Entrevue
Préoccupations pour l'état de préparation à une deuxième vague de la COVID-19
- Jeff Begley -
Jeff Begley est le président de la
Fédération de la Santé et des Services sociaux
(FSSS-CSN).
Forum ouvrier : Quelles sont
vos principales préoccupations à la FSSS-CSN pour
la période qui vient ?
Jeff Begley : Nos deux
principales préoccupations en ce moment sont
l'état de la préparation pour une possible
deuxième vague de la COVID-19 et les négociations
du secteur public.
Si une préparation pour une deuxième vague existe
en ce moment au sein du gouvernement, nous n'en
sommes pas partie prenante. Le gouvernement fait
tout à Québec, avec un petit groupe. Il ne
travaille pas avec les syndicats. Nous ne savons
pas ce qu'il fait.
Nous avons
pourtant vécu la première vague. Nous avons vécu
les défaillances avec les équipements individuels.
Est-ce qu'on va avoir le masque N95 dans les CHSLD
lorsqu'il y a éclosion ? On n'a pas de
réponse là-dessus. Il faut les avoir, mais il est
loin d'être certain que ce sera le cas.
La question du va-et-vient entre les zones
chaudes [où se trouvent des patients avec la
COVID-19] et les zones froides est une question
importante. En ce moment, il n'y a pas d'éclosion.
Mais s'il y a une deuxième vague, normalement on
devrait avoir suffisamment de préposés, avec les
nouveaux engagés qui arrivent, pour qu'on ne fasse
pas de va-et-vient. Mais qu'en est-il des autres
types d'emplois, l'entretien par exemple, pour
lequel on n'a pas fait d'embauche ? La
COVID-19 peut très bien infecter des gens de
l'entretien ménager. On ne voit pas le plan de
match pour faire en sorte que dans ce type
d'emplois il n'y aura pas de va-et-vient.
Il n'y a pas de transparence dans ce que fait le
gouvernement. Je soupçonne que la plupart des
employeurs reçoivent les informations au
compte-gouttes. Pourtant, nos membres ont été sur
le terrain pendant toute cette première vague. Ils
ont des choses à proposer pour améliorer la
situation. Nous avons demandé des rencontres à
tous les niveaux pour faire le tour de la
question. On ne nous écoute pas. Il faut des
rencontres au niveau national et au niveau local.
Ce n'est pas nécessairement une solution nationale
pour tout le monde qui est requise. Bien sûr, la
question des équipements individuels doit être
réglée au niveau national. Mais en ce qui concerne
le déploiement des effectifs, beaucoup se joue sur
le plan local. Notre impression c'est que non
seulement le syndicat, mais les employeurs sont
écartés. En conséquence, les travailleurs et les
travailleuses ne sont pas rassurés. Tout ce qu'ils
se font dire c'est qu'on sera prêt pour une
deuxième vague. Pendant la première vague, on a pu
voir à quel point le discours public est
déconnecté de ce qui se passe sur le terrain. Le
gouvernement est très bon dans les relations
publiques, mais dans les relations directes avec
les gens sur le terrain, c'est toute autre chose.
FO : Quelles sont les
nouvelles en ce qui concerne les négociations du
secteur public ?
JB : Cela ne va pas bien.
Dans ce cas-ci également, ce que le gouvernement
dit sur la place publique ne correspond pas à ce
qui se passe à la table de négociation. Pourtant,
à cause de l'urgence même de la situation, il
n'est pas possible cette fois de mettre de l'avant
un règlement qui n'est pas entièrement
satisfaisant. Il semble que le gouvernement joue
la carte d'essayer de trouver un maillon faible,
quel qu'il soit, qui va accepter un règlement qui
va s'avérer non satisfaisant. Le gouvernement ne
doit pas essayer de diviser pour mieux régner,
mais il doit se mettre à négocier pour qu'on en
arrive à un règlement qui nous satisfait et qui
surtout améliore le réseau public de manière
sérieuse.
Il faut résolument avancer
sur la question salariale. Comme on en a déjà
discuté, pour cette ronde de négociations, la CSN
a mis de l'avant des demandes salariales à montant
fixe : 2 $ l'heure la première
année, 0,75 $ la deuxième
année, 0,75 $ la troisième année. La
raison pour laquelle nous avons présenté des
demandes salariales à montant fixe, c'est pour
réduire les écarts salariaux. Si vous
gagnez 20 $ de l'heure, 3,50 $
sur trois ans équivaut à une augmentation
salariale de 17 %. Si vous
gagnez 60 $ de l'heure, l'augmentation
est d'environ 6 %. Cela permet un véritable
rattrapage salarial pour les bas salariés.
En plus, il y a la question de défaire les effets
de la Loi 10 du gouvernement libéral
précédent et de son ministre de la santé Gaétan
Barrette qui a centralisé tous les pouvoirs du
réseau dans les mains du ministre et qui a
notamment éloigné les membres du personnel et les
citoyens et les citoyennes des prises de décision.
Il y a aussi les questions normatives. Nous avons
beaucoup de demandes en santé et en sécurité. Nous
demandons également une amélioration de
l'organisation du travail, ce qui comprend la
nécessité d'embaucher plus de personnel, entre
autres le personnel d'entretien dont j'ai parlé
plus haut. Nous faisons face aussi à une situation
où de nombreux employeurs, pas tous, mais
plusieurs, harcèlent les personnes qui vont en
maladie ou les personnes qui sont victimes
d'accidents de travail pour qu'elles reprennent le
travail sans être entièrement rétablies. C'est un
non-sens du point de vue humain, et cela coûte
aussi beaucoup plus cher au réseau de la santé à
long terme de faire revenir ces personnes au
travail trop tôt. Mais la question principale dans
tout cela, c'est la prévention. Il faut améliorer
la prévention au travail pour éviter les accidents
et les maladies.
En ce qui concerne la FSSS-CSN, nous sommes très
loin d'une entente. Le gouvernement devrait faire
moins de relations publiques et négocier
sérieusement avec nous.
L'automne qui vient va être très intense et nous
devons nous battre pour nos membres et pour tout
le réseau de la santé et des services sociaux.
Cet article est paru dans
Numéro 59 - Numéro 59 - 8 septembre 2020
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Entrevue: Préoccupations pour l'état de préparation à une deuxième vague de la COVID-19 - Jeff Begley
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