Forum ouvrier

Numéro 86 - 29 décembre 2020

La lutte pour défendre la dignité du travail

Les justes revendications des
travailleurs d'Amazon

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La main-d'oeuvre d'Amazon
Le taux d'accidents de travail dans les entrepôts d'Amazon
La COVID-19 dans les endroits de travail de l'Ontario
Rapport de la protectrice du citoyen sur la pandémie et les soins de longue durée - Pierre Soublière
 

Note aux lecteurs


La lutte pour défendre la dignité du travail

Les justes revendications des travailleurs d'Amazon

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Les travailleurs d'un entrepôt d'Amazon à Bessemer en Alabama se préparent actuellement à voter pour rejoindre l'Union des employés de gros, de détail et de magasins à rayons. Il y a environ 1 500 travailleurs permanents à temps plein et à temps partiel dans l'entrepôt et les autorités fédérales américaines du travail ont approuvé la demande de vote, qui exige qu'au moins 30 % des travailleurs signent une demande d'adhésion au syndicat. L'entreprise conteste les chiffres, affirmant qu'elle a plus de 5 000 travailleurs à l'entrepôt, dont environ 3 500 travailleurs temporaires, certains saisonniers et certains embauchés en raison de l'augmentation de la charge de travail causée par l'augmentation des achats en ligne due à la pandémie.

Après trois jours d'audiences entre le 18 et le 21 décembre, dans lesquelles ont participé la compagnie, le syndicat et la Commission nationale des relations de travail (NLRB), une entente a été conclue sur les types de travailleurs de l'entrepôt qui seront autorisés à prendre part au vote sur la syndicalisation, mais les médias n'ont pas mentionné quels travailleurs seront admissibles. Il reste à décider s'il s'agira d'un vote par la poste ou en personne. Le NLRB n'a pas encore fixé la date du vote, mais les agences de nouvelles rapportent que cela sera probablement au début de la nouvelle année.

L'entrepôt de l'Alabama serait le premier établissement d'Amazon aux États-Unis à être syndiqué. Amazon est bien connu aux États-Unis et au Canada comme un employeur farouchement antisyndical.

Un site Web servant à organiser les travailleurs et géré par le syndicat, où les travailleurs peuvent signer l'autorisation, décrit certaines des revendications des travailleurs, notamment le droit de négocier « les conditions de travail, dont des éléments tels que les normes de sécurité, la formation, les pauses, la rémunération, les avantages sociaux et d'autres questions importantes qui amélioreraient notre lieu de travail » et souligne que « le bilan des conditions de travail déshumanisantes d'Amazon est bien établi. Dix-neuf travailleurs sont morts dans les établissements d'Amazon depuis 2013. Nous sommes confrontés à des quotas de travail scandaleux qui ont laissé beaucoup de travailleurs malades et accidentés à vie. [...] Tous les travailleurs méritent d'être traités avec dignité et respect  et cela inclut les travailleurs d'Amazon. Malheureusement, Amazon  qui est contrôlée par la personne la plus riche de la planète  a une histoire bien documentée de mauvais traitements et de déshumanisation de sa main-d'oeuvre. »

Les travailleurs sont préoccupés en ce moment du fait qu'Amazon ne fournit pas l'équipement de protection individuelle adéquat et n'assure pas la sécurité des travailleurs pendant la pandémie de la COVID-19.

Le 30 septembre, le réseau NBC a rapporté que 40 travailleurs d'Amazon de 23 établissements ont signalé que bon nombre des mesures de sécurité mises en oeuvre par Amazon au début de la pandémie ne le sont plus maintenant ou sont difficiles à appliquer, et que l'entreprise ne fournissait pas à ses travailleurs suffisamment d'information pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées sur la sécurité de leurs lieux de travail.

Les travailleurs d'Amazon ont eux-mêmes compilé des données sur les cas de COVID-19 signalés qui ont montré que jusqu'à la fin du mois de septembre, il y avait eu au moins 2 038 cas positifs. Amazon a confirmé les recherches de NBC selon lesquelles dix travailleurs d'Amazon sont décédés.

Le Centre des travailleurs d'entrepôt participe à une manifestation en appui aux travailleurs migrants et aux étudiants, le 14 septembre 2020. 

Le Centre des travailleurs d'entrepôt (CTE) à Brampton, fondé en avril 2020 avec le soutien du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, a publié une déclaration au début du mois de décembre dans laquelle il mentionne les revendications suivantes :

« Les travailleurs essentiels ont besoin de protections essentielles MAINTENANT.

« Nous, du Centre des travailleurs d'entrepôt, croyons que la sécurité des travailleurs est d'une importance capitale et est intégrale au bien-être de notre province. Nous, les travailleurs, sommes le pilier de la société. Nos conditions de travail et nos salaires doivent refléter ce rôle.

« Une prime de pandémie : le Centre des travailleurs d'entrepôt demande que les employeurs mettent en place ou rétablissent la prime salariale de 2 dollars l'heure pour tous les travailleurs dits essentiels. Nous demandons aussi que cette prime soit permanente.

http://www.cpcml.ca/images2018/WorkersEconomy/Construction/180621-MTL-Grutiers-05.jpg« La deuxième vague est arrivée, alors où est la deuxième vague de prime salariale pour la pandémie ? Les compagnies comme Amazon et Loblaws ont annoncé une prime COVID-19 de 2 dollars l'heure en mars, mais l'ont retirée dès qu'elles ont pu. Maintenant, la deuxième vague est arrivée et les travailleurs essentiels, dans les entrepôts, en distribution, dans le commerce en ligne et dans d'autres secteurs continuent de courir des risques sans recevoir le salaire qu'ils méritent. La majorité des travailleurs dans le secteur d'entreposage sont des travailleurs racialisés qui combattent déjà les salaires inéquitables et la dévaluation de leur travail.

« La santé et la sécurité dans les endroits de travail : le Centre des travailleurs d'entrepôt demande que tous les employeurs mettent en oeuvre les mesures préventives en sécurité nécessaires pour que les travailleurs soient protégés de la COVID-19. Les employeurs doivent répondre aux besoins des travailleurs, notamment l'accès aux ÉPI, la distanciation physique, les horaires de travail brisés et les heures de pause.

« Des congés de maladie provinciaux payés : nous joignons notre voix à celle du Réseau pour la santé et un travail décent pour appeler le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario à mettre en place des journées de congé de maladie permanentes pour tous et pour toutes.

« 1. Ils doivent exiger que les employeurs fournissent au moins 7 journées de congé d'urgence entièrement payées, sur une base permanente.

« 2. Ils doivent exiger que les employeurs ajoutent 14 jours supplémentaires de congés d'urgence entièrement payés en cas d'urgences de santé publique.

« 3. Ils doivent s'assurer que les congés d'urgence soient disponibles pour tous les travailleurs, peu importe leur statut d'emploi, leur statut d'immigration ou le nombre de travailleurs dans un endroit de travail.

« 4. Ils doivent interdire que les employeurs exigent des billets du médecin.

« 5. Ils doivent empêcher la mise en place de tout autre obstacle à l'accès aux congés d'urgence payés.

« 6. Ils doivent s'assurer que les congés d'urgence payés s'appliquent pour des raisons de maladie, d'accident de travail ou d'urgence personnelle, de même qu'aux urgences et aux responsabilités familiales.

« Un accès amélioré aux tests de dépistage de la COVID-19 : il faut un meilleur accès aux tests pour la COVID-19 pour les travailleurs essentiels en entreposage, en distribution et en commerce en ligne. Les employeurs doivent fournir un congé payé aux travailleurs qui doivent subir le test.

« De réels changements structurels doivent être mis en place immédiatement afin d'assurer une plus grande santé et une plus grande sécurité pour les travailleurs d'entrepôt et pour l'ensemble de nos communautés. Droits des travailleurs = santé publique ! »

Pour un examen en profondeur de la lutte des travailleurs à la demande pour leurs droits aux États-Unis, lire le numéro du 3 décembre 2020 de Forum ouvrier sur la Proposition 22 en Californie.

(Sources : Forum ouvrier, Washington Post, NBC News, Centre des travailleurs d'entrepôt. Photo: FO, Centre des travailleurs d'entrepôt)

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La main-d'oeuvre d'Amazon

Les rapports indiquent qu'Amazon emploie 1 125 300 travailleurs dans le monde. Elle en a ajouté 400 000 en 2020 pendant la pandémie, 100 000 en octobre seulement. (En 2007, elle comptait 17 000 travailleurs et à la fin de 2019, 798 000.) De cette main-d'oeuvre mondiale, 21 000 personnes sont employées dans ses opérations canadiennes[1]. Ces chiffres incluent les travailleurs à temps plein et à temps partiel.

Les travailleurs d'entrepôt

Amazon appelle ses entrepôts des « centres de distribution » qui est une catégorie spécialisée. Elle emploie plus de 500 000 travailleurs dans 175 de ces « centres de distribution » dans le monde. Les travailleurs sont appelés « collaborateurs ».

Amazon définit ses « centres de distribution » comme « des installations modernes et sécurisées avec des processus de prélèvement, d'emballage et d'expédition hautement automatisés pour faciliter le traitement sûr et en temps des stocks et des commandes des clients ». Amazon est aussi connue pour ses régimes de surveillance et ses actions punitives contre ceux qui ne produisent pas au rythme exigé par la compagnie.

Une visite guidée de ses 20 entrepôts aux États-Unis est possible sur rendez-vous en ligne. Amazon décrit une visite comme suit :

« Si vous imaginez un entrepôt rempli de chariots, tous les livres au même endroit et les vêtements dans un autre, imaginez ceci : des systèmes robotiques de couleur orange manipulant des assemblages de marchandises tournoyant dans ce qui ressemble à une danse chorégraphiée sur des sols en béton brillant, des kilomètres de convoyeur et des rampes transportant l'inventaire à travers le bâtiment, et les étiquettes d'expédition qui volent littéralement sur les boîtes, soufflées par des bouffées d'air.

« Même en personne, l'immensité peut être difficile à saisir : le centre de Baltimore, par exemple, s'étend sur l'équivalent d'environ 10 à 28 terrains de football et peut stocker des dizaines de millions d'articles chaque jour. Si l'espace semble caverneux, la lumière provenant des puits de lumière rend le tout remarquablement confortable, maintenu à température ambiante toute l'année. Les collaborateurs prélèvent, emballent et expédient les commandes des clients dans plus de 175 sites dans le monde.

« Au cours de la visite d'une heure, vous découvrirez chaque partie du processus et certains des rôles et avantages disponibles pour les collaborateurs dans les centres de traitement des commandes, y compris des détails sur les éléments suivants : choix de carrière, un programme qui offre de prépayer 95 % des frais de scolarité et des frais de cours dans les domaines de carrière à forte demande, où un emploi de vacances peut mener, et comment la formation en cours d'emploi peut conduire à un emploi technologique sans avoir à passer par une éducation postsecondaire.

« Voici ce que vous apprendrez et verrez de plus lors de la visite :

« 1. Où les produits entrent dans l'entrepôt

« Au quai d'arrivée, les produits sont enlevés des remorques par chariot élévateur ou intégrés manuellement sur des palettes. Le fret est séparé entre celui provenant d'une autre installation Amazon et directement d'un fournisseur, tel qu'un vendeur utilisant la Distribution par Amazon (FBA). Avec FBA, les petites entreprises stockent leurs produits dans des centres de distribution et Amazon choisit, emballe, expédie et fournit un service client, aidant ces entreprises à atteindre plus de clients. La moitié des articles vendus sur Amazon.com proviennent de petites entreprises et de petits entrepreneurs.

« 2. Le processus de rangement

« Au lieu de stocker les articles comme le ferait un magasin, c'est-à-dire l'électronique dans une allée, les jouets dans une autre, tout le stock des centres de distribution Amazon est rangé de manière aléatoire. Des étagères jaunes sur plusieurs niveaux contiennent des compartiments remplis d'articles divers, tous enregistrés informatiquement. Cette méthode contre-intuitive permet aux collaborateurs de prélever et d'emballer rapidement une grande variété de produits.

« Des robots qui transportent ces compartiments jusqu'aux postes de travail des collaborateurs en fonction de la taille du produit, se déplacent sur des codes-barres 2D placés au sol et se cèdent le passage en fonction des priorités du flux de travail. Le chargeur recherche un espace approprié pour chaque article et le range dans la nacelle, le rendant disponible à l'achat sur Amazon.com.

« 3. La cueillette des commandes

« Les cueilleurs sont comme des acheteurs personnels, cueillant des centaines d'articles par jour pour répondre aux commandes des clients. Lorsque la commande arrive, un robot apporte des nacelles remplies d'articles aux collaborateurs travaillant dans les stations de prélèvement. Le cueilleur lit l'écran, récupère le bon article du bac et le place dans une boîte en plastique jaune appelée fourre-tout.

« Les robots sont incroyablement intelligents, mais ils ne sont pas en concurrence pour les emplois  ils les créent dans les centres de distribution Amazon. Transportant des milliers de nacelles par étage avec des millions de produits rangés à l'intérieur, les systèmes robotiques, à balayage électronique et informatique permettent à plus de marchandises de passer par un centre de distribution, ce qui signifie que plus de collaborateurs sont nécessaires pour gérer celles-ci. Depuis 2012, Amazon a ajouté des dizaines de milliers de robots dans ses centres de distribution, tout en ajoutant plus de 300 000 emplois à temps plein dans le monde.

« 4. Assurance qualité

« Différentes équipes en cours de route veillent au bon déroulement du processus d'exécution. L'équipe de contrôle des stocks et d'assurance qualité s'assure que l'emplacement physique d'un article correspond réellement à ce qui se trouve dans l'ordinateur, en suivant des millions d'unités d'inventaire. Les robots ont également besoin d'assistance, alors des contrôleurs sur place s'assurent que les planchers sont dégagés et réinitialisent les robots au nécessaire. De nombreux autres contrôles en cours de route permettent de vérifier que le bon produit va au bon endroit.

« En visitant un centre de distribution Amazon, vous êtes témoin d'un processus qui est constamment mis au point. Alors que les collaborateurs avaient autrefois besoin de scanner manuellement l'emplacement d'une nacelle après avoir rangé chaque article, par exemple, l'apprentissage automatique permet désormais au système de connaître automatiquement le lieu où le collaborateur a placé l'article. Il est impossible de prédire aujourd'hui à quelle innovation technologique vous pourriez assister dans six mois.

« 5. Emballage des commandes

« Tout d'abord, les articles appartenant à différentes expéditions sont organisés et numérisés pour plus de précision. Ensuite, ils sont envoyés à la station d'emballage, où le système informatique recommande les tailles de boîtes aux collaborateurs, et une machine mesure la quantité exacte de ruban nécessaire. De nombreux articles sont expédiés dans leur boîte d'origine, et Amazon travaille avec les fournisseurs pour réduire les emballages. À ce stade, il n'y a pas d'étiquette d'expédition  les machines gèrent cela tout au long de la ligne, protégeant la vie privée du client et assurant l'efficacité du processus.

« 6. L'expédition des commandes

« Les enveloppes et les boîtes emballées passent ensuite par des machines SLAM (pour 'Scan, Label, Apply, Manifest'; en français : numérisation, étiquetage, application, manifestation), qui apposent les étiquettes d'expédition avec une vitesse étonnante et, contrairement au nom, avec une touche légère. Pour le contrôle de la qualité, le colis est pesé pour s'assurer que le contenu correspond à la commande. Un trieur d'expédition lit les étiquettes des colis pour déterminer où et à quelle vitesse les commandes des clients doivent être envoyées, servant en quelque sorte de contrôleur de la circulation.

« Prêts à rouler, les colis sont poussés du convoyeur vers le bas des glissières dans la remorque appropriée en fonction de la méthode d'expédition, de la vitesse de livraison et de l'emplacement. Chaque porte du quai d'expédition peut accueillir des remorques de différents transporteurs et endroits.

« Ce qu'il faut savoir avant de venir

« Les visites de 60 minutes doivent être réservées en ligne et sont ouvertes à toute personne âgée de 6 ans et plus. La sécurité est primordiale. Les visiteurs doivent donc porter des chaussures plates fermées, attacher les cheveux longs et utiliser les mains courantes dans les escaliers. Votre guide passera en revue les conseils de sécurité dès le départ et fournira des casques pour tout le monde afin que la visite soit audible malgré le bruit des machines. »

Les chauffeurs-livreurs


Manifestation des travailleurs d'Amazon devant le siège social de l'entreprise à Minneapolis au Minnesota, le 24 février 2020

En outre, Amazon compte environ 500 000 chauffeurs qui sont les personnes qui livrent des colis au domicile d'un consommateur ou à un casier Amazon de quartier. On dit qu'Amazon possède la plus grande partie de ce segment de marché dans le monde qu'on appelle le « réseau de livraison du dernier kilomètre ». Amazon a créé son propre réseau de livraison de manière que les droits fondamentaux des chauffeurs en tant que travailleurs soient bafoués. Cela se fait de deux façons. Pour certaines livraisons, Amazon conclut des contrats avec des chauffeurs via Amazon Flex. Les chauffeurs Amazon Flex sont des travailleurs à la demande traités comme des « entrepreneurs indépendants », comme les chauffeurs Uber et Lyft, payés à la fin d'un trajet, et non à un salaire horaire. Ils doivent fournir leurs propres véhicules ou louer des camionnettes de livraison. Ils se voient refuser le droit de se syndiquer, de bénéficier d'un salaire minimum, d'heures supplémentaires, de soins de santé et d'autres avantages sociaux que les travailleurs reçoivent en vertu des lois du travail de l'État.

La deuxième partie du réseau de livraison d'Amazon est ce qu'on appelle les Partenaires du service de livraison (DSP) que l'entreprise a mis en place en 2018. Les DSP sont de petites entreprises de livraison de colis qui ne comptent pas plus de 40 camionnettes. Ils sont considérés comme étant « indépendants » d'Amazon, mais leur travail consiste exclusivement à livrer des produits aux clients d'Amazon Prime. La limitation des DSP à 40 camionnettes est un moyen de bloquer la syndicalisation et de permettre à Amazon de garder le contrôle du prix payé par livraison. Les DSP emploient généralement de 40 à 100 travailleurs. Bien qu'ils portent des uniformes d'Amazon et conduisent des camionnettes avec le logo Amazon, ils ne sont pas des employés d'Amazon. Comme les chauffeurs de Flex, les chauffeurs des DSP font souvent des heures supplémentaires non rémunérées, font face à de mauvaises conditions de travail et sont constamment sous la pression d'Amazon pour respecter des délais irréalistes.

Note

1. Amazon se décrit comme « une société technologique multinationale américaine basée à Seattle, Washington, qui se concentre sur le commerce électronique, l'informatique par nuage, le streaming numérique et l'intelligence artificielle ».

En 2019, Amazon a déclaré un revenu net de 11,59 milliards de dollars américains, contre 10 milliards de dollars américains de profit net l'année précédente. Au cours de la même période fiscale, le chiffre d'affaires de l'entreprise s'est élevé à plus de 280,5 milliards de dollars américains.

Le PDG Jeff Bezos est considéré comme l'homme le plus riche du monde avec une valeur nette de 187 milliards de dollars

(Archives de Forum ouvrier, Statista.com, site Web d'Amazon et les pages Facebook de travailleurs. Photos : FO, Climate Strike, Awood Center)

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Le taux d'accidents de travail dans
les entrepôts d'Amazon

Les dossiers internes d'Amazon montrent que le taux de 7,7 blessures par 100 travailleurs dans ses entrepôts aux États-Unis est presque le double de la norme de l'industrie. Ces informations internes sur la sécurité, que le Toronto Star a obtenues, montrent qu'en 2019 son taux d'accidents au Canada, soit 9,1 % par 100 travailleurs, était plus élevé de 15 % que la moyenne de la compagnie aux États-Unis. En 2016, l'entrepôt de la compagnie à Delta, en Colombie-Britannique, était le pire de tous les centres de traitement ailleurs au Canada et aux États-Unis, avec plus de 20 accidents de travail par 100 travailleurs. Dans ses entrepôts dans la région de Toronto, le taux d'accidents de travail a doublé au cours des quatre dernières années.

En 2018, la pire année de tous les temps pour ce qui est des accidents chez Amazon, plus de deux tiers des accidents ont été causés par le surmenage ou les mouvements répétitifs, selon les réclamations faites auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario (CSPAAT). La plupart des travailleurs n'ont que peu ou pas accès aux congés de maladie. Les employés permanents ont quatre congés de maladie payés, les employés temporaires n'en ont aucun. Dans un des entrepôts de la région de Toronto, près de 40 % du personnel est temporaire.

Amazon prétend que son taux d'accidents du travail en Ontario, basé sur les réclamations des travailleurs auprès de la commission d'indemnisation des accidentés du travail, est inférieur au taux moyen de l'industrie. Or, les dossiers de la CSPAAT montrent à quel point Amazon conteste les demandes d'indemnisation des travailleurs pour des accidents de travail et exerce de la pression sur les travailleurs pour qu'ils ne déposent pas de demandes d'indemnisation. En 2018 et 2019, seulement en Ontario, Amazon a contesté près de 80 % des demandes d'indemnisation pour des blessures graves. La CSPAAT ne classe pas les entrepôts d'Amazon, appelés « centres de distribution », comme des entrepôts, mais les regroupe dans la catégorie de « vente au détail spécialisée », un secteur où les primes d'assurance sont très inférieures à celles de l'industrie de l'entreposage, où les risques sont plus élevés.

Taux d'accidents en 2019 dans les entrepôts canadiens d'Amazon


Les taux sont calculés en fonction du nombre d'accidents du travail ou de maladies qui entraînent des jours d'absence au travail ou des tâches modifiées pour 100 travailleurs :

Mississauga, Ontario - 7,3

Milton, Ontario - 13,4

Brampton, Ontario - 10,4

Brampton Ontario - 6,8

Bolton, Ontario - 6,2

Navan, Ontario - 12,1

Delta, Colombie-Britannique - 9,9

New Westminster, Colombie-Britannique - 15,5

Delta, Colombie-Britannique - 9,3

Rocky View County, Alberta - 11,1

(Sources : Reveal, du Centre pour le journalisme d'enquête. Photos : FSSS-CSN)

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La COVID-19 dans les endroits de travail de l'Ontario

Selon une analyse de la Coalition ontarienne de la santé, le nombre de cas de COVID-19 dans le secteur manufacturier en Ontario a grimpé de 76 % durant la période de deux semaines entre le 18 novembre et le 2 décembre.

La région de Peel est un des épicentres des infections de la COVID-19 au Canada avec un taux de 2 067 cas par 100 000 personnes, le taux le plus élevé en Ontario. Presque deux tiers des infections de la région sont à Brampton.

Cette région se démarque par le nombre de ses entrepôts. Près de 43 % de l'économie est basée sur le secteur de l'entreposage et de la distribution, et 1,8 milliard de dollars de marchandises transitent par cette région chaque jour.

Les dossiers de la région de Peel révèlent au moins 25 cas de COVID-19 parmi les travailleurs dans un seul entrepôt d'Amazon à Brampton. Amazon refuse de confirmer le nombre de travailleurs de première ligne qui ont eu un test positif au virus. Cependant, un article paru le 23 décembre dans le National Post mentionne que, selon une personne bien au fait des données, plus de 400 membres du personnel ont été testés positifs dans les quatre établissements d'Amazon dans la région de Peel.

Selon les rapports provenant du Centre des travailleurs d'entrepôt, une organisation communautaire de Brampton qui rend accessible des ressources et promeut de meilleurs emplois et de meilleures conditions de travail, 22 % des cas d'éclosion rapportés dans la région de Peel se retrouvent dans les milieux industriels comparativement à 5 % dans les endroits où ont lieu des événements, des cérémonies et des services religieux.

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Rapport de la protectrice du citoyen sur la pandémie et les soins de longue durée

Le 10 décembre, la protectrice du citoyen Marie Rinfret a publié un rapport d'étape intitulé « La COVID-19 dans les CHSLD durant la première vague  Apprendre de la crise et passer à l'action pour respecter les droits et la dignité des personnes hébergées ». Ce rapport fait partie d'une enquête entamée le 26 mai dernier et qui se prolongera jusqu'à l'automne 2021. Au coeur de la mission de la protectrice du citoyen est le respect des personnes et de leurs droits.

Ce rapport d'étape s'appuie sur les observations et témoignages de 1 355 personnes, 16 mémoires déposés par des syndicats, des comités d'usagers et d'autres, des entretiens auprès des personnes hébergées, de proches, de membres du personnel en CHSLD et de gestionnaires de Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et de Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS), ainsi que sur des plaintes et des signalements reçus.

D'emblée, l'auteure du rapport affirme : « Les enseignements de la pandémie sont clairs et concrets. Aucun retard ne saurait maintenant être acceptable dans la prise de décisions qui permettent de passer à l'action. Les droits et la dignité des personnes vivant en CHSLD doivent être au coeur des enjeux. »

En date du 12 mai, 2059 personnes résidant en CHSLD sont décédées. Le rapport met en lumière, à partir de témoignages, la situation absolument inhumaine et criminelle qui a sévi dans ces résidences lors de la première vague. On y salue aussi à maintes reprises le dévouement du personnel soignant, qui a été lourdement atteint physiquement et psychologiquement. Entre le 1er mars et le 14 juin 2020, 13 581 travailleurs et travailleuses de la santé ont été atteints de la COVID-19, soit 25 % des cas rapportés durant la première vague. Onze en sont morts. En outre, le fait de perdre autant de personnes qu'ils soignaient et auxquels ils s'étaient attachés a été un dur coup moral et psychologique pour les travailleurs.

Un des principaux facteurs que le rapport met en lumière est lié aux conditions de travail des intervenants en santé. Par exemple, la mobilité  d'un CHSLD à l'autre, et, à l'interne, d'un secteur à l'autre  était bien ancrée dans la gestion des ressources humaines des CHSLD avant la pandémie et a été un des grands facteurs de sa propagation entre les murs des CHSLD. À cet égard, les arrêtés ministériels adoptés dans la même période n'ont fait qu'aggraver cette situation en accordant à l'employeur encore plus de latitude pour forcer les employés à se déplacer d'un site à l'autre. Il faut rajouter, pendant la première vague, le manque d'équipement de protection individuelle ainsi que d'équipements de base. Alors que les CHLSD n'avaient que peu ou pas de mesures de prévention de maladies infectieuses et surtout pas les équipements requis pour répondre aux besoins de patients souffrant de la COVID-19, ils ont été mis à contribution pour accueillir rapidement et massivement des personnes hospitalisées, ce qui a grandement réduit leur capacité de contenir les éclosions.


Le rapport fait ressortir la souffrance et le dilemme des proches aidants qui n'ont pas eu le droit d'assister les personnes souvent membres de la famille ni d'être à leur chevet dans des moments de grande détresse et d'agonie dans des conditions humainement déplorables.

On lit dans le rapport : « La pandémie ne peut justifier à elle seule une déshumanisation des soins et des services, non plus d'une rupture de protection des personnes les plus vulnérables de notre société. » Une des principales priorités d'action du rapport est liée au personnel et au besoin d'effectifs stables et en nombre suffisant. « La pénurie du personnel a été l'une des principales faiblesses des CHSLD au cours de la première vague de la COVID-19 [...] Il est essentiel qu'un apport important en ressources humaines puisse donner une réelle marge de manoeuvre au réseau de la santé et des services sociaux, et ce, tant en temps normal qu'en contexte d'urgence ». Les mesures requises doivent être « incitatives, persuasives, concrètes et immédiates ». L'auteure du rapport souligne l'urgence de pallier ce manque systémique de personnel, particulièrement pour les préposés aux bénéficiaires et le personnel infirmier, par des moyens « qui reflètent le caractère essentiel de ces fonctions ».

Il est soulevé, en conclusion, que lors de la première vague, on a assisté à « l'essoufflement du modèle actuel d'hébergement des personnes aînées vulnérables » et « il est apparu évident que les moyens, dans plusieurs milieux de vie et dans le système de santé, n'étaient pas à la hauteur pour assurer le respect des personnes hébergées [...] le respect de leur dignité, de leur besoin de recevoir des soins personnalisés et de leur désarroi en l'absence des personnes qui leur sont chères ». Pour ce qui est de l'urgente nécessité d'investir dans un système de santé public axé sur l'être humain, l'auteure du rapport réitère que « considérant ce que la pandémie nous a enseigné, aucun retard n'est maintenant acceptable dans les décisions qui permettent de passer à l'action afin que les droits et la dignité des personnes vivant en CHSLD soient respectés ».

Le rapport d'étape de la Protectrice du citoyen a le mérite de placer le facteur humain au coeur du système de santé. Il est un rappel opportun de la tragédie vécue par les familles pendant la première vague, et remet à l'ordre du jour la discussion qui a eu lieu à ce moment-là et qui soulevait tous les aspects des problèmes auxquels les aînés sont confrontés de façon générale. C'est une voix de plus qui s'ajoute à celle des travailleurs et de leurs organisations pour souligner la nécessité d'améliorer sans délai les conditions de travail et les salaires des travailleurs qui oeuvrent à tous les niveaux dans le système de santé, une étape essentielle pour l'humanisation de l'environnement social et la défense des droits et de la dignité de tous et de toutes.

(Photos : J-F Couto, IWWCTI)

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