Les travailleurs des mines demandent le respect des consignes de la Santé publique avec la reprise des activités minières

Le 13 avril dernier, le gouvernement du Québec a annoncé que les activités minières, qui avaient été arrêtées à l'échelle du Québec le 25 mars dernier dans le cadre de la crise de la pandémie de la COVID-19, reprennent progressivement à partir du 15 avril. Forum ouvrier s'est entretenu récemment avec André Racicot, le président de la section locale 9291 du Syndicat des Métallos, qui représente notamment les travailleurs de la Mine Westwood de la minière Iamgold, à Preissac en Abitibi-Témiscamingue, sur les conditions dans lesquelles se fera la reprise et sur le rôle des travailleurs pour faire en sorte que celle-ci se fasse en toute sécurité pour les travailleurs miniers. André est un spécialiste des questions de santé et sécurité dans le secteur minier.

Forum ouvrier : Comment se déroulent les préparatifs pour la reprise des activités minières à la mine Westwood?

André Racicot : En ce qui concerne la reprise des travaux dans le secteur minier, on a travaillé fortement avec l'employeur pour trouver les meilleures normes sanitaires pour les travailleurs, pour s'assurer de leur prévention face au danger d'être infectés par le virus. On a mis en place plusieurs protocoles concernant le nettoyage, l'action en milieu de travail, notamment le respect des deux mètres de distance entre les travailleurs. Il y a eu une problématique à régler en ce qui a trait au transporteur sous terre, ce qu'on appelle la cage. On a mis des séparateurs dans la cage. On a limité le nombre de personnes. Avant on pouvait descendre 25 personnes dans la cage, maintenant on réduit le nombre de moitié. Les travailleurs n'ont pas le droit de parler dans la cage, ils font face au mur, et chaque place est séparée avec un rideau. À chaque quart de travail, les rideaux et la cage sont totalement désinfectés.

En ce qui concerne le transport avec les véhicules dans la mine, ceux-ci sont nettoyés et désinfectés régulièrement et on ne peut pas transporter plus de deux travailleurs à la fois. Le conducteur est au poste de commande, tandis que l'autre travailleur est assis du côté droit, sur la banquette arrière. Dans les camionnettes qui transportent les personnes, on s'assure que le deux mètres est respecté entre les travailleurs.

En ce qui concerne les refuges sous terre, les salles à manger par exemple, elles ont été désinfectées et pour chaque repas, le personnel a été augmenté pour nettoyer la place. Les horaires de repas sont organisés pour qu'il n'y ait pas trop de monde en même temps dans les salles à manger et qu'on respecte le deux mètres de distance. Les horaires de travail ont été modifiés pour permettre une entrée graduelle à la mine, pas tout le monde ensemble. Les travailleurs doivent se laver les mains pendant 20 secondes sur une base régulière. On s'assure de respecter les directives de la Santé publique.

Chaque département a développé des protocoles pour les cas où il n'est pas capable de respecter le deux mètres de distanciation. Par exemple, dans le cas des mécaniciens, quand ils ont une tâche comme réparer une pompe, cela prend deux travailleurs pour faire la tâche. Ils vont devoir porter des masques pour empêcher la propagation du virus par gouttelettes parmi leurs collègues.

Nous aurons des masques N95, des masques chirurgicaux et nous utiliserons aussi des masques qu'on utilise normalement sous terre, qui sont eux aussi efficaces à empêcher la propagation des gouttelettes. Nous avons fait l'inventaire au comité d'urgence sanitaire afin de nous assurer qu'il n'y aura pas de pénurie de masques.

Il y a un véritable changement qui a été fait pour faire en sorte que les horaires de travail et le protocole de retour du travail permettent de mettre les normes sanitaires en place. Cela n'a pas été facile mais on voit qu'il y a une volonté réelle de tout le monde de se prendre en main.

FO : Est-ce que l'extraction minière a repris ?

AR : Elle est en voie de reprise. Les premiers qui ont été rappelés sont les mécaniciens à l'usine pour travailler sur un broyeur. À ce que je sache, il y a des équipes de mécaniciens mobiles qui commencent à rentrer au travail. Les opérations comme telles de minage vont commencer vers le 25 avril je crois. Pour le rappel, chaque personne va être appelée et va suivre une séance d'instruction sur les normes sanitaires parce que c'est un changement à 180 degrés. Pour assimiler cette information et la mettre en application, il va falloir que tout le monde s'y mette. Pour être certain que l'extraction du minerai va vraiment fonctionner comme il se doit, je pense que cela va prendre jusqu'à la fin-avril début mai.

FO : Est-ce que les consignes dont tu parles seront les mêmes dans tout le secteur minier au Québec ?

AR : À ce que je sache, avec ce que j'ai comme information, il semble que ces consignes vont s'appliquer dans tout le Québec. Comment cela fonctionne, c'est que l'Association minière du Québec (AMQ) donne les consignes à ses membres. Généralement, les membres suivent ces directives, il y a de petites variations, mais dans l'ensemble les mêmes consignes sont suivies dans tout le Québec.

FO  : Comment vois-tu le rôle des travailleurs dans tout ce processus de reprise ?

AR : Notre rôle est d'assurer que les normes de sécurité et les normes sanitaires soient mises en application. Nous avons un rôle à jouer pour identifier, contrôler et éliminer les risques. Notre rôle est de prévenir la propagation de cette maladie. On ne veut pas que le travailleur soit infecté, que la pandémie pénètre dans l'entreprise. Nous avons le souci de nos familles et de nos proches, le souci de ne pas les contaminer. Nous pensons que non seulement c'est dangereux pour les membres, mais que c'est mauvais pour l'industrie parce que la Santé publique peut arrêter l'activité d'une mine si les normes ne sont pas respectées. J'apprécie la volonté de l'entreprise de mettre sur pied des directives qui sont bonnes, mais il reste à voir comment cela va être appliqué sur le terrain. C'est là que tout va se jouer. On va concentrer tous nos efforts pour surveiller et identifier les problèmes. Nous devons nous assurer que les directives sont respectées, car elles peuvent ne pas l'être pour toutes sortes de raisons, il peut y avoir des pressions administratives, ou une question d'adaptation au changement, des consignes non respectées, on va veiller au grain.


Nous mettons en action notre structure syndicale. En ce qui me concerne, je suis assigné au télé-travail et il y a des officiers du syndicat qui travaillent à la mine pour faire des comptes-rendus sur l'application des normes de sécurité et des normes sanitaires. Le représentant en prévention est dépêché par moi pour vérifier comment cela marche à la mine réellement. Il a été formé pour cela et il a des directives claires pour faire son rapport à chaque jour. Il est libéré 40 heures par semaine pour s'occuper de prévention, pour vérifier tous les aspects de la santé et de la sécurité et les normes sanitaires, y compris celles provenant de la CNEEST (Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail).

Je suis allé à deux reprises à la mine, j'ai fait une simulation sur comment va se faire la rentrée au travail. J'ai vu certaines lacunes, surtout en ce qui concerne le lavage des mains, pour laquelle on doit s'assurer que le travailleur utilise les 20 secondes nécessaires pour se laver les mains comme il faut.

FO : Tu veux dire quelque chose en conclusion ?

AR : On est d'accord de rentrer au travail mais pas à n'importe quel prix. On veut s'assurer que nos travailleurs soient bien protégés pour protéger leurs familles et leurs proches. Nous avons tout intérêt à suivre les consignes sanitaires de la Santé publique.


Cet article est paru dans

Numéro 24 - 23 avril 2020

Lien de l'article:
Les travailleurs des mines demandent le respect des consignes de la Santé publique avec la reprise des activités minières - Entrevue avec André Racicot, président de la section locale 9291 du Syndicat des Métallos en Abitibi


    

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