage minier : essentiel à la santé et la sécurité des travailleurs

Une des équipes de sauvetage minier de la mine Ojibway de Sel Windsor s'est mérité le premier prix lors de la 70e compétition annuelle de Sauvetage minier Ontario en 2019.

Un exemple de l'expertise que les travailleurs des mines ont accumulée en santé et sécurité et qui bénéficie à l'industrie minière tout entière est celui du sauvetage minier. Les travailleurs des mines de sel en grève à Windsor, en Ontario, expliquent qu'ils ont près de cinq équipes de sauvetage minier, composées de bénévoles, qui travaillent sur le site. Ces travailleurs font une formation en sauvetage minier pour ensuite se joindre à l'équipe de sauvetage pour tout l'Ontario, laquelle peut être appelée à intervenir partout dans la province en cas de catastrophe ou d'urgences de différentes sortes. Sauvetage minier Ontario maintient un réseau de bases minières munies de l'équipement nécessaire dans toutes les régions de l'Ontario qui sont financées par un prélèvement annuel auprès des sociétés minières.

En mars 2022, le ministère du Travail du gouvernement ontarien a lancé une consultation sur les façons d'améliorer la sécurité minière. À ce moment-là, il avait souligné que : « Le sauvetage est le travail le plus difficile et le plus dangereux du secteur minier et il est souvent effectué dans des conditions qui 'posent un danger immédiat pour la vie ou la santé'. Parce que les mines deviennent de plus en plus profondes et que les distances à partir du puits augmentent ou que les sociétés explorent de nouveaux sites et mines, les intervenants d'urgence doivent faire face à des risques de plus en plus importants, ce dont il faut tenir compte dans la planification des interventions en cas de situations d'urgence[1]. »

Le ministère souligne que : « Les sauvetages miniers en Ontario sont effectués par des intervenants d'urgence bénévoles qui doivent posséder d'importantes aptitudes physiques et des connaissances et qui doivent obtenir un appui élevé. » Le sauvetage minier de l'Ontario exige des répondeurs qu'ils aient un examen physique annuel et des tests cliniques pour évaluer leur état de santé. Tous les membres de l'équipe doivent avoir des connaissances minimales en premiers soins pour venir au secours des blessés. Ils sont nombreux à avoir des compétences avancées en premiers soins. Les répondeurs peuvent être appelés à intervenir dans des opérations d'évacuation et de sauvetage. Ils sont appelés à retrouver les mineurs tués à leur travail. Par exemple, les travailleurs de l'équipe de sauvetage minier des mines de Sel Windsor ont fait partie des équipes envoyées à la mine de sel Goderich lorsqu'une tornade a frappé la mine et qu'un travailleur a été tué. Les équipes de l'extérieur ont été appelées à intervenir pour éviter que les collègues de ce travailleur n'aient pas à sortir eux-mêmes le corps de leur camarade. Ce geste prend toute sa signification lorsqu'on considère que les propriétaires des mines de sel sont en compétition et que la mine de sel de Goderich est l'un des principaux compétiteurs de la mine de sel Windsor. Les travailleurs expliquent que ce n'est pas comme cela qu'ils voient les choses, qu'ils sont tous des mineurs qui veillent les uns sur les autres. Ils travaillent ensemble pour le sauvetage minier et ils ne permettront pas qu'on les retourne les uns contre les autres.

Pour en revenir à la situation à Sel Windsor, les coordinateurs de Sauvetage minier Ontario ont décidé que la mine d'Ojibway ne pouvait pas être exploitée pendant la grève, comme le souhaitait l'entreprise, parce que parmi les cadres que l'entreprise utilise pour essayer de maintenir la production sous terre, elle ne dispose pas d'un nombre suffisant de sauveteurs miniers qualifiés. Cela montre que, malgré toute sa bonne volonté, la compagnie ne fonde pas ses actions sur ce qui est sécuritaire ou non, ni sur les normes existantes, mais sur ce qu'elle peut faire sans se faire prendre. Dans ce cas-ci, elle n'a pas pu s'en sauver en raison des normes qui existent et aussi parce qu'elles ont été défendues. Cela réaffirme l'importance des prises de position des travailleurs et leur rejet des demandes de la compagnie visant à démanteler leur syndicat. Ils savent qu'ils ne peuvent s'appuyer que sur eux-mêmes  pour exploiter le site en toute sécurité.

Note

1. Intervention d'urgence et sauvetage dans les mines, Province de l'Ontario, 1er mars 2022 

(Photo : Workplace Safety North)

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À propos de Sauvetage minier Ontario

Sauvetage minier Ontario fournit les informations suivantes sur son rôle et son histoire :

« En Ontario, la loi exige que chaque mine souterraine établisse et maintienne un programme de sauvetage minier. Chaque exploitation minière souterraine est également tenue d'établir et de maintenir un plan détaillé d'intervention en cas d'urgence. Sauvetage minier Ontario (OMR) est un tel programme pour la province de l'Ontario. Il fait partie de Sécurité au travail dans le Nord (WSN) et fonctionne sous l'autorité de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. L'OMR, dont le siège est à Sudbury, fournit le personnel, l'équipement et l'entretien d'un réseau de stations de sauvetage dans les mines de toute la province, afin de s'assurer que les mines situées dans une zone géographique donnée disposent d'une capacité d'intervention adéquate en cas d'urgence.

« Les stations de sauvetage dans les mines de l'Ontario sont actuellement situées dans les villes suivantes : Delaware, Wawa, Kirkland Lake, Onaping, Red Lake, Sudbury, Thunder Bay. »

Selon un communiqué de presse publié en 2021 par Sauvetage minier Ontario, 900 hommes et femmes de toute la province étaient alors des bénévoles actifs de Sauvetage minier Ontario. Le programme est financé par le gouvernement et dispose d'un comité consultatif technique composé de représentants de l'industrie minière. À l'époque, l'Ontario comptait 40 exploitations minières en activité, dont la plupart se trouvaient dans le nord de la province.

Histoire de Sauvetage minier Ontario

« Sauvetage minier Ontario est né de la tragédie de l'incendie de la mine Hollinger qui a coûté la vie à 39 mineurs à Timmins en 1928. Ni la mine, ni la ville, ni même la province n'avaient l'expertise ou les ressources nécessaires pour intervenir afin de sauver leurs vies ou de lutter adéquatement contre l'incendie. Des équipes de sauvetage minier de Pittsburgh ont dû être appelées pour éteindre l'incendie, tandis que les opérations d'évacuation ont été laissées à la charge de la direction locale de la mine.

« La commission royale provinciale qui en a résulté a recommandé la création d'une organisation de sauvetage dans les mines de l'Ontario sous l'égide du ministère des Mines pour répondre aux incendies de mines souterraines. Au cours des 90 dernières années, Sauvetage minier Ontario a évolué au fur et à mesure que les leçons tirées des opérations de sauvetage minier fournissaient des indications précieuses pour les activités futures.

« L'incendie d'East Malartic en 1947 a marqué un tournant majeur pour Sauvetage minier Ontario, car des équipes de Timmins, Kirkland Lake et Sudbury ont répondu à un appel pour aider à lutter contre un incendie à une mine à Malartic, au Québec. C'était la première et la seule fois que les équipes de sauvetage minier de l'Ontario répondaient à une urgence à l'extérieur de la province. En travaillant ensemble, il est devenu évident que chaque district avait des normes de formation et d'entretien différentes. C'est pourquoi le poste d'agent principal de sauvetage minier a été créé pour veiller à ce que des normes soient établies et maintenues à l'échelle de la province en matière de formation au sauvetage minier et d'entretien du matériel.

« En 1965, un autre incendie de mine à Timmins, cette fois à la mine McIntyre, a obligé l'organisation à procéder à un autre changement. La distance souterraine que les équipes de sauvetage doivent parcourir pour atteindre l'incendie est si grande que l'appareil [respiratoire] McCaa, d'une durée de deux heures, n'est pas suffisant pour leur donner le temps de combattre l'incendie. En 1966, après avoir étudié et testé différents appareils, le BG174 a été acheté pour permettre une capacité de quatre heures. Le BG174 a fait ses preuves pendant près de 40 ans avant d'être remplacé par le BG4.

« Sauvetage minier Ontario a pris des responsabilités supplémentaires en 1984 après que quatre mineurs ont été piégés et tués dans un éboulement au puits Falconbridge numéro 5, près de Sudbury. La Commission Stevenson a recommandé que le mandat de l'organisation soit élargi à la formation et à l'intervention dans les situations d'urgence non liées au feu. La formation sur les équipements de sauvetage non liés aux incendies a commencé peu après.

« En janvier 2001, la responsabilité du sauvetage dans les mines en Ontario a été transférée à la Mines and Aggregates Safety and Health Association, qui fait maintenant partie de Sécurité au travail dans le Nord (WSN). Le programme a été modernisé et doté d'un équipement de pointe, dont l'appareil respiratoire autonome Drager BG4. Des programmes de formation normalisés et fondés sur les compétences ont été élaborés pour garantir une transmission cohérente des informations aux équipes de sauvetage minier dans toute la province.

« Ces développements et d'autres encore ont fait de Sauvetage minier Ontario un modèle pour la mise en place de programmes de formation et de sécurité pour les organisations de sauvetage minier dans d'autres provinces et pays[1]. »

Depuis 73 ans, Sauvetage minier Ontario organise une compétition provinciale pour s'assurer que les équipes sont sur la même longueur d'onde et prêtes à faire leur devoir selon les normes les plus élevées.

La compétition de sauvetage minier Ontario est conçue pour simuler une intervention complète en cas d'incident, avec de nombreuses tâches intégrées. Une compétition comprend la préparation et le briefing de l'équipe, suivis de la résolution d'un incident complexe qui comprend généralement le triage, l'utilisation d'équipements spéciaux et la lutte contre les incendies.

Note

1. Sauvetage minier Ontario

(Traduction des citations par Forum ouvrier)

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Le rôle des tribunaux de l'Ontario pour aider les sociétés de fonds d'investissement à détruire un syndicat canadien

Manifestation des travailleurs de Sel Windsor et de leur sympathisants devant l'hôtel de ville,
le 16 mars 2023

Le rôle des tribunaux au Canada du côté d'intérêts privés étroits contredit toujours ce qui est dit des tribunaux, qu'ils sont neutres et que leur rôle est de veiller à ce que justice soit faite. La réalité quotidienne montre que ce n'est pas la classe ouvrière qui détermine ce que cela veut dire servir la cause de la justice. Cela a été confirmé une fois de plus lorsque, le 6 mars, le juge Ian Leach de la Cour supérieure de justice de l'Ontario a renouvelé l'injonction provisoire qu'il avait accordée le 28 février pour empêcher que les travailleurs en grève puissent eux-mêmes empêcher Sel Windsor et ses nouveaux propriétaires, la firme d'investissement américaine Stone Canyon Holdings Inc., de retirer les stocks de sel de ses installations de Windsor, en Ontario. C'est un exemple flagrant d'intervention d'un tribunal d'un côté d'un conflit pour faire en sorte que le côté des intérêts représentant les intérêts privés étroits sont favorisés au détriment de l'autre, celui des travailleurs. Le travail fait partie de l'équation qui crée la richesse que les intérêts privés exproprient en premier lieu et c'est le travail qui se défend pour que les travailleurs puissent travailler et vivre dans la dignité.

Des travailleurs en grève empêchent des cargaisons de quitter Sel Windsor, le 23 février 2023.

Avant l'injonction, les travailleurs avaient empêché que les stocks de sel soient retirés à la suite de l'expérience de leurs collègues à Pugwash, en Nouvelle-Écosse, qui avaient vu l'entreprise prendre les stocks de sel pour prolonger la grève et forcer les travailleurs à accepter des concessions. Un des buts de l'injonction est d'intimider les travailleurs qui seront criminalisés s'ils persistent à défendre leurs intérêts en empêchant le retrait des stocks de sel. L'autre but est de pousser la police – une autre instance dite neutre – à faire « son devoir » en empêchant plus vigoureusement les travailleurs d'arrêter les trains et les camions cherchant à retirer le sel. L'idée que les tribunaux et la police pourraient assumer leurs responsabilités en défendant le travail ne fait pas partie du raisonnement qui guide le système juridique. C'est la raison pour laquelle le raisonnement et les arrangements qu'on appelle institutions démocratiques libérales ont besoin d'être renouvelés pour que leur but soit déterminé par la classe ouvrière en fonction de sa vision d'une société qui harmonise les intérêts individuels et collectifs dans le contexte des intérêts généraux de la société.

La longue justification de l'extension de l'injonction semble l'avoir rendue plus spécifique et restrictive en limitant à 15 minutes l'action des grévistes pour arrêter les véhicules lors de leurs piquetages. On prétend que 15 minutes est tout à fait raisonnable, mais on n'explique pas pourquoi l'entreprise expédie le sel tout en refusant de participer aux négociations.

L'injonction prolongée est en vigueur depuis le 8 mars pour la durée d'une semaine, après quoi l'entreprise peut à nouveau faire une demande pour encore une fois la prolonger.

Le jour du renouvellement de l'injonction, un travailleur sur la ligne de piquetage a bien souligné la cruauté de l'injonction lorsqu'il a dit aux nouvelles de la CBC : « Tout cela est un peu plus inquiétant en ce moment puisque ces derniers jours les camions entrent et sont chargés de produits qui sont expédiés vers nos entrepôts, ce qui n'était pas le cas jusqu'à hier. »

Unifor représente les travailleurs de Sel Windsor. Il avait mis au clair depuis le début que les nouveaux propriétaires des installations ne parleraient de questions financières (par exemple, les salaires et les avantages sociaux) que si le syndicat autorisait l'entreprise a faire de la sous-traitance dans ses mines de sel avec des employés non syndiqués. C'est quelque chose qu'aucun syndicat digne de ce nom pourrait accepter. La présidente nationale du syndicat, Lana Payne, s'est rendue à la ligne de piquetage pour exprimer son appui aux grévistes de Windsor, à qui elle a dit : « C'est tout un défi, parce que la compagnie a été achetée par une firme d'investissement pendant la pandémie, et nous connaissons tous le passé des firmes d'investissement et comment elles opèrent. Nous en sommes en ce moment à défendre l'existence même de notre syndicat dans cette mine. » Les propositions de l'entreprise, les concessions dont elle parle, « pourraient en définitive éliminer l'ensemble de nos membres », a-t-elle dit. En outre, l'entreprise pourrait éliminer la santé et la sécurité et d'autres normes défendues par le syndicat, que les nouveaux propriétaires veulent retirer pour qu'ils puissent soutirer le plus de valeur possible des opérations pour eux-mêmes et pour leurs actionnaires. Voilà donc comment se pose le problème et les travailleurs discutent de la situation afin de déterminer comment ils vont procéder.

(EmpowerYourselfNow.ca)

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Des arguments intéressés pour justifier les abus de pouvoir de l'entreprise


Piquet de grève à Sel Windsor, 1er mars 2023

Lorsque le juge Leach de la Cour supérieure de justice de l'Ontario a émis l'injonction contre les travailleurs en grève de Sel Windsor, ses motifs se sont concentrés sur trois points principaux qu'il a qualifiés de préoccupants. Tout d'abord, le comportement de certains qui tenaient les piquets de grève était « illégal » car non seulement il ne permettait pas aux agents de l'entreprise ou à d'autres personnes d'entrer dans l'installation mais il comprenait également des intrusions et des intimidations. Il a donné comme exemple l'utilisation de lumières stroboscopiques contre les camions de briseurs de grève, les agents de sécurité engagés ou la direction qui tentaient d'entrer. Selon le juge, « bien que le piquet de grève soit présumé légal et protégé par la Constitution, il est interdit lorsqu'il contrevient au droit pénal ou implique d'autres comportements illégaux comme la nuisance, l'intrusion et/ou l'intimidation ». Encore une fois, inutile de dire que ce qui est une nuisance, une intrusion et/ou une intimidation pour l'un n'est rien de tout cela pour l'autre.

Le deuxième motif donné par le juge était qu'un préjudice irréparable serait causé si l'entreprise n'était pas autorisée à entrer dans l'installation pour y retirer ses stocks et y effectuer d'autres travaux d'entretien. Il s'agit d'une accusation grave, car elle est portée de façon générale chaque fois que des travailleurs ou des autochtones partout au pays défendent leurs droits contre des gouvernements et des entreprises qui les foulent aux pieds et agissent en toute impunité. On pourrait penser que son raisonnement pourrait être mieux utilisé pour fournir un argument quant à la raison pour laquelle l'entreprise devrait négocier avec les travailleurs et régler leurs revendications d'une manière acceptable. Au lieu de cela, la responsabilité du préjudice irréparable est rejetée sur les travailleurs dont la seule intention est de faire pression sur l'entreprise pour qu'elle négocie et non de causer un préjudice irréparable à qui que ce soit. Pourquoi le préjudice irréparable n'est-il pas imputé à l'entreprise pour son refus de négocier ? Cette question mérite d'être examinée.

Selon le juge : « Les conduites à haute pression qui transportent la saumure jusqu'à la station d'évaporation à partir de cavernes et de puits de sel éloignés ne sont plus inspectées quotidiennement pour détecter les fuites, et les éléments de preuve non contredits dont je dispose actuellement indiquent que le risque de dommages environnementaux catastrophiques et la perte connexe du permis de la demanderesse pour poursuivre ces opérations (un permis nécessaire à la survie de l'entreprise d'évaporation de la demanderesse) sont très réels. Le préjudice irréparable menacé par l'incapacité d'inspecter régulièrement et systématiquement les conduites concernées met donc en jeu non seulement les intérêts privés du plaignant (notamment le risque de perte d'activité, la responsabilité pour les dommages liés à toute catastrophe environnementale et la perte de réputation et de bonne volonté), mais aussi l'intérêt public des personnes vivant dans et autour des zones affectées, qui ne devraient pas être inutilement exposées au risque de tels dangers. »

Cette présentation fallacieuse sert les intérêts de l'entreprise, en la présentant comme la victime qui, de surcroît, se préoccupe également de l'environnement local. Si l'entreprise savait qu'une grève entraînerait de tels problèmes, pourquoi refuse-t-elle de négocier ? Pourquoi impose-t-elle des règles de sous-traitance qui menacent la viabilité du syndicat, alors qu'il était clair que cela entraînerait une grève ? Ce seul fait montre que l'entreprise savait ou aurait dû savoir ce qu'elle faisait et qu'elle utilise maintenant le risque environnemental pour tenter de s'en sortir. Les travailleurs pourraient soutenir que l'entreprise devrait être tenue responsable de mettre en danger la santé publique pour avoir permis la poursuite de la dégradation de l'environnement. Le juge ne devrait-il pas également tenir compte de cet aspect lorsqu'il se prononce sur de telles questions ? Si l'entreprise ne savait pas que ce risque existait, elle le sait maintenant et devrait être sommée par le tribunal de négocier de bonne foi ou d'être tenue responsable de mettre en danger la santé publique.

Par la suite, le juge a ajouté un autre motif pour lequel les travailleurs seront tenus responsables : « Un préjudice irréparable imminent est menacé par l'interruption des activités de l'entreprise et les dommages pécuniaires correspondants, difficiles à quantifier, liés à la perte à long terme de parts de marché, à la perte de réputation commerciale et à la perte de clientèle, résultant d'une incapacité prolongée à fournir des produits à partir de l'usine d'évaporation de la demanderesse si cette dernière est effectivement empêchée de décharger le contenu actuel de ses silos de stockage, en raison des piquets de grève qui empêchent les camions de transport nécessaires d'entrer et de sortir de la propriété, ce qui nécessite par ailleurs des efforts de réparation autrement importants et évitables pour remettre en état les silos et les rendre à nouveau utilisables une fois que le produit qu'ils contiennent actuellement s'agglomère et se gâte. »

Ce motif montre simplement que les tribunaux utilisent leur position privilégiée pour débiter des absurdités intéressées et leur donner un cachet juridique. L'entreprise savait que tout cela se produirait une fois qu'elle aurait provoqué une grève, alors le fait de citer ce motif pour permettre à l'entreprise de prolonger la grève en retirant son produit, en privant les travailleurs de leur salaire et de leurs avantages sociaux, est extrêmement intéressée.

Où est la préoccupation ou même la reconnaissance du préjudice irréparable causé aux travailleurs et à leur communauté du fait de la perte de leurs moyens de subsistance, de leurs avantages sociaux et de leurs normes de santé et de sécurité entraînés par la sous-traitance ?

En se demandant si l'injonction porterait atteinte aux droits des travailleurs, le juge a eu l'audace de dire : « J'ai eu du mal à percevoir un quelconque inconvénient significatif pour ceux qui seraient empêchés de continuer à participer aux activités illégales de nuisance, d'intrusion et d'intimidation qui se sont produites jusqu'à présent sur les lignes de piquetage. À cet égard, il faut souligner que l'injonction demandée ne vise pas à empêcher les piquets de grève légaux et protégés par la Constitution. Encore une fois, les piquets de grève ont des droits légitimes et constitutionnels à la liberté d'expression qui doivent être maintenus de façon raisonnable pendant ce conflit de travail. Toutefois, ces droits peuvent être protégés et facilités par l'octroi d'une injonction qui permette des périodes raisonnables de retard dans l'entrée et la sortie de la propriété du plaignant pendant que les piqueteurs tentent de communiquer leurs points de vue de manière légale et pacifique, sans transgresser par un retard prolongé déraisonnable et/ou une obstruction complète de ceux qui tentent d'entrer ou de sortir de la propriété de la demanderesse, une intimidation inappropriée à cet égard, et/ou une violation de propriété. »

Tout un discours de diversion sur ce qui est légal, constitutionnel et approprié. Des lois ont été adoptées au fil des ans pour s'assurer que les grèves des travailleurs soient totalement inefficaces afin de créer un rapport de force entre une entreprise et toutes ses ressources, d'une part, et la force du nombre et de l'organisation des travailleurs, de l'autre. Dans les conditions actuelles, les gouvernements utilisent les pouvoirs de police pour déclarer que toutes les questions qui défendent les droits des travailleurs, des autochtones et des autres personnes sont des questions de sécurité nationale et de bien-être économique, et les luttes des travailleurs sont déclarées illégales. La situation appelle donc les travailleurs à trouver de nouveaux moyens de mettre la force de leur nombre et de leur organisation au service de leur juste cause.

Il est regrettable qu'au Canada aujourd'hui, des juges et des ministres n'aient pas encore compris que LA FORCE NE FAIT PAS LE DROIT ! L'utilisation des assemblées législatives, des tribunaux et des prérogatives pour adopter des lois et émettre des décrets qui n'ont pas comme résultat d'harmoniser les réclamations individuelles et collectives sur la société et de les harmoniser avec l'intérêt général de la société peut les rendre légaux, mais cela ne les rend pas justes et ils sont donc ignobles.

Autrement dit, le tort irréparable causé aux travailleurs du Canada ne peut être justifié et plus les détenteurs de pouvoir et de privilèges essaient de le faire, plus ils deviennent vulnérables. Oui aux négociations ! Non à la défense de l'impunité par les tribunaux et le gouvernement !

Le juge déclare : « J'ai eu du mal à voir un inconvénient significatif » lorsqu'il parle de limiter les actions de grève des travailleurs pour les réduire à une protestation inefficace. Pour lui, il ne s'agit même pas d'un inconvénient significatif. Pour les travailleurs, c'est une question de survie.

Pour connaître les motifs complets de l'injonction, cliquez ici.

(Traduction des citations par Forum ouvrier. EmpowerYourselfNow.ca)

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