Forum ouvrier

Numéro 34 - 14 mai 2020

Les travailleurs de la santé de l'Ontario défendent leur droit
à des conditions de travail sécuritaires

Les infirmières prennent la parole


Le besoin urgent d'équipement de protection adéquat
Demande d'une enquête publique et d'enquêtes criminelles sur les décès dans les établissements de soins de longue durée

À la défense des droits des travailleurs sans emploi
Une lutte vaillante des organisations de défense des chômeurs que nous devons tous appuyer!
Entrevue avec Line Sirois, coordonnatrice d'Action-Chômage Côte-Nord

À la défense de la dignité et des droits des travailleurs du transport
Les camionneurs américains en action pour exiger une hausse immédiate des taux du transport
Les camionneurs canadiens et québécois ne font qu'un avec les camionneurs américains - Normand Chouinard


Les travailleurs de la santé de l'Ontario défendent leur droit à
des conditions de travail sécuritaires

Les infirmières prennent la parole

Alors qu'il y a eu au moins cinq décès dus à la COVID-19 et plus de 3 000 travailleurs de la santé infectés en Ontario, la présidente de l'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario (AIIO), Vicki McKenna, a dit que « la planification en matière de pandémie et les principes pour contrer l'infection n'ont pas été mis en oeuvre assez rapidement » en Ontario. McKenna a dit que l'AIIO avait mis le gouvernement ontarien en garde dès janvier que des années de manque de personnel avaient rendu les résidences de soins de longue durée vulnérables à la pandémie de la COVID-19.

Après l'apparition du premier cas en Ontario, les syndicats, les défenseurs des aînés et les experts en soins de longue durée ont averti le ministère de la Santé et des Soins de longue durée des risques. « Ils ont écouté, mais n'ont pas agi », a dit McKenna. C'est seulement lorsque des cas positifs ont commencé à éclore dans les soins de longue durée que la lumière s'est allumée... et que les regards se sont tournés vers les soins de longue durée, a-t-elle ajouté.

Alors que les gouvernements prétendent qu'ils n'avaient pas de « manuel d'instructions » pour envisager les éclosions dans les résidences pour aînés, McKenna affirme qu'au contraire, il y en avait plusieurs, dont des « plans fédéraux et provinciaux pour faire face à la pandémie, des rapports post-SRAS et des directives pour le contrôle et la prévention des infections — minutieusement élaborés en vue de faire face à la prochaine pandémie inévitable ».

L'AIIO dénonce aussi la politique gouvernementale sur la réutilisation des masques et l'approvisionnement en masques inadéquats. Santé Ontario a avisé ses employeurs de recueillir les masques N95 usagés et les masques chirurgicaux et de les garder dans des sacs pour matières infectieuses à des fins possibles de réutilisation. L'AIIO conseille à tout travailleur de la santé qui met un N95 dans un contenant à des fins possibles de réutilisation de faire attention de ne pas se contaminer lui-même. Aussi l'AIIO affirme qu'aucune preuve scientifique définitive ne vient appuyer la réutilisation des masques N95. « Nous avons avisé le gouvernement que, jusqu'à ce qu'il y ait des preuves scientifiques claires sur la sécurité de ces mesures, l'AIIO ne prendra pas en compte ces options sans preuve scientifique claire que ces masques respectent les normes d'utilisation sécuritaire dans un contexte de soins de santé. »

Des masques de coton réutilisables sont aussi offerts aux infirmières et aux professionnels de la santé. Encore une fois, l'AIIO avise que l'efficacité des masques de coton n'est pas prouvée et pourrait même mettre l'utilisateur à risque. « Le meilleur conseil que l'on puisse donner est de respectueusement refuser ces masques faciaux faits de coton. Nous recommandons fortement de continuer d'utiliser uniquement l'équipement de protection individuel approuvé. »

Le refus par les autorités gouvernementales de prendre les mesures requises pour protéger la santé des travailleurs en première ligne a forcé l'AIIO à prendre des mesures juridiques. Par exemple, le syndicat a engagé une procédure d'injonction de « dernier recours » contre quatre résidences pour aînés où plus de 70 résidents sont décédés. Parmi les résidences nommées, il y en a trois dont le propriétaire est Rykka Care Centres Group — Centre de soins Eatonville à Toronto, le Centre Anson Place à Hagersville et le Centre de soins Hawthorne Place à North York. Une demande distincte a été faite contre Henley Place, géré par Primacare Living Solutions, situé à London.

Le juge de la Cour supérieure de l'Ontario Edward Morgan a tranché en faveur de l'AIIO et a exigé que les quatre résidences ontariennes de soins de longue durée laissent les infirmières faire preuve de leur « jugement professionnel » pour déterminer ce qu'elles jugent convenable comme ÉPI. Il a rejeté les arguments juridiques défendus par la chaîne de résidences pour aînés comme quoi les infirmières et les autres membres du personnel médical travaillant auprès des patients atteints de la COVID-19 dans les résidences de longue durée représentaient leurs « propres intérêts personnels étroits », alors que les résidences de soins de longue durée entre des mains privées représentent les « intérêts larges, basés dans la communauté ».

Les résidences de soins de longue durée doivent maintenant suivre les directives du médecin hygiéniste en chef de l'Ontario, la convention collective de l'AIIO et les lois sur la santé et la sécurité au travail touchant à l'accès des infirmières aux ÉPI, à la communication, aux tests, à l'entretien ménager, au nombre du personnel, au regroupement des résidents et au confinement. La présidente de l'AIIO Vicki McKenna dit : « Les infirmières de soins de longue durée et les professionnels de la santé tentent désespérément d'arrêter la propagation de la COVID-19 et cette décision oblige les employeurs à travailler en coopération avec l'AIIO pour atteindre cet objectif. »

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Le besoin urgent d'équipement de protection adéquat

Le mercredi 6 mai, partout en Ontario, des milliers de travailleurs d'hôpitaux et de soins de longue durée représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) ont organisé une vigoureuse manifestation sur les lieux de travail pour demander au premier ministre de mettre fin au rationnement de l'équipement de protection individuelle (ÉPI) et de fournir des masques de niveau N95 pour mieux les protéger. Dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée, les travailleurs de première ligne du SCFP ont tenu des affiches exigeant à l'unisson des équipements de protection en même temps que le SCFP-Ontario et le Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario (CSHO/SCFP) tenaient une conférence de presse sur Zoom pour faire connaître les demandes des travailleurs.

La situation est inacceptable et insoutenable. Le nombre de travailleurs de la santé de l'Ontario infectés par la COVID-19 a augmenté durant la période du 27 avril au 5 mai de 2016 à 2892. Il s'agit de 876 infections supplémentaires en seulement huit jours, une augmentation alarmante de 43,5 %. Le  13 mai, CTV a rapporté que le nombre est maintenant de 3 562. Le 12 mai, une infirmière qui travaillait dans un centre de soins de longue durée à London est décédée de la COVID-19. Elle est la première infirmière diplômée à mourir de cette maladie au Canada.

Le SCFP souligne que les travailleurs de la santé de première ligne représentent maintenant près de 16 % des cas de la COVID-19 dans la province. « Il s'agit d'un taux d'infection quatre fois supérieur à celui de la Chine et 60 % supérieur à celui de l'Italie dont le taux d'infections du personnel de la santé est de 10 %. ».

Michael Hurley, le président du Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario (OCHU), la division hospitalière du SCFP, a déclaré : « Le personnel qui combat aux premières lignes la COVID-19 mène chaque jour une guerre contre un virus hautement infectieux avec un équipement inadéquat et en quantité insuffisante. Cinq d'entre eux sont morts, beaucoup tombent malades et un grand nombre de ces cas peuvent être entièrement évités. »

Hurley a déclaré que les protocoles de santé-sécurité de l'Ontario édulcorés récemment et le manque de tests sur une base élargie sont des facteurs qui contribuent à cette situation. Il a dit que la recherche montre clairement que le manque d'équipement de protection, comme les masques N95 qui bloquent les particules virales en aérosol, est un des facteurs qui alimentent les infections à la COVID-19 chez les travailleurs de la santé. « Quatre pour cent des cas en Chine sont des travailleurs de la santé. La Chine utilise des précautions face aux particules de la COVID-19 en suspension dans l'air. Comparez cela à 16 % des cas en Ontario où des précautions contre les contacts/gouttelettes sont utilisées. Les travailleurs de la santé sont traités comme de la chair à canon à cause de l'approche non scientifique de l'Ontario face au virus et du rationnement de l'équipement. Nous demandons une action immédiate du premier ministre. » Le syndicat demande à l'usine GM d'Oshawa de fabriquer les masques N95, que GM produit dans une usine au Michigan.

La secrétaire-trésorière du SCFP-Ontario, Candace Rennick, a ajouté que, même si les travailleurs de la santé de première ligne sont infectés à la COVID-19 en grand nombre, plus de 25 % de ceux qui déposent une demande à la CSPAAT se voient refuser des prestations. Rennick a dit que c'est vraiment inadmissible. « Le gouvernement provincial doit présumer que l'infection à la COVID-19 est liée au travail et accepter ces réclamations. »



(Photos : CSHO/SCFP)

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Demande d'une enquête publique et d'enquêtes criminelles sur les décès dans les établissements de soins de longue durée


L'UIES a organisé des actions devant des établissements de soins de longue durée pour rendre hommage à ses membres décédés et à ceux qui y travaillent et pour exiger avec force une intervention de la part du gouvernement. La photo date du 7 mai 2020

Le mardi 5 mai, l'Union internationale des employés et employées de service (UIES), division soins de santé, a émis l'appel suivant :

« L'UIES, division soins de santé, le syndicat qui représente plus de 60 000 travailleurs de la santé de première ligne en Ontario, demande une enquête publique et des enquêtes criminelles sur les décès liés à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée afin de préserver la vie des gens et de déterminer la responsabilité.

« Premièrement, nous demandons au gouvernement du premier ministre Ford de mettre immédiatement sur pied une enquête publique, conformément à l'article 3 de la Loi sur les enquêtes publiques, pour enquêter sur les décès de résidents et de travailleurs de première ligne dans les établissements de soins de longue durée de l'Ontario.

« Deuxièmement, nous demandons à la police régionale de Toronto et de Peel d'ouvrir des enquêtes pour négligence criminelle sur un certain nombre de fournisseurs de soins de longue durée et de soins à domicile où des membres du personnel sont morts.

« Troisièmement, nous demandons également au Bureau du coroner en chef d'utiliser ses pouvoirs pour enquêter sur ces décès.

« Le vendredi 1er mai, notre syndicat a perdu une préposée de longue date aux services de soutien à la personne, qui est décédée après avoir été déclarée positive à la COVID-19. Elle est la troisième préposée à mourir en trois semaines d'une mort évitable. »

La présidente de l'UIES, division soins de santé, Sharleen Steward, a déclaré : « Une commission est requise de toute urgence, car jusqu'à ce que nous ayons un vaccin, ou au minimum, un traitement disponible pour toute la population, nous devons nous préparer maintenant à des pics ou des vagues consécutives de la COVID-19. Les travailleurs de première ligne et les personnes âgées de notre système de soins de longue durée disent la même chose : gardez-nous en vie. C'est pourquoi nous demandons des enquêtes urgentes qui garderont les gens en vie et tiendront les opérateurs négligents responsables de la mort de nos héros de la santé. »

(Source : seiuhealthcare.ca)

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À la défense des droits des travailleurs sans emploi

Une lutte vaillante des organisations de défense des chômeurs que nous devons tous appuyer!

Forum ouvrier appuie fermement la lutte actuelle des organisations de défense des travailleurs sans emploi et des syndicats qui les appuient pour abaisser drastiquement et immédiatement les conditions d'admissibilité à l'assurance-emploi et augmenter la durée des prestations et les montants que les chômeurs reçoivent. Ces demandes sont urgentes pour que les travailleurs sans emploi puissent faire face à l'incertitude que crée la pandémie de la COVID-19 en ce qui concerne leur possibilité de reprendre leur emploi, en particulier dans les régions où le travail saisonnier prédomine.

Il est clair que lorsque le gouvernement a introduit la Prestation canadienne d'urgence (PCU) au début du mois d'avril, cela a mis à la disposition des chômeurs des montants d'urgence dont ils avaient besoin pour vivre pendant la pandémie, bien qu'il a fallu les efforts héroïques et exténuants de ces organisations de défense pour que les travailleurs finissent par toucher les prestations.

En même temps, il est clair qu'en introduisant la PCU, qui est un programme temporaire, le gouvernement a évité de restructurer le régime de l'assurance-emploi pour répondre aux demandes des activistes, afin d'en faire un programme social qui permet à tous ceux qui se retrouvent au chômage d'être soutenus et de vivre décemment. Le gouvernement n'a pas touché à l'arbitraire du régime, qui est tel qu'environ 40 % seulement des chômeurs touchent des prestations. Maintenant, cet arbitraire risque de créer encore plus de chaos dans la vie de centaines de milliers de chômeurs, en particulier les travailleurs saisonniers, parce qu'il n'est pas certain qu'ils vont pouvoir retourner à leur emploi. Cela va dépendre notamment du confinement ou du déconfinement qui sera imposé à leur secteur économique par le gouvernement. Comme le régime d'allocation des prestations est basé sur le nombre d'heures travaillées, qu'arrivera-t-il aux chômeurs qui ne pourront faire leurs heures parce que leur secteur aura été maintenu en confinement total ou partiel ? Est-ce que la Prestation canadienne d'urgence sera maintenue suffisamment longtemps pour les soutenir ?

Les travailleurs qui se retrouvent sans emploi doivent être protégés, et cette protection est un droit. Ce n'est pas la pandémie qui a créé le besoin d'être protégés, mais la pandémie a aggravé le problème. Dans ce sens, la revendication des organisations de défense des chômeurs d'abaisser immédiatement les conditions d'admissibilité, au point où tous deviennent qualifiés pour recevoir des prestations qui durent assez longtemps pour leur permettre de passer à travers cette crise, est importante et doit être appuyée par tous. Le gouvernement fédéral ne peut pas continuer de refuser de revoir le régime de l'assurance-emploi et il ne peut pas maintenir l'arbitraire du régime au nom de l'urgence de la crise. Ouvrir le régime aux chômeurs, c'est une protection contre la crise.

Appuyons tous fermement les organisations de défense des travailleurs sans emploi !

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Entrevue avec Line Sirois, coordonnatrice d'Action-Chômage Côte-Nord

Forum ouvrier : Comment va votre travail à la défense des travailleurs sans emploi dans les conditions actuelles de la pandémie de la COVID-19 ?

Line Sirois : Depuis le 13 mars, lorsque le gouvernement du Québec a décidé que les gens doivent rester confinés à la maison, on n'a pas eu un instant de répit. Cela a été très difficile pour les regroupements de chômeurs, les demandes d'aide ont été multipliées par cent.

Le gouvernement fédéral a instauré la Prestation canadienne d'urgence (PCU) au début d'avril, mais les gens n'arrivaient pas accéder à l'information nécessaire pour faire leur demande de PCU. En plus, le gouvernement fédéral a fermé les bureaux de Service Canada à la fin du mois de mars, ce qui a causé un black-out total. Les gens ne savaient plus à qui s'adresser pour obtenir de l'aide. Le numéro 1-800, où les gens doivent appeler pour avoir de l'information, était impossible à rejoindre. Les gens ont passé des heures et des journées à essayer de rejoindre ce numéro, mais quand ils arrivaient à avoir la ligne, ils se faisaient couper, la ligne ne fonctionnait pas. L'anxiété est montée à un très haut niveau. Plusieurs de ces personnes n'avaient pas l'Internet ou n'avaient jamais fait de demandes de chômage auparavant. Nous, les regroupements de chômeurs, n'avons pas eu l'information que nous aurions dû avoir pour aider les gens. Des annonces étaient faites, mais l'information ne se rendait pas. Cela a été l'enfer.

FO : Est-ce que la situation s'est améliorée depuis ?

LS : Oui ça va mieux en ce qui concerne l'accès à la PCU. Mais le problème maintenant, c'est que les gens commencent à retourner au travail et il y a beaucoup d'anxiété parce que la COVID-19 est encore bien présente. Sur la Côte-Nord, nous sommes chanceux parce qu'il n'y a pas de nouveaux cas depuis deux semaines. Mais pour ceux qui peuvent retourner au travail, on ne sait toujours pas ce qui va advenir de nos secteurs économiques comme le tourisme. Les gens nous demandent si les critères d'admissibilité vont être abaissés. S'ils sont capables de retourner au travail, ils ne vont pas travailler autant d'heures.

Maintenant, ce sont ces questions-là qu'on nous pose. Environ 80 % des appels concernent ce qui va arriver de l'assurance-emploi si les gens retournent au travail, ne font pas autant d'heures, si le tourisme va reprendre, sinon ils ne pourront pas travailler. Même les entreprises nous appellent, les propriétaires nous disent qu'ils vont faire faillite tantôt. Ce sont de toutes petites entreprises, des auberges, des restaurants, qui sont habituellement ouverts six mois par année, et qui vont maintenant peut-être ouvrir deux ou trois mois par année s'ils réussissent à ouvrir. Sur la Haute-Côte-Nord, 80 % du tourisme provient de l'Europe, surtout à Tadoussac. Alors autant les travailleurs que les propriétaires de petites entreprises sont inquiets de leur avenir.

On voit le côté patronal ressortir en ce moment, qui dit que la PCU est trop généreuse et que les gens ne veulent pas aller travailler parce qu'ils aiment mieux toucher la PCU. Ce n'est pas vrai. Les gens qui ne veulent pas travailler, c'est parce qu'ils ont peur. Peut-être pas ici sur la Côte-Nord, mais à Montréal par exemple, où la pandémie est très grave.

Les grandes entreprises sont en train de faire aux étudiants et aux travailleurs ce qu'elles font depuis des années aux travailleurs saisonniers. C'est le préjugé qu'ils ne veulent pas travailler ou qu'ils vont uniquement travailler les heures qu'il leur faut pour toucher de l'assurance-emploi.

FO : Quel est le travail d'Action-Chômage Côte-Nord dans ces conditions pour défendre les droits des chômeurs ?

LS : Nous travaillons présentement à bâtir une coalition pour mettre de l'avant des revendications spéciales afin d'abaisser les critères d'admissibilité pour que tout le monde puisse se qualifier, et pour assez longtemps pour passer à travers l'année. Comme vous le savez, les critères d'admissibilité sur la Côte-Nord sont très élevés. Nous voulons faire en sorte qu'en 2021, quand la pandémie sera derrière nous, comme on l'espère, les gens vont réussir à avoir un revenu qui leur permet d'avoir de quoi vivre pendant tout l'hiver. Nous voulons des mesures drastiques, et nous sommes en train de travailler là-dessus. Nous voulons que les syndicats se joignent à nous et que d'autres regroupements de chômeurs se joignent à nous.

FO : La situation est très difficile pour des activistes comme vous et les membres de votre comité ?

LS : Oui, mais nous suivons la cadence. Nous n'avons pas le choix, car les gens ont besoin de nous. On répond du mieux qu'on peut. On répond le plus honnêtement et le plus rapidement possible. Nous faisons ce que nous pouvons avec les petits moyens que nous avons, parce que les groupes communautaires, nous ne sommes pas les plus riches.

FO : Nous vous souhaitons tout le succès possible dans votre travail. Nous invitons tout le monde à vous fournir tout l'appui possible. Félicitations pour votre nouveau site Web qui est très vivant.(Voir actionchomagecotenord.com)

LS : Merci de votre appui.

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À la défense de la dignité et des droits des travailleurs du transport

Les camionneurs américains en action pour exiger une hausse immédiate des taux du transport


Les camionneurs occupent la rue près de la Maison-Blanche.

Plusieurs rassemblements ont eu lieu dans plusieurs États aux États-Unis, tels le Connecticut, la Californie, le Texas, l'Ohio, le Kentucky, et d'autres, pour protester contre la chute drastique des taux dans l'industrie du transport durant cette pandémie. Principalement organisés via les réseaux sociaux, notamment Facebook, les organisateurs des rassemblements ont invité les camionneurs à venir se rassembler à Washington, en face du Capitole, le 1er mai dernier dans le cadre des activités soulignant la Journée internationale d'unité et de lutte de la classe ouvrière. Dans ce que plusieurs ont qualifié de « May Day Movement », plus de 250 camionneurs et leurs camions sont présentement stationnés aux abords des édifices gouvernementaux dans la capitale américaine.

La grande majorité des camionneurs sont des voituriers indépendants et des propriétaires et chauffeurs oeuvrant dans des petites entreprises de transport. Plus de 80 % des entreprises de transport aux États-Unis comptent moins de 6 camions. Ce sont ces camionneurs qui sont actuellement frappés par la chute des taux qui a franchi un seuil critique selon eux. Certains taux seraient passés de trois dollars le mille (1,18 dollar environ par kilomètre) payés aux camionneurs, à moins d'un dollar par mille (environ 39 cents le kilomètre), quelquefois à 50 cents le mille (environ 20 cents le kilomètre). Dans ces conditions, les camionneurs perdent des revenus importants à chaque voyage qu'ils prennent. Beaucoup d'entre eux peinent à payer les frais d'exploitation de leurs camions, sans compter l'entretien et les réparations. Les camionneurs disent que s'ils refusent un voyage, ils vont le perdre au profit d'un plus grand transporteur, qui lui, a les reins assez solides pour assumer la perte encourue. C'est un problème récurrent dans l'industrie du transport où les conditions sont très précaires pour les chauffeurs et les petites compagnies de transport.

Depuis le début de la pandémie, l'industrie du transport a subi de lourdes pertes d'emplois. Le mois d'avril seulement a vu 83 000 emplois de camionneurs disparaître. Un record depuis 1990. Les récentes pertes d'emplois ont éliminé les créations d'emplois des cinq dernières années, les ramenant au niveau de 2014. L'arrêt de production de milliers d'usines aux États-Unis a ralenti le transport très rapidement.

Il faut souligner que la crise dans le transport aux États-Unis n'a pas commencé avec la pandémie. Déjà en 2019, il y a eu plus de 1000 entreprises de transport qui ont fermé leurs portes ou se sont placées sous la protection de la faillite (Chapitre 11 de la Loi sur les faillites des États-Unis), comparativement à 175 en 2018. Selon l'organisme Institute of Supply Managment, la récession dans le camionnage en 2019 est directement liée au déclin de l'industrie manufacturière, dont on dit que les indices ont connu leur niveau le plus bas depuis 2009. La crise de la pandémie actuelle a eu pour effet de multiplier les conséquences d'une crise qui couvait depuis plus d'un an.

Les camionneurs qui protestent présentement estiment qu'ils sont asphyxiés par les coûts qu'ils doivent rembourser, les taux très bas qu'ils reçoivent pour le transport et le pourcentage que prennent les énormes courtiers en logistique sur chacun de leur voyage. Ils accusent les courtiers de prendre un pourcentage démesuré du revenu réalisé par chaque voyage. Les courtiers en logistique travaillent avec les camionneurs comme intermédiaires entre les expéditeurs et les transporteurs. Par exemple, un expéditeur qui a, disons, 50 voyages à livrer dans de multiples endroits fait affaire avec ces courtiers qui utilisent leur système de logistique pour répartir les voyages entre les transporteurs avec lesquels ils sont en contact. Beaucoup de camionneurs pensent que ces grands courtiers sont comme des sangsues qui saignent à blanc les camionneurs qui voient leur part du revenu diminuer constamment, particulièrement en temps de crise. Les camionneurs disent qu'il existe un cartel des courtiers en logistique qui contrôle les prix et qui est très nuisible aux camionneurs. Les courtiers peuvent prendre jusqu'à 65 % de la valeur du contrat par voyage. Selon les organisateurs, les courtiers violent la Loi Sherman qui est la Loi antitrust aux États-Unis. Ils ont fait une plainte en bonne et due forme auprès du département de la Justice à ce sujet.

Jusqu'à maintenant, les dirigeants du département des Transports des États-Unis ont gardé le silence face aux griefs des camionneurs. Quant à l'administration Trump, le président des États-Unis a gazouillé son « appui » aux camionneurs, affirmant que son administration va prendre soin d'eux. Il a fait parvenir des cadeaux par le biais de deux membres du personnel de la Maison-Blanche, en fait des chapeaux bleu et rouge avec les inscriptions « USA strong » et » Keep America Great ». Il a répété la même chose sur le réseau de télévision Fox. Questionnés par des journalistes de magazines et de médias de transport américains, les organisateurs ont déclaré vouloir un entretien avec la Maison-Blanche, dans lequel ils veulent que le président participe. Un des organisateurs et fondateurs du site Facebook « The disrespected trucker » a dit : « Tout ce que nous demandons c'est une rencontre. Cela peut se faire au téléphone. Ce n'est pas nécessairement une rencontre en personne... La seule personne qui peut nous aider, c'est le chef de la Maison-Blanche et nous allons demeurer ici jusqu'à ce que cette rencontre ait lieu. » Les camionneurs veulent rappeler entre autres au président Trump qu'il avait remercié les camionneurs américains, il y a à peine quelques semaines, pour le travail essentiel qu'ils faisaient durant la pandémie.

Voici les demandes des camionneurs qui sont mises de l'avant en ce moment pendant ces rassemblements :

1. Modification des heures de service

2. Une baisse du pourcentage de 10 à 20 % des revenus allant aux courtiers

3. Une meilleure transparence dans les transactions entre les courtiers et les camionneurs. Ceux-ci veulent connaître le montant total qui revient aux courtiers lorsque le voyage est accepté.

4. Que tous les camionneurs soient payés pour le temps d'attente et que cette mesure soit inscrite dans les contrats.

5. Un meilleur accès aux installations sanitaires et de soins corporels

6. De nouvelles règles régissant les prix entre les courtiers et les camionneurs

7. Du financement d'urgence de la part du gouvernement et un allègement fiscal pour les opérations courantes, en particulier les coûts des camions et leur entretien

8. L'élimination des courtiers comme intermédiaires pour améliorer les négociations entre les camionneurs et les transporteurs

9. La réglementation des taux pour garantir la stabilité de l'industrie


Le rassemblement à Washington se poursuit toujours et les organisateurs ont lancé l'appel à ce que tous les camionneurs américains appellent leurs représentants politiques pour leur demander pourquoi rien ne bouge à Washington.

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Les camionneurs canadiens et québécois ne font qu'un avec les camionneurs américains

La bataille que mènent les camionneurs en ce moment aux États-Unis pour un équilibre dans l'industrie et une augmentation des taux qui leur permettent de survivre en tant que camionneurs indépendants ou petits propriétaires est un problème de longue date auquel fait face le mouvement des camionneurs en Amérique du Nord. Ce problème n'est pas survenu brusquement avec l'arrivée de la pandémie, c'est un problème qui existe depuis des décennies, particulièrement depuis l'ère des déréglementations des années 1980, 1990 et du début des années 2000. La crise actuelle a exacerbé le problème au point où des milliers de camionneurs risquent de perdre leur moyen de subsistance et que l'ensemble de l'industrie du transport sera grandement affecté.

La question qui revient constamment dans la tête des camionneurs est pourquoi ce problème n'est-il jamais résolu ?

Pour la simple et bonne raison que les demandes des camionneurs pour le résoudre ont toujours été ignorées par les autorités en place au profit des grands intérêts privés des grands secteurs manufacturiers, des grandes entreprises de distribution qui contrôlent des pans entiers de notre économie. Les arrangements actuels profitent également aux grandes entreprises de transport et, dans le cas qui affecte les camionneurs américains aujourd'hui, aux grands courtiers en logistique.

Les camionneurs effectuent un travail considérable dans l'économie en tant que partie intégrante de la chaîne de production en général et dans la chaîne d'approvisionnement en particulier. Ce travail crée une valeur économique considérable qui, selon les chiffres du département du transport aux États-Unis, vaut plus de 800 milliards de dollars par année en échanges et transactions.

Ce à quoi on assiste aujourd'hui avec les rassemblements des camionneurs un peu partout aux États-Unis est une lutte de classe pour s'approprier la valeur à laquelle les camionneurs estiment avoir droit. Des camionneurs disent avec raison que les courtiers sont comme des sangsues qui les saignent à blanc jour après jour. On peut en dire autant des autres secteurs monopolisés en distribution, du secteur manufacturier ou du transport lui-même.

Cette bataille que mènent les camionneurs est au coeur de la résolution d'un problème qui dure depuis trop longtemps dans notre secteur. Un équilibre et de nouveaux arrangements doivent être crées pour garantir une stabilité dans l'industrie et la reconnaissance des droits inaliénables de ceux qui font le travail et qui créent la valeur, les travailleurs du transport. Les arrangements actuels ne peuvent garantir quoi que ce soit. L'industrie du transport et ses camionneurs sont constamment frappés par une nouvelle crise qui les décime périodiquement. Cette fois ci, c'est la crise causée par la pandémie du coronavirus ; en 2009, ce fut la crise financière ; dans les années 2000, ce fut la désindustrialisation de l'économie, avant cela ce fut les déréglementations successives, etc. Ce cycle infernal doit cesser.

Les camionneurs et camionneuses partout en Amérique du Nord doivent appuyer sans hésitation la bataille que mènent les camionneurs aux États-Unis. Il en va de notre avenir à tous. C'est le temps de prendre la parole pour contribuer à cette lutte.

Une des organisatrices du rassemblement à Washington, une camionneuse, Janet Sanchez, a fait cette déclaration aux camionneurs américains : « Mon message en est un d'unité entre nous tous. Nous pouvons accomplir beaucoup si nous sommes tous ensemble. » Voilà le mot d'ordre que doivent retenir tous les camionneurs.

La question d'unir tous les camionneurs et camionneuses dans l'action est une tâche complexe qui a subi beaucoup de revers par le passé. La crise actuelle peut nous offrir l'occasion d'aller de l'avant et de saisir l'opportunité qui est devant nous. Nous n'avons pas le choix.

Assez, c'est assez. Disons non aux taux trop bas. Disons non aux salaires trop bas. Nous devons rester forts et unis. Unissons-nous dans la défense de nos droits !

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