Numéro 46 - 2 juillet 2020
Justice pour les travailleurs migrants!
Le plan déshumanisant du gouvernement de
l'Ontario pour les travailleurs
agricoles migrants
• Quelque
chose
de pourri dans les serres de l'Ontario - et ce
ne sont pas les tomates - Margaret
Villamizar
• Des actions militantes à
Leamington pour demander justice pour les
travailleurs migrants
• À la défense des
travailleurs agricoles saisonniers en
Colombie-Britannique - Entretien avec
Perla G. Villegas-Diaz
• Des gestes qui mettent
en péril la vie des travailleurs étrangers
temporaires au Québec: ça ne doit pas passer!
- Diane Johnston
Justice pour les travailleurs
migrants!
Plus de 1 000 travailleurs agricoles,
la plupart des travailleurs migrants, ont été
déclarés positifs à la COVID-19 en Ontario. Plus
de 700 d'entre eux ont été associés à des
endroits de travail à Leamington et à Kingsville.
Pendant la dernière fin de semaine, 191
nouveaux cas ont été confirmés par le bureau de
Santé publique de Windsor-Essex, provenant tous
d'une même exploitation agricole. Même si les
autorités de la santé publique n'ont pas divulgué
le nom de l'entreprise, le Windsor Star rapporte
qu'un représentant du syndicat des Travailleurs
unis de l'alimentation et du commerce a dit qu'il
s'agit de Nature Fresh Farms à Leamington.
Nouvelle orientation de santé publique du
gouvernement : l'isolement au travail au lieu
de l'autoconfinement
Le 24 juin, un jour
après avoir reproché aux « fermiers » leur manque
de coopération pour faire passer des tests à leurs
travailleurs pour la COVID-19, le premier ministre
Doug Ford a effectué un virage à 180 degrés. En 24
heures, il a remplacé par des éloges les blâmes et
les appels aux « fermiers » du comté d'Essex à
faire ce qu'il faut. Maintenant il les félicite de
leur effort pour faire tester un plus grand nombre
de leurs travailleurs afin de déterminer l'étendue
de l'éclosion parmi les travailleurs agricoles
pour la maintenir sous contrôle et l'empêcher de
se propager dans la communauté.
Dans une autre volte-face, Ford a annoncé que les
comtés de Windsor et Essex, à l'exception de
Leamington et de Kingsville, seront autorisés à
passer à l'Étape 2 du déconfinement. C'est
est un revirement complet par rapport à la
position qu'il avait défendue la veille, soit que
l'ensemble de la région allait demeurer à
l'Étape 1, le seul endroit dans la province
faisant l'objet d'un tel niveau de restrictions.
Plusieurs petits hommes d'affaires avaient
protesté, pointant du doigt avec colère les
propriétaires des grosses serres qui pouvaient
maintenir leurs activités en pleine période
d'éclosions tout en ne faisant pas tester leurs
travailleurs, tandis qu'eux étaient forcés de
maintenir leurs petits commerces et restaurants
fermés et risquaient de perdre leur commerce.
Qu'est-ce qui a changé ? Il est devenu clair
qu'une entente avait été conclue lorsque Ford a
annoncé le Plan en trois points de son
gouvernement pour enrayer la propagation
dans les exploitations agricoles et au sein de la
communauté de Windsor-Essex. Le premier point
prévoit un dépistage élargi dans les entreprises
agroalimentaires et dans la communauté. Le
deuxième est une tentative de rassurer les gens
qu'aucun travailleur ne perdra son emploi s'il
doit prendre un « congé non payé » en raison
de la COVID-19, que les travailleurs pourront
avoir accès aux indemnités d'accidents du travail,
et peut-être même aux prestations de
l'assurance-emploi ou à la Prestation canadienne
d'urgence (PCU). Il est même mentionné que « les
travailleurs temporaires étrangers ont droit aux
mêmes prestations et aux mêmes protections que
tout autre travailleur en Ontario », comme
les protections prévues à la Loi de 2000
sur les normes d'emploi.
Aucune mention n'est
faite des nombreuses exemptions qui touchent les
travailleurs agricoles, et encore plus les
travailleurs agricoles migrants, en ce qui
concerne les normes de l'emploi et les lois du
travail de l'Ontario. Cette situation les laisse
essentiellement à la merci de leurs employeurs,
sans la possibilité de se syndiquer ou de négocier
collectivement afin d'avoir leur mot à dire sur
leurs conditions de travail (et, selon le cas, sur
leurs conditions de vie déplorables).
Le point trois révèle l'essence de l'entente que
le gouvernement a conclue avec les propriétaires
afin de les gagner à faire plus de dépistage au
lieu de continuer d'y résister. Une nouvelle
directive de la santé publique est introduite pour
le secteur qui « permet » aux travailleurs
qui ont reçu un résultat positif au test de la
COVID-19 mais qui sont asymptomatiques, de
continuer à travailler « moyennant le respect des
mesures de santé publique sur le lieu de travail,
afin de minimiser le risque de transmission aux
autres ». Ford a laissé entendre que les
nouvelles règles permettraient aux travailleurs
déclarés positifs mais asymptomatiques de
continuer à travailler, regroupés entre eux, à
l'extérieur, et mangeant et dormant à l'écart des
autres travailleurs[1].
La nouvelle orientation semble donner à un
travailleur infecté qui ne démontre pas et ne
déclare pas de symptômes l'option de
s'autoconfiner plutôt que de continuer à
travailler (« s'isoler au travail ») si tel
est son « choix ». Ce « choix » n'existe
pas pour les travailleurs migrants qui sont venus
gagner leur vie ici pour subvenir aux besoins de
leur famille dans leur pays. S'ils sont absents au
travail, même s'ils sont malades, la plupart
d'entre eux ne seront pas payés. La vie de ces
travailleurs est mise en péril par le gouvernement
de l'Ontario en collusion avec les objectifs
intéressés des propriétaires des entreprises
agroalimentaires.
Ce qu'on ne dit pas non plus, c'est qu'une partie
importante des travailleurs étrangers temporaires
qui travaillent dans les champs, les serres et les
entreprises d'emballage de légumes du comté
d'Essex sont des travailleurs sans papier. Ils
sont payés comptant en dessous de la table,
souvent par le biais d'un recruteur ou d'un agent
qui les loue à des entreprises et en tire un
profit pour lui-même.
Ces travailleurs qui oeuvrent dans des conditions
clandestines n'ont pas accès aux programmes de
soutien du revenu et aux protections qui, selon le
gouvernement, sont disponibles à tous les
travailleurs migrants s'ils doivent, ou «
choisissent », de s'autoconfiner au lieu de
continuer à travailler s'ils sont déclarés
positifs.
Les réactions au nouveau plan du gouvernement
Le nouveau plan du
gouvernement a été immédiatement louangé par les
propriétaires de l'industrie qui ont de toute
évidence joué un rôle dans son élaboration. Un
d'entre eux est Peter Quiring, le
président-directeur général de Nature Fresh Farms
à Leamington, qui a été identifié officieusement
comme le site d'une éclosion majeure de la
COVID-19. Selon Quiring, environ 360 «
travailleurs invités » font partie de son
personnel d'environ 670 travailleurs. Il a
qualifié de « fantastique » le nouveau plan
de mesures du gouvernement. « J'ai personnellement
travaillé avec Doug Ford et la Santé publique de
l'Ontario sur ce plan, comme l'ont fait plusieurs
autres comme moi », a-t-il dit. « Nous aimons
vraiment les conclusions auxquelles nous sommes
arrivés. Nous pensons que les choses vont bien se
passer. »
Quiring a dit qu'isoler les travailleurs
asymptomatiques sur les fermes et « le fait que
nous pouvons les maintenir au travail » sont
la partie la plus importante du nouveau plan. Il a
ajouté qu'il n'est pas inquiet que les
travailleurs asymptomatiques transmettent la
COVID-19 à d'autres employés parce que « nous
pratiquons la distanciation ».
Nature Fresh Farms est le plus gros producteur de
poivrons de l'Amérique du Nord. Il expédie sept
millions de kilos de produits par année.
Les défenseurs des travailleurs migrants ont
réagi eux aussi très rapidement. Syed Hussan, le
directeur général de l'Alliance des travailleurs
migrants pour le changement, a dénoncé le
gouvernement et les propriétaires des entreprises
agroalimentaires pour leur traitement des migrants
comme étant sacrifiables, et a qualifié leur plan
de « déshumanisant » et de «
débilitant ». Il a dit : « Vous ne
permettriez pas qu'on traite votre père, votre
fils, votre frère, votre mère, votre soeur ou
votre fille de cette façon », et a ajouté que
« l'Ontario a réagi à la mort de trois
travailleurs agricoles en signant l'arrêt de mort
de plusieurs autres travailleurs migrants ».
Le porte-parole de Justice pour les travailleurs
migrants (J4MW), Chris Ramsaroop, a réclamé que
l'industrie agroalimentaire cesse immédiatement la
production, tant que des mesures sanitaires et de
sécurité adéquates ne seront pas mises en oeuvre,
en disant que les intérêts des travailleurs
doivent avoir la priorité absolue sur les profits
d'une industrie milliardaire.
Les médecins et d'autres experts de la santé ont
répondu avec incrédulité à cette nouvelle
orientation inhumaine et au charabia non
scientifique qu'utilise le gouvernement ontarien
pour la justifier. Le 30 juin, un groupe
d'experts ont publié sur Internet une lettre
ouverte au médecin hygiéniste en chef de
l'Ontario, lui demandant d'utiliser ses pouvoirs
en vertu de la Loi sur la protection et la
promotion de la santé et d'abroger cette
mesure. Ils ont lancé l'appel à d'autres
professionnels de la santé à signer et partager la
lettre. On peut la lire en cliquant ici.
Le 30 juin, le médecin hygiéniste en chef de
Windsor-Essex, le Dr Wajid Ahmed, a dit qu'il n'a
autorisé aucun des centaines de travailleurs qui
ont été déclarés positifs et dont les cas ont été
examinés, à retourner au travail, qu'ils soient
asymptomatiques ou non. Il a dit qu'il y avait à
ce moment-là entre 400 et 450
travailleurs migrants en autoconfinement et a
ajouté que les fermes doivent agir de manière
proactive en isolant immédiatement tout
travailleur dont le test s'est avéré positif et en
testant toute personne avec qui le travailleur a
été en contact étroit.
Puis, le 1er juillet, en plus d'annoncer
sept nouveaux cas dans le secteur agricole, le
bureau de la santé a publié une mise à jour en ce
qui concerne les éclosions dans une exploitation
non nommée qu'on présume être Nature Fresh Farms,
où 191 nouveaux cas ont été identifiés
pendant la fin de semaine. On y lit :
Compte tenu de l'étendue de cette éclosion, de
la possibilité d'une propagation de la COVID-19,
et du risque continu à la santé et la sécurité
des travailleurs, le médecin hygiéniste en chef,
le Dr Wajid Ahmed, a émis une ordonnance en
vertu de la Loi sur la protection et la
promotion de la santé, qui entre en
vigueur le 1er juillet. L'ordonnance
prescrit que le propriétaire/exploitant de la
ferme doit maintenir l'isolement des
travailleurs et leur interdire de travailler
jusqu'à ce qu'une nouvelle directive soit émise.
[...]
La santé et la sécurité de tous les
travailleurs sont notre première priorité. Nous
devons faire cesser la transmission de la
COVID-19 dans cette ferme et dans notre secteur
agricole. Tous les travailleurs affectés doivent
être isolés et leur santé et sécurité
surveillées avant que tout retour au travail
soit même discuté.
Un représentant de la santé publique a dit plus
tard que l'ordre de s'isoler s'applique à tous les
travailleurs de cet endroit, et non uniquement à
ceux qui ont été déclarés positifs, ce qui ferme
cette exploitation pour le moment.
Note
1. La nouvelle
directive du gouvernement donne la responsabilité
au bureau local de santé publique d'orienter les
travailleurs considérés asymptomatiques dont le
test s'est avéré positif. Elle prévoit que ces
travailleurs doivent s'autoconfiner ou « s'isoler
au travail » si le bureau de santé le juge
approprié, pendant 14 jours. Si des symptômes
se développent, ces travailleurs devraient
s'autoconfiner pendant 14 jours à partir du
moment où le symptôme est apparu. Les contacts
proches des travailleurs asymptomatiques qui n'ont
pas été testés peuvent eux aussi s'autoconfiner ou
s'isoler au travail si le bureau de santé le
considère approprié.
- Margaret Villamizar -
Au lieu d'affirmer les droits des travailleurs
infectés par le coronavirus et de leur permettre
de se rétablir pleinement afin de ne pas risquer
d'infecter d'autres personnes, le gouvernement de
l'Ontario, en collaboration directe avec certains
des plus grands exploitants de serres et sans
donner aucune voix aux travailleurs, a décidé
d'autoriser les travailleurs qui ont été déclarés
positifs pour la COVID-19 à travailler dans les
champs et les serres tant qu'ils ne présentent pas
ou ne déclarent pas de symptômes.
En d'autres termes, c'est aux travailleurs qu'on
impose de choisir entre déclarer les symptômes et
travailler. Cela équivaut à avoir le «
choix » de nourrir ou non sa famille, car les
congés de maladie payés ne sont pas obligatoires
en Ontario ou dans le cadre du Programme des
travailleurs agricoles saisonniers du gouvernement
fédéral. L'année dernière, ce programme a amené au
Canada environ 25 000 travailleurs du
Mexique et un nombre moindre de la Jamaïque et
d'autres pays des Caraïbes en vertu de contrats
entre le gouvernement canadien et les
gouvernements de ces pays. Puis il y a les
travailleurs qui sont identifiés comme ayant été
en contact étroit avec ces travailleurs qui
présentent des symptômes, qui seront dans bien des
cas forcés de faire le même « choix ». Un
nombre non négligeable de travailleurs de cette
industrie travaillent au noir, car ils sont
sans-papiers (au moins 2000 d'entre eux
entreraient dans cette catégorie dans le comté
d'Essex) ou pour d'autres raisons. Parfois, ces
travailleurs à situation précaire se déplacent
entre les lieux de travail affectés par des
recruteurs à différentes opérations en tant que «
travailleurs contractuels » à court terme.
Cela a déjà probablement contribué à la
propagation du virus et à la mort de Rogelio Muñoz
Santos, 24 ans, l'un des trois travailleurs
migrants mexicains décédés de la COVID-19 en
Ontario. Présumer que cette pratique va maintenant
disparaître parce qu'elle n'est plus «
autorisée », c'est se leurrer. Il y a quelque
chose qui pourrit dans les serres de l'Ontario et
tout cela est fait pour le cacher.
Les grandes entreprises
agroalimentaires qui opèrent dans le comté d'Essex
réalisent leurs profits en traitant les
travailleurs migrants comme s'ils étaient
sacrifiables, exploitant leur vulnérabilité
économique due au fait que l'économie dans leur
pays d'origine, en particulier l'agriculture, est
détruite par la mondialisation néolibérale et les
accords de « libre-échange » comme l'ALÉNA et
l'ACÉUM.
Au lieu d'affirmer les droits des travailleurs,
les gouvernements semblent résolus à maintenir les
profits de ces entreprises agroalimentaires au
détriment des travailleurs en utilisant des lois
qui empêchent ces derniers de s'organiser. Ils
s'assurent que les salaires sont maintenus au
minimum par des contrats négociés avec les
gouvernements du Mexique et de douze pays
caraïbéens par lesquels ces derniers s'engagent à
fournir des travailleurs agricoles saisonniers
pendant une période pouvant aller jusqu'à huit
mois par an et à des salaires maintenus au
minimum.
Le fait qu'une grande partie de la production de
cette région du sud-ouest de l'Ontario soit
destinée aux marchés des États-Unis montre qu'il y
a un grave problème avec la direction actuelle de
l'économie canadienne[1].
La production alimentaire n'est pas orientée vers
la sécurité alimentaire des Canadiens, bien que
l'industrie soit jugée « indispensable » à
l'approvisionnement alimentaire du Canada. Les
producteurs ont mené un lobbying de haut niveau
pour obtenir ce statut pour l'industrie afin
qu'ils puissent obtenir les travailleurs dont ils
ont besoin malgré la fermeture de la frontière aux
voyages internationaux. Il s'agit de maintenir
rentables les grandes entreprises industrielles
multimillionnaires, certaines multinationales, et
certainement pas des exploitations familiales
comme certains aiment le prétendre, dans un
secteur extrêmement compétitif. Cela se fait en
limitant les réclamations des travailleurs et aux
dépens du bien-être des êtres humains qui génèrent
les profits de l'industrie par la transformation
de la nature en une énorme richesse dans les
grandes serres modernes.
La collaboration des différents niveaux de
gouvernement avec cet arrangement inhumain montre
que les gouvernements fonctionnent comme une
extension de ces grandes entreprises et c'est
pourquoi ils considèrent les réclamations des
travailleurs comme un problème.
Pourquoi l'industrie agricole doit-elle
fonctionner sur une base aussi inhumaine ?
Pourquoi les gouvernements forcent-ils les
travailleurs infectés à continuer de
travailler ? Qu'est-ce que cela nous dit sur
l'objectif de la production alimentaire du
Canada ? Ou sur la sécurité de cette
production alimentaire ? Quel est le but de
l'économie quand la vie des travailleurs est
sacrifiable, mais que le profit maximum est
essentiel ?
Les exploitations de serres dans le sud-ouest de
l'Ontario font partie de l'économie
nord-américaine intégrée. Elles fournissent des
produits frais de toutes sortes aux États-Unis et
génèrent des profits pour leurs propriétaires par
le maintien à bas niveau des salaires et des
conditions de travail des travailleurs locaux et
étrangers, par l'accès à l'eau des Grands Lacs et
par des subventions et services gouvernementaux de
toutes sortes.
Les réalités dévoilées pendant la pandémie
confirment qu'une nouvelle direction est
nécessaire. La production alimentaire devrait être
organisée de manière à répondre aux besoins des
Canadiens en matière d'aliments sains et au droit
des travailleurs, peu importe d'où ils viennent,
de gagner leur vie selon un standard canadien.
Ironiquement, le 1er juillet marque l'entrée
en vigueur du nouvel ALÉNA (ACÉUM). Durant les
négociations sur la nouvelle mouture de l'accord,
le gouvernement canadien et son équipe ont
beaucoup insisté pour que le Mexique rehausse ses
normes en matière de travail et de droits humains.
Les faits montrent que le Canada n'est pas en
position de faire la leçon au Mexique.
Note
1. Le Financial Post
rapportait en avril 2020 que, selon
Statistique Canada, les exportations
représentaient 65 % de la valeur totale
de la production canadienne de légumes de serre
en 2016, l'année la plus récente pour
laquelle les chiffres sont disponibles.
Marche pour les droits des travailleurs migrants à
Leamington, le 28 juin 2020
Le dimanche 28 juin, des actions ont eu
lieu à Leamington, en Ontario, pour exprimer
l'appui des travailleurs de l'Ontario aux
travailleurs agricoles de la région de
Leamington-Kingsville qui est un centre de culture
en serre et d'usines d'emballage dans le comté
d'Essex. Les actions ont été organisées par
Justice pour les travailleurs migrants et des
jeunes de la communauté, et des travailleurs de
tous âges et de tous horizons s'y sont joints.
Une longue file de
véhicules est partie du stationnement du Walmart
et est passée devant des endroits de travail du
secteur agroalimentaire. Des personnes ont peint
sur leurs véhicules ou y ont apposé des affiches
avec des messages en anglais et en espagnol qui
expriment leur solidarité envers les travailleurs
migrants et demandent que leurs droits soient
respectés et garantis. Plusieurs membres de
syndicats locaux faisaient flotter leurs drapeaux
aux fenêtres de leurs voitures et les ont portés
pendant la marche qui s'est tenue après la
caravane. On y voyait notamment les drapeaux du
Syndicat canadien de la fonction publique, du
Syndicat des travailleurs et travailleuses des
postes, du Syndicat des employés de la fonction
publique de l'Ontario, du Syndicat canadien des
employées et employés professionnels et de bureau,
de l'Association des enseignantes et des
enseignants catholiques anglo-ontariens, de la
Fédération des enseignantes et des enseignants de
l'élémentaire de l'Ontario, de la Fraternité
internationale des ouvriers en électricité,
d'Unifor, du Conseil du travail de Windsor et
district et de la Fédération du travail de
l'Ontario (OFL). La présidente de l'OFL, Patty
Coates, était parmi les participants à la
caravane.
La caravane est passée devant de nombreuses
serres, les conducteurs klaxonnant en signe de
solidarité, conscients que des travailleurs se
trouvaient à l'intérieur de certaines d'entre
elles bien que c'était dimanche. D'autres
conducteurs ont aussi klaxonné en apercevant la
caravane, exprimant leur soutien à ces
travailleurs qui sont une partie importante de la
communauté. Une des grandes serres qui se trouvait
sur le parcours de la caravane était la
multinationale géante du cannabis Aphria et une
exploitation en serre avec laquelle elle a une
coentreprise, Double Diamond Farms. Un dortoir
pour les travailleurs migrants employés par Double
Diamond Farms a fait l'objet d'une vidéo qui a été
largement diffusée et qui montre comment 12
travailleurs sont forcés de vivre dans des
quartiers exigus avec uniquement du carton et de
minces draps de coton qui séparent leurs lits.
La caravane s'est terminée au « Big
Tomato », un emblème du centre-ville de
Leamington où les participants se sont rassemblés
et ont scandé des slogans.
Elizabeth Ha, une activiste de Justice pour les
travailleurs migrants, membre du SEPFO et membre
du comité exécutif du Conseil du travail de
Windsor et district, était la principale
organisatrice de la caravane. Elle a dit que
beaucoup de gens dans la communauté ne
connaissaient pas vraiment les conditions
auxquelles les travailleurs migrants sont
confrontés depuis longtemps, mais que suite à la
pandémie, ils commencent à en être conscients.
Elle a dit que la caravane et la marche ont été
organisées pour faire savoir aux travailleurs que
la communauté est solidaire avec eux et veut les
remercier. Ce sont des travailleurs essentiels.
Mais, a déclaré Ha, ils n'ont pas les mêmes droits
que nous. Elle a dit que le gouvernement doit
apporter des changements et ne peut pas continuer
à éviter cet enjeu.
Une marche pour les droits des travailleurs
migrants a eu lieu après la caravane, organisée
par de jeunes activistes locaux. Les participants
ont parcouru les rues de Leamington scandant des
slogans et tenant des pancartes et des bannières.
La marche s'est terminée par un rassemblement à
l'extérieur de Lakeside Produce, un autre des
grands exploitants de serre, d'emballage et de
distribution de Leamington. Les organisateurs ont
tenu un micro ouvert où ils ont dénoncé les
gouvernements de l'Ontario et du Canada pour leur
soutien à l'exploitation des travailleurs
vulnérables dans ce secteur. Ils ont
spécifiquement exigé la tenue d'une comptabilité
pour les 15 millions de dollars que le
gouvernement de l'Ontario a donnés aux exploitants
de serres pour acheter des ÉPI pour leurs
travailleurs, alors que des travailleurs ont dit
que leur employeur les obligeait à les payer.
Les orateurs ont dénoncé l'ensemble du secteur
agroalimentaire de la région, qui est basé sur la
surexploitation des travailleurs migrants,
sans-papier et pauvres, soulignant que, dans la
transformation de la viande ou dans la
transformation des légumes, l'industrie est basée
sur l'exploitation et n'est pas viable. Ils
faisaient allusion aux appels de certains selon
qui une solution aux problèmes de l'industrie
agroalimentaire ou à ceux liés aux changements
climatiques consiste à passer de la production de
la viande à celle de la nourriture à base
végétale. Des orateurs ont également informé la
foule du décès des trois travailleurs migrants du
Mexique aux mains de la COVID-19, en donnant leur
nom et en les humanisant en appelant tout le monde
à les considérer comme s'ils faisaient partie de
leur propre famille.
(Sources: Windsor Star.
Photos: FO, Justice for Migrant Workers)
- Entretien avec Perla G.
Villegas-Diaz -
Les organisateurs des travailleurs migrants à
Kelowna en Colombie-Britannique, le 17 juin
2019
Forum ouvrier s'est entretenu avec Perla G.
Villegas-Diaz, une activiste et une chercheuse
avec Radical Action With Migrants in Agriculture
(RAMA). Elle-même est originaire du Mexique.
Elle est au Canada avec sa famille pour étudier
en développement international au Collège
d'Okanagan.
Forum ouvrier : Parlez-nous de
votre travail avec les travailleurs agricoles
saisonniers.
Perla G. Villegas-Diaz : Je
suis venue au Canada il y a presque trois ans. Je
suis avocate au Mexique. J'ai travaillé
pendant 15 ans pour un tribunal fédéral des
droits humains et au cours de mes études ici, j'ai
appris à connaître la situation des travailleurs
agricoles migrants dans cette communauté et
l'année dernière, j'ai accepté un emploi comme
adjointe à la recherche à RAMA. En toute
honnêteté, je ne connaissais rien du tout des
conditions des travailleurs qui viennent au Canada
chaque année pour travailler sur les fermes.
Lorsque vous vivez au Mexique, vous pensez que les
personnes qui vont au Canada ou aux États-Unis
font « la vie rêvée ». L'année dernière, j'ai
rencontré plusieurs travailleurs et je me souviens
particulièrement de deux d'entre eux qui m'ont
dit : « Pouvez-vous vous imaginer travailler
plus de 10 heures par jour sans avoir le
droit d'aller à la toilette ou de boire de l'eau,
même lorsque la température atteint 38
degrés ? » Ils vivent dans des
conditions exigües.
FO : Y a-t-il eu des
changements cette année en raison de la
COVID-19 ? Est-ce que de nouvelles mesures
sont proposées pour améliorer les conditions de
travail pour protéger les travailleurs ?
PV :
Non, la situation est exactement la même. Nous
pensions qu'il allait y avoir des améliorations
parce que le gouvernement avait dit que les
employeurs devaient assurer de meilleures
conditions sanitaires, des accommodations non
exigües et la distanciation sociale. Lorsque j'ai
commencé à visiter les travailleurs agricoles
engagés dans le Programme des travailleurs
agricoles saisonniers (PTAS) avant le pic de la
COVID-19, j'ai réalisé que les employeurs
appliquaient les mêmes mesures.
J'ai reçu un appel d'un travailleur du Mexique
me demandant quelles étaient les conditions de
vie, comment il allait être hébergé, comment
l'employeur allait agir envers lui. J'ai donc
décidé de parler avec son employeur et on m'a
répondu de lui dire que nous allons nous occuper
de lui, nous avons une roulotte dans laquelle il
peut vivre, il sera dans les meilleures conditions
en fait d'eau potable et d'électricité. Mais non.
Le gouvernement n'a pas parlé de roulottes, mais
plutôt de mettre les travailleurs en quarantaine
dans des hôtels ou dans des maisons. J'ai parlé
avec plusieurs employeurs et ils n'avaient
clairement pas l'intention de s'occuper des
travailleurs. Je pense que c'est la raison pour
laquelle le gouvernement de la
Colombie-Britannique a décidé de s'occuper de la
quarantaine de quatorze jours dans les hôtels près
de l'aéroport de Vancouver à l'arrivée des
travailleurs, avant qu'ils ne soient autorisés à
aller à Kelowna, parce qu'il s'est rendu compte
que les employeurs ne respectaient pas les
règlements.
FO : Est-ce qu'il y a moins de
travailleurs migrants cette année ?
PV : Je sais qu'il y a moins
de gens du Mexique et de la Jamaïque. La majorité
des travailleurs qui viennent en
Colombie-Britannique sont du Mexique, près de
70 %, je crois, et les autres, de la
Jamaïque, et probablement 5 % du
Guatemala.
FO : Que fait RAMA ?
PV : RAMA a été créé il y a
dix ans par Amy Cohen et Elise Hjalmarson. Nous
aidons les travailleurs migrants de plusieurs
façons. Par exemple, nous offrons des cours
d'anglais, nous organisons des matchs de soccer et
d'autres événements sociaux. S'ils sont en
situation d'urgence, nous les transportons chez le
médecin. Nous faisons la traduction pour eux.
S'ils ont des problèmes avec leurs employeurs ou
leurs superviseurs, nous offrons des services
d'interprétation et de traduction. Nous voulons
socialiser avec eux pour qu'ils se sentent inclus
dans la société canadienne parce que toutes les
fermes ici sont éloignées de la ville et les
travailleurs y sont très isolés. Nous faisons
aussi en sorte que les gens de l'Okanagan soient
conscients de leur présence dans la communauté, du
rôle qu'ils jouent dans la production alimentaire
et de leurs conditions de travail. Nous offrons
aussi de l'aide juridique.
FO : Comment les travailleurs
sont-ils recrutés ?
PV :
Depuis 1974, il y a une entente de principe
entre le Mexique et le Canada. L'employeur doit
compléter une étude d'impact sur le marché du
travail, après quoi ce document est envoyé au
bureau du travail au Mexique et là, ils ont une
longue liste de travailleurs qu'ils fournissent
aux employeurs canadiens. C'est une démarche qui
se fait entre le consulat mexicain à Vancouver et
les employeurs de la Colombie-Britannique. Il y a
beaucoup de discrimination. Les employeurs ne
veulent pas de femmes, donc ils ne choisissent pas
de femmes sur la liste. Ils essaient aussi
d'obtenir les mêmes travailleurs chaque année, ce
qui fait que les nouvelles personnes ont peu de
chances d'être choisies. Les employeurs peuvent
aussi refuser d'accepter un travailleur qui a été
« difficile », c'est-à-dire, qui a porté
plainte auprès de WorkSafeBC, la commission des
accidents du travail, ou élevé la voix contre les
conditions de vie ou de travail. Ce qui veut dire
que les travailleurs ne disent rien, même au
consulat, de crainte de perdre leur emploi. C'est
une sorte de punition.
Il y a deux jours, j'ai parlé avec un travailleur
qui m'a dit « il y a deux ans, j'ai eu un accident
et je me suis blessé sérieusement au dos et j'en
ai parlé au consulat. Mon employeur s'est bien
occupé de moi, mais le consulat a dit à
l'employeur que je devais retourner au
Mexique ». Alors même que l'employeur
s'inquiétait du travailleur, le consulat a décidé
de le renvoyer au Mexique et dès son arrivée au
Mexique le consulat a dit au travailleur : «
maintenant que tu es au Mexique, tu n'auras aucun
médicament, aucun traitement, ton épouse peut
s'occuper de toi. » Le consulat a ensuite
annulé sa demande de travail au Canada pendant
deux ans. Maintenant il est de retour au Canada,
mais il a décidé de ne pas parler de rien à qui
que ce soit. Il m'a dit, si j'ai un accident, je
devrai me soigner moi-même et que Dieu me vienne
en aide.
FO : Comment la COVID-19
a-t-elle rendu la situation plus compliquée ?
PV : Les travailleurs du
Programme des travailleurs agricoles saisonniers
(PTAS) n'ont pas le droit de se syndiquer et on
leur refuse les droits de base qu'ont les
travailleurs canadiens. Il y a de nombreux
exemples de mauvaises conditions de travail.
L'année dernière, nous avons visité une ferme où
l'employeur logeait 15 travailleurs dans une
petite pièce de 4 mètres carrés. Un
travailleur m'a dit qu'il doit marcher près d'un
kilomètre pour aller aux toilettes et que pendant
ce temps-là, il n'est pas payé. Il a dit que la
toilette n'a pas été nettoyée depuis un an. Donc
la COVID-19 rend les choses plus compliquées en
raison des conditions pénibles et parce que les
travailleurs subissent des blessures respiratoires
et cutanées parce qu'ils sont constamment exposés
aux pesticides et aux irritants face auxquels ils
n'ont aucune protection. Ce qui a changé, c'est
qu'ils sont encore plus surveillés qu'avant parce
que leurs employeurs ne veulent pas que quiconque
ait connaissance de leurs conditions, ce qui les
isole encore plus.
Dans une ferme qui comprend une centaine de
travailleurs, des travailleurs nous ont dit :
« Ne venez pas ici, ne vous approchez pas parce
que si l'employeur nous voit parler avec quelqu'un
qui n'est pas de la ferme nous allons être punis
en étant placés en quarantaine pendant deux
semaines sans être payés. Ne nous téléphonez pas
souvent non plus, car si un des superviseurs
apprend que je vous parle, je vais être
puni. » Aussi, les travailleurs du PTAS ne
sont pas admissibles au statut de citoyen ou de
résident permanent.
Les travailleurs agricoles sont considérés comme
étant essentiels à la production alimentaire au
Canada parce qu'ils sont prêts à faire le dur
travail, mais ils sont indésirables en tant que
résidents permanents. Une de mes amies travaille
au Canada depuis 26 ans, elle vient ici pour
travailler de 7 à 8 mois par année,
après quoi elle retourne au Mexique. Mais elle est
toujours indésirable en tant que résidente
permanente. Ce n'est pas acceptable et RAMA appuie
la revendication du statut de résident permanent
pour les travailleurs agricoles saisonniers.
- Diane Johnston -
Cette année, suite à la
pandémie de la COVID-19, on estime que le Québec
ne recevra qu'un maximum de 12 000
travailleurs agricoles étrangers temporaires
mexicains et guatémaltèques au lieu des quelque
17 000 qui sont venus l'an dernier. Pour
compenser le manque à gagner, une énorme pression
est exercée par certains employeurs sur ceux qui
sont déjà là, à qui l'on demande de travailler
de 16 à 18 heures par jour. Ils sont
épuisés et même si on leur dit qu'ils n'ont pas à
le faire, « ils ont peur », explique Michel
Pilon du Réseau d'aide aux travailleuses et
travailleurs agricoles migrants du Québec
(RATTMAQ).
En avril, la ligne d'aide téléphonique mise en
place par l'organisation, dont la mission est
d'offrir une assistance aux travailleurs agricoles
étrangers temporaires du Québec sur les questions
d'immigration, de santé, d'éducation et de
francisation, a reçu près de deux douzaines
d'appels de travailleurs étrangers trop sollicités
par leurs employeurs pour rattraper le retard. Et
si toutes les plaintes restent anonymes, elles
témoignent néanmoins de l'énorme pression exercée
sur ces travailleurs par des employeurs de
l'industrie agroalimentaire québécoise.
Des mesures de détention injustifiées et non
autorisées sont également prises à l'encontre de
travailleurs par certains employeurs, ce qui ne
fait qu'exacerber le stress intolérable que
subissent ces travailleurs.
À leur arrivée à l'aéroport, le RATTMAQ a
distribué des tracts à ces travailleurs étrangers
temporaires mexicains et guatémaltèques sur la
COVID-19, la période de quarantaine de 14 jours
sous laquelle ils doivent être placés
immédiatement, ainsi que de l'information sur
leurs droits pendant cette période de la pandémie.
En avril, le RATTMAQ a reçu plus de vingt appels
concernant des mesures disciplinaires qui avaient
été prises contre des travailleurs pour avoir
quitté la ferme après la fin de leur quarantaine
de 14 jours. Par exemple, un de ces
travailleurs avait décidé de sortir le jour de son
congé pour acheter de la nourriture. Bien qu'il
ait suivi les mesures de distanciation sociale
requises, des mesures disciplinaires ont été
prises contre lui parce qu'il avait quitté la
ferme. « Les producteurs disent qu'ils ont peur
que la COVID-19 se rende dans leurs fermes, alors
ils contrôlent leurs mouvements. Ce n'est pas
correct », a déclaré aux médias le
porte-parole du RATTMAQ, Michel Pilon.
L'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA)
note dans une de ses infolettres qu'après leur
mise en quarantaine, les travailleurs sont soumis
aux mêmes règles que tout le monde lorsqu'ils
sortent. Elle ajoute qu'ils ont le droit de
quitter la ferme s'ils le souhaitent. La
responsabilité de l'employeur, précise-t-il, est
de s'assurer qu'il les sensibilise aux règles de
distanciation sociale et des risques d'infection.
Les empêcher de quitter le site, prévient-elle,
contreviendrait à la Charte des droits et libertés
de la personne du Québec.
Les Travailleurs unis de l'alimentation et du
commerce (TUAC Québec), qui représentent certains
de ces travailleurs, ont également été informés
que des travailleurs se sont vu interdire de
quitter les terrains de leur employeur. Le
représentant des TUAC Québec Julio Lara a été
contraint d'intervenir auprès d'un employeur,
après que des travailleurs ont été suspendus pour
avoir quitté les fermes de leur employeur.
Tout comme
les nombreux autres migrants étrangers temporaires
ici, y compris les demandeurs d'asile et les
étudiants internationaux qui travaillent dans le
secteur de la santé au Québec, les abattoirs, les
entrepôts et dans les champs, ces droits des
travailleurs sont gravement violés. Non seulement
ils font face au déni de leurs droits par leur
employeur, mais le gouvernement du Québec et le
gouvernement fédéral portent également une énorme
responsabilité quant à leurs conditions de vie et
de travail et continuent de fermer les yeux sur
leur sort. Bien qu'ils soient souvent attirés ici
par la possibilité de s'installer de façon
permanente, tout joue contre eux par des
changements arbitraires constants de la politique
d'immigration apportés par le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral.
En ce qui concerne le stress insupportable auquel
ils sont soumis, un exemple est la lettre datée
du 1er avril 2020, signée par la
ministre fédérale de la Santé Patty Hajdu et la
ministre de l'Emploi Carla Qualtrough, qui informe
les employeurs qu'« il est important que vous
sachiez que des sanctions pouvant
atteindre 750 000 $ peuvent être
infligées à des TET (travailleurs étrangers
temporaires) qui ne se conformeraient pas à
l'article 58 [de la Loi sur la mise en
quarantaine][1]. »
Le 22 avril, le gouvernement fédéral a
annoncé qu'il supprimait la restriction permettant
aux étudiants internationaux de travailler un
maximum de 20 heures par semaine alors qu'ils
suivent leurs cours, « à condition qu'ils
travaillent dans un service essentiel ou une
fonction essentielle, comme le domaine des soins
de santé, de l'infrastructure critique ou de la
fourniture des aliments ou d'autres biens
essentiels ». Cette mesure augmente
considérablement le risque pour eux de contracter
le coronavirus.
Au Québec, les nouvelles mesures introduites par
le gouvernement Legault dans le cadre de son
programme québécois d'expérience réformé (PEQ) qui
doit entrer en vigueur à la fin du mois de juin,
empêcheront de plus en plus de travailleurs
temporaires peu qualifiés et étudiants
internationaux de pouvoir s'installer
définitivement au Québec.
Les Québécois et les Canadiens de tous les
horizons continuent de se rallier à la cause de
ces travailleurs et d'autres travailleurs
essentiels pour la pleine reconnaissance de leurs
droits, y compris la résidence permanente à leur
arrivée. Les emplois que ces travailleurs occupent
ne sont pas temporaires, ils sont récurrents, sans
preneurs sur le marché intérieur québécois et
canadien, en raison des conditions de
main-d'oeuvre asservie qui leur sont attachées.
Les travailleurs qui occupent ces emplois
récurrents année après année doivent se voir
accorder la résidence permanente à leur arrivée
s'ils le souhaitent, et il en est de même pour
tous les travailleurs essentiels vivant ici et
dont le statut n'a pas été régularisé. Leurs
droits en tant qu'êtres humains, ainsi qu'en tant
que travailleurs, à des conditions de travail et
de vie décentes et dignes, doivent être reconnus
dès maintenant. Ce n'est qu'en travaillant
ensemble et en s'organisant pour défendre les
droits de tous que nous réussirons, côte à côte, à
renverser la situation. S'ils sont assez bons
pour travailler, ils sont certainement
assez bons pour rester et méritent les
mêmes droits que les autres travailleurs
québécois. En tant que travailleurs essentiels, ce
sont eux qui assurent les soins et veillent à ce
que la nourriture arrive sur nos tables. En nous
exprimant et en organisant avec eux pour la
défense de leurs droits, nous luttons également
pour la reconnaissance et la garantie des nôtres.
Note
1. «
Les travailleurs étrangers temporaires méritent
la résidence permanente, pas des menaces !
- Diane Johnston », LML, 2 mai 2020
(Sources : Le
Devoir, RATTMAQ, LML, Gouvernement du
Canada. Photos : FO,
Debout pour la dignité)
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