Entrevue au sujet de l'oléoduc Keystone XL
- André Vachon, travailleur
d'oléoduc -
Le 30 mars, le premier ministre de
l'Alberta.
Jason Kenney, a annoncé que les « pelles étaient à
l'oeuvre » dès
6 heures du matin pour l'oléoduc Keystone XL. TC
Énergie (anciennement
TransCanada Pipelines), a dit Kenney, a décidé
d'aller de l'avant avec
le projet après que le gouvernement provincial a
accepté d'acheter
pour 1,5 milliard de dollars de participation
en capital dans le
projet, en plus d'offrir un prêt garanti de 6
milliards de
dollars. Cette décision a été prise après qu'aucun
investisseur n'ait
été trouvé pour un projet aussi risqué.[1]
L'Alberta va vendre sa participation en capital à
TC Énergie une fois
que et si le pétrole se met à couler dans
l'oléoduc. C'est ce qu'on
sait mais les termes et les conditions sont
confidentiels. Les
Albertains ne savent pas quel est le contenu exact
de l'entente mais
les médias ont mentionné que la participation en
capital couvrira les
coûts de construction de l'année 2020.
Kenney a affirmé
que 520 kilomètres
d'oléoduc en deux tronçons canadiens vont être
construits en 2020,
en plus de plusieurs tronçons aux États-Unis. «
Plusieurs travailleurs
qui ont été mis à pied dans le secteur du pétrole
vont avoir la chance
de travailler pour TC Énergie et ses
entrepreneurs. Les petits hôtels
et certains des restaurants qui peuvent être
ouverts le long de la
route vont faire des affaires ... »
Forum ouvrier s'est entretenu avec le
travailleur
d'oléoduc André Vachon à propos de l'annonce.
Forum ouvrier: Que penses-tu de
l'annonce
de Jason Kenney sur la construction du Keystone
XL ?
André Vachon : L'idée d'avoir «
tant de
monde » qui va travailler sur un nouvel
oléoduc en pleine pandémie
est outrageante et démontre l'absence d'égard pour
notre santé et
sécurité. Nous voyons aussi les conséquences de
décisions comme
celles-là à l'usine de transformation de la viande
de Cargill et dans
le projet de sables bitumineux de Kearl Lake.
C'est pratiquement
impossible de pratiquer la distanciation sociale
dans le travail
d'oléoduc. Tout au plus, on peut faire de la
préparation de terrain. Il
faut prévoir l'hébergement des travailleurs par la
location de chambres
dans les maisons, les hôtels et les motels, ce qui
enfreint la
distanciation sociale, et les travailleurs devront
se rendre au site
par autobus.
En fait, l'annonce est tout aussi frauduleuse
qu'indifférente envers notre bien-être. Les
pipelineurs ont tout de
suite contesté la déclaration que la construction
avait commencé parce
qu'il n'y a eu aucun affichage de poste pour
l'oléoduc et les
entrepreneurs n'engagent personne. En plus, chaque
travailleur de
l'industrie pétrolière et gazière sait que la
construction d'oléoducs
s'arrête pendant le dégel printanier parce que les
routes sont
interdites, ce qui rend impossible le transport de
l'équipement lourd.
Il n'y a pratiquement pas de construction
d'oléoduc pendant le
printemps en Alberta parce que le sol est encore
trop mouillé. Mon
syndicat, l'Union des opérateurs ingénieurs, a
immédiatement indiqué
que la construction de la section de l'oléoduc en
Saskatchewan ne va
pas commencer avant 2021. J'ai vu que
quelques jours après son
annonce, Kenney a « clarifié »
qu'environ 100 travailleurs
sont en train de faire du travail préliminaire au
Montana. Même cela
est faux parce qu'un juge du Montana a statué
le 15 avril que le
Corps des ingénieurs de l'armée américaine n'a pas
considéré de manière
adéquate les effets de l'oléoduc Keystone sur les
espèces menacées par
sa traversée des rivières et des ruisseaux. TC
Énergie n'a donc plus de
permis d'aller de l'avant au Montana.
FO : Kenney a aussi dit qu'il
espère
que l'économie va reprendre d'ici la fin du mois
de mai.
AV : C'est à peu près à ce
moment-là
que l'interdiction des routes est levée dans une
année normale. Mais
nous avons déjà dépassé la mi-avril et le dégel
printanier ne s'est pas
produit encore, alors la reprise sera beaucoup
plus tard. De toute
façon, il n'y a pas de construction d'oléoducs
dans cette période de
l'année, surtout que cette année a été
particulièrement froide. C'est
clair qu'il veut agir « comme si de rien
n'était » au lieu de
donner la première place à notre santé.
FO : Kenney a aussi dit qu'il
a parlé
aux gouverneurs du Montana, du Dakota du Sud et du
Nebraska, et que,
comme l'a fait TC Énergie, ils l'ont assuré qu'ils
vont prendre toutes
les précautions nécessaires pour protéger les
travailleurs et les
communautés.
AV : C'est vraiment poussé
comme
déclaration quand on sait que le Dakota du Sud et
le Nebraska sont
parmi les derniers récalcitrants, qui se sont
opposés à tout
confinement, ont continué d'agir comme si de rien
n'était et n'ont pris
aucune précaution pour protéger leur population
contre la COVID-19.
Suggérer qu'ils vont prendre soin des travailleurs
est frauduleux. Il
semble que le gouvernement albertain s'apprête à
payer TC Énergie pour
construire l'oléoduc à travers les États-Unis
cette année. Ce sont ces
emplois dont il parle, ce qui met en péril les
travailleurs américains.
FO : Selon TC Énergie, la
construction de l'oléoduc va créer 1 400
emplois au Canada.
Qu'en est -il selon toi ?
AV : Ce chiffre semble
réaliste. Mais
c'est important de savoir ce qu'on entend par «
emploi ». Cela ne
veut pas dire deux années de travail. Les
entrepreneurs font une
soumission pour compléter une section de l'oléoduc
qu'on appelle un «
tronçon ». Compléter un tronçon prend
habituellement un maximum de
trois mois, pendant lesquels nous travaillons six
et parfois sept jours
par semaine, 10 ou 11 heures par jour.
Cela est suivi d'une
longue période de chômage. Ce discours ronflant
sur les bienfaits de la
construction d'oléoducs du point de vue de
l'emploi est très exagéré.
L'emploi fait partie des cycles d'expansion et de
contraction qui
caractérisent l'industrie. C'est insensé de la
part de Kenney de vanter
la construction d'oléoducs comme une source de
prospérité pour les
Albertains.
L'Alberta
doit cesser de dépendre de l'expédition du pétrole
pour alimenter
l'économie et la machine de guerre des États-Unis.
Nous voulons faire
du Canada une zone de paix alors nous avons besoin
d'une nouvelle
direction. Bien sûr, on ne nous demande jamais
notre avis. Pourquoi les
travailleurs devraient-ils être soumis à un
chantage : ou bien
appuyer cette direction, dont nous savons qu'elle
n'apporte pas la
sécurité, ou alors rien, pas de travail ? En
plus de cela, des
milliards de dollars sont versés à TC Energy, qui
a même retiré le mot
Canada de son nom « pour refléter l'expansion de
son activité
commerciale par- delà le Canada, aux
États-Unis ».
En tant que travailleurs des métiers de la
construction,
nos compétences ne sont pas limitées à la
construction d'oléoducs. On
peut imaginer l'entreprise publique que pourraient
générer 6,5
milliards de dollars afin de donner une nouvelle
direction à
l'économie, au lieu de donner ce montant à un
monopole mondial pour une
aventure risquée. Les alternatives existent. Par
exemple, l'Alberta
pourrait investir dans une entreprise publique qui
fabrique des masques
N95, qui ne sont pas produits au Canada bien
qu'ils soient faits de
polypropylène, qui est un produit pétrochimique.
Ou encore le
laboratoire public si nécessaire que le
gouvernement Kenney a annulé.
Nous pourrions construire une entreprise publique
qui produit des
vaccins. Une entreprise publique qui fabriquerait
ces produits
assurerait la sécurité de l'approvisionnement pour
le Canada et serait
une source de revenus pour le trésor public. Un
besoin urgent,
peut-être le plus urgent, est celui de logements
modernes qui
respectent les cultures autochtones sur les
réserves, de même que dans
les zones urbaines pour la population autochtone
urbaine, car la
situation du logement y est effroyable. On
pourrait faire tant de
choses avec cette participation en capital et
cette garantie de prêt
de 7,5 milliards de dollars si c'est le
peuple qui décide de la
façon de le dépenser. Nous pourrions bâtir ces
entreprises au bénéfice
des Canadiens, au lieu d'un oléoduc qui profite à
TC Energy, à la
machine de guerre des États-Unis et qui contribue
à détruire les
économies des pays qui ne se soumettent pas aux
États-Unis.
FO : Merci beaucoup
Note
1. Lire le numéro
du 21
avril 2020 du Marxiste-Léniniste,
Manoeuvre de
l'Alberta pour payer 7,5 milliards de
dollars aux riches
oligarques financiers
Cet article est paru dans
Numéro 24 - 23 avril 2020
Lien de l'article:
Entrevue au sujet de l'oléoduc Keystone XL - André Vachon, travailleur
d'oléoduc
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