Entrevues
Jean Gagnon, représentant du secteur préhospitalier de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN
La semaine du 24 au 30 mai est la semaine des
paramédics et des services hospitaliers
d'urgence. À cette occasion,
nos meilleures salutations à tous les paramédics
et à tous les
travailleurs et travailleuses de ces services au
Québec et au Canada
qui sont aux toutes premières lignes de la lutte
pour freiner la
pandémie de la COVID-19. Nous sommes heureux de
publier à cette
occation une entrevue avec Jean Gagnon,
représentant des travailleurs
du secteur préhospitalier au Québec.
Forum ouvrier : Quelles sont vos
préoccupations et vos demandes en cette période de
crise intense ?
Jean
Gagnon : Merci. Notre
première préoccupation, en ce qui concerne la
place que la COVID joue
dans notre vie, c'est la contamination, en
particulier la crainte de
contaminer nos proches. C'est pour cela qu'il est
si important que nous
ayons les bons équipements, les équipements
appropriés afin de bien
nous protéger. Notre travail est complexe. Nous
devons tenir compte de
la condition du patient et tenir compte de
l'environnement. Quand nous
entrons dans un CHSLD, la charge dans l'air du
virus est très forte, et
quand nous entrons dans un appartement qui est un
espace clos où il y a
des gens qui ont la COVID, la présence dans l'air
est beaucoup plus
grande, alors il nous faut l'équipement approprié.
Une grosse préoccupation que nous avons en ce
moment,
c'est qu'avec le déconfinement, on ne veut pas se
retrouver avec une
deuxième et une troisième vague. Et il y a aussi
la grande chaleur que
nous connaissons ces jours-ci, avec un haut taux
d'humidité, qui est
très accablante pour nos membres qui doivent
porter ces équipements de
protection individuelle. Cela ajoute à
l'épuisement et à notre temps
d'intervention. Nos membres ont besoin de
récupérer et de temps de
repos, d'autant plus que le nombre d'appels va
augmenter. La situation
est également difficile pour nos répondants
médicaux d'urgence qui
reçoivent les appels, les trient et les
répartissent, et qui, avec la
chaleur, se retrouvent avec autant de risque de
surcharge de travail
que nos paramédics.
Une grande préoccupation, c'est que le nombre
d'appels
va augmenter avec le déconfinement. Notre volume
d'appels avait diminué
avec le confinement. Avec un volume d'appels qui
va augmenter, qui va
revenir à la normale, et avec les cas de COVID, et
le temps
d'intervention qui augmente avec les équipements,
cela risque de nous
causer beaucoup de difficultés. Nous espérons
qu'avec le déconfinement
et les canicules, les cas de COVID n'exploseront
pas et que le volume
d'appels n'explosera pas. Il faut suivre de façon
stricte les
recommandations de la Santé publique en ce qui
concerne le
déconfinement. On doit se serrer les coudes et
travailler ensemble
sinon on ne passera pas à travers cette crise-là.
FO : Avez-vous les effectifs
nécessaires pour faire face à la situation ?
JG : Dès le début de la
pandémie, le
ministère de la Santé a admis que nous étions en
situation de pénurie
de personnel dans le secteur préhospitalier. La
seule chose qui a fait
que cela n'a pas dégénéré, c'est que le
confinement a fait diminuer le
nombre d'appels. Sinon, ça aurait été l'hécatombe,
il n'y a pas de
doute. Comme nous sommes en situation de pénurie
de personnel depuis
des années, les gens sont épuisés et c'est donc
plus important que
jamais de maintenir les temps de repos, les temps
de vacances, si on ne
veut pas que les gens se mettent à tomber au
combat.
Dans le secteur préhospitalier, comme dans les
CHSLD et
ailleurs, si nous avions eu des conditions de
travail normales à la
hauteur de ce que nous faisons, une charge de
travail normale, le
système aurait été capable d'avoir une certaine
marge de manoeuvre pour
faire face à la crise. Mais le système
préhospitalier est tellement
acculé au mur que cette marge de manoeuvre
n'existe pas.
Dans une charge de travail normale dans notre
secteur,
le temps d'appel des paramédics correspond
à 50 % du quart de
travail. Les paramédics ont aussi plusieurs tâches
à accomplir qui ne
sont pas du temps d'appel pour les ambulances
comme tel. Cependant, en
ce moment, on est en temps d'appel presque en tout
temps, et la
surcharge de travail est énorme. La seule raison
pour laquelle nous
avons pu faire face à la situation c'est à cause
du confinement.
Pour donner un exemple, prenons les horaires de
faction [ce
sont
des horaires pendant lesquels les paramédics
sont de faction à
partir de la maison 24 heures par jour
pendant sept jours après
quoi ils sont en congé pour sept jours - Note de
FO]. On se
souvient que la pandémie a éclaté au départ en
Estrie. À ce moment-là,
les employeurs ont pris les horaires de faction et
les ont transformés
en horaires à l'heure, parce que les travailleurs
devaient pouvoir
dormir et on était en pénurie. Dès que les appels
se sont mis à
diminuer à cause du confinement, ils ont ramené
les horaires de
faction. Le problème de fond est qu'il n'y a pas
assez de paramédics.
En plus, même l'an dernier, les employeurs
étaient
réticents à accorder des vacances. Les moyens
n'ont jamais été pris
pour régler le problème de la pénurie. Et la tâche
des paramédics est
très complexe. Un paramédic est dans le domaine de
la santé, et il est
aussi dans le domaine de la sécurité civile. Par
exemple, il fait
partie de la gestion des événements lorsqu'il y a
des blessés. Les
travailleurs d'hôpitaux ne sont pas sujets à se
faire tirer dessus, à
se faire prendre en otage, à avoir des accidents
de la route. Les
paramédics le sont. Les conditions de travail
doivent être bonnes pour
permettre d'attirer les personnes dans un secteur
aussi vital que le
secteur préhospitalier.
En plus, les critères d'embauche des paramédics
sont
beaucoup plus stricts qu'auparavant. Les gens
doivent être hautement
qualifiés. Si les salaires ne suivent pas, les
gens ne resteront pas
dans la profession. Depuis 2007, il y a eu un
grand rattrapage qui
s'est fait et on a à nouveau besoin d'une
réévaluation salariale. Et
cela, autant pour les paramédics que pour les
répondants médicaux
d'urgence, considérant ce qu'on exige d'eux. C'est
important que cette
réévaluation se fasse pour qu'on puisse retenir le
personnel et en
attirer du nouveau.
FO : Tu veux dire quelque
chose en
conclusion ?
JG : Depuis le début de la
COVID-19,
, le secteur préhospitalier a fait le moins de
vagues possible afin que
tout le monde se serre les coudes pour aider la
population. Il ne
faudra pas cependant que le gouvernement l'oublie
au moment où le
secteur préhospitalier va négocier et demander une
hausse salariale qui
lui est due.
Cet article est paru dans
Numéro 37 - Numéro 37 - 28 mai 2020
Lien de l'article:
: Jean Gagnon, représentant du secteur préhospitalier de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN
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