Numéro 59 - 8 septembre 2020
Sérieuses préoccupations face à la première
semaine de réouverture des écoles au Québec
Le défi auquel les enseignants et les
travailleurs de l'éducation font face
- Geneviève Royer -
Manifestation à Montréal, le 23
août 2020, pour revendiquer un retour à
l'école sécuritaire.
• Les
enseignants demandent un dépistage accéléré de
la COVID-19 dans les écoles et des données
précises sur les cas d'infection
• On a besoin de plus de
préposés à l'entretien pour les mesures
d'hygiène
• Mesures insuffisantes
pour assurer la sécurité dans le transport
scolaire
• Des médecins et des
spécialistes de la santé du Québec remettent en
question la sécurité du plan de rentrée scolaire
Entrevue
• Préoccupations pour
l'état de préparation à une deuxième vague de la
COVID-19 - Jeff Begley
Sérieuses préoccupations face à la
première semaine de réouverture
des écoles au Québec
- Geneviève Royer -
Le 31 août, les écoles du Québec ont été
rouvertes, depuis la maternelle jusqu'au
secondaire. C'est 2 736 établissements
d'enseignement publics dans lesquels
évoluent 1 216 791
élèves, 107 744 enseignants, et plus
de 60 000 employés de soutien et
professionnels de l'éducation.
La
première caractéristique de cette rentrée scolaire
sous une COVID-19 non maîtrisée est l'immense
amour social et enthousiasme que les enseignants
ont démontré lors de l'accueil des élèves. Dès
qu'ils ont mis le pied à l'école, ils se sont
assurés que les solutions hydroalcooliques de
lavage des mains et les équipements de protection
individuelle soient disponibles pour tous. Chaque
jour depuis, ils échangent entre eux sur les
initiatives à prendre pour assurer leur santé et
celle de leurs élèves, veillant de cette façon à
la santé de la communauté. Ils n'ont eu que
quelques jours, travaillant ensemble, pour
s'assurer que la rentrée se fasse dans un
environnement aussi sécuritaire que possible pour
la santé des jeunes et approprié à l'enseignement.
Les élèves, particulièrement ceux du secondaire
dont beaucoup ont travaillé dans l'alimentation et
la vente au détail cet été en pleine pandémie de
la COVID-19, utilisent leur expérience et font
preuve de beaucoup de discipline dans
l'application des règles de sécurité.
Cependant, le retour en classe s'est aussi fait
sous le signe de l'angoisse non seulement à cause
du sérieux de la crise de la COVID-19, mais du
fait que le gouvernement n'assume pas sa
responsabilité en ce qui concerne son devoir de
protéger la santé et la sécurité de tous et de
toutes dans le réseau scolaire. Les enseignants
sont très préoccupés par le fossé qui existe entre
les conditions réelles dans les écoles et ce que
le gouvernement prétend être des mesures adéquates
mises en place en début d'année scolaire. En
effet, malgré toutes les propositions des
enseignants pour organiser la présence des élèves
dans les écoles tout en respectant la
distanciation physique, essentielle au contrôle de
la pandémie, le gouvernement et son ministère de
l'Éducation ont déclaré qu'elle n'était pas
nécessaire dans les salles de classe et que le
port du masque ne l'était pas non plus. Le concept
de bulle-classe mis de l'avant nie les efforts des
enseignants pour obtenir des classes avec moins
d'élèves et une distanciation physique dans la
classe afin que tous soient protégés. Les efforts
des enseignants ont été rejetés sans explication
ni justification.
L'autre phénomène qui
ajoute à l'angoisse est le souci constant du
gouvernement du Québec de ramener les choses à des
opérations de relations publiques. Dans cette
situation si difficile, le gouvernement présente
la situation comme étant sous contrôle et les
enseignants satisfaits. Cité par les médias
le 3 septembre, Jean-François Roberge,
ministre de l'Éducation, a dit : « L'écho que
j'ai, c'est que les membres du personnel sont
satisfaits, ça se passe bien, et chaque jour qui
passe, le niveau d'anxiété baisse et les gens sont
de plus en plus rassurés ». Il a dit cela au
moment même où le gouvernement rendait
publique la liste des 45 écoles où ont été
diagnostiqués des cas positifs à la COVID-19
pendant cette toute première semaine. Plus de
vingt élèves dans les écoles primaires et souvent
plus de 30 dans les écoles secondaires vivent
plus de 5 heures par jour ensemble dans les
classes sans aucune distanciation physique !
Les enseignants sont inquiets et conscients que
ces conditions favorisent la transmission du
virus.
En même temps, le gouvernement parle de
relâchement dans les écoles et évoque même une
fermeture si les choses s'aggravent, ce qui lui
permet de blâmer le personnel de l'éducation ou
les jeunes et d'éviter que ses propres décisions
ne soient examinées publiquement. Ce type de
camouflage par les relations publiques est méprisé
par les enseignants et leurs collègues qui doivent
enseigner et veiller chaque jour à la sécurité de
tous sans la confiance et le sentiment de sécurité
que le gouvernement prend des actions concrètes
pour les appuyer.
Cela convainc les enseignants qu'ils doivent
intensifier leurs actions pour forcer le
gouvernement à rendre des comptes de ses gestes et
le forcer à assumer ses responsabilités. En même
temps, ils prennent en main par leurs propres
initiatives la question de la santé et de la
sécurité de tous et de toutes, ce qu'ils ont fait
dès qu'ils ont mis le pied dans leur école. Les
enseignants voient la nécessité de créer les
occasions de discuter et d'échanger collectivement
leurs points de vue et de partager leur expérience
pour voir ce qui peut être fait pour changer la
situation d'une manière qui soit à l'avantage du
peuple.
Depuis le 31 août, les élèves du Québec
sont de retour dans les écoles de la maternelle au
secondaire. Déjà, des cas d'infection à la
COVID-19 ont été signalés dans les écoles de
plusieurs régions du Québec. La plupart des
personnes qui ont été déclarées positives sont des
enseignants, mais les élèves ont également été
touchés. Des classes entières ont été renvoyées
chez elles pour un isolement préventif, en plus
des enseignants qui ont été déclarés positifs et
des collègues avec lesquels ils étaient en contact
étroit.
Jusqu'à présent, le
gouvernement a imposé un code de silence sur les
cas de COVID-19 dans les écoles. Le ministère de
la Santé et des Services sociaux a attendu une
semaine entière, jusqu'au 4 septembre, pour
ne publier que des données limitées et l'a fait
d'une manière qui ne permet à personne d'avoir une
image claire de ce qui se passe et des mesures
prises.
Les données publiées donnent les noms de 47
écoles où au moins un cas d'infection à la
COVID-19 a été signalé entre le 26 août et
le 3 septembre. Cependant, la liste ne révèle
pas le nombre de cas connus par école. Elle révèle
seulement le nom de l'école et du centre de
service scolaire qui le supervise - ce qui aide à
indiquer la région - et la date à laquelle le cas
a été signalé. Rien d'utile ne peut être fait avec
ces informations. Après que ces informations
limitées ont été rendues publiques et que les
enseignants et les parents ont fermement dénoncé
le gouvernement pour ne pas avoir fait son devoir
de les informer, le gouvernement s'est engagé à
publier prochainement un tableau indiquant le
nombre de nouveaux cas parmi les élèves et le
personnel, par région sanitaire, par centre de
service scolaire et par école.
Sylvain Mallette, le président de la Fédération
autonome de l'enseignement (FAE), a déclaré ce qui
suit aux médias après la publication de la
liste : « Le gouvernement ne peut pas
prétendre qu'il était prêt pour la rentrée alors
qu'il a attendu au 4 septembre pour donner un
portrait incomplet. C'est un virus qui est
potentiellement mortel et on fait comme si les
choses peuvent se mettre en place au fur et à
mesure. »
Il a reproché au gouvernement du Québec de
vouloir « minimiser » la situation actuelle.
Selon lui, la liste diffusée le 4 septembre
occulte le fait qu'il y a eu des bouleversements
dans plusieurs salles de classe en raison des cas
signalés.
« Des élèves sont présentement confrontés à des
bris de services éducatifs », a-t-il noté,
faisant référence aux enfants infectés et aux
enseignants mis en quarantaine. Il a donné
l'exemple de la Polyvalente de Deux-Montagnes,
dans les Laurentides, où six enseignants ont
contracté la maladie et vingt autres sont toujours
en isolement préventif.
La FAE demande la publication de plus
d'informations, y compris si un membre du
personnel infecté est un enseignant ou un autre
travailleur de l'éducation (tout en préservant son
anonymat), ainsi que les mesures qui ont été
prises en réponse aux infections détectées pour
retracer les contacts et envoyer des gens en
isolement.
Dans ce contexte, les enseignants sont aussi
entrés en action pour exiger un dépistage accéléré
de la COVID-19 dans les écoles et la divulgation
publique des données sur les infections dans les
écoles. Selon la FAE, le ministre de la Santé
et des Services sociaux a annoncé, le 10
août, la mise en place d'un mécanisme de dépistage
accéléré et efficace dans les écoles. « Il n'y a
aucune preuve qu'un tel dépistage est en
place », déclare la FAE. La Fédération a donc
annoncé le 2 septembre qu'elle demandera à la
Cour supérieure du Québec de forcer le
gouvernement à établir le mécanisme demandé et à
fournir tous les documents relatifs au plan de
santé qui s'appliquent au système scolaire,
notamment les données concernant les cas
d'infection.
Des services de dépistage accéléré dans les
écoles et la publication de données sur les cas
d'infection permettraient une action rapide en cas
d'infection et une évaluation précise de la façon
dont ces cas se sont produits afin de remédier à
la situation.
Le
gouvernement est plus que réticent à mettre en
oeuvre un plan de dépistage systématique dans le
réseau scolaire et à fournir les informations
demandées par les enseignants. De nombreux
enseignants disent que c'est parce que le
dépistage systématique est considéré par le
gouvernement comme un coût qu'il ne veut pas
payer, sous prétexte de maintenir un soi-disant
équilibre entre la sécurité et l'économie. C'est
inacceptable. La sauvegarde de la santé et de la
sécurité des personnes est une question de
principe, une question d'affirmation d'un droit,
et toutes les mesures doivent être mises en oeuvre
pour que ce droit soit garanti. Il ne peut pas
être question d'un « équilibre » et de jouer
avec la vie des gens.
Sylvain Mallette a parlé à Forum ouvrier à
propos du dépistage accéléré des
enseignants :
« Actuellement il y a des profs et d'autres
membres du personnel qui doivent attendre parfois
48 heures avant d'avoir un rendez-vous et qui
doivent parfois attendre 48-72 heures avant
d'avoir leur résultat », a-t-il dit. Dans le
milieu scolaire, l'effet domino est très fort. Il
n'y a pas de mécanisme qui permet à quelqu'un qui
a des symptômes d'être testé rapidement et
d'obtenir le résultat rapidement. L'absence d'un
mécanisme de dépistage accéléré pose de sérieux
problèmes de santé et sécurité pour les
travailleuses et les travailleurs. Cela a pour
effet aussi de provoquer une rupture dans les
apprentissages des élèves et une désorganisation
du milieu de travail. Le gouvernement ne peut pas
avoir choisi le modèle de rentrée scolaire qu'il a
choisi, qui ne prévoit pas de distanciation
physique dans les salles de classe, sans avoir
prévu un mécanisme de dépistage accéléré. »
Il a ajouté :
« À la FAE, nous avons une obligation légale
d'assurer la santé et la sécurité de nos membres,
mais nous avons aussi des obligations morales.
Quand un de nos membres est touché, c'est toute sa
famille qui est touchée. Quand un de nos élèves
est touché, c'est toute sa famille qui est
touchée. Cependant, on doit nous fournir les
mécanismes pour que nous soyons capables
d'accomplir nos obligations en matière de santé et
de sécurité, et ce n'est pas ce qui se produit. Le
gouvernement n'assume pas sa responsabilité de
protéger adéquatement la santé et la sécurité de
nos membres et du personnel, et il ne nous fournit
pas les mécanismes pour le faire. »
Les préposés à l'entretien dans les écoles ont
plus que jamais un rôle essentiel pour prévenir la
transmission de la COVID-19. En plus de leur
routine habituelle, ils ont de nouveaux gestes à
poser. L'Institut national de la Santé publique du
Québec a récemment publié le document «
COVID-19 : Nettoyage et désinfection de
surfaces » qui en nomme quelques-uns :
- Les surfaces les plus fréquemment touchées
(ex. : poignées de porte, accoudoirs de
chaise, tables, interrupteurs de lumière,
manettes de contrôle d'équipements
électroniques, robinets d'eau, boutons
d'ascenseur, rampes d'escalier, toilettes, etc.)
sont plus susceptibles d'être contaminées et une
attention particulière doit donc être portée à
la fréquence et à l'efficacité de leur nettoyage
et désinfection.
- Les appareils électroniques, tels que les
claviers d'ordinateur, les tablettes et les
téléphones cellulaires, peuvent être désinfectés
avec des lingettes imbibées d'alcool (au moins
tous les jours) ou suivre les recommandations du
fabricant pour les produits de nettoyage et de
désinfection compatibles avec l'appareil.
- Porter des gants imperméables pour protéger
les mains lors du nettoyage (CDC, 2020c).
- Se laver les mains et les avant-bras avec de
l'eau et du savon lorsque les gants sont
retirés.
- Après le nettoyage et la désinfection, les
gants qui sont lavables doivent être
soigneusement lavés avec de l'eau et du
détergent puis séchés, ou encore jetés et
remplacés par une nouvelle paire au besoin.
- Le lavage des mains doit être effectué avant
et après le port de gants.
- Retirer ses vêtements et les laver une fois
les opérations de nettoyage et de désinfection
complétées.
Dès avril 2020,
une des organisations syndicales représentant ces
travailleurs, la Fédération des employées et
employés des services publics de la CSN,
soulignait la nécessité « de prévoir des mesures
d'hygiène et de désinfection précises ainsi que du
personnel d'entretien ménager suffisant pour les
mettre en application. » Le 30 août,
Éric Pronovost, président de la Fédération du
personnel de soutien scolaire (CSQ), allait dans
le même sens et disait à la presse qu'« il faut en
moyenne 25 % à 35 % davantage
de temps pour un préposé à l'entretien afin qu'il
fasse la désinfection d'une école, et ce, en
respectant les normes de la santé publique. »
Des préposés à l'entretien ont exprimé leurs
inquiétudes, car le manque de personnel a pour
conséquence une surcharge énorme de travail et
certaines directions d'établissement scolaire
décident alors de réduire le nombre d'heures et la
fréquence du nettoyage.
À la fin juin, le
ministère de l'Éducation a fait l'annonce des
nouvelles mesures concernant le transport des
élèves dans les autobus scolaires pour la rentrée,
dont l'aspect principal est l'absence de
distanciation physique entre les élèves. Le nombre
d'élèves pouvant être assis sur un même banc
diminue de 3 à 2, portant ainsi
à 48 au lieu de 72 le nombre maximum
d'élèves pouvant voyager dans le même autobus
scolaire. Les autres mesures sont :
« -les élèves devront, dans la mesure du
possible, demeurer ensemble sur le même banc
chaque jour ;
« -le port du couvre-visage à l'intérieur du
véhicule est sur une base volontaire pour
l'éducation préscolaire et pour les élèves
jusqu'en 4e année et obligatoire pour ceux de
la 5e année jusqu'à la fin du
secondaire ;
« -du gel antiseptique pour les mains est mis à
la disposition des élèves à leur entrée dans
l'autobus ;
« -le nettoyage complet de l'autobus est réalisé
quotidiennement ;
« -la désinfection sommaire des aires les plus
fréquemment touchées par les élèves est effectuée
(ex. : dessus des dossiers des sièges et
rampe) dans le cas d'un véhicule utilisé
successivement pour plus d'un circuit de transport
en matinée ou en fin de journée. »
Les conducteurs d'autobus scolaires doivent
porter le masque et la visière, car ils ne seront
pas séparés de 2 mètres de leurs jeunes
passagers. Parmi les inquiétudes que les
travailleurs et leurs organisations ont partagées,
il y a la buée se retrouvant dans les lunettes et
le reflet de la lumière dans les visières qui
posent obstacle à une conduite sécuritaire. Le
gouvernement n'a pas imposé l'ajout d'un plexiglas
entre les chauffeurs et les élèves, celui-ci
demeurant « un choix » des différentes
compagnies de transport scolaire. Ces dernières
justifient leur refus d'ajouter cette barrière au
fait que le gouvernement ne s'est pas engagé à en
rembourser les coûts.
La Fédération des employées et
employés de services publics (FEESP-CSN) qui
représente plus de 3 000 conducteurs
et conductrices de véhicules scolaires au Québec
a de plus souligné que le concept de
bulle-classe du ministre de l'Éducation ne sera
pas respecté dans les autobus. Dans un
communiqué, l'organisation dit que « Tout se
passe comme si les centres de services scolaires
avaient voulu privilégier le transport d'un
maximum d'élèves en tournant les coins ronds
pour la sécurité. Nous aurions souhaité que la
CNESST nous consulte avant d'approuver des
changements d'interprétation qui ne représentent
pas les meilleurs choix dans les circonstances.
Ce type de décision est normalement pris à la
suite d'une consultation paritaire [...] Si le
réseau scolaire veut maximiser le nombre
d'élèves dans les autobus scolaires, cela doit
être fait de façon sécuritaire, c'est-à-dire par
l'installation de barrières physiques dans tous
les véhicules scolaires ».
Une autre conséquence de ces mesures est qu'on
chiffre par milliers le nombre d'élèves qui ne
pourront avoir accès au transport scolaire. Il
faut acheter de nouveaux autobus et embaucher des
conducteurs, en plus d'établir une réelle
distanciation physique pour que les familles
n'aient pas à amener leurs enfants à l'école.
Le 26 août, les médias au Québec ont
publié une lettre du docteur George
Thanassoulis, directeur de la Cardiologie
génomique et préventive au Centre hospitalier
universitaire de McGill (CUSM) et professeur
adjoint de médecine à l'Université McGill ainsi
que de Sonia Tremblay, médecin de famille. La
lettre, cosignée par plus de 150
spécialistes de la santé, est adressée au
premier ministre, au ministre de la Santé et des
Services sociaux, au ministre de l'Éducation, au
directeur national de santé publique et à la
directrice régionale de santé publique de
Montréal
Chers premier Ministre Legault, Ministre Dubé,
Ministre Roberge, Dr Arruda et Dre Drouin,
En tant que médecins,
scientifiques et parents d'enfants d'âge scolaire,
nous sommes déçus du plan de retour à l'école du
gouvernement du Québec, divulgué le 10
août 2020. Nous croyons que le plan actuel de
la rentrée scolaire est inadéquat et devrait être
amélioré. Tel que décrit, le plan de rentrée
pourrait mettre les enfants et les enseignants à
risque de contracter la COVID-19. De plus, ce plan
pourrait mener à des éclosions dans leurs familles
et dans leur communauté. Ceci pourrait brimer les
efforts que nous avons faits collectivement au
cours des six derniers mois pour contrer cette
pandémie.
Nous croyons que la grande majorité des parents
québécois souhaitent voir leurs enfants
recommencer l'école en septembre. Cependant, ceci
doit être fait de façon sécuritaire. Ainsi,
l'objectif devrait être d'optimiser
l'environnement scolaire pour diminuer le risque
de transmission du SRAS-CoV2 le plus possible.
Pour ce faire, le gouvernement devrait
méticuleusement revoir le plan de rentrée scolaire
et considérer fortement les éléments
suivants :
1. La distanciation sociale
La distanciation sociale (une séparation d'au
moins 1 mètre entre étudiants) devrait être
établie pour tous les enfants, dans tous les
endroits de l'école et à tous les niveaux
scolaires. Le plan du gouvernement de ne pas
prioriser la distanciation sociale dans les
classes (certaines ayant plus de 30 élèves)
est à l'encontre des recommandations actuelles
émises par plusieurs groupes d'experts. Le nombre
d'étudiants par classe devrait être réduit le plus
possible et les ressources nécessaires devraient
être déployées pour ce faire. Le Danemark et la
Norvège ont réussi leur rentrée scolaire avec des
classes réduites de 12-15 étudiants. Les
services de garde devront aussi être modifiés pour
limiter l'interaction entre enfants de différentes
classes.
2. Le port du couvre-visage dans tous les lieux
de l'école
Plusieurs études menées par des institutions de
réputation internationale démontrent l'efficacité
du port du masque afin de diminuer la transmission
du SRAS-CoV2. Cependant, le plan de retour à
l'école du Québec ne recommande pas le
couvre-visage dans les classes où les étudiants
passeront la plus grande partie de leur journée à
proximité de leurs pairs. En effet, l'Académie
américaine de pédiatrie a déclaré que le port du
masque devrait être recommandé pour tous les
élèves au primaire et au secondaire. Le port du
couvre-visage devrait être utilisé le plus souvent
possible pour réduire le risque de contagion.
3. Vérification quotidienne des symptômes de
SRAS-CoV2
Le meilleur moyen de prévenir les éclosions est
d'éviter que le virus s'infiltre dans nos écoles.
Pour ce faire, les parents, éducateurs et
étudiants devraient être vigilants à tous les
symptômes potentiels d'une infection au SRAS-CoV2
et devraient rester à la maison si présents. Nous
suggérons que les parents remplissent
quotidiennement un questionnaire de vérification
de symptômes SRAS-CoV2.
Puisque le taux d'absentéisme risque d'augmenter
dû aux nouvelles mesures de précaution, l'école
devrait mettre en place des mesures
d'apprentissage à domicile. Le gouvernement doit
aussi s'assurer d'offrir un soutien aux familles
en isolement.
De plus, le Québec devrait envisager une
stratégie de dépistage active dans les écoles et
évaluer des approches novatrices telles que
l'utilisation de la salive pour le prélèvement et
les tests rapides.
4. Apprentissage en ligne
Dans le contexte de la pandémie actuelle, le
gouvernement devrait mettre à disposition l'option
de l'apprentissage en ligne à tous les parents qui
le souhaitent. Chaque famille devrait avoir le
droit de décider selon leurs propres circonstances
si leur enfant fréquentera l'école cette année.
Ceci permettrait conséquemment de réduire la
taille des classes et d'améliorer la distanciation
sociale.
5. Qualité de l'air/ventilation
Plusieurs écoles au Québec occupent de vieux
immeubles qui sont surpeuplés d'étudiants. Ainsi,
un effort devrait être fait pour optimiser la
qualité de l'air et les systèmes de ventilation
dans toutes les écoles. Les systèmes de
ventilation devraient être évalués et mis à jour,
tel que requis, dans les plus brefs délais. Entre
temps, des solutions simples pour améliorer la
ventilation devraient être recommandées (ex. :
ouvrir les fenêtres, donner des cours à
l'extérieur, etc.).
Basé sur l'expérience de plusieurs pays du monde
(ex. : Norvège, Corée du Sud), on comprend que le
retour en classe peut se faire de façon
sécuritaire si les mesures appropriées sont mises
en place. Toutefois, dans d'autres pays (ex. :
Israël), la réouverture des écoles a mené à des
éclosions importantes et une vague d'infection
dans la communauté, démontrant que la réouverture
des écoles peut entraîner des effets néfastes.
Puisque c'est impossible de prédire de façon
définitive l'impact de la réouverture de nos
écoles, vaut mieux agir avec prudence. Le plan
actuel de réouverture des écoles ne tient pas
suffisamment compte des recommandations en matière
de prévention des infections reconnues par la
communauté scientifique et médicale pour minimiser
les éclosions dans le milieu scolaire. Ceci
pourrait compromettre la santé de nos enfants, des
enseignants, de leurs familles, et de leurs
communautés. Nous souhaitons que le plan actuel
soit réévalué et rectifié pour s'assurer d'une
rentrée scolaire plus sécuritaire pour tous.
Pour voir la liste des signataires,
cliquer ici
Entrevue
- Jeff Begley -
Jeff Begley est le président de la
Fédération de la Santé et des Services sociaux
(FSSS-CSN).
Forum ouvrier : Quelles sont
vos principales préoccupations à la FSSS-CSN pour
la période qui vient ?
Jeff Begley : Nos deux
principales préoccupations en ce moment sont
l'état de la préparation pour une possible
deuxième vague de la COVID-19 et les négociations
du secteur public.
Si une préparation pour une deuxième vague existe
en ce moment au sein du gouvernement, nous n'en
sommes pas partie prenante. Le gouvernement fait
tout à Québec, avec un petit groupe. Il ne
travaille pas avec les syndicats. Nous ne savons
pas ce qu'il fait.
Nous avons
pourtant vécu la première vague. Nous avons vécu
les défaillances avec les équipements individuels.
Est-ce qu'on va avoir le masque N95 dans les CHSLD
lorsqu'il y a éclosion ? On n'a pas de
réponse là-dessus. Il faut les avoir, mais il est
loin d'être certain que ce sera le cas.
La question du va-et-vient entre les zones
chaudes [où se trouvent des patients avec la
COVID-19] et les zones froides est une question
importante. En ce moment, il n'y a pas d'éclosion.
Mais s'il y a une deuxième vague, normalement on
devrait avoir suffisamment de préposés, avec les
nouveaux engagés qui arrivent, pour qu'on ne fasse
pas de va-et-vient. Mais qu'en est-il des autres
types d'emplois, l'entretien par exemple, pour
lequel on n'a pas fait d'embauche ? La
COVID-19 peut très bien infecter des gens de
l'entretien ménager. On ne voit pas le plan de
match pour faire en sorte que dans ce type
d'emplois il n'y aura pas de va-et-vient.
Il n'y a pas de transparence dans ce que fait le
gouvernement. Je soupçonne que la plupart des
employeurs reçoivent les informations au
compte-gouttes. Pourtant, nos membres ont été sur
le terrain pendant toute cette première vague. Ils
ont des choses à proposer pour améliorer la
situation. Nous avons demandé des rencontres à
tous les niveaux pour faire le tour de la
question. On ne nous écoute pas. Il faut des
rencontres au niveau national et au niveau local.
Ce n'est pas nécessairement une solution nationale
pour tout le monde qui est requise. Bien sûr, la
question des équipements individuels doit être
réglée au niveau national. Mais en ce qui concerne
le déploiement des effectifs, beaucoup se joue sur
le plan local. Notre impression c'est que non
seulement le syndicat, mais les employeurs sont
écartés. En conséquence, les travailleurs et les
travailleuses ne sont pas rassurés. Tout ce qu'ils
se font dire c'est qu'on sera prêt pour une
deuxième vague. Pendant la première vague, on a pu
voir à quel point le discours public est
déconnecté de ce qui se passe sur le terrain. Le
gouvernement est très bon dans les relations
publiques, mais dans les relations directes avec
les gens sur le terrain, c'est toute autre chose.
FO : Quelles sont les
nouvelles en ce qui concerne les négociations du
secteur public ?
JB : Cela ne va pas bien.
Dans ce cas-ci également, ce que le gouvernement
dit sur la place publique ne correspond pas à ce
qui se passe à la table de négociation. Pourtant,
à cause de l'urgence même de la situation, il
n'est pas possible cette fois de mettre de l'avant
un règlement qui n'est pas entièrement
satisfaisant. Il semble que le gouvernement joue
la carte d'essayer de trouver un maillon faible,
quel qu'il soit, qui va accepter un règlement qui
va s'avérer non satisfaisant. Le gouvernement ne
doit pas essayer de diviser pour mieux régner,
mais il doit se mettre à négocier pour qu'on en
arrive à un règlement qui nous satisfait et qui
surtout améliore le réseau public de manière
sérieuse.
Il faut résolument avancer
sur la question salariale. Comme on en a déjà
discuté, pour cette ronde de négociations, la CSN
a mis de l'avant des demandes salariales à montant
fixe : 2 $ l'heure la première
année, 0,75 $ la deuxième
année, 0,75 $ la troisième année. La
raison pour laquelle nous avons présenté des
demandes salariales à montant fixe, c'est pour
réduire les écarts salariaux. Si vous
gagnez 20 $ de l'heure, 3,50 $
sur trois ans équivaut à une augmentation
salariale de 17 %. Si vous
gagnez 60 $ de l'heure, l'augmentation
est d'environ 6 %. Cela permet un véritable
rattrapage salarial pour les bas salariés.
En plus, il y a la question de défaire les effets
de la Loi 10 du gouvernement libéral
précédent et de son ministre de la santé Gaétan
Barrette qui a centralisé tous les pouvoirs du
réseau dans les mains du ministre et qui a
notamment éloigné les membres du personnel et les
citoyens et les citoyennes des prises de décision.
Il y a aussi les questions normatives. Nous avons
beaucoup de demandes en santé et en sécurité. Nous
demandons également une amélioration de
l'organisation du travail, ce qui comprend la
nécessité d'embaucher plus de personnel, entre
autres le personnel d'entretien dont j'ai parlé
plus haut. Nous faisons face aussi à une situation
où de nombreux employeurs, pas tous, mais
plusieurs, harcèlent les personnes qui vont en
maladie ou les personnes qui sont victimes
d'accidents de travail pour qu'elles reprennent le
travail sans être entièrement rétablies. C'est un
non-sens du point de vue humain, et cela coûte
aussi beaucoup plus cher au réseau de la santé à
long terme de faire revenir ces personnes au
travail trop tôt. Mais la question principale dans
tout cela, c'est la prévention. Il faut améliorer
la prévention au travail pour éviter les accidents
et les maladies.
En ce qui concerne la FSSS-CSN, nous sommes très
loin d'une entente. Le gouvernement devrait faire
moins de relations publiques et négocier
sérieusement avec nous.
L'automne qui vient va être très intense et nous
devons nous battre pour nos membres et pour tout
le réseau de la santé et des services sociaux.
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individuellement, cliquer sur le titre de
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