Rapport de la protectrice du citoyen sur la pandémie et les soins de longue durée
- Pierre Soublière -
Le 10 décembre, la protectrice du citoyen
Marie
Rinfret a publié un rapport d'étape intitulé « La
COVID-19 dans les
CHSLD durant la première vague –
Apprendre de la crise et
passer à l'action pour respecter les droits et la
dignité des personnes
hébergées ». Ce rapport fait partie d'une
enquête entamée
le 26 mai dernier et qui se prolongera
jusqu'à
l'automne 2021. Au coeur de la mission de la
protectrice du
citoyen est le respect des personnes et de leurs
droits.
Ce rapport d'étape s'appuie sur les observations
et
témoignages de 1 355 personnes, 16
mémoires déposés par des
syndicats, des comités d'usagers et d'autres, des
entretiens auprès des
personnes hébergées, de proches, de membres du
personnel en CHSLD et de
gestionnaires de Centres intégrés de santé et de
services sociaux
(CISSS) et de Centres intégrés universitaires de
santé et de services
sociaux (CIUSSS), ainsi que sur des plaintes et
des signalements reçus.
D'emblée, l'auteure du rapport affirme : «
Les
enseignements de la pandémie sont clairs et
concrets. Aucun retard ne
saurait maintenant être acceptable dans la prise
de décisions qui
permettent de passer à l'action. Les droits et la
dignité des personnes
vivant en CHSLD doivent être au coeur des
enjeux. »
En date du 12 mai, 2059 personnes
résidant en
CHSLD sont décédées. Le rapport met en lumière, à
partir de
témoignages, la situation absolument inhumaine et
criminelle qui a sévi
dans ces résidences lors de la première vague. On
y salue aussi à
maintes reprises le dévouement du personnel
soignant, qui a été
lourdement atteint physiquement et
psychologiquement. Entre le 1er
mars et le 14
juin 2020, 13 581 travailleurs et
travailleuses de la santé ont été atteints de la
COVID-19,
soit 25 % des cas rapportés durant la
première vague. Onze en
sont morts. En outre, le fait de perdre autant de
personnes qu'ils
soignaient et auxquels ils s'étaient attachés a
été un dur coup moral
et psychologique pour les travailleurs.
Un des
principaux facteurs que le rapport met en lumière
est lié aux conditions de travail des intervenants
en santé. Par
exemple, la mobilité – d'un CHSLD à
l'autre, et, à
l'interne, d'un secteur à l'autre –
était bien ancrée dans
la gestion des ressources humaines des CHSLD avant
la pandémie et a été
un des grands facteurs de sa propagation entre les
murs des CHSLD. À
cet égard, les arrêtés ministériels adoptés dans
la même période n'ont
fait qu'aggraver cette situation en accordant à
l'employeur encore plus
de latitude pour forcer les employés à se déplacer
d'un site à l'autre.
Il faut rajouter, pendant la première vague, le
manque d'équipement de
protection individuelle ainsi que d'équipements de
base. Alors que les
CHLSD n'avaient que peu ou pas de mesures de
prévention de maladies
infectieuses et surtout pas les équipements requis
pour répondre aux
besoins de patients souffrant de la COVID-19, ils
ont été mis à
contribution pour accueillir rapidement et
massivement des personnes
hospitalisées, ce qui a grandement réduit leur
capacité de contenir les
éclosions.
Le rapport fait ressortir la souffrance et le
dilemme des proches
aidants qui n'ont pas eu le droit d'assister les
personnes souvent
membres de la famille ni d'être à leur chevet dans
des moments de
grande détresse et d'agonie dans des conditions
humainement déplorables.
On lit dans le rapport : « La pandémie ne
peut
justifier à elle seule une déshumanisation des
soins et des services,
non plus d'une rupture de protection des personnes
les plus vulnérables
de notre société. » Une des principales
priorités d'action du
rapport est liée au personnel et au besoin
d'effectifs stables et en
nombre suffisant. « La pénurie du personnel a été
l'une des principales
faiblesses des CHSLD au cours de la première vague
de la COVID-19 [...]
Il est essentiel qu'un apport important en
ressources humaines puisse
donner une réelle marge de manoeuvre au réseau de
la santé et des
services sociaux, et ce, tant en temps normal
qu'en contexte
d'urgence ». Les mesures requises doivent
être « incitatives,
persuasives, concrètes et immédiates ».
L'auteure du rapport
souligne l'urgence de pallier ce manque systémique
de personnel,
particulièrement pour les préposés aux
bénéficiaires et le personnel
infirmier, par des moyens « qui reflètent le
caractère essentiel de ces
fonctions ».
Il est soulevé, en conclusion, que lors de la
première
vague, on a assisté à « l'essoufflement du modèle
actuel d'hébergement
des personnes aînées vulnérables » et « il
est apparu évident que
les moyens, dans plusieurs milieux de vie et dans
le système de santé,
n'étaient pas à la hauteur pour assurer le respect
des personnes
hébergées [...] le respect de leur dignité, de
leur besoin de recevoir
des soins personnalisés et de leur désarroi en
l'absence des personnes
qui leur sont chères ». Pour ce qui est de
l'urgente nécessité
d'investir dans un système de santé public axé sur
l'être humain,
l'auteure du rapport réitère que « considérant ce
que la pandémie nous
a enseigné, aucun retard n'est maintenant
acceptable dans les décisions
qui permettent de passer à l'action afin que les
droits et la dignité
des personnes vivant en CHSLD soient respectés ».
Le rapport d'étape de la Protectrice du citoyen a
le
mérite de placer le facteur humain au coeur du
système de santé. Il est
un rappel opportun de la tragédie vécue par les
familles pendant la
première vague, et remet à l'ordre du jour la
discussion qui a eu lieu
à ce moment-là et qui soulevait tous les aspects
des problèmes auxquels
les aînés sont confrontés de façon générale. C'est
une voix de plus qui
s'ajoute à celle des travailleurs et de leurs
organisations pour
souligner la nécessité d'améliorer sans délai les
conditions de travail
et les salaires des travailleurs qui oeuvrent à
tous les niveaux dans
le système de santé, une étape essentielle pour
l'humanisation de
l'environnement social et la défense des droits et
de la dignité de
tous et de toutes.
Cet article est paru dans
Numéro 86 - Numéro 86 - 29 décembre 2020
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Rapport de la protectrice du citoyen sur la pandémie et les soins de longue durée - Pierre Soublière
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