Numéro 86 - 29 décembre 2020
La lutte pour
défendre la dignité du travail
Les justes
revendications des
travailleurs d'Amazon
• La
main-d'oeuvre d'Amazon
• Le taux d'accidents de
travail dans les
entrepôts d'Amazon
• La COVID-19 dans les
endroits de travail de
l'Ontario
• Rapport de la
protectrice du citoyen sur la
pandémie et les soins de longue durée
- Pierre Soublière
• Note
aux
lecteurs
La lutte pour défendre la dignité
du
travail
Les travailleurs d'un entrepôt d'Amazon à
Bessemer en
Alabama se préparent actuellement à voter pour
rejoindre l'Union des
employés de gros, de détail et de magasins à
rayons. Il y a
environ 1 500 travailleurs permanents à
temps plein et à
temps partiel dans l'entrepôt et les autorités
fédérales américaines du
travail ont approuvé la demande de vote, qui exige
qu'au moins
30 % des travailleurs signent une demande
d'adhésion au syndicat.
L'entreprise conteste les chiffres, affirmant
qu'elle a plus
de 5 000 travailleurs à l'entrepôt, dont
environ 3 500 travailleurs temporaires,
certains saisonniers
et certains embauchés en raison de l'augmentation
de la charge de
travail causée par l'augmentation des achats en
ligne due à la pandémie.
Après trois jours d'audiences entre le 18 et
le 21 décembre, dans lesquelles ont participé
la compagnie, le
syndicat et la Commission nationale des relations
de travail (NLRB),
une entente a été conclue sur les types de
travailleurs de l'entrepôt
qui seront autorisés à prendre part au vote sur la
syndicalisation,
mais les médias n'ont pas mentionné quels
travailleurs seront
admissibles. Il reste à décider s'il s'agira d'un
vote par la poste ou
en personne. Le NLRB n'a pas encore fixé la date
du vote, mais les
agences de nouvelles rapportent que cela sera
probablement au début de
la nouvelle année.
L'entrepôt de l'Alabama serait le premier
établissement
d'Amazon aux États-Unis à être syndiqué. Amazon
est bien connu aux
États-Unis et au Canada comme un employeur
farouchement antisyndical.
Un site Web
servant à organiser les travailleurs et géré
par le syndicat, où les travailleurs peuvent
signer l'autorisation,
décrit certaines des revendications des
travailleurs, notamment le
droit de négocier « les conditions de travail,
dont des éléments tels
que les normes de sécurité, la formation, les
pauses, la rémunération,
les avantages sociaux et d'autres questions
importantes qui
amélioreraient notre lieu de travail » et
souligne que « le bilan
des conditions de travail déshumanisantes d'Amazon
est bien établi.
Dix-neuf travailleurs sont morts dans les
établissements d'Amazon
depuis 2013. Nous sommes confrontés à des
quotas de travail
scandaleux qui ont laissé beaucoup de travailleurs
malades et
accidentés à vie. [...] Tous les travailleurs
méritent d'être traités
avec dignité et respect – et cela
inclut les travailleurs
d'Amazon. Malheureusement, Amazon –
qui est contrôlée par
la personne la plus riche de la planète –
a une histoire
bien documentée de mauvais traitements et de
déshumanisation de sa
main-d'oeuvre. »
Les travailleurs sont préoccupés en ce moment du
fait
qu'Amazon ne fournit pas l'équipement de
protection individuelle
adéquat et n'assure pas la sécurité des
travailleurs pendant la
pandémie de la COVID-19.
Le 30 septembre, le réseau NBC a rapporté
que 40 travailleurs d'Amazon de 23
établissements ont signalé
que bon nombre des mesures de sécurité mises en
oeuvre par Amazon au
début de la pandémie ne le sont plus maintenant ou
sont difficiles à
appliquer, et que l'entreprise ne fournissait pas
à ses travailleurs
suffisamment d'information pour qu'ils puissent
prendre des décisions
éclairées sur la sécurité de leurs lieux de
travail.
Les travailleurs d'Amazon ont eux-mêmes compilé
des
données sur les cas de COVID-19 signalés qui ont
montré que jusqu'à la
fin du mois de septembre, il y avait eu au
moins 2 038 cas
positifs. Amazon a confirmé les recherches de NBC
selon lesquelles dix
travailleurs d'Amazon sont décédés.
Le Centre des travailleurs d'entrepôt participe
à une
manifestation en appui aux travailleurs migrants
et aux étudiants,
le 14 septembre 2020.
Le Centre des travailleurs d'entrepôt (CTE) à
Brampton,
fondé en avril 2020 avec le soutien du
Syndicat des travailleurs
et travailleuses des postes, a publié une
déclaration au début du mois
de décembre dans laquelle il mentionne les
revendications
suivantes :
« Les travailleurs essentiels ont besoin de
protections
essentielles MAINTENANT.
« Nous, du Centre des travailleurs d'entrepôt,
croyons
que la sécurité des travailleurs est d'une
importance capitale et est
intégrale au bien-être de notre province. Nous,
les travailleurs,
sommes le pilier de la société. Nos conditions de
travail et nos
salaires doivent refléter ce rôle.
« Une prime de
pandémie : le Centre des
travailleurs d'entrepôt demande
que les employeurs mettent en place ou
rétablissent la prime salariale
de 2 dollars l'heure pour tous les
travailleurs dits essentiels.
Nous demandons aussi que cette prime soit
permanente.
«
La deuxième vague est arrivée, alors où est
la deuxième vague de prime salariale pour la
pandémie ? Les
compagnies comme Amazon et Loblaws ont annoncé une
prime COVID-19
de 2 dollars l'heure en mars, mais l'ont
retirée dès qu'elles ont
pu. Maintenant, la deuxième vague est arrivée et
les travailleurs
essentiels, dans les entrepôts, en distribution,
dans le commerce en
ligne et dans d'autres secteurs continuent de
courir des risques sans
recevoir le salaire qu'ils méritent. La majorité
des travailleurs dans
le secteur d'entreposage sont des travailleurs
racialisés qui
combattent déjà les salaires inéquitables et la
dévaluation de leur
travail.
« La santé et
la
sécurité dans les endroits de travail :
le Centre des
travailleurs d'entrepôt demande que tous les
employeurs mettent en
oeuvre les mesures préventives en sécurité
nécessaires pour que les
travailleurs soient protégés de la COVID-19. Les
employeurs doivent
répondre aux besoins des travailleurs, notamment
l'accès aux ÉPI, la
distanciation physique, les horaires de travail
brisés et les heures de
pause.
« Des congés de
maladie provinciaux payés : nous
joignons notre voix à
celle du Réseau pour la santé et un travail décent
pour appeler le
gouvernement fédéral et le gouvernement de
l'Ontario à mettre en place
des journées de congé de maladie permanentes pour
tous et pour toutes.
« 1. Ils doivent exiger que les employeurs
fournissent au moins 7 journées de congé
d'urgence entièrement
payées, sur une base permanente.
« 2. Ils doivent exiger que les employeurs
ajoutent 14 jours supplémentaires de congés
d'urgence entièrement
payés en cas d'urgences de santé publique.
« 3. Ils doivent s'assurer que les congés
d'urgence
soient disponibles pour tous les travailleurs, peu
importe leur statut
d'emploi, leur statut d'immigration ou le nombre
de travailleurs dans
un endroit de travail.
« 4. Ils doivent interdire que les
employeurs
exigent des billets du médecin.
« 5. Ils doivent empêcher la mise en place
de tout
autre obstacle à l'accès aux congés d'urgence
payés.
« 6. Ils doivent s'assurer que les congés
d'urgence
payés s'appliquent pour des raisons de maladie,
d'accident de travail
ou d'urgence personnelle, de même qu'aux urgences
et aux
responsabilités familiales.
« Un accès
amélioré
aux tests de dépistage de la COVID-19 :
il faut un meilleur
accès aux tests pour la COVID-19 pour les
travailleurs essentiels en
entreposage, en distribution et en commerce en
ligne. Les employeurs
doivent fournir un congé payé aux travailleurs qui
doivent subir le
test.
« De réels changements structurels doivent être
mis en
place immédiatement afin d'assurer une plus grande
santé et une plus
grande sécurité pour les travailleurs d'entrepôt
et pour l'ensemble de
nos communautés. Droits des travailleurs = santé
publique ! »
Pour un examen en profondeur de la lutte des
travailleurs à la demande pour leurs droits aux
États-Unis, lire le numéro
du 3
décembre 2020 de Forum ouvrier sur
la Proposition 22
en Californie.
(Sources : Forum
ouvrier, Washington Post, NBC
News, Centre des
travailleurs d'entrepôt. Photo: FO, Centre des
travailleurs d'entrepôt)
Les rapports indiquent qu'Amazon
emploie 1 125 300 travailleurs dans
le monde. Elle en a
ajouté 400 000 en 2020 pendant la
pandémie, 100 000 en octobre seulement.
(En 2007, elle
comptait 17 000 travailleurs et à la fin
de 2019, 798 000.) De cette
main-d'oeuvre
mondiale, 21 000 personnes sont
employées dans ses opérations
canadiennes[1].
Ces chiffres
incluent les travailleurs à temps plein et à temps
partiel.
Les travailleurs d'entrepôt
Amazon appelle ses entrepôts des «
centres de
distribution » qui est une catégorie
spécialisée. Elle emploie
plus de 500 000 travailleurs
dans 175 de ces « centres
de distribution » dans le monde. Les
travailleurs sont appelés «
collaborateurs ».
Amazon définit ses « centres de
distribution »
comme « des installations modernes et sécurisées
avec des processus de
prélèvement, d'emballage et d'expédition hautement
automatisés pour
faciliter le traitement sûr et en temps des stocks
et des commandes des
clients ». Amazon est aussi connue pour ses
régimes de
surveillance et ses actions punitives contre ceux
qui ne produisent pas
au rythme exigé par la compagnie.
Une visite guidée de ses 20 entrepôts aux
États-Unis est possible sur rendez-vous en ligne.
Amazon décrit une
visite comme suit :
« Si vous imaginez un entrepôt rempli de
chariots, tous
les livres au même endroit et les vêtements dans
un autre, imaginez
ceci : des systèmes robotiques de couleur
orange manipulant des
assemblages de marchandises tournoyant dans ce qui
ressemble à une
danse chorégraphiée sur des sols en béton
brillant, des kilomètres de
convoyeur et des rampes transportant l'inventaire
à travers le
bâtiment, et les étiquettes d'expédition qui
volent littéralement sur
les boîtes, soufflées par des bouffées d'air.
« Même en personne, l'immensité peut être
difficile à
saisir : le centre de Baltimore, par exemple,
s'étend sur
l'équivalent d'environ 10 à 28 terrains
de football et peut
stocker des dizaines de millions d'articles chaque
jour. Si l'espace
semble caverneux, la lumière provenant des puits
de lumière rend le
tout remarquablement confortable, maintenu à
température ambiante toute
l'année. Les collaborateurs prélèvent, emballent
et expédient les
commandes des clients dans plus de 175 sites
dans le monde.
« Au cours de la visite d'une heure, vous
découvrirez
chaque partie du processus et certains des rôles
et avantages
disponibles pour les collaborateurs dans les
centres de traitement des
commandes, y compris des détails sur les éléments
suivants : choix
de carrière, un programme qui offre de prépayer
95 %
des frais de scolarité et des frais de cours
dans les domaines de
carrière à forte demande, où un emploi de vacances
peut mener, et
comment la formation en cours d'emploi peut
conduire à un emploi
technologique sans avoir à passer par une
éducation postsecondaire.
« Voici ce que vous apprendrez et verrez de plus
lors de
la visite :
« 1. Où les produits entrent dans
l'entrepôt
« Au quai d'arrivée, les produits sont enlevés
des
remorques par chariot élévateur ou intégrés
manuellement sur des
palettes. Le fret est séparé entre celui provenant
d'une autre
installation Amazon et directement d'un
fournisseur, tel qu'un vendeur
utilisant la Distribution par Amazon (FBA). Avec
FBA, les petites
entreprises stockent leurs produits dans des
centres de distribution et
Amazon choisit, emballe, expédie et fournit un
service client, aidant
ces entreprises à atteindre plus de clients. La
moitié des articles
vendus sur Amazon.com proviennent de petites
entreprises et de petits
entrepreneurs.
« 2. Le processus de rangement
« Au lieu de stocker les articles comme le
ferait un
magasin, c'est-à-dire l'électronique dans une
allée, les jouets dans
une autre, tout le stock des centres de
distribution Amazon est rangé
de manière aléatoire. Des étagères jaunes sur
plusieurs niveaux
contiennent des compartiments remplis d'articles
divers, tous
enregistrés informatiquement. Cette méthode
contre-intuitive permet aux
collaborateurs de prélever et d'emballer
rapidement une grande variété
de produits.
« Des robots qui transportent ces compartiments
jusqu'aux postes de travail des collaborateurs en
fonction de la taille
du produit, se déplacent sur des
codes-barres 2D placés au sol et
se cèdent le passage en fonction des priorités du
flux de travail. Le
chargeur recherche un espace approprié pour chaque
article et le range
dans la nacelle, le rendant disponible à l'achat
sur Amazon.com.
« 3. La cueillette des commandes
« Les cueilleurs sont comme des acheteurs
personnels,
cueillant des centaines d'articles par jour pour
répondre aux commandes
des clients. Lorsque la commande arrive, un robot
apporte des nacelles
remplies d'articles aux collaborateurs travaillant
dans les stations de
prélèvement. Le cueilleur lit l'écran, récupère le
bon article du bac
et le place dans une boîte en plastique jaune
appelée fourre-tout.
« Les robots sont incroyablement intelligents,
mais ils
ne sont pas en concurrence pour les emplois –
ils les
créent dans les centres de distribution Amazon.
Transportant des
milliers de nacelles par étage avec des millions
de produits rangés à
l'intérieur, les systèmes robotiques, à balayage
électronique et
informatique permettent à plus de marchandises de
passer par un centre
de distribution, ce qui signifie que plus de
collaborateurs sont
nécessaires pour gérer celles-ci.
Depuis 2012, Amazon a ajouté des
dizaines de milliers de robots dans ses centres de
distribution, tout
en ajoutant plus de 300 000 emplois à
temps plein dans le
monde.
« 4. Assurance qualité
« Différentes équipes en cours de route
veillent
au bon déroulement du processus d'exécution.
L'équipe de contrôle des
stocks et d'assurance qualité s'assure que
l'emplacement physique d'un
article correspond réellement à ce qui se trouve
dans l'ordinateur, en
suivant des millions d'unités d'inventaire. Les
robots ont également
besoin d'assistance, alors des contrôleurs sur
place
s'assurent que les planchers sont dégagés et
réinitialisent les robots
au nécessaire. De nombreux autres contrôles en
cours de route
permettent de vérifier que le bon produit va au
bon endroit.
« En visitant un centre de distribution Amazon,
vous
êtes témoin d'un processus qui est constamment mis
au point. Alors que
les collaborateurs avaient autrefois besoin de
scanner manuellement
l'emplacement d'une nacelle après avoir rangé
chaque article, par
exemple, l'apprentissage automatique permet
désormais au système de
connaître automatiquement le lieu où le
collaborateur a placé
l'article. Il est impossible de prédire
aujourd'hui à quelle innovation
technologique vous pourriez assister dans six
mois.
« 5. Emballage des commandes
« Tout d'abord, les articles appartenant à
différentes
expéditions sont organisés et numérisés pour plus
de précision.
Ensuite, ils sont envoyés à la station
d'emballage, où le système
informatique recommande les tailles de boîtes aux
collaborateurs, et
une machine mesure la quantité exacte de ruban
nécessaire. De nombreux
articles sont expédiés dans leur boîte d'origine,
et Amazon travaille
avec les fournisseurs pour réduire les emballages.
À ce stade, il n'y a
pas d'étiquette d'expédition – les
machines gèrent cela
tout au long de la ligne, protégeant la vie privée
du client et
assurant l'efficacité du processus.
« 6. L'expédition des commandes
« Les enveloppes et les boîtes emballées passent
ensuite par des machines SLAM (pour 'Scan, Label,
Apply, Manifest'; en
français : numérisation, étiquetage,
application, manifestation),
qui apposent les étiquettes d'expédition avec une
vitesse étonnante et,
contrairement au nom, avec une touche légère. Pour
le contrôle de la
qualité, le colis est pesé pour s'assurer que le
contenu correspond à
la commande. Un trieur d'expédition lit les
étiquettes des colis pour
déterminer où et à quelle vitesse les commandes
des clients doivent
être envoyées, servant en quelque sorte de
contrôleur de la circulation.
« Prêts à rouler, les colis sont poussés du
convoyeur
vers le bas des glissières dans la remorque
appropriée en fonction de
la méthode d'expédition, de la vitesse de
livraison et de
l'emplacement. Chaque porte du quai d'expédition
peut accueillir des
remorques de différents transporteurs et endroits.
« Ce qu'il faut savoir avant de venir
« Les visites de 60 minutes doivent
être
réservées en ligne et sont ouvertes à toute
personne âgée de 6 ans
et plus. La sécurité est primordiale. Les
visiteurs doivent donc porter
des chaussures plates fermées, attacher les
cheveux longs et utiliser
les mains courantes dans les escaliers. Votre
guide passera en revue
les conseils de sécurité dès le départ et fournira
des casques pour
tout le monde afin que la visite soit audible
malgré le bruit des
machines. »
Les chauffeurs-livreurs
Manifestation des travailleurs d'Amazon devant le
siège social de
l'entreprise à Minneapolis au Minnesota,
le 24 février 2020
En outre, Amazon compte
environ 500 000 chauffeurs qui sont
les personnes qui livrent
des colis au domicile d'un consommateur ou à un
casier Amazon de
quartier. On dit qu'Amazon possède la plus
grande partie de ce segment
de marché dans le monde qu'on appelle le
« réseau de livraison
du dernier kilomètre ». Amazon
a créé son propre
réseau de livraison de manière que les droits
fondamentaux des
chauffeurs en tant que travailleurs soient
bafoués. Cela se fait de
deux façons. Pour certaines livraisons, Amazon
conclut des contrats
avec des chauffeurs via Amazon Flex. Les
chauffeurs Amazon Flex
sont des travailleurs à la demande traités comme
des « entrepreneurs
indépendants », comme les chauffeurs Uber et
Lyft, payés à la fin
d'un trajet, et non à un salaire horaire. Ils
doivent fournir leurs
propres véhicules ou louer des camionnettes de
livraison. Ils se voient
refuser le droit de se syndiquer, de bénéficier
d'un salaire minimum,
d'heures supplémentaires, de soins de santé et
d'autres avantages
sociaux que les travailleurs reçoivent en vertu
des lois du travail de
l'État.
La deuxième partie du réseau de livraison
d'Amazon est
ce qu'on appelle les Partenaires du service de
livraison (DSP) que
l'entreprise a mis en place en 2018. Les DSP
sont de petites
entreprises de livraison de colis qui ne comptent
pas plus de 40
camionnettes. Ils sont considérés comme étant «
indépendants »
d'Amazon, mais leur travail consiste exclusivement
à livrer des
produits aux clients d'Amazon Prime. La limitation
des DSP à 40
camionnettes est un moyen de bloquer la
syndicalisation et de permettre
à Amazon de garder le contrôle du prix payé par
livraison. Les DSP
emploient généralement de 40 à 100
travailleurs. Bien qu'ils
portent des uniformes d'Amazon et conduisent des
camionnettes avec le
logo Amazon, ils ne sont pas des employés
d'Amazon. Comme les
chauffeurs de Flex, les chauffeurs des DSP font
souvent des heures
supplémentaires non rémunérées, font face à de
mauvaises conditions de
travail et sont constamment sous la pression
d'Amazon pour respecter
des délais irréalistes.
Note
1. Amazon se décrit comme «
une
société technologique multinationale américaine
basée à Seattle,
Washington, qui se concentre sur le commerce
électronique,
l'informatique par nuage, le streaming numérique
et l'intelligence
artificielle ».
En 2019, Amazon a déclaré un revenu net
de 11,59 milliards de dollars américains,
contre 10 milliards
de dollars américains de profit net l'année
précédente. Au cours de la
même période fiscale, le chiffre d'affaires de
l'entreprise s'est élevé
à plus de 280,5 milliards de dollars
américains.
Le PDG Jeff Bezos est considéré comme l'homme le
plus
riche du monde avec une valeur nette de 187
milliards de dollars
Les dossiers internes d'Amazon montrent que le
taux
de 7,7 blessures par 100 travailleurs
dans ses entrepôts aux
États-Unis est presque le double de la norme de
l'industrie. Ces
informations internes sur la sécurité, que le Toronto
Star a
obtenues, montrent qu'en 2019 son taux
d'accidents au Canada,
soit 9,1 % par 100 travailleurs,
était plus élevé
de 15 % que la moyenne de la compagnie
aux États-Unis.
En 2016, l'entrepôt de la compagnie à Delta,
en
Colombie-Britannique, était le pire de tous les
centres de traitement
ailleurs au Canada et aux États-Unis, avec plus
de 20 accidents de
travail par 100 travailleurs. Dans ses
entrepôts dans la région de
Toronto, le taux d'accidents de travail a doublé
au cours des quatre
dernières années.
En 2018, la pire année de tous
les temps pour ce qui est des accidents chez
Amazon, plus de deux tiers
des accidents ont été causés par le surmenage ou
les mouvements
répétitifs, selon les réclamations faites auprès
de la Commission de la
sécurité professionnelle et de l'assurance contre
les accidents du
travail de l'Ontario (CSPAAT). La plupart des
travailleurs n'ont que
peu ou pas accès aux congés de maladie. Les
employés permanents ont
quatre congés de maladie payés, les employés
temporaires n'en ont
aucun. Dans un des entrepôts de la région de
Toronto, près
de 40 % du personnel est temporaire.
Amazon prétend que son taux d'accidents du
travail en
Ontario, basé sur les réclamations des
travailleurs auprès de la
commission d'indemnisation des accidentés du
travail, est inférieur au
taux moyen de l'industrie. Or, les dossiers de
la CSPAAT montrent
à quel point Amazon conteste les demandes
d'indemnisation des
travailleurs pour des accidents de travail et
exerce de la pression sur
les travailleurs pour qu'ils ne déposent pas de
demandes
d'indemnisation. En 2018 et 2019,
seulement en Ontario,
Amazon a contesté près de 80 % des
demandes d'indemnisation
pour des blessures graves. La CSPAAT ne classe pas
les entrepôts
d'Amazon, appelés « centres de
distribution », comme des
entrepôts, mais les regroupe dans la catégorie de
« vente au détail
spécialisée », un secteur où les primes
d'assurance sont très
inférieures à celles de l'industrie de
l'entreposage, où les risques
sont plus élevés.
Taux d'accidents en 2019 dans les entrepôts
canadiens d'Amazon
Les taux sont calculés en fonction du nombre
d'accidents du travail ou
de maladies qui entraînent des jours d'absence au
travail ou des tâches
modifiées pour 100 travailleurs :
Mississauga, Ontario - 7,3
Milton, Ontario - 13,4
Brampton, Ontario - 10,4
Brampton Ontario - 6,8
Bolton, Ontario - 6,2
Navan, Ontario - 12,1
Delta, Colombie-Britannique - 9,9
New Westminster, Colombie-Britannique - 15,5
Delta, Colombie-Britannique - 9,3
Rocky View County, Alberta - 11,1
Selon une analyse de la Coalition ontarienne de
la
santé, le nombre de cas de COVID-19 dans le
secteur manufacturier en
Ontario a grimpé de 76 % durant la
période de deux semaines
entre le 18 novembre et le 2 décembre.
La région de Peel est un des épicentres des
infections
de la COVID-19 au Canada avec un taux
de 2 067 cas
par 100 000 personnes, le taux le plus
élevé en Ontario.
Presque deux tiers des infections de la région
sont à Brampton.
Cette région se démarque par le nombre de ses
entrepôts.
Près de 43 % de l'économie est basée sur
le secteur de
l'entreposage et de la distribution, et 1,8
milliard de dollars de
marchandises transitent par cette région chaque
jour.
Les dossiers de la région de Peel révèlent au
moins 25 cas de COVID-19 parmi les
travailleurs dans un seul
entrepôt d'Amazon à Brampton. Amazon refuse de
confirmer le nombre de
travailleurs de première ligne qui ont eu un test
positif au virus.
Cependant, un article paru le 23 décembre dans le
National Post mentionne
que, selon
une personne bien au fait des données, plus de 400
membres du personnel
ont été testés positifs dans les quatre
établissements d'Amazon dans la
région de Peel.
Selon les rapports provenant du Centre des
travailleurs
d'entrepôt, une organisation communautaire de
Brampton qui rend
accessible des ressources et promeut de meilleurs
emplois et de
meilleures conditions de travail, 22 %
des cas d'éclosion
rapportés dans la région de Peel se retrouvent
dans les milieux
industriels comparativement à 5 % dans
les endroits où ont
lieu des événements, des cérémonies et des
services religieux.
- Pierre Soublière -
Le 10 décembre, la protectrice du citoyen
Marie
Rinfret a publié un rapport d'étape intitulé « La
COVID-19 dans les
CHSLD durant la première vague –
Apprendre de la crise et
passer à l'action pour respecter les droits et la
dignité des personnes
hébergées ». Ce rapport fait partie d'une
enquête entamée
le 26 mai dernier et qui se prolongera
jusqu'à
l'automne 2021. Au coeur de la mission de la
protectrice du
citoyen est le respect des personnes et de leurs
droits.
Ce rapport d'étape s'appuie sur les observations
et
témoignages de 1 355 personnes, 16
mémoires déposés par des
syndicats, des comités d'usagers et d'autres, des
entretiens auprès des
personnes hébergées, de proches, de membres du
personnel en CHSLD et de
gestionnaires de Centres intégrés de santé et de
services sociaux
(CISSS) et de Centres intégrés universitaires de
santé et de services
sociaux (CIUSSS), ainsi que sur des plaintes et
des signalements reçus.
D'emblée, l'auteure du rapport affirme : «
Les
enseignements de la pandémie sont clairs et
concrets. Aucun retard ne
saurait maintenant être acceptable dans la prise
de décisions qui
permettent de passer à l'action. Les droits et la
dignité des personnes
vivant en CHSLD doivent être au coeur des
enjeux. »
En date du 12 mai, 2059 personnes
résidant en
CHSLD sont décédées. Le rapport met en lumière, à
partir de
témoignages, la situation absolument inhumaine et
criminelle qui a sévi
dans ces résidences lors de la première vague. On
y salue aussi à
maintes reprises le dévouement du personnel
soignant, qui a été
lourdement atteint physiquement et
psychologiquement. Entre le 1er
mars et le 14
juin 2020, 13 581 travailleurs et
travailleuses de la santé ont été atteints de la
COVID-19,
soit 25 % des cas rapportés durant la
première vague. Onze en
sont morts. En outre, le fait de perdre autant de
personnes qu'ils
soignaient et auxquels ils s'étaient attachés a
été un dur coup moral
et psychologique pour les travailleurs.
Un des
principaux facteurs que le rapport met en lumière
est lié aux conditions de travail des intervenants
en santé. Par
exemple, la mobilité – d'un CHSLD à
l'autre, et, à
l'interne, d'un secteur à l'autre –
était bien ancrée dans
la gestion des ressources humaines des CHSLD avant
la pandémie et a été
un des grands facteurs de sa propagation entre les
murs des CHSLD. À
cet égard, les arrêtés ministériels adoptés dans
la même période n'ont
fait qu'aggraver cette situation en accordant à
l'employeur encore plus
de latitude pour forcer les employés à se déplacer
d'un site à l'autre.
Il faut rajouter, pendant la première vague, le
manque d'équipement de
protection individuelle ainsi que d'équipements de
base. Alors que les
CHLSD n'avaient que peu ou pas de mesures de
prévention de maladies
infectieuses et surtout pas les équipements requis
pour répondre aux
besoins de patients souffrant de la COVID-19, ils
ont été mis à
contribution pour accueillir rapidement et
massivement des personnes
hospitalisées, ce qui a grandement réduit leur
capacité de contenir les
éclosions.
Le rapport fait ressortir la souffrance et le
dilemme des proches
aidants qui n'ont pas eu le droit d'assister les
personnes souvent
membres de la famille ni d'être à leur chevet dans
des moments de
grande détresse et d'agonie dans des conditions
humainement déplorables.
On lit dans le rapport : « La pandémie ne
peut
justifier à elle seule une déshumanisation des
soins et des services,
non plus d'une rupture de protection des personnes
les plus vulnérables
de notre société. » Une des principales
priorités d'action du
rapport est liée au personnel et au besoin
d'effectifs stables et en
nombre suffisant. « La pénurie du personnel a été
l'une des principales
faiblesses des CHSLD au cours de la première vague
de la COVID-19 [...]
Il est essentiel qu'un apport important en
ressources humaines puisse
donner une réelle marge de manoeuvre au réseau de
la santé et des
services sociaux, et ce, tant en temps normal
qu'en contexte
d'urgence ». Les mesures requises doivent
être « incitatives,
persuasives, concrètes et immédiates ».
L'auteure du rapport
souligne l'urgence de pallier ce manque systémique
de personnel,
particulièrement pour les préposés aux
bénéficiaires et le personnel
infirmier, par des moyens « qui reflètent le
caractère essentiel de ces
fonctions ».
Il est soulevé, en conclusion, que lors de la
première
vague, on a assisté à « l'essoufflement du modèle
actuel d'hébergement
des personnes aînées vulnérables » et « il
est apparu évident que
les moyens, dans plusieurs milieux de vie et dans
le système de santé,
n'étaient pas à la hauteur pour assurer le respect
des personnes
hébergées [...] le respect de leur dignité, de
leur besoin de recevoir
des soins personnalisés et de leur désarroi en
l'absence des personnes
qui leur sont chères ». Pour ce qui est de
l'urgente nécessité
d'investir dans un système de santé public axé sur
l'être humain,
l'auteure du rapport réitère que « considérant ce
que la pandémie nous
a enseigné, aucun retard n'est maintenant
acceptable dans les décisions
qui permettent de passer à l'action afin que les
droits et la dignité
des personnes vivant en CHSLD soient respectés ».
Le rapport d'étape de la Protectrice du citoyen a
le
mérite de placer le facteur humain au coeur du
système de santé. Il est
un rappel opportun de la tragédie vécue par les
familles pendant la
première vague, et remet à l'ordre du jour la
discussion qui a eu lieu
à ce moment-là et qui soulevait tous les aspects
des problèmes auxquels
les aînés sont confrontés de façon générale. C'est
une voix de plus qui
s'ajoute à celle des travailleurs et de leurs
organisations pour
souligner la nécessité d'améliorer sans délai les
conditions de travail
et les salaires des travailleurs qui oeuvrent à
tous les niveaux dans
le système de santé, une étape essentielle pour
l'humanisation de
l'environnement social et la défense des droits et
de la dignité de
tous et de toutes.
Ce numéro de Forum ouvrier est le dernier
de
2020.
L'équipe éditoriale et technique vous souhaite
de
passer les Fêtes en toute sécurité et vous offre
ses meilleurs voeux
pour la nouvelle année. Nous vous remercions de
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