Numéro 34 - 14 mai 2020
Les travailleurs de la santé de l'Ontario
défendent leur droit
à des conditions de travail sécuritaires
Les infirmières prennent la parole
• Le
besoin urgent d'équipement de protection adéquat
• Demande d'une enquête
publique et d'enquêtes criminelles sur les décès
dans les établissements de soins de longue durée
À la défense
des droits des travailleurs sans emploi
• Une lutte vaillante des
organisations de défense des chômeurs que nous
devons tous appuyer!
• Entrevue avec Line
Sirois, coordonnatrice d'Action-Chômage
Côte-Nord
À la défense
de la dignité et des droits des travailleurs du
transport
• Les camionneurs
américains en action pour exiger une hausse
immédiate des taux du transport
• Les camionneurs
canadiens et québécois ne font qu'un avec les
camionneurs américains - Normand
Chouinard
Les travailleurs de la santé de
l'Ontario défendent leur droit à
des conditions de travail sécuritaires
Alors qu'il y a eu au moins cinq décès dus à la
COVID-19 et plus de 3 000 travailleurs
de la santé infectés en Ontario, la présidente de
l'Association des infirmières et infirmiers de
l'Ontario (AIIO), Vicki McKenna, a dit que « la
planification en matière de pandémie et les
principes pour contrer l'infection n'ont pas été
mis en oeuvre assez rapidement » en Ontario.
McKenna a dit que l'AIIO avait mis le gouvernement
ontarien en garde dès janvier que des années de
manque de personnel avaient rendu les résidences
de soins de longue durée vulnérables à la pandémie
de la COVID-19.
Après l'apparition du premier cas en Ontario, les
syndicats, les défenseurs des aînés et les experts
en soins de longue durée ont averti le ministère
de la Santé et des Soins de longue durée des
risques. « Ils ont écouté, mais n'ont pas
agi », a dit McKenna. C'est seulement lorsque
des cas positifs ont commencé à éclore dans les
soins de longue durée que la lumière s'est
allumée... et que les regards se sont tournés vers
les soins de longue durée, a-t-elle ajouté.
Alors que les
gouvernements prétendent qu'ils n'avaient pas de «
manuel d'instructions » pour envisager les
éclosions dans les résidences pour aînés, McKenna
affirme qu'au contraire, il y en avait plusieurs,
dont des « plans fédéraux et provinciaux pour
faire face à la pandémie, des rapports post-SRAS
et des directives pour le contrôle et la
prévention des infections — minutieusement
élaborés en vue de faire face à la prochaine
pandémie inévitable ».
L'AIIO dénonce aussi la politique gouvernementale
sur la réutilisation des masques et
l'approvisionnement en masques inadéquats. Santé
Ontario a avisé ses employeurs de recueillir les
masques N95 usagés et les masques chirurgicaux et
de les garder dans des sacs pour matières
infectieuses à des fins possibles de
réutilisation. L'AIIO conseille à tout travailleur
de la santé qui met un N95 dans un contenant à des
fins possibles de réutilisation de faire attention
de ne pas se contaminer lui-même. Aussi l'AIIO
affirme qu'aucune preuve scientifique définitive
ne vient appuyer la réutilisation des masques N95.
« Nous avons avisé le gouvernement que, jusqu'à ce
qu'il y ait des preuves scientifiques claires sur
la sécurité de ces mesures, l'AIIO ne prendra pas
en compte ces options sans preuve scientifique
claire que ces masques respectent les normes
d'utilisation sécuritaire dans un contexte de
soins de santé. »
Des masques de coton réutilisables sont aussi
offerts aux infirmières et aux professionnels de
la santé. Encore une fois, l'AIIO avise que
l'efficacité des masques de coton n'est pas
prouvée et pourrait même mettre l'utilisateur à
risque. « Le meilleur conseil que l'on puisse
donner est de respectueusement refuser ces masques
faciaux faits de coton. Nous recommandons
fortement de continuer d'utiliser uniquement
l'équipement de protection individuel
approuvé. »
Le refus par les autorités gouvernementales de
prendre les mesures requises pour protéger la
santé des travailleurs en première ligne a forcé
l'AIIO à prendre des mesures juridiques. Par
exemple, le syndicat a engagé une procédure
d'injonction de « dernier recours » contre
quatre résidences pour aînés où plus de 70
résidents sont décédés. Parmi les résidences
nommées, il y en a trois dont le propriétaire est
Rykka Care Centres Group — Centre de soins
Eatonville à Toronto, le Centre Anson Place à
Hagersville et le Centre de soins Hawthorne Place
à North York. Une demande distincte a été faite
contre Henley Place, géré par Primacare Living
Solutions, situé à London.
Le juge de la Cour
supérieure de l'Ontario Edward Morgan a tranché en
faveur de l'AIIO et a exigé que les quatre
résidences ontariennes de soins de longue durée
laissent les infirmières faire preuve de leur «
jugement professionnel » pour déterminer ce
qu'elles jugent convenable comme ÉPI. Il a rejeté
les arguments juridiques défendus par la chaîne de
résidences pour aînés comme quoi les infirmières
et les autres membres du personnel médical
travaillant auprès des patients atteints de la
COVID-19 dans les résidences de longue durée
représentaient leurs « propres intérêts personnels
étroits », alors que les résidences de soins
de longue durée entre des mains privées
représentent les « intérêts larges, basés dans la
communauté ».
Les résidences de soins de longue durée doivent
maintenant suivre les directives du médecin
hygiéniste en chef de l'Ontario, la convention
collective de l'AIIO et les lois sur la santé et
la sécurité au travail touchant à l'accès des
infirmières aux ÉPI, à la communication, aux
tests, à l'entretien ménager, au nombre du
personnel, au regroupement des résidents et au
confinement. La présidente de l'AIIO Vicki McKenna
dit : « Les infirmières de soins de longue
durée et les professionnels de la santé tentent
désespérément d'arrêter la propagation de la
COVID-19 et cette décision oblige les employeurs à
travailler en coopération avec l'AIIO pour
atteindre cet objectif. »
Le mercredi 6 mai, partout en Ontario, des
milliers de travailleurs d'hôpitaux et de soins de
longue durée représentés par le Syndicat canadien
de la fonction publique (SCFP) ont organisé une
vigoureuse manifestation sur les lieux de travail
pour demander au premier ministre de mettre fin au
rationnement de l'équipement de protection
individuelle (ÉPI) et de fournir des masques de
niveau N95 pour mieux les protéger. Dans les
hôpitaux et les établissements de soins de longue
durée, les travailleurs de première ligne du SCFP
ont tenu des affiches exigeant à l'unisson des
équipements de protection en même temps que le
SCFP-Ontario et le Conseil des syndicats
d'hôpitaux de l'Ontario (CSHO/SCFP) tenaient une
conférence de presse sur Zoom pour faire connaître
les demandes des travailleurs.
La situation est
inacceptable et insoutenable. Le nombre de
travailleurs de la santé de l'Ontario infectés par
la COVID-19 a augmenté durant la période
du 27 avril au 5 mai de 2016
à 2892. Il s'agit de 876 infections
supplémentaires en seulement huit jours, une
augmentation alarmante de 43,5 %.
Le 13 mai, CTV a rapporté que le nombre est
maintenant de 3 562. Le 12 mai, une infirmière qui
travaillait dans un centre de soins de longue
durée à London est décédée de la COVID-19. Elle
est la première infirmière diplômée à mourir de
cette maladie au Canada.
Le SCFP souligne que les travailleurs de la santé
de première ligne représentent maintenant près
de 16 % des cas de la COVID-19 dans la
province. « Il s'agit d'un taux d'infection quatre
fois supérieur à celui de la Chine
et 60 % supérieur à celui de l'Italie
dont le taux d'infections du personnel de la santé
est de 10 %. ».
Michael Hurley, le président du Conseil des
syndicats d'hôpitaux de l'Ontario (OCHU), la
division hospitalière du SCFP, a déclaré : «
Le personnel qui combat aux premières lignes la
COVID-19 mène chaque jour une guerre contre un
virus hautement infectieux avec un équipement
inadéquat et en quantité insuffisante. Cinq
d'entre eux sont morts, beaucoup tombent malades
et un grand nombre de ces cas peuvent être
entièrement évités. »
Hurley a déclaré que les protocoles de
santé-sécurité de l'Ontario édulcorés récemment et
le manque de tests sur une base élargie sont des
facteurs qui contribuent à cette situation. Il a
dit que la recherche montre clairement que le
manque d'équipement de protection, comme les
masques N95 qui bloquent les particules virales en
aérosol, est un des facteurs qui alimentent les
infections à la COVID-19 chez les travailleurs de
la santé. « Quatre pour cent des cas en Chine sont
des travailleurs de la santé. La Chine utilise des
précautions face aux particules de la COVID-19 en
suspension dans l'air. Comparez cela
à 16 % des cas en Ontario où des
précautions contre les contacts/gouttelettes sont
utilisées. Les travailleurs de la santé sont
traités comme de la chair à canon à cause de
l'approche non scientifique de l'Ontario face au
virus et du rationnement de l'équipement. Nous
demandons une action immédiate du premier
ministre. » Le syndicat demande à l'usine GM
d'Oshawa de fabriquer les masques N95, que GM
produit dans une usine au Michigan.
La secrétaire-trésorière du SCFP-Ontario, Candace
Rennick, a ajouté que, même si les travailleurs de
la santé de première ligne sont infectés à la
COVID-19 en grand nombre, plus de 25 %
de ceux qui déposent une demande à la CSPAAT se
voient refuser des prestations. Rennick a dit que
c'est vraiment inadmissible. « Le gouvernement
provincial doit présumer que l'infection à la
COVID-19 est liée au travail et accepter ces
réclamations. »
L'UIES a organisé des actions devant des
établissements de soins de longue durée pour
rendre hommage à ses membres décédés et à ceux qui
y travaillent et pour exiger avec force une
intervention de la part du gouvernement. La photo
date du 7 mai 2020
Le mardi 5 mai, l'Union internationale des
employés et employées de service (UIES), division
soins de santé, a émis l'appel suivant :
« L'UIES, division soins de santé, le syndicat
qui représente plus de 60 000
travailleurs de la santé de première ligne en
Ontario, demande une enquête publique et des
enquêtes criminelles sur les décès liés à la
COVID-19 dans les établissements de soins de
longue durée afin de préserver la vie des gens et
de déterminer la responsabilité.
« Premièrement,
nous demandons au gouvernement du premier ministre
Ford de mettre immédiatement sur pied une enquête
publique, conformément à l'article 3 de la Loi
sur les enquêtes publiques, pour enquêter
sur les décès de résidents et de travailleurs de
première ligne dans les établissements de soins de
longue durée de l'Ontario.
« Deuxièmement, nous demandons à la police
régionale de Toronto et de Peel d'ouvrir des
enquêtes pour négligence criminelle sur un certain
nombre de fournisseurs de soins de longue durée et
de soins à domicile où des membres du personnel
sont morts.
« Troisièmement, nous demandons également au
Bureau du coroner en chef d'utiliser ses pouvoirs
pour enquêter sur ces décès.
« Le vendredi 1er mai, notre syndicat a
perdu une préposée de longue date aux services de
soutien à la personne, qui est décédée après avoir
été déclarée positive à la COVID-19. Elle est la
troisième préposée à mourir en trois semaines
d'une mort évitable. »
La présidente de l'UIES, division soins de santé,
Sharleen Steward, a déclaré : « Une
commission est requise de toute urgence, car
jusqu'à ce que nous ayons un vaccin, ou au
minimum, un traitement disponible pour toute la
population, nous devons nous préparer maintenant à
des pics ou des vagues consécutives de la
COVID-19. Les travailleurs de première ligne et
les personnes âgées de notre système de soins de
longue durée disent la même chose :
gardez-nous en vie. C'est pourquoi nous demandons
des enquêtes urgentes qui garderont les gens en
vie et tiendront les opérateurs négligents
responsables de la mort de nos héros de la
santé. »
À la défense des droits des
travailleurs sans emploi
Forum
ouvrier appuie fermement la lutte actuelle
des organisations de défense des travailleurs sans
emploi et des syndicats qui les appuient pour
abaisser drastiquement et immédiatement les
conditions d'admissibilité à l'assurance-emploi et
augmenter la durée des prestations et les montants
que les chômeurs reçoivent. Ces demandes sont
urgentes pour que les travailleurs sans emploi
puissent faire face à l'incertitude que crée la
pandémie de la COVID-19 en ce qui concerne leur
possibilité de reprendre leur emploi, en
particulier dans les régions où le travail
saisonnier prédomine.
Il est clair que lorsque le gouvernement a
introduit la Prestation canadienne d'urgence (PCU)
au début du mois d'avril, cela a mis à la
disposition des chômeurs des montants d'urgence
dont ils avaient besoin pour vivre pendant la
pandémie, bien qu'il a fallu les efforts héroïques
et exténuants de ces organisations de défense pour
que les travailleurs finissent par toucher les
prestations.
En même temps, il est clair qu'en introduisant la
PCU, qui est un programme temporaire, le
gouvernement a évité de restructurer le régime de
l'assurance-emploi pour répondre aux demandes des
activistes, afin d'en faire un programme social
qui permet à tous ceux qui se retrouvent au
chômage d'être soutenus et de vivre décemment. Le
gouvernement n'a pas touché à l'arbitraire du
régime, qui est tel qu'environ 40 %
seulement des chômeurs touchent des prestations.
Maintenant, cet arbitraire risque de créer encore
plus de chaos dans la vie de centaines de milliers
de chômeurs, en particulier les travailleurs
saisonniers, parce qu'il n'est pas certain qu'ils
vont pouvoir retourner à leur emploi. Cela va
dépendre notamment du confinement ou du
déconfinement qui sera imposé à leur secteur
économique par le gouvernement. Comme le régime
d'allocation des prestations est basé sur le
nombre d'heures travaillées, qu'arrivera-t-il aux
chômeurs qui ne pourront faire leurs heures parce
que leur secteur aura été maintenu en confinement
total ou partiel ? Est-ce que la Prestation
canadienne d'urgence sera maintenue suffisamment
longtemps pour les soutenir ?
Les
travailleurs qui se retrouvent sans emploi doivent
être protégés, et cette protection est un droit.
Ce n'est pas la pandémie qui a créé le besoin
d'être protégés, mais la pandémie a aggravé le
problème. Dans ce sens, la revendication des
organisations de défense des chômeurs d'abaisser
immédiatement les conditions d'admissibilité, au
point où tous deviennent qualifiés pour recevoir
des prestations qui durent assez longtemps pour
leur permettre de passer à travers cette crise,
est importante et doit être appuyée par tous. Le
gouvernement fédéral ne peut pas continuer de
refuser de revoir le régime de l'assurance-emploi
et il ne peut pas maintenir l'arbitraire du régime
au nom de l'urgence de la crise. Ouvrir le régime
aux chômeurs, c'est une protection contre la
crise.
Appuyons tous fermement
les organisations de défense des travailleurs
sans emploi !
Forum ouvrier : Comment va
votre travail à la défense des travailleurs sans
emploi dans les conditions actuelles de la
pandémie de la COVID-19 ?
Line
Sirois : Depuis le 13 mars,
lorsque le gouvernement du Québec a décidé que les
gens doivent rester confinés à la maison, on n'a
pas eu un instant de répit. Cela a été très
difficile pour les regroupements de chômeurs, les
demandes d'aide ont été multipliées par cent.
Le gouvernement fédéral a instauré la Prestation
canadienne d'urgence (PCU) au début d'avril, mais
les gens n'arrivaient pas accéder à l'information
nécessaire pour faire leur demande de PCU. En
plus, le gouvernement fédéral a fermé les bureaux
de Service Canada à la fin du mois de mars, ce qui
a causé un black-out total. Les gens ne savaient
plus à qui s'adresser pour obtenir de l'aide. Le
numéro 1-800, où les gens doivent appeler
pour avoir de l'information, était impossible à
rejoindre. Les gens ont passé des heures et des
journées à essayer de rejoindre ce numéro, mais
quand ils arrivaient à avoir la ligne, ils se
faisaient couper, la ligne ne fonctionnait pas.
L'anxiété est montée à un très haut niveau.
Plusieurs de ces personnes n'avaient pas
l'Internet ou n'avaient jamais fait de demandes de
chômage auparavant. Nous, les regroupements de
chômeurs, n'avons pas eu l'information que nous
aurions dû avoir pour aider les gens. Des annonces
étaient faites, mais l'information ne se rendait
pas. Cela a été l'enfer.
FO : Est-ce que la situation
s'est améliorée depuis ?
LS : Oui ça va mieux en ce qui
concerne l'accès à la PCU. Mais le problème
maintenant, c'est que les gens commencent à
retourner au travail et il y a beaucoup d'anxiété
parce que la COVID-19 est encore bien présente.
Sur la Côte-Nord, nous sommes chanceux parce qu'il
n'y a pas de nouveaux cas depuis deux semaines.
Mais pour ceux qui peuvent retourner au travail,
on ne sait toujours pas ce qui va advenir de nos
secteurs économiques comme le tourisme. Les gens
nous demandent si les critères d'admissibilité
vont être abaissés. S'ils sont capables de
retourner au travail, ils ne vont pas travailler
autant d'heures.
Maintenant, ce sont ces questions-là qu'on nous
pose. Environ 80 % des appels concernent
ce qui va arriver de l'assurance-emploi si les
gens retournent au travail, ne font pas autant
d'heures, si le tourisme va reprendre, sinon ils
ne pourront pas travailler. Même les entreprises
nous appellent, les propriétaires nous disent
qu'ils vont faire faillite tantôt. Ce sont de
toutes petites entreprises, des auberges, des
restaurants, qui sont habituellement ouverts six
mois par année, et qui vont maintenant peut-être
ouvrir deux ou trois mois par année s'ils
réussissent à ouvrir. Sur la
Haute-Côte-Nord, 80 % du tourisme
provient de l'Europe, surtout à Tadoussac. Alors
autant les travailleurs que les propriétaires de
petites entreprises sont inquiets de leur avenir.
On voit le côté patronal ressortir en ce moment,
qui dit que la PCU est trop généreuse et que les
gens ne veulent pas aller travailler parce qu'ils
aiment mieux toucher la PCU. Ce n'est pas vrai.
Les gens qui ne veulent pas travailler, c'est
parce qu'ils ont peur. Peut-être pas ici sur la
Côte-Nord, mais à Montréal par exemple, où la
pandémie est très grave.
Les grandes entreprises sont en train de faire
aux étudiants et aux travailleurs ce qu'elles font
depuis des années aux travailleurs saisonniers.
C'est le préjugé qu'ils ne veulent pas travailler
ou qu'ils vont uniquement travailler les heures
qu'il leur faut pour toucher de
l'assurance-emploi.
FO : Quel est le travail
d'Action-Chômage Côte-Nord dans ces conditions
pour défendre les droits des chômeurs ?
LS : Nous travaillons
présentement à bâtir une coalition pour mettre de
l'avant des revendications spéciales afin
d'abaisser les critères d'admissibilité pour que
tout le monde puisse se qualifier, et pour assez
longtemps pour passer à travers l'année. Comme
vous le savez, les critères d'admissibilité sur la
Côte-Nord sont très élevés. Nous voulons faire en
sorte qu'en 2021, quand la pandémie sera
derrière nous, comme on l'espère, les gens vont
réussir à avoir un revenu qui leur permet d'avoir
de quoi vivre pendant tout l'hiver. Nous voulons
des mesures drastiques, et nous sommes en train de
travailler là-dessus. Nous voulons que les
syndicats se joignent à nous et que d'autres
regroupements de chômeurs se joignent à nous.
FO : La situation est très
difficile pour des activistes comme vous et les
membres de votre comité ?
LS : Oui, mais nous suivons
la cadence. Nous n'avons pas le choix, car les
gens ont besoin de nous. On répond du mieux qu'on
peut. On répond le plus honnêtement et le plus
rapidement possible. Nous faisons ce que nous
pouvons avec les petits moyens que nous avons,
parce que les groupes communautaires, nous ne
sommes pas les plus riches.
FO : Nous vous souhaitons
tout le succès possible dans votre travail. Nous
invitons tout le monde à vous fournir tout l'appui
possible. Félicitations pour votre nouveau site
Web qui est très vivant.(Voir actionchomagecotenord.com)
LS : Merci de votre appui.
À la défense de la dignité et des
droits des travailleurs du transport
Les camionneurs occupent la rue près de la
Maison-Blanche.
Plusieurs rassemblements ont eu lieu dans
plusieurs États aux États-Unis, tels le
Connecticut, la Californie, le Texas, l'Ohio, le
Kentucky, et d'autres, pour protester contre la
chute drastique des taux dans l'industrie du
transport durant cette pandémie. Principalement
organisés via les réseaux sociaux, notamment
Facebook, les organisateurs des rassemblements ont
invité les camionneurs à venir se rassembler à
Washington, en face du Capitole, le 1er mai
dernier dans le cadre des activités soulignant la
Journée internationale d'unité et de lutte de la
classe ouvrière. Dans ce que plusieurs ont
qualifié de « May Day Movement », plus
de 250 camionneurs et leurs camions sont
présentement stationnés aux abords des édifices
gouvernementaux dans la capitale américaine.
La grande majorité
des camionneurs sont des voituriers indépendants
et des propriétaires et chauffeurs oeuvrant dans
des petites entreprises de transport. Plus
de 80 % des entreprises de transport aux
États-Unis comptent moins de 6 camions. Ce
sont ces camionneurs qui sont actuellement frappés
par la chute des taux qui a franchi un seuil
critique selon eux. Certains taux seraient passés
de trois dollars le mille (1,18 dollar environ par
kilomètre) payés aux camionneurs, à moins d'un
dollar par mille (environ 39 cents le
kilomètre), quelquefois à 50 cents le mille
(environ 20 cents le kilomètre). Dans ces
conditions, les camionneurs perdent des revenus
importants à chaque voyage qu'ils prennent.
Beaucoup d'entre eux peinent à payer les frais
d'exploitation de leurs camions, sans compter
l'entretien et les réparations. Les camionneurs
disent que s'ils refusent un voyage, ils vont le
perdre au profit d'un plus grand transporteur, qui
lui, a les reins assez solides pour assumer la
perte encourue. C'est un problème récurrent dans
l'industrie du transport où les conditions sont
très précaires pour les chauffeurs et les petites
compagnies de transport.
Depuis le début de la pandémie, l'industrie du
transport a subi de lourdes pertes d'emplois. Le
mois d'avril seulement a vu 83 000
emplois de camionneurs disparaître. Un record
depuis 1990. Les récentes pertes d'emplois ont
éliminé les créations d'emplois des cinq dernières
années, les ramenant au niveau de 2014.
L'arrêt de production de milliers d'usines aux
États-Unis a ralenti le transport très rapidement.
Il faut souligner que la crise dans le transport
aux États-Unis n'a pas commencé avec la pandémie.
Déjà en 2019, il y a eu plus de 1000
entreprises de transport qui ont fermé leurs
portes ou se sont placées sous la protection de la
faillite (Chapitre 11 de la Loi sur les
faillites des États-Unis), comparativement
à 175 en 2018. Selon l'organisme
Institute of Supply Managment, la récession dans
le camionnage en 2019 est directement liée au
déclin de l'industrie manufacturière, dont on dit
que les indices ont connu leur niveau le plus bas
depuis 2009. La crise de la pandémie actuelle
a eu pour effet de multiplier les conséquences
d'une crise qui couvait depuis plus d'un an.
Les camionneurs qui protestent présentement
estiment qu'ils sont asphyxiés par les coûts
qu'ils doivent rembourser, les taux très bas
qu'ils reçoivent pour le transport et le
pourcentage que prennent les énormes courtiers en
logistique sur chacun de leur voyage. Ils accusent
les courtiers de prendre un pourcentage démesuré
du revenu réalisé par chaque voyage. Les courtiers
en logistique travaillent avec les camionneurs
comme intermédiaires entre les expéditeurs et les
transporteurs. Par exemple, un expéditeur qui a,
disons, 50 voyages à livrer dans de multiples
endroits fait affaire avec ces courtiers qui
utilisent leur système de logistique pour répartir
les voyages entre les transporteurs avec lesquels
ils sont en contact. Beaucoup de camionneurs
pensent que ces grands courtiers sont comme des
sangsues qui saignent à blanc les camionneurs qui
voient leur part du revenu diminuer constamment,
particulièrement en temps de crise. Les
camionneurs disent qu'il existe un cartel des
courtiers en logistique qui contrôle les prix et
qui est très nuisible aux camionneurs. Les
courtiers peuvent prendre jusqu'à 65 %
de la valeur du contrat par voyage. Selon les
organisateurs, les courtiers violent la Loi
Sherman qui est la Loi antitrust aux États-Unis.
Ils ont fait une plainte en bonne et due forme
auprès du département de la Justice à ce sujet.
Jusqu'à maintenant,
les dirigeants du département des Transports des
États-Unis ont gardé le silence face aux griefs
des camionneurs. Quant à l'administration Trump,
le président des États-Unis a gazouillé son «
appui » aux camionneurs, affirmant que son
administration va prendre soin d'eux. Il a fait
parvenir des cadeaux par le biais de deux membres
du personnel de la Maison-Blanche, en fait des
chapeaux bleu et rouge avec les inscriptions « USA
strong » et » Keep America Great ».
Il a répété la même chose sur le réseau de
télévision Fox. Questionnés par des journalistes
de magazines et de médias de transport américains,
les organisateurs ont déclaré vouloir un entretien
avec la Maison-Blanche, dans lequel ils veulent
que le président participe. Un des organisateurs
et fondateurs du site Facebook « The disrespected
trucker » a dit : « Tout ce que nous
demandons c'est une rencontre. Cela peut se faire
au téléphone. Ce n'est pas nécessairement une
rencontre en personne... La seule personne qui
peut nous aider, c'est le chef de la
Maison-Blanche et nous allons demeurer ici jusqu'à
ce que cette rencontre ait lieu. » Les
camionneurs veulent rappeler entre autres au
président Trump qu'il avait remercié les
camionneurs américains, il y a à peine quelques
semaines, pour le travail essentiel qu'ils
faisaient durant la pandémie.
Voici les demandes des camionneurs qui sont mises
de l'avant en ce moment pendant ces
rassemblements :
1. Modification des heures de service
2. Une baisse du pourcentage de 10
à 20 % des revenus allant aux courtiers
3. Une meilleure transparence dans les
transactions entre les courtiers et les
camionneurs. Ceux-ci veulent connaître le montant
total qui revient aux courtiers lorsque le voyage
est accepté.
4. Que tous les camionneurs soient payés pour le
temps d'attente et que cette mesure soit inscrite
dans les contrats.
5. Un meilleur accès aux installations sanitaires
et de soins corporels
6. De nouvelles règles régissant les prix entre
les courtiers et les camionneurs
7. Du financement d'urgence de la part du
gouvernement et un allègement fiscal pour les
opérations courantes, en particulier les coûts des
camions et leur entretien
8. L'élimination des courtiers comme
intermédiaires pour améliorer les négociations
entre les camionneurs et les transporteurs
9. La réglementation des taux pour garantir la
stabilité de l'industrie
Le rassemblement à Washington se poursuit toujours
et les organisateurs ont lancé l'appel à ce que
tous les camionneurs américains appellent leurs
représentants politiques pour leur demander
pourquoi rien ne bouge à Washington.
- Normand Chouinard -
La bataille que mènent les camionneurs en ce
moment aux États-Unis pour un équilibre dans
l'industrie et une augmentation des taux qui leur
permettent de survivre en tant que camionneurs
indépendants ou petits propriétaires est un
problème de longue date auquel fait face le
mouvement des camionneurs en Amérique du Nord. Ce
problème n'est pas survenu brusquement avec
l'arrivée de la pandémie, c'est un problème qui
existe depuis des décennies, particulièrement
depuis l'ère des déréglementations des
années 1980, 1990 et du début des
années 2000. La crise actuelle a exacerbé le
problème au point où des milliers de camionneurs
risquent de perdre leur moyen de subsistance et
que l'ensemble de l'industrie du transport sera
grandement affecté.
La question qui
revient constamment dans la tête des camionneurs
est pourquoi ce problème n'est-il jamais
résolu ?
Pour la simple et bonne raison que les demandes
des camionneurs pour le résoudre ont toujours été
ignorées par les autorités en place au profit des
grands intérêts privés des grands secteurs
manufacturiers, des grandes entreprises de
distribution qui contrôlent des pans entiers de
notre économie. Les arrangements actuels profitent
également aux grandes entreprises de transport et,
dans le cas qui affecte les camionneurs américains
aujourd'hui, aux grands courtiers en logistique.
Les camionneurs effectuent un travail
considérable dans l'économie en tant que partie
intégrante de la chaîne de production en général
et dans la chaîne d'approvisionnement en
particulier. Ce travail crée une valeur économique
considérable qui, selon les chiffres du
département du transport aux États-Unis, vaut plus
de 800 milliards de dollars par année en échanges
et transactions.
Ce à quoi on assiste aujourd'hui avec les
rassemblements des camionneurs un peu partout aux
États-Unis est une lutte de classe pour
s'approprier la valeur à laquelle les camionneurs
estiment avoir droit. Des camionneurs disent avec
raison que les courtiers sont comme des sangsues
qui les saignent à blanc jour après jour. On peut
en dire autant des autres secteurs monopolisés en
distribution, du secteur manufacturier ou du
transport lui-même.
Cette bataille que mènent les camionneurs est au
coeur de la résolution d'un problème qui dure
depuis trop longtemps dans notre secteur. Un
équilibre et de nouveaux arrangements doivent être
crées pour garantir une stabilité dans l'industrie
et la reconnaissance des droits inaliénables de
ceux qui font le travail et qui créent la valeur,
les travailleurs du transport. Les arrangements
actuels ne peuvent garantir quoi que ce soit.
L'industrie du transport et ses camionneurs sont
constamment frappés par une nouvelle crise qui les
décime périodiquement. Cette fois ci, c'est la
crise causée par la pandémie du coronavirus ; en
2009, ce fut la crise financière ; dans les années
2000, ce fut la désindustrialisation de
l'économie, avant cela ce fut les
déréglementations successives, etc. Ce cycle
infernal doit cesser.
Les camionneurs et camionneuses partout en
Amérique du Nord doivent appuyer sans hésitation
la bataille que mènent les camionneurs aux
États-Unis. Il en va de notre avenir à tous. C'est
le temps de prendre la parole pour contribuer à
cette lutte.
Une des organisatrices du rassemblement à
Washington, une camionneuse, Janet Sanchez, a fait
cette déclaration aux camionneurs américains : «
Mon message en est un d'unité entre nous tous.
Nous pouvons accomplir beaucoup si nous sommes
tous ensemble. » Voilà le mot d'ordre que
doivent retenir tous les camionneurs.
La question d'unir tous les camionneurs et
camionneuses dans l'action est une tâche complexe
qui a subi beaucoup de revers par le passé. La
crise actuelle peut nous offrir l'occasion d'aller
de l'avant et de saisir l'opportunité qui est
devant nous. Nous n'avons pas le choix.
Assez, c'est assez. Disons non aux taux trop bas.
Disons non aux salaires trop bas. Nous devons
rester forts et unis. Unissons-nous dans la
défense de nos droits !
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