Le rôle des tribunaux de l'Ontario pour aider les sociétés de fonds d'investissement à détruire un syndicat canadien
Manifestation des travailleurs de Sel Windsor et de
leur sympathisants devant l'hôtel de ville,
le 16 mars 2023
Le rôle des tribunaux au Canada du côté d'intérêts privés étroits contredit toujours ce qui est dit des tribunaux, qu'ils sont neutres et que leur rôle est de veiller à ce que justice soit faite. La réalité quotidienne montre que ce n'est pas la classe ouvrière qui détermine ce que cela veut dire servir la cause de la justice. Cela a été confirmé une fois de plus lorsque, le 6 mars, le juge Ian Leach de la Cour supérieure de justice de l'Ontario a renouvelé l'injonction provisoire qu'il avait accordée le 28 février pour empêcher que les travailleurs en grève puissent eux-mêmes empêcher Sel Windsor et ses nouveaux propriétaires, la firme d'investissement américaine Stone Canyon Holdings Inc., de retirer les stocks de sel de ses installations de Windsor, en Ontario. C'est un exemple flagrant d'intervention d'un tribunal d'un côté d'un conflit pour faire en sorte que le côté des intérêts représentant les intérêts privés étroits sont favorisés au détriment de l'autre, celui des travailleurs. Le travail fait partie de l'équation qui crée la richesse que les intérêts privés exproprient en premier lieu et c'est le travail qui se défend pour que les travailleurs puissent travailler et vivre dans la dignité.
Des travailleurs en grève empêchent des cargaisons de quitter Sel Windsor, le 23 février 2023. |
Avant l'injonction, les travailleurs avaient empêché que les stocks de sel soient retirés à la suite de l'expérience de leurs collègues à Pugwash, en Nouvelle-Écosse, qui avaient vu l'entreprise prendre les stocks de sel pour prolonger la grève et forcer les travailleurs à accepter des concessions. Un des buts de l'injonction est d'intimider les travailleurs qui seront criminalisés s'ils persistent à défendre leurs intérêts en empêchant le retrait des stocks de sel. L'autre but est de pousser la police – une autre instance dite neutre – à faire « son devoir » en empêchant plus vigoureusement les travailleurs d'arrêter les trains et les camions cherchant à retirer le sel. L'idée que les tribunaux et la police pourraient assumer leurs responsabilités en défendant le travail ne fait pas partie du raisonnement qui guide le système juridique. C'est la raison pour laquelle le raisonnement et les arrangements qu'on appelle institutions démocratiques libérales ont besoin d'être renouvelés pour que leur but soit déterminé par la classe ouvrière en fonction de sa vision d'une société qui harmonise les intérêts individuels et collectifs dans le contexte des intérêts généraux de la société.
La longue justification de l'extension de l'injonction semble l'avoir rendue plus spécifique et restrictive en limitant à 15 minutes l'action des grévistes pour arrêter les véhicules lors de leurs piquetages. On prétend que 15 minutes est tout à fait raisonnable, mais on n'explique pas pourquoi l'entreprise expédie le sel tout en refusant de participer aux négociations.
L'injonction prolongée est en vigueur depuis le 8 mars pour la durée d'une semaine, après quoi l'entreprise peut à nouveau faire une demande pour encore une fois la prolonger.
Le jour du renouvellement de l'injonction, un travailleur sur la ligne de piquetage a bien souligné la cruauté de l'injonction lorsqu'il a dit aux nouvelles de la CBC : « Tout cela est un peu plus inquiétant en ce moment puisque ces derniers jours les camions entrent et sont chargés de produits qui sont expédiés vers nos entrepôts, ce qui n'était pas le cas jusqu'à hier. »
Unifor représente les travailleurs de Sel Windsor. Il avait mis au clair depuis le début que les nouveaux propriétaires des installations ne parleraient de questions financières (par exemple, les salaires et les avantages sociaux) que si le syndicat autorisait l'entreprise a faire de la sous-traitance dans ses mines de sel avec des employés non syndiqués. C'est quelque chose qu'aucun syndicat digne de ce nom pourrait accepter. La présidente nationale du syndicat, Lana Payne, s'est rendue à la ligne de piquetage pour exprimer son appui aux grévistes de Windsor, à qui elle a dit : « C'est tout un défi, parce que la compagnie a été achetée par une firme d'investissement pendant la pandémie, et nous connaissons tous le passé des firmes d'investissement et comment elles opèrent. Nous en sommes en ce moment à défendre l'existence même de notre syndicat dans cette mine. » Les propositions de l'entreprise, les concessions dont elle parle, « pourraient en définitive éliminer l'ensemble de nos membres », a-t-elle dit. En outre, l'entreprise pourrait éliminer la santé et la sécurité et d'autres normes défendues par le syndicat, que les nouveaux propriétaires veulent retirer pour qu'ils puissent soutirer le plus de valeur possible des opérations pour eux-mêmes et pour leurs actionnaires. Voilà donc comment se pose le problème et les travailleurs discutent de la situation afin de déterminer comment ils vont procéder.
Cet article a été publié dans
Numéro 13
- 17 mars 2023
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