Forum ouvrier

Numéro 59 - 8 septembre 2020

Sérieuses préoccupations face à la première semaine de réouverture des écoles au Québec

Le défi auquel les enseignants et les travailleurs de l'éducation font face


Manifestation à Montréal, le 23 août 2020, pour revendiquer un retour à l'école sécuritaire.

Les enseignants demandent un dépistage accéléré de la COVID-19 dans les écoles et des données précises sur les cas d'infection
On a besoin de plus de préposés à l'entretien pour les mesures d'hygiène
Mesures insuffisantes pour assurer la sécurité dans le transport scolaire
Des médecins et des spécialistes de la santé du Québec remettent en question la sécurité du plan de rentrée scolaire

Entrevue
Préoccupations pour l'état de préparation à une deuxième vague de la
COVID-19
- Jeff Begley


Sérieuses préoccupations face à la première semaine de réouverture
des écoles au Québec

Le défi auquel les enseignants et les travailleurs de l'éducation font face

Le 31 août, les écoles du Québec ont été rouvertes, depuis la maternelle jusqu'au secondaire. C'est 2 736 établissements d'enseignement publics dans lesquels évoluent 1 216 791 élèves, 107 744 enseignants, et plus de 60 000 employés de soutien et professionnels de l'éducation.

La première caractéristique de cette rentrée scolaire sous une COVID-19 non maîtrisée est l'immense amour social et enthousiasme que les enseignants ont démontré lors de l'accueil des élèves. Dès qu'ils ont mis le pied à l'école, ils se sont assurés que les solutions hydroalcooliques de lavage des mains et les équipements de protection individuelle soient disponibles pour tous. Chaque jour depuis, ils échangent entre eux sur les initiatives à prendre pour assurer leur santé et celle de leurs élèves, veillant de cette façon à la santé de la communauté. Ils n'ont eu que quelques jours, travaillant ensemble, pour s'assurer que la rentrée se fasse dans un environnement aussi sécuritaire que possible pour la santé des jeunes et approprié à l'enseignement. Les élèves, particulièrement ceux du secondaire dont beaucoup ont travaillé dans l'alimentation et la vente au détail cet été en pleine pandémie de la COVID-19, utilisent leur expérience et font preuve de beaucoup de discipline dans l'application des règles de sécurité.

Cependant, le retour en classe s'est aussi fait sous le signe de l'angoisse non seulement à cause du sérieux de la crise de la COVID-19, mais du fait que le gouvernement n'assume pas sa responsabilité en ce qui concerne son devoir de protéger la santé et la sécurité de tous et de toutes dans le réseau scolaire. Les enseignants sont très préoccupés par le fossé qui existe entre les conditions réelles dans les écoles et ce que le gouvernement prétend être des mesures adéquates mises en place en début d'année scolaire. En effet, malgré toutes les propositions des enseignants pour organiser la présence des élèves dans les écoles tout en respectant la distanciation physique, essentielle au contrôle de la pandémie, le gouvernement et son ministère de l'Éducation ont déclaré qu'elle n'était pas nécessaire dans les salles de classe et que le port du masque ne l'était pas non plus. Le concept de bulle-classe mis de l'avant nie les efforts des enseignants pour obtenir des classes avec moins d'élèves et une distanciation physique dans la classe afin que tous soient protégés. Les efforts des enseignants ont été rejetés sans explication ni justification.

L'autre phénomène qui ajoute à l'angoisse est le souci constant du gouvernement du Québec de ramener les choses à des opérations de relations publiques. Dans cette situation si difficile, le gouvernement présente la situation comme étant sous contrôle et les enseignants satisfaits. Cité par les médias le 3 septembre, Jean-François Roberge, ministre de l'Éducation, a dit : « L'écho que j'ai, c'est que les membres du personnel sont satisfaits, ça se passe bien, et chaque jour qui passe, le niveau d'anxiété baisse et les gens sont de plus en plus rassurés ». Il a dit cela au moment même  où le gouvernement rendait publique la liste des 45 écoles où ont été diagnostiqués des cas positifs à la COVID-19 pendant cette toute première semaine. Plus de vingt élèves dans les écoles primaires et souvent plus de 30 dans les écoles secondaires vivent plus de 5 heures par jour ensemble dans les classes sans aucune distanciation physique ! Les enseignants sont inquiets et conscients que ces conditions favorisent la transmission du virus.

En même temps, le gouvernement parle de relâchement dans les écoles et évoque même une fermeture si les choses s'aggravent, ce qui lui permet de blâmer le personnel de l'éducation ou les jeunes et d'éviter que ses propres décisions ne soient examinées publiquement. Ce type de camouflage par les relations publiques est méprisé par les enseignants et leurs collègues qui doivent enseigner et veiller chaque jour à la sécurité de tous sans la confiance et le sentiment de sécurité que le gouvernement prend des actions concrètes pour les appuyer.

Cela convainc les enseignants qu'ils doivent intensifier leurs actions pour forcer le gouvernement à rendre des comptes de ses gestes et le forcer à assumer ses responsabilités. En même temps, ils prennent en main par leurs propres initiatives la question de la santé et de la sécurité de tous et de toutes, ce qu'ils ont fait dès qu'ils ont mis le pied dans leur école. Les enseignants voient la nécessité de créer les occasions de discuter et d'échanger collectivement leurs points de vue et de partager leur expérience pour voir ce qui peut être fait pour changer la situation d'une manière qui soit à l'avantage du peuple.

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Les enseignants demandent un dépistage accéléré de la COVID-19 dans les écoles et des données précises sur les cas d'infection

Depuis le 31 août, les élèves du Québec sont de retour dans les écoles de la maternelle au secondaire. Déjà, des cas d'infection à la COVID-19 ont été signalés dans les écoles de plusieurs régions du Québec. La plupart des personnes qui ont été déclarées positives sont des enseignants, mais les élèves ont également été touchés. Des classes entières ont été renvoyées chez elles pour un isolement préventif, en plus des enseignants qui ont été déclarés positifs et des collègues avec lesquels ils étaient en contact étroit.

Jusqu'à présent, le gouvernement a imposé un code de silence sur les cas de COVID-19 dans les écoles. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a attendu une semaine entière, jusqu'au 4 septembre, pour ne publier que des données limitées et l'a fait d'une manière qui ne permet à personne d'avoir une image claire de ce qui se passe et des mesures prises.

Les données publiées donnent les noms de 47 écoles où au moins un cas d'infection à la COVID-19 a été signalé entre le 26 août et le 3 septembre. Cependant, la liste ne révèle pas le nombre de cas connus par école. Elle révèle seulement le nom de l'école et du centre de service scolaire qui le supervise - ce qui aide à indiquer la région - et la date à laquelle le cas a été signalé. Rien d'utile ne peut être fait avec ces informations. Après que ces informations limitées ont été rendues publiques et que les enseignants et les parents ont fermement dénoncé le gouvernement pour ne pas avoir fait son devoir de les informer, le gouvernement s'est engagé à publier prochainement un tableau indiquant le nombre de nouveaux cas parmi les élèves et le personnel, par région sanitaire, par centre de service scolaire et par école.

Sylvain Mallette, le président de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), a déclaré ce qui suit aux médias après la publication de la liste : « Le gouvernement ne peut pas prétendre qu'il était prêt pour la rentrée alors qu'il a attendu au 4 septembre pour donner un portrait incomplet. C'est un virus qui est potentiellement mortel et on fait comme si les choses peuvent se mettre en place au fur et à mesure. »

Il a reproché au gouvernement du Québec de vouloir « minimiser » la situation actuelle. Selon lui, la liste diffusée le 4 septembre occulte le fait qu'il y a eu des bouleversements dans plusieurs salles de classe en raison des cas signalés.

« Des élèves sont présentement confrontés à des bris de services éducatifs », a-t-il noté, faisant référence aux enfants infectés et aux enseignants mis en quarantaine. Il a donné l'exemple de la Polyvalente de Deux-Montagnes, dans les Laurentides, où six enseignants ont contracté la maladie et vingt autres sont toujours en isolement préventif.

La FAE demande la publication de plus d'informations, y compris si un membre du personnel infecté est un enseignant ou un autre travailleur de l'éducation (tout en préservant son anonymat), ainsi que les mesures qui ont été prises en réponse aux infections détectées pour retracer les contacts et envoyer des gens en isolement.

Dans ce contexte, les enseignants sont aussi entrés en action pour exiger un dépistage accéléré de la COVID-19 dans les écoles et la divulgation publique des données sur les infections dans les écoles. Selon la FAE, le ministre de la Santé et des Services sociaux a annoncé, le 10 août, la mise en place d'un mécanisme de dépistage accéléré et efficace dans les écoles. « Il n'y a aucune preuve qu'un tel dépistage est en place », déclare la FAE. La Fédération a donc annoncé le 2 septembre qu'elle demandera à la Cour supérieure du Québec de forcer le gouvernement à établir le mécanisme demandé et à fournir tous les documents relatifs au plan de santé qui s'appliquent au système scolaire, notamment les données concernant les cas d'infection.

Des services de dépistage accéléré dans les écoles et la publication de données sur les cas d'infection permettraient une action rapide en cas d'infection et une évaluation précise de la façon dont ces cas se sont produits afin de remédier à la situation.

Le gouvernement est plus que réticent à mettre en oeuvre un plan de dépistage systématique dans le réseau scolaire et à fournir les informations demandées par les enseignants. De nombreux enseignants disent que c'est parce que le dépistage systématique est considéré par le gouvernement comme un coût qu'il ne veut pas payer, sous prétexte de maintenir un soi-disant équilibre entre la sécurité et l'économie. C'est inacceptable. La sauvegarde de la santé et de la sécurité des personnes est une question de principe, une question d'affirmation d'un droit, et toutes les mesures doivent être mises en oeuvre pour que ce droit soit garanti. Il ne peut pas être question d'un « équilibre » et de jouer avec la vie des gens.

Sylvain Mallette a parlé à Forum ouvrier à propos du dépistage accéléré des enseignants :

« Actuellement il y a des profs et d'autres membres du personnel qui doivent attendre parfois 48 heures avant d'avoir un rendez-vous et qui doivent parfois attendre 48-72 heures avant d'avoir leur résultat », a-t-il dit. Dans le milieu scolaire, l'effet domino est très fort. Il n'y a pas de mécanisme qui permet à quelqu'un qui a des symptômes d'être testé rapidement et d'obtenir le résultat rapidement. L'absence d'un mécanisme de dépistage accéléré pose de sérieux problèmes de santé et sécurité pour les travailleuses et les travailleurs. Cela a pour effet aussi de provoquer une rupture dans les apprentissages des élèves et une désorganisation du milieu de travail. Le gouvernement ne peut pas avoir choisi le modèle de rentrée scolaire qu'il a choisi, qui ne prévoit pas de distanciation physique dans les salles de classe, sans avoir prévu un mécanisme de dépistage accéléré. »

Il a ajouté :

« À la FAE, nous avons une obligation légale d'assurer la santé et la sécurité de nos membres, mais nous avons aussi des obligations morales. Quand un de nos membres est touché, c'est toute sa famille qui est touchée. Quand un de nos élèves est touché, c'est toute sa famille qui est touchée. Cependant, on doit nous fournir les mécanismes pour que nous soyons capables d'accomplir nos obligations en matière de santé et de sécurité, et ce n'est pas ce qui se produit. Le gouvernement n'assume pas sa responsabilité de protéger adéquatement la santé et la sécurité de nos membres et du personnel, et il ne nous fournit pas les mécanismes pour le faire. »

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On a besoin de plus de préposés à l'entretien
pour les mesures d'hygiène

Les préposés à l'entretien dans les écoles ont plus que jamais un rôle essentiel pour prévenir la transmission de la COVID-19. En plus de leur routine habituelle, ils ont de nouveaux gestes à poser. L'Institut national de la Santé publique du Québec a récemment publié le document « COVID-19 : Nettoyage et désinfection de surfaces » qui en nomme quelques-uns :

- Les surfaces les plus fréquemment touchées (ex. : poignées de porte, accoudoirs de chaise, tables, interrupteurs de lumière, manettes de contrôle d'équipements électroniques, robinets d'eau, boutons d'ascenseur, rampes d'escalier, toilettes, etc.) sont plus susceptibles d'être contaminées et une attention particulière doit donc être portée à la fréquence et à l'efficacité de leur nettoyage et désinfection.

- Les appareils électroniques, tels que les claviers d'ordinateur, les tablettes et les téléphones cellulaires, peuvent être désinfectés avec des lingettes imbibées d'alcool (au moins tous les jours) ou suivre les recommandations du fabricant pour les produits de nettoyage et de désinfection compatibles avec l'appareil.

- Porter des gants imperméables pour protéger les mains lors du nettoyage (CDC, 2020c).

- Se laver les mains et les avant-bras avec de l'eau et du savon lorsque les gants sont retirés.

- Après le nettoyage et la désinfection, les gants qui sont lavables doivent être soigneusement lavés avec de l'eau et du détergent puis séchés, ou encore jetés et remplacés par une nouvelle paire au besoin.

- Le lavage des mains doit être effectué avant et après le port de gants.

- Retirer ses vêtements et les laver une fois les opérations de nettoyage et de désinfection complétées.

Dès avril 2020, une des organisations syndicales représentant ces travailleurs, la Fédération des employées et employés des services publics de la CSN, soulignait la nécessité « de prévoir des mesures d'hygiène et de désinfection précises ainsi que du personnel d'entretien ménager suffisant pour les mettre en application. » Le 30 août, Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire (CSQ), allait dans le même sens et disait à la presse qu'« il faut en moyenne 25 % à 35 % davantage de temps pour un préposé à l'entretien afin qu'il fasse la désinfection d'une école, et ce, en respectant les normes de la santé publique. »

Des préposés à l'entretien ont exprimé leurs inquiétudes, car le manque de personnel a pour conséquence une surcharge énorme de travail et certaines directions d'établissement scolaire décident alors de réduire le nombre d'heures et la fréquence du nettoyage.

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Mesures insuffisantes pour assurer la sécurité
dans le transport scolaire

À la fin juin, le ministère de l'Éducation a fait l'annonce des nouvelles mesures concernant le transport des élèves dans les autobus scolaires pour la rentrée, dont l'aspect principal est l'absence de distanciation physique entre les élèves. Le nombre d'élèves pouvant être assis sur un même banc diminue de 3 à 2, portant ainsi à 48 au lieu de 72 le nombre maximum d'élèves pouvant voyager dans le même autobus scolaire. Les autres mesures sont :

« -les élèves devront, dans la mesure du possible, demeurer ensemble sur le même banc chaque jour ;

« -le port du couvre-visage à l'intérieur du véhicule est sur une base volontaire pour l'éducation préscolaire et pour les élèves jusqu'en 4e année et obligatoire pour ceux de la 5e année jusqu'à la fin du secondaire ;

« -du gel antiseptique pour les mains est mis à la disposition des élèves à leur entrée dans l'autobus ;

« -le nettoyage complet de l'autobus est réalisé quotidiennement ;

« -la désinfection sommaire des aires les plus fréquemment touchées par les élèves est effectuée (ex. : dessus des dossiers des sièges et rampe) dans le cas d'un véhicule utilisé successivement pour plus d'un circuit de transport en matinée ou en fin de journée. »

Les conducteurs d'autobus scolaires doivent porter le masque et la visière, car ils ne seront pas séparés de 2 mètres de leurs jeunes passagers. Parmi les inquiétudes que les travailleurs et leurs organisations ont partagées, il y a la buée se retrouvant dans les lunettes et le reflet de la lumière dans les visières qui posent obstacle à une conduite sécuritaire. Le gouvernement n'a pas imposé l'ajout d'un plexiglas entre les chauffeurs et les élèves, celui-ci demeurant « un choix » des différentes compagnies de transport scolaire. Ces dernières justifient leur refus d'ajouter cette barrière au fait que le gouvernement ne s'est pas engagé à en rembourser les coûts.

La Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN) qui représente plus de 3 000 conducteurs et conductrices de véhicules scolaires au Québec a de plus souligné que le concept de bulle-classe du ministre de l'Éducation ne sera pas respecté dans les autobus. Dans un communiqué, l'organisation dit que « Tout se passe comme si les centres de services scolaires avaient voulu privilégier le transport d'un maximum d'élèves en tournant les coins ronds pour la sécurité. Nous aurions souhaité que la CNESST nous consulte avant d'approuver des changements d'interprétation qui ne représentent pas les meilleurs choix dans les circonstances. Ce type de décision est normalement pris à la suite d'une consultation paritaire [...] Si le réseau scolaire veut maximiser le nombre d'élèves dans les autobus scolaires, cela doit être fait de façon sécuritaire, c'est-à-dire par l'installation de barrières physiques dans tous les véhicules scolaires ».

Une autre conséquence de ces mesures est qu'on chiffre par milliers le nombre d'élèves qui ne pourront avoir accès au transport scolaire. Il faut acheter de nouveaux autobus et embaucher des conducteurs, en plus d'établir une réelle distanciation physique pour que les familles n'aient pas à amener leurs enfants à l'école.

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Des médecins et des spécialistes de la santé du Québec remettent en question la sécurité
du plan de rentrée scolaire

Le 26 août, les médias au Québec ont publié une lettre du docteur George Thanassoulis, directeur de la Cardiologie génomique et préventive au Centre hospitalier universitaire de McGill (CUSM) et professeur adjoint de médecine à l'Université McGill ainsi que de Sonia Tremblay, médecin de famille. La lettre, cosignée par plus de 150 spécialistes de la santé, est adressée au premier ministre, au ministre de la Santé et des Services sociaux, au ministre de l'Éducation, au directeur national de santé publique et à la directrice régionale de santé publique de Montréal

Chers premier Ministre Legault, Ministre Dubé, Ministre Roberge, Dr Arruda et Dre Drouin,

En tant que médecins, scientifiques et parents d'enfants d'âge scolaire, nous sommes déçus du plan de retour à l'école du gouvernement du Québec, divulgué le 10 août 2020. Nous croyons que le plan actuel de la rentrée scolaire est inadéquat et devrait être amélioré. Tel que décrit, le plan de rentrée pourrait mettre les enfants et les enseignants à risque de contracter la COVID-19. De plus, ce plan pourrait mener à des éclosions dans leurs familles et dans leur communauté. Ceci pourrait brimer les efforts que nous avons faits collectivement au cours des six derniers mois pour contrer cette pandémie.

Nous croyons que la grande majorité des parents québécois souhaitent voir leurs enfants recommencer l'école en septembre. Cependant, ceci doit être fait de façon sécuritaire. Ainsi, l'objectif devrait être d'optimiser l'environnement scolaire pour diminuer le risque de transmission du SRAS-CoV2 le plus possible. Pour ce faire, le gouvernement devrait méticuleusement revoir le plan de rentrée scolaire et considérer fortement les éléments suivants :

1. La distanciation sociale

La distanciation sociale (une séparation d'au moins 1 mètre entre étudiants) devrait être établie pour tous les enfants, dans tous les endroits de l'école et à tous les niveaux scolaires. Le plan du gouvernement de ne pas prioriser la distanciation sociale dans les classes (certaines ayant plus de 30 élèves) est à l'encontre des recommandations actuelles émises par plusieurs groupes d'experts. Le nombre d'étudiants par classe devrait être réduit le plus possible et les ressources nécessaires devraient être déployées pour ce faire. Le Danemark et la Norvège ont réussi leur rentrée scolaire avec des classes réduites de 12-15 étudiants. Les services de garde devront aussi être modifiés pour limiter l'interaction entre enfants de différentes classes.

2. Le port du couvre-visage dans tous les lieux de l'école

Plusieurs études menées par des institutions de réputation internationale démontrent l'efficacité du port du masque afin de diminuer la transmission du SRAS-CoV2. Cependant, le plan de retour à l'école du Québec ne recommande pas le couvre-visage dans les classes où les étudiants passeront la plus grande partie de leur journée à proximité de leurs pairs. En effet, l'Académie américaine de pédiatrie a déclaré que le port du masque devrait être recommandé pour tous les élèves au primaire et au secondaire. Le port du couvre-visage devrait être utilisé le plus souvent possible pour réduire le risque de contagion.

3. Vérification quotidienne des symptômes de SRAS-CoV2

Le meilleur moyen de prévenir les éclosions est d'éviter que le virus s'infiltre dans nos écoles. Pour ce faire, les parents, éducateurs et étudiants devraient être vigilants à tous les symptômes potentiels d'une infection au SRAS-CoV2 et devraient rester à la maison si présents. Nous suggérons que les parents remplissent quotidiennement un questionnaire de vérification de symptômes SRAS-CoV2.

Puisque le taux d'absentéisme risque d'augmenter dû aux nouvelles mesures de précaution, l'école devrait mettre en place des mesures d'apprentissage à domicile. Le gouvernement doit aussi s'assurer d'offrir un soutien aux familles en isolement.

De plus, le Québec devrait envisager une stratégie de dépistage active dans les écoles et évaluer des approches novatrices telles que l'utilisation de la salive pour le prélèvement et les tests rapides.

4. Apprentissage en ligne

Dans le contexte de la pandémie actuelle, le gouvernement devrait mettre à disposition l'option de l'apprentissage en ligne à tous les parents qui le souhaitent. Chaque famille devrait avoir le droit de décider selon leurs propres circonstances si leur enfant fréquentera l'école cette année. Ceci permettrait conséquemment de réduire la taille des classes et d'améliorer la distanciation sociale.

5. Qualité de l'air/ventilation

Plusieurs écoles au Québec occupent de vieux immeubles qui sont surpeuplés d'étudiants. Ainsi, un effort devrait être fait pour optimiser la qualité de l'air et les systèmes de ventilation dans toutes les écoles. Les systèmes de ventilation devraient être évalués et mis à jour, tel que requis, dans les plus brefs délais. Entre temps, des solutions simples pour améliorer la ventilation devraient être recommandées (ex. : ouvrir les fenêtres, donner des cours à l'extérieur, etc.).

Basé sur l'expérience de plusieurs pays du monde (ex. : Norvège, Corée du Sud), on comprend que le retour en classe peut se faire de façon sécuritaire si les mesures appropriées sont mises en place. Toutefois, dans d'autres pays (ex. : Israël), la réouverture des écoles a mené à des éclosions importantes et une vague d'infection dans la communauté, démontrant que la réouverture des écoles peut entraîner des effets néfastes.

Puisque c'est impossible de prédire de façon définitive l'impact de la réouverture de nos écoles, vaut mieux agir avec prudence. Le plan actuel de réouverture des écoles ne tient pas suffisamment compte des recommandations en matière de prévention des infections reconnues par la communauté scientifique et médicale pour minimiser les éclosions dans le milieu scolaire. Ceci pourrait compromettre la santé de nos enfants, des enseignants, de leurs familles, et de leurs communautés. Nous souhaitons que le plan actuel soit réévalué et rectifié pour s'assurer d'une rentrée scolaire plus sécuritaire pour tous.

Pour voir la liste des signataires, cliquer ici

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Entrevue

Préoccupations pour l'état de préparation à
une deuxième vague de la COVID-19

Jeff Begley est le président de la Fédération de la Santé et des Services sociaux (FSSS-CSN).

Forum ouvrier : Quelles sont vos principales préoccupations à la FSSS-CSN pour la période qui vient ?

Jeff Begley : Nos deux principales préoccupations en ce moment sont l'état de la préparation pour une possible deuxième vague de la COVID-19 et les négociations du secteur public.

Si une préparation pour une deuxième vague existe en ce moment au sein du gouvernement, nous n'en sommes pas partie prenante. Le gouvernement fait tout à Québec, avec un petit groupe. Il ne travaille pas avec les syndicats. Nous ne savons pas ce qu'il fait.

Nous avons pourtant vécu la première vague. Nous avons vécu les défaillances avec les équipements individuels. Est-ce qu'on va avoir le masque N95 dans les CHSLD lorsqu'il y a éclosion ? On n'a pas de réponse là-dessus. Il faut les avoir, mais il est loin d'être certain que ce sera le cas.

La question du va-et-vient entre les zones chaudes [où se trouvent des patients avec la COVID-19] et les zones froides est une question importante. En ce moment, il n'y a pas d'éclosion. Mais s'il y a une deuxième vague, normalement on devrait avoir suffisamment de préposés, avec les nouveaux engagés qui arrivent, pour qu'on ne fasse pas de va-et-vient. Mais qu'en est-il des autres types d'emplois, l'entretien par exemple, pour lequel on n'a pas fait d'embauche ? La COVID-19 peut très bien infecter des gens de l'entretien ménager. On ne voit pas le plan de match pour faire en sorte que dans ce type d'emplois il n'y aura pas de va-et-vient.

Il n'y a pas de transparence dans ce que fait le gouvernement. Je soupçonne que la plupart des employeurs reçoivent les informations au compte-gouttes. Pourtant, nos membres ont été sur le terrain pendant toute cette première vague. Ils ont des choses à proposer pour améliorer la situation. Nous avons demandé des rencontres à tous les niveaux pour faire le tour de la question. On ne nous écoute pas. Il faut des rencontres au niveau national et au niveau local. Ce n'est pas nécessairement une solution nationale pour tout le monde qui est requise. Bien sûr, la question des équipements individuels doit être réglée au niveau national. Mais en ce qui concerne le déploiement des effectifs, beaucoup se joue sur le plan local. Notre impression c'est que non seulement le syndicat, mais les employeurs sont écartés. En conséquence, les travailleurs et les travailleuses ne sont pas rassurés. Tout ce qu'ils se font dire c'est qu'on sera prêt pour une deuxième vague. Pendant la première vague, on a pu voir à quel point le discours public est déconnecté de ce qui se passe sur le terrain. Le gouvernement est très bon dans les relations publiques, mais dans les relations directes avec les gens sur le terrain, c'est toute autre chose.

FO : Quelles sont les nouvelles en ce qui concerne les négociations du secteur public ?

JB : Cela ne va pas bien. Dans ce cas-ci également, ce que le gouvernement dit sur la place publique ne correspond pas à ce qui se passe à la table de négociation. Pourtant, à cause de l'urgence même de la situation, il n'est pas possible cette fois de mettre de l'avant un règlement qui n'est pas entièrement satisfaisant. Il semble que le gouvernement joue la carte d'essayer de trouver un maillon faible, quel qu'il soit, qui va accepter un règlement qui va s'avérer non satisfaisant. Le gouvernement ne doit pas essayer de diviser pour mieux régner, mais il doit se mettre à négocier pour qu'on en arrive à un règlement qui nous satisfait et qui surtout améliore le réseau public de manière sérieuse.

Il faut résolument avancer sur la question salariale. Comme on en a déjà discuté, pour cette ronde de négociations, la CSN a mis de l'avant des demandes salariales à montant fixe : 2 $ l'heure la première année, 0,75 $ la deuxième année, 0,75 $ la troisième année. La raison pour laquelle nous avons présenté des demandes salariales à montant fixe, c'est pour réduire les écarts salariaux. Si vous gagnez 20 $ de l'heure, 3,50 $ sur trois ans équivaut à une augmentation salariale de 17 %. Si vous gagnez 60 $ de l'heure, l'augmentation est d'environ 6 %. Cela permet un véritable rattrapage salarial pour les bas salariés.

En plus, il y a la question de défaire les effets de la Loi 10 du gouvernement libéral précédent et de son ministre de la santé Gaétan Barrette qui a centralisé tous les pouvoirs du réseau dans les mains du ministre et qui a notamment éloigné les membres du personnel et les citoyens et les citoyennes des prises de décision.

Il y a aussi les questions normatives. Nous avons beaucoup de demandes en santé et en sécurité. Nous demandons également une amélioration de l'organisation du travail, ce qui comprend la nécessité d'embaucher plus de personnel, entre autres le personnel d'entretien dont j'ai parlé plus haut. Nous faisons face aussi à une situation où de nombreux employeurs, pas tous, mais plusieurs, harcèlent les personnes qui vont en maladie ou les personnes qui sont victimes d'accidents de travail pour qu'elles reprennent le travail sans être entièrement rétablies. C'est un non-sens du point de vue humain, et cela coûte aussi beaucoup plus cher au réseau de la santé à long terme de faire revenir ces personnes au travail trop tôt. Mais la question principale dans tout cela, c'est la prévention. Il faut améliorer la prévention au travail pour éviter les accidents et les maladies.

En ce qui concerne la FSSS-CSN, nous sommes très loin d'une entente. Le gouvernement devrait faire moins de relations publiques et négocier sérieusement avec nous.

L'automne qui vient va être très intense et nous devons nous battre pour nos membres et pour tout le réseau de la santé et des services sociaux.

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