Entrevue avec Line Sirois, coordonnatrice d'Action-Chômage Côte-Nord

Forum ouvrier : Comment va votre travail à la défense des travailleurs sans emploi dans les conditions actuelles de la pandémie de la COVID-19 ?

Line Sirois : Depuis le 13 mars, lorsque le gouvernement du Québec a décidé que les gens doivent rester confinés à la maison, on n'a pas eu un instant de répit. Cela a été très difficile pour les regroupements de chômeurs, les demandes d'aide ont été multipliées par cent.

Le gouvernement fédéral a instauré la Prestation canadienne d'urgence (PCU) au début d'avril, mais les gens n'arrivaient pas accéder à l'information nécessaire pour faire leur demande de PCU. En plus, le gouvernement fédéral a fermé les bureaux de Service Canada à la fin du mois de mars, ce qui a causé un black-out total. Les gens ne savaient plus à qui s'adresser pour obtenir de l'aide. Le numéro 1-800, où les gens doivent appeler pour avoir de l'information, était impossible à rejoindre. Les gens ont passé des heures et des journées à essayer de rejoindre ce numéro, mais quand ils arrivaient à avoir la ligne, ils se faisaient couper, la ligne ne fonctionnait pas. L'anxiété est montée à un très haut niveau. Plusieurs de ces personnes n'avaient pas l'Internet ou n'avaient jamais fait de demandes de chômage auparavant. Nous, les regroupements de chômeurs, n'avons pas eu l'information que nous aurions dû avoir pour aider les gens. Des annonces étaient faites, mais l'information ne se rendait pas. Cela a été l'enfer.

FO : Est-ce que la situation s'est améliorée depuis ?

LS : Oui ça va mieux en ce qui concerne l'accès à la PCU. Mais le problème maintenant, c'est que les gens commencent à retourner au travail et il y a beaucoup d'anxiété parce que la COVID-19 est encore bien présente. Sur la Côte-Nord, nous sommes chanceux parce qu'il n'y a pas de nouveaux cas depuis deux semaines. Mais pour ceux qui peuvent retourner au travail, on ne sait toujours pas ce qui va advenir de nos secteurs économiques comme le tourisme. Les gens nous demandent si les critères d'admissibilité vont être abaissés. S'ils sont capables de retourner au travail, ils ne vont pas travailler autant d'heures.

Maintenant, ce sont ces questions-là qu'on nous pose. Environ 80 % des appels concernent ce qui va arriver de l'assurance-emploi si les gens retournent au travail, ne font pas autant d'heures, si le tourisme va reprendre, sinon ils ne pourront pas travailler. Même les entreprises nous appellent, les propriétaires nous disent qu'ils vont faire faillite tantôt. Ce sont de toutes petites entreprises, des auberges, des restaurants, qui sont habituellement ouverts six mois par année, et qui vont maintenant peut-être ouvrir deux ou trois mois par année s'ils réussissent à ouvrir. Sur la Haute-Côte-Nord, 80 % du tourisme provient de l'Europe, surtout à Tadoussac. Alors autant les travailleurs que les propriétaires de petites entreprises sont inquiets de leur avenir.

On voit le côté patronal ressortir en ce moment, qui dit que la PCU est trop généreuse et que les gens ne veulent pas aller travailler parce qu'ils aiment mieux toucher la PCU. Ce n'est pas vrai. Les gens qui ne veulent pas travailler, c'est parce qu'ils ont peur. Peut-être pas ici sur la Côte-Nord, mais à Montréal par exemple, où la pandémie est très grave.

Les grandes entreprises sont en train de faire aux étudiants et aux travailleurs ce qu'elles font depuis des années aux travailleurs saisonniers. C'est le préjugé qu'ils ne veulent pas travailler ou qu'ils vont uniquement travailler les heures qu'il leur faut pour toucher de l'assurance-emploi.

FO : Quel est le travail d'Action-Chômage Côte-Nord dans ces conditions pour défendre les droits des chômeurs ?

LS : Nous travaillons présentement à bâtir une coalition pour mettre de l'avant des revendications spéciales afin d'abaisser les critères d'admissibilité pour que tout le monde puisse se qualifier, et pour assez longtemps pour passer à travers l'année. Comme vous le savez, les critères d'admissibilité sur la Côte-Nord sont très élevés. Nous voulons faire en sorte qu'en 2021, quand la pandémie sera derrière nous, comme on l'espère, les gens vont réussir à avoir un revenu qui leur permet d'avoir de quoi vivre pendant tout l'hiver. Nous voulons des mesures drastiques, et nous sommes en train de travailler là-dessus. Nous voulons que les syndicats se joignent à nous et que d'autres regroupements de chômeurs se joignent à nous.

FO : La situation est très difficile pour des activistes comme vous et les membres de votre comité ?

LS : Oui, mais nous suivons la cadence. Nous n'avons pas le choix, car les gens ont besoin de nous. On répond du mieux qu'on peut. On répond le plus honnêtement et le plus rapidement possible. Nous faisons ce que nous pouvons avec les petits moyens que nous avons, parce que les groupes communautaires, nous ne sommes pas les plus riches.

FO : Nous vous souhaitons tout le succès possible dans votre travail. Nous invitons tout le monde à vous fournir tout l'appui possible. Félicitations pour votre nouveau site Web qui est très vivant.(Voir actionchomagecotenord.com)

LS : Merci de votre appui.


Cet article est paru dans

Numéro 34 - Numéro 34 - 14 mai 2020

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