Les monopoles et les gouvernements sont responsables de la propagation désastreuse de la COVID-19 chez Cargill et dans les autres usines de traitement de la viande

Au 22 avril, 440 travailleurs de l'usine Cargill de traitement des viandes à High River, en Alberta, au sud de Calgary, ont été déclarés infectés par la COVID-19 et un travailleur est décédé. Avec la propagation dans la communauté, y compris parmi les familles des travailleurs, il y a maintenant 580 cas liés à l'usine. Ils comprennent des cas dans des foyers de soins de longue durée où travaillent des membres des familles des travailleurs de Cargill. Le 20 avril, Cargill a finalement annoncé la fermeture temporaire de l'usine. Deux mille personnes y travaillent.

Quatre-vingt-seize cas de la COVID-19 ont également été confirmés à l'usine de transformation de la viande JBS à Brooks, en Alberta. Un travailleur est mort à JBS, et la cause de son décès n'a pas été encore confirmée. JBS refuse de fermer l'usine malgré les demandes des travailleurs et de leur syndicat. Un cas à l'usine de boeuf Harmony à Balzac, en Alberta, en mars, a été résolu. Les trois usines représentent environ les trois quarts des fournisseurs de boeuf au Canada. Également en Alberta, 32 cas ont été confirmés jusqu'à présent, qui sont liés directement au projet de sables bitumineux Imperial Oil Kearl au nord de Fort McMurray. Il s'agit d'une opération par navette aérienne où les travailleurs viennent de nombreuses régions du Canada, et des cas se sont maintenant propagés en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse. Au total, un cas sur cinq de la COVID-19 en Alberta est lié à des éclosions dans ces deux secteurs, et ce nombre devrait augmenter selon le médecin-hygiéniste en chef.

Forum ouvrier exprime ses sincères condoléances à la famille, aux amis et aux collègues de travail des  travailleurs décédés et ses meilleurs voeux de bon rétablissement à ceux qui sont malades. Cette tragédie était évitable. Elle s'est produite parce que ces gigantesques monopoles mondiaux sont autorisés à faire ce qu'ils veulent et à mener leurs activités comme si de rien n'était, conformément à leurs définitions intéressées de la santé et de la sécurité. Cela s'est produit parce que le droit des travailleurs à avoir le dernier mot sur les conditions de travail sécuritaires pendant la pandémie leur a été refusé et les propositions du syndicat ont été ignorées. Cela s'est produit aussi parce que plusieurs travailleurs sont des travailleurs philippins contractuels qui sont vulnérables et considérés comme aisément remplaçables. Tout ceci révèle l'inhumanité de ceux qui ont usurpé les positions de pouvoir, et à quel point ils sont détachés des problèmes des travailleurs dont ils ne connaissent tien. En outre, cela révèle l'absence d'une autorité publique qui assume ses responsabilités, ainsi que la cupidité débridée de ce gigantesque monopole mondial qui ne reconnaît pas que les travailleurs sont des êtres humains et les traite comme des choses.

Ces secteurs ont été considérés comme des « services essentiels » par le gouvernement de l'Alberta et, sur cette base, les employeurs ont autorisé « un retour à la normale » des activités par le biais de définitions intéressées de « ce qui est possible ». Cela montre un système brisé dans lequel l'État a été restructuré de sorte qu'il ne reste aucun vestige d'une autorité publique.

L'ampleur croissante des éclosions à l'usine de High River Cargill et de Brooks JBS et à l'installation de sables bitumineux de Kearl Lake montre que les travailleurs et les Canadiens ne peuvent pas faire confiance à ces gigantesques monopoles mondiaux pour leur santé et leur sécurité. Les travailleurs savent ce qui est nécessaire et ont proposé les actions requises, mais le facteur humain/conscience sociale a été bloqué par la cupidité et l'intérêt étroit des propriétaires.

Les propositions pour assurer la sécurité chez Cargill ont été écartées

« C'est une tragédie. Nous avons demandé pendant plusieurs jours que l'usine de Cargill soit fermée temporairement pendant deux semaines, de renvoyer tous les travailleurs chez eux pour qu'ils s'isolent. C'est alors que nous avons eu connaissance de 38 cas. C'était avant qu'ils mettent en place un poste de dépistage dans la région. Nous ne saurons jamais à quel point ce nombre aurait pu être inférieur », a déclaré le 17 avril le président de la section locale 401 du Syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, Tom Hesse.

Le 20 mars, le syndicat a réclamé des mesures concrètes pour protéger les travailleurs et le droit des Canadiens à un approvisionnement alimentaire sécuritaire. Le syndicat a présenté un plan de reconfiguration du lieu de travail, qui met plus de distance entre les travailleurs. Il a proposé de prolonger la semaine de travail pour permettre à la ligne de production de ralentir, aux travailleurs de se distancier socialement et de mettre en place des mesures sécuritaires rigoureuses. Le syndicat a également demandé des mesures d'hébergement pour les travailleurs à risque accru s'ils contractent la COVID-19, pour les travailleurs touchés par les fermetures d'écoles et de garderies, des heures supplémentaires volontaires et la suppression des exigences relatives aux notes de médecin.

Cargill n'a pas pris la peine de répondre aux propositions de distanciation sociale sur le lieu de travail. Au lieu de cela, l'entreprise a déclaré avec arrogance : « Nous avons pris plusieurs décisions dans l'optique d'accorder la priorité aux gens alors que nous essayons de minimiser les difficultés financières auxquelles nos employés sont confrontés. » Elle a ensuite appelé le syndicat à exhorter les gens à venir travailler. « Minimiser les difficultés financières » signifiait apparemment garder les lignes de production en marche à pleine vitesse à tout prix.

Le 12 avril, 250 travailleurs ont signé une lettre adressée au maire de High River, l'invitant à appuyer leur appel à fermer l'usine pendant deux semaines, a rapporté CBC le 19 avril. Le 13 avril, le président de la section locale 401 des TUAC, Tom Hesse, a également demandé publiquement un arrêt temporaire de deux semaines de l'usine pour procéder à une évaluation complète de sa sécurité, avec une indemnisation complète versée à chaque travailleur. Le syndicat a également exigé « une réunion immédiate avec les responsables syndicaux, les experts et les responsables gouvernementaux de compétence et de juridiction adéquates pour élaborer des règles claires et applicables en matière de santé et de sécurité sur votre lieu de travail ». À ce moment-là, Hesse a souligné que 30 membres des TUAC sont morts en Amérique du Nord et qu'il est temps d'agir et de protéger des vies.

Le 14 avril, Cargill a temporairement supprimé un quart de travail et licencié 1 000 travailleurs, ont rapporté les TUAC. Plusieurs jours plus tard, toute activité a été suspendue sur le « plancher de mise à mort » tandis que le boeuf continuait d'être transformé. L'usine traite normalement environ 4 000 têtes de bétail par jour et est l'un des deux principaux fournisseurs de boeuf de McDonald's Canada.

Bien que les travailleurs et leur syndicat aient été très actifs pour revendiquer ce qui doit être fait, ni Cargill ni le gouvernement de l'Alberta n'ont assumé la moindre responsabilité quant aux conséquences de leurs décisions de refuser d'accepter les décisions éclairées des travailleurs sur ce qui était nécessaire. Cela dément les affirmations selon lesquelles « nous sommes tous dans le même bateau ».

Depuis le début, le ministre de l'Agriculture de l'Alberta, Devin Dreeshen, a soutenu que les agences gouvernementales avaient travaillé pour garder les services essentiels ouverts « et pour s'assurer que les protocoles soient en place en cas de maladie des travailleurs » et a dit qu'il est convaincu que l'usine est sécuritaire. Il a répété l'affirmation selon laquelle l'usine est « sécuritaire » lors d'une téléconférence avec les travailleurs le 18 avril.

Les autorités tentent maintenant de détourner l'attention des problèmes soulevés en ce qui a trait aux conditions de travail et blâment plutôt les travailleurs et leurs conditions de vie, suggérant que la propagation ne s'est pas passée au travail mais dans le covoiturage et les ménages où il est impossible de s'isoler à cause des conditions de vie exiguës. Elles insinuent ainsi que leur logement n'a aucun rapport avec les bas salaires des travailleurs et essaient de masquer que Cargill est en fait responsable de l'organisation du logement pour les travailleurs étrangers temporaires qui travaillent pour lui.

Les travailleurs et leur syndicat ont à plusieurs reprises dénoncé cette mascarade comme étant frauduleuse. Les conditions dans l'usine rendent la distanciation sociale impossible car les travailleurs sont « coude à coude » sur la ligne de production. Les travailleurs ont déclaré à la CBC qu'ils avaient subi des pressions pour retourner au travail après avoir été déclarés positifs. De plus, Cargill a ajouté des primes et des augmentations de salaire horaire, auxquelles les travailleurs n'étaient admissibles que s'ils étaient présents à chaque quart de travail. Punir ceux qui tombent malades avec la COVID-19 ou qui se conforment aux mesures d'isolement est méprisable au plus haut point.

Le système est brisé lorsque personne n'en prend la responsabilité. Cargill et le gouvernement provincial savaient tous deux que le virus se propageait depuis le début d'avril. Le gouvernement fédéral est responsable de l'inspection des installations d'emballage de la viande et aurait certainement dû mandater des inspecteurs pour prendre des mesures. Mais personne n'accepte quelque responsabilité pour cette situation.

Ce qui est révélé, ce n'est pas seulement la brutalité de ces monopoles qui ont pris le contrôle de l'approvisionnement alimentaire du Canada, mais qu'on ne peut faire confiance ni au gouvernement ni aux monopoles pour défendre quoi que ce soit, sauf si ce n'est que leur propre intérêt et le contrôle de la prise de décision au service de l'oligarchie financière. Les travailleurs ont le droit de décider si les conditions de travail sont sécuritaires et acceptables pour eux. En se défendant, les travailleurs se sont également battus pour empêcher la propagation de la COVID, pour laquelle Cargill et les gouvernements à son service doivent assumer l'entière responsabilité. Il faut fermer l'usine de JBS maintenant, et mener une enquête publique pleine et entière sur les actions et la négligence de ces monopoles, le gouvernement de l'Alberta et les Services de santé de l'Alberta. Les travailleurs doivent avoir le dernier mot, et les usines ne doivent rouvrir que lorsque les travailleurs considèrent que les conditions mises en place sont acceptables.

(Sources : CBC, CTV, Global News. Graphiques : TUAC)


Cet article est paru dans

Numéro 24 - 23 avril 2020

Lien de l'article:
Les monopoles et les gouvernements sont responsables de la propagation désastreuse de la COVID-19 chez Cargill et dans les autres usines de traitement de la viande - Peggy Morton


    

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