28
février 2019
Manoeuvres
pour
outrepasser les conventions collectives
Demande
inacceptable d'Alcoa d'exploiter l'aluminerie ABI sans
syndicat
PDF
•
Les travailleurs demandent
l'arbitrage et l'intervention du premier ministre -
Entrevue
avec Clément Masse, président de la section locale
9700
du Syndicat des Métallos
• La résiliation «
légale
» des conventions collectives -- l'exemple australien
-
Pierre Chénier
Transport
• Lutte courageuse des cheminots
pour affirmer
le facteur humain
• Les préoccupations des
travailleurs
ferroviaires - Lyndon Isaak, président de la
Conférence ferroviaire de Teamsters Canada
Manoeuvres pour outrepasser les
conventions collectives
Réunis en assemblée
générale
le 23 février, les travailleurs d'ABI ont
demandé
l'arbitrage exécutoire pour mettre fin à leur
lockout par
la signature d'une convention collective. Ils ont demandé
l'intervention du premier ministre François Legault pour
faire
pression sur le cartel Alcoa/Rio Tinto pour qu'il accepte
l'arbitrage.
Les travailleurs demandent aussi au premier ministre de rouvrir
l'entente énergétique qui déclare le
lockout une force majeure qui libère les
propriétaires de
leur obligation de payer pour le bloc
d'hydroélectricité
qui leur est réservé à tarif
prérentiel.
Les propriétaires d'ABI ont tout de suite
fermé la porte à l'arbitrage comme moyen de
régler
le conflit. « L'arbitrage ne sécurisera pas l'avenir
d'ABI. Les processus alternatifs ne sont pas les solutions
appropriées pour résoudre le conflit »,
a
répondu la direction par courriel.
Ce à quoi l'adjoint au directeur
québécois des Métallos, Dominic Lemieux, a
répondu lors de l'assemblée : « Si
l'arbitrage
n'est pas une option, si les processus 'alternatifs' ne sont pas
une
solution et que les négos sont annulées, il reste
quoi ? L'imposition unilatérale de la position
patronale.
C'est contraire au principe même
d'une négociation de bonne foi. Des citoyens
québécois sont pris en otage par une multinationale
de
mauvaise foi, engraissée par nos tarifs
d'électricité, dans un lockout financé par
nos
impôts. Le gouvernement doit intervenir. François
Legault
doit intervenir. »
Le ministre du Travail Jean Boulet a dit ne pas
pouvoir
faire pression sur les propriétaires pour accepter
l'arbitrage
et qu'il va proposer une hypothèse de règlement aux
deux
parties au début du mois de mars. Les travailleurs
n'acceptent
pas les propos du ministre au sujet de l'arbitrage et ne sont pas
favorables à cette hypothèse de règlement
parce qu'elle va être élaborée sans qu'ils
puissent
présenter leurs revendications concrètes.
Déjà, le ministre a déclaré que son
hypothèse va partir des positions
néolibérales
mises de l'avant par le conseil de médiation nommé
par
lui et présidé par l'ancien premier ministre Lucien
Bouchard : « Les objectifs ont été
clairement
identifiés
[...] : la flexibilité opérationnelle, la
productivité, la stabilité des emplois, la
pérennité de l'usine et le climat de relations de
travail. »
Les travailleurs de l'aluminium d'Alma, membres de la section
locale 9490 du Syndicat des Métallos, expriment leur
solidarité avec
les travailleurs d'ABI en lockout.
Ces grandes phrases sont bien connues comme
étant des couvertures pour les pires attaques contre les
conditions de travail et le droit des travailleurs de mener la
lutte
collective organisée pour leurs revendications et leur mot
décisif dans la détermination de leurs conditions
d'emploi et dans la conclusion d'une convention collective.
Forum
ouvrier publie un article dans ce numéro sur la
situation
des travailleurs d'Alcoa dans l'ouest de l'Australie qui montre
bien
jusqu'où mène ce fatras néolibéral
qui sort
de la bouche du ministre Boulet. En pratique, cela veut dire que
les
monopoles mondiaux imposent leur volonté grâce aux
pouvoirs arbitraires de l'État à leur
disposition.
Dans la situation où au Québec le
cartel
Alcoa/Rio Tinto refuse totalement de négocier avec les
travailleurs, ceux-ci demandent un arbitrage où ils
peuvent
présenter leurs points de vue et leurs revendications
à
un arbitre impartial qui entendra aussi les propriétaires
et qui
va trancher en ce qui concerne la convention collective. Forum
ouvrier appelle tous les Québécois et Canadiens
à se rallier en appui à la juste position des
travailleurs d'ABI en lockout.
- Entrevue avec Clément
Masse,
président de la section locale
9700 du Syndicat des Métallos -
Conférence de presse de la section locale 9700 du
Syndicat
des Métallos
pour annoncer la demande d'arbitrage
accéléré pour
mettre fin au
lockout à l'Aluminerie de Bécancour, le 23
février 2019 (D.
Matelle)
Forum ouvrier : Les
travailleurs d'ABI ont tenu une assemblée
générale
le 23 février pour faire le point sur la situation.
Peux-tu
nous dire comment l'assemblée s'est déroulée
et ce
qui en est ressorti ?
Clément Masse :
Près de 700 travailleurs y ont participé. Nous
avons
expliqué ce qui s'est passé dans les
négociations
dans les dernières semaines. Les travailleurs ont vu que
nous
avons une volonté de négocier mais que l'employeur
maintient ses positions et ne démontre aucune intention de
négocier. Nous
sommes allés chercher un mandat de l'assemblée pour
demander l'arbitrage dans le dossier. Cela a été
adopté à l'unanimité. Nous demandons au
gouvernement de mettre de la pression sur l'employeur pour qu'il
accepte ce processus-là ou qu'il vienne négocier de
bonne
foi. Nous demandons aussi au premier ministre François
Legault
d'intervenir
sur les contrats d'énergie comme il avait promis de le
faire
pendant la campagne électorale. Ce sont en bref les
derniers
développements.
Essentiellement, l'employeur maintient ses
nouvelles
demandes de concessions malgré que ces points-là
étaient déjà réglés dans
l'offre
finale de décembre 2018. Nous avons accepté de
les
revoir, nous avons accepté certaines d'entre elles mais
l'employeur a refusé de bouger sur les concessions les
plus
importantes, sinon de manière
minime. Tout ce que l'employeur demande, ce sont des concessions,
et
pour que la négociation avance, il faudrait que nous les
acceptions. La négociation n'est pas bloquée par
rapport
à des demandes que nous avons, et que l'employeur refuse,
mais
nous faisons face à un employeur qui demande constamment
des
concessions. Un règlement, selon
Alcoa, cela veut dire que nous devons nous plier à toutes
ses
demandes. Au lieu d'avoir des emplois avec de bons salaires et de
bonnes conditions, Alcoa veut avoir la possibilité d'en
créer avec des salaires moindres, envoyer nos emplois aux
sous-traitants et les gens n'auront pas de conditions.
Essentiellement,
ce que veut faire Alcoa, c'est gérer
l'usine sans le syndicat, c'est faire tout ce qu'il veut sans
contraintes de la part du syndicat à l'usine. C'est
inacceptable
en ce qui nous concerne.
FO : Peux-tu nous en
dire plus sur la demande d'arbitrage ?
CM : Nous demandons
un
arbitrage accéléré, pas quelque chose qui va
prendre un an. Le gouvernement devrait établir un
échéancier pour que les parties plaident leur point
de
vue et un échéancier pour que l'arbitre rende sa
décision. Au terme de l'arbitrage, les parties seraient
tenues
par la décision de l'arbitre. Cela
nous apparaît une issue réelle à ce lockout
qui a
trop duré
Si on se rend à l'arbitrage, il faudra que
cela
soit très précis, et les parties bien sûr
pendant
que l'arbitrage se fait, peuvent toujours conclure une entente.
Le
ministre du Travail dit tout le temps qu'il veut mettre de la
pression
sur les parties. S'il fait pression pour qu'il y ait un arbitrage
et
que l'employeur accepte, cela va mettre de la pression
pour en arriver à un règlement. C'est certain que
les
modalités d'arbitrage seraient à discuter et il y a
des
points sur lesquels nous ne demanderons pas à l'arbitre de
trancher parce que ce sont des points qui font l'objet d'une
entente.
Il faut que l'employeur accepte l'arbitrage dans
un
premier temps, ce qu'il a refusé avant même qu'on
fasse la
demande, mais nous faisons la demande quand même et on va
mettre
de la pression sur le gouvernement.
FO : Qu'en est-il de
votre demande d'intervention de la part du premier ministre
François Legault ?
CM : Nous demandons
une rencontre avec le premier ministre. Ce dernier doit
intervenir pour
corriger le déséquilibre des forces en
présence,
alors qu'Hydro-Québec finance le lockout de la
multinationale
américaine, à raison de 165 millions
en 2018
seulement. On veut que le premier ministre s'en mêle
comme il avait dit qu'il le ferait pendant la campagne
électorale. On veut qu'il rouvre le contrat
d'énergie qui
permet à l'employeur de faire
perdre 700 000 $
par jour à Hydro-Québec. L'employeur n'est pas
obligé de payer pour son bloc d'énergie qui est lui
réservé, et il profite quand même de son
contrat.
Il en profite à
Baie-Comeau, il en profite à Deschambault et il en profite
même à ABI, parce qu'il paie encore à rabais
l'électricité sur la partie de l'usine qui
fonctionne.
Cela ne tient pas debout que le gouvernement ait
négocié
un contrat comme ça. Cela nuit aux travailleurs et c'est
au
gouvernement à corriger cette situation.
Alcoa parle de « changement de
culture ». On en a parlé à
l'assemblée.
Quelle culture ? La culture que l'employeur veut changer,
c'est
qu'il ne veut plus fonctionner avec un syndicat. C'est ça
sa
culture. Est-ce qu'on est dans une dictature où ce sont
les
employeurs qui décident de tout ? Est-ce que le
gouvernement va
favoriser la compagnie Alcoa ou favoriser les 1 000
familles
qui sont en lockout ? On demande au premier ministre est-ce
que
c'est ça le Québec ? Le premier ministre parle
d'un
« Québec économique », il veut
créer des emplois de qualité, mais ce que
l'employeur
veut faire, c'est en créer qui ne sont pas de
qualité.
Si le premier ministre veut créer des emplois de
qualité,
qu'il le prouve en se mêlant du dossier.
- Pierre Chénier -
Les travailleurs d'Alcoa manifestent devant le
Parlement de l'Australie occidentale à Perth, le 22
août 2018
En janvier, l'Australian Workers' Union a
annoncé
qu'il interjetait appel de la décision de la Fair Work
Commission (FWC) d'accueillir favorablement la demande d'Alcoa de
mettre fin à la convention collective de plus
de 1 500
travailleurs.[1] Ses
membres sont
employés dans six
usines d'Alcoa dans l'État de l'Australie
occidentale :
trois affineries d'alumine, deux mines de bauxite et un port. Ces
travailleurs ont entamé en août 2018 une
grève
de 52 jours pour s'opposer aux demandes de concessions
d'Alcoa en
matière de sécurité d'emploi et à la
menace
de résiliation de la convention collective expirée
depuis le 31 mars 2017. Ils ont tenté sans
succès de négocier une nouvelle convention
collective.
En décembre 2018, la géant
mondial
Alcoa a fait une demande de résiliation de la convention
expirée. La FWC a accordé la demande de
résiliation qui est entrée en vigueur en janvier.
Cela
signifie que les travailleurs d'Alcoa n'ont plus de convention
collective et travaillent selon les normes minimales
établies
par le Fair Work
Act 2009 et la législation ouvrière en
vigueur
en Australie ou toute autre norme minimale dictée par
Alcoa. Le
gouvernement du Parti travailliste d'Australie de
l'époque a adopté cette loi rétrograde
nationale
du travail.
Selon les travailleurs d'Alcoa, le fait de
travailler
selon les normes minimales du travail plutôt qu'avec une
convention collective entraîne des coupures réelles
égales ou supérieures à 50 % de
leur
salaire actuel, et des pertes énormes d'avantages sociaux
ainsi
qu'au niveau des pensions.
En janvier, Alcoa a annoncé qu'elle
maintiendrait pendant six mois les taux actuels de la convention
collective pour les rémunérations, les
congés et
les clauses sur les pensions. Cela veut dire qu'Alcoa a tous les
pouvoirs de dicter les conditions d'emploi sans le consentement
des
travailleurs. Ce pouvoir imposé par l'État signifie
que
lorsqu'une nouvelle convention collective sera mise aux voix
cette
année, les oligarques s'attendent à ce que les
travailleurs se soumettent aux concessions antiouvrières
qu'ils
demanderont.
Par une approche typiquement antiouvrière
et
irrationnelle, le Fair Work Act 2009 et le pouvoir
d'État de la FWC permettent aux entreprises de mettre fin
aux
conventions collectives des travailleurs et de leurs
organisations de
défense collective afin de les forcer à travailler
selon
des normes minimales sur lesquelles ils n'ont
aucun contrôle et pour lesquelles ils n'ont pas
donné leur
consentement. La loi dit:
« 225. Demande de résiliation
d'une
convention (collective) avec une entreprise après sa date
d'expiration nominale
« Si une convention avec une entreprise a
dépassé sa date d'expiration nominale, l'une des
parties
suivantes peut demander à la FWC de résilier la
convention :
« a) un ou plusieurs des employeurs
visés
par la convention ;
« b) un employé visé par la
convention ;
« c) une organisation de l'employé
visée par la convention. »
La loi mentionne avoir comme objectif sous-jacent
de
promouvoir
« la prospérité économique
nationale » en assurant aux monopoles opérant
en
Australie la liberté d'opérer et de rivaliser sur
les
marchés mondiaux. Afin d'atteindre cette «
prospérité » et le succès pour
les
monopoles, les travailleurs doivent accorder cette «
flexibilité » requise
dans les opérations et se soumettre à des «
relations de travail coopératives et
productives »,
au sujet desquelles les travailleurs n'ont pas voix au chapitre
dans
les décisions qui les touchent.
La loi émane de cette conception que les
travailleurs ne produisent pas la valeur dont l'entreprise et
l'économie ont besoin pour leur existence et qu'ils sont
un
coût qui écrase l'entreprise. Selon cette
conception, il
faut
limiter la partie de la valeur reproduite par les travailleurs
qui sert
à la reproduction de leur existence afin qu'Alcoa puisse
exproprier plus de profits pour elle-même et de cette
façon rivaliser avec les autres entreprises mondiales.
Rabaisser
les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière
équivaudrait à accroître la «
prospérité économique
nationale ».
Telle est la vision rétrograde de l'oligarchie
financière
mondiale.
Selon les pouvoirs arbitraires et la logique
antiouvrière de la loi, la vice-présidente de la
FWC,
Abbey Beaumont, a accueilli favorablement la demande d'Alcoa de
priver
les travailleurs de leur convention collective en
déclarant que
« le contrat de travail était échu et
imposait des
restrictions, des inefficacités et des coûts
inutiles et
déraisonnables aux opérations d'Alcoa. Les
dispositions
du contrat de travail ne permettaient donc pas à Alcoa
d'obtenir
la flexibilité nécessaire pour ajuster ses
opérations de manière rapide et efficace afin de
maximiser sa capacité à tirer parti des conditions
économiques et opérationnelles existantes ou
à
faire face aux changements dans les
conditions du marché, au fur et à mesure qu'ils
apparaissent. »
Le mandat de la FWC va dans le sens des arguments
d'Alcoa que de mettre fin à la convention avec
l'entreprise ne
nuisait pas à « l'intérêt
public »
puisque l'intérêt public est synonyme avec les
intérêts privés de l'élite dirigeante.
Cela
montre à quel point l'autorité publique a
été usurpée par des intérêts
privés mondiaux.
La situation en Australie rappelle celle
vécue
par les travailleurs québécois d'ABI,
confrontés
aux mêmes exigences de flexibilité et
d'efficacité
aux dépens de leurs droits, de leurs conditions de travail
et de
leur force collective organisée, aggravées par le
refus
total d'Alcoa/Rio Tinto de négocier avec eux, sous l'oeil
approbateur du
gouvernement du Québec.
À titre d'exemple, la FWC dans sa
décision de 366 pages a jugé que la convention
collective devait être déclarée nulle et non
avenue
car il y avait des dispositions concernant le minimum de
personnel qui,
selon la FWC, empêchent Alcoa de mettre en place des
planchers
d'affectation du personnel qu'elle jugerait convenable pour ses
«
besoins opérationnels particuliers, ou de les modifier au
fur et
à mesure qu'ils apparaissent ».
Selon la vice-présidente de la FWC,
« le
fait de maintenir des planchers d'affectation du personnel limite
la
capacité d'Alcoa de faire appel à des tiers ou
à
des sous-traitants en main-d'oeuvre pour effectuer des travaux
lorsque
cela s'avère rentable et efficace de fonctionner ainsi.
À
la fin de 2015, il était évident qu'Alcoa
subissait
une
pression financière en partie causée par une baisse
d'environ 40 % du prix de l'alumine ».
La FWC a craché le morceau par
inadvertance
lorsqu'elle déclare que le prix du marché mondial
de
l'alumine avait chuté de 40 % et que les
travailleurs
devaient en faire les frais et renoncer à leurs droits. Au
lieu
d'enquêter sérieusement sur les problèmes de
la
mondialisation impérialiste, qui est à l'origine de
ces
crises récurrentes et
qui pointe à la nécessité d'une nouvelle
direction
pour l'économie, la classe ouvrière devient la
cible de
la folie destructrice de l'oligarchie financière.
La plainte que la convention collective «
limite
la capacité d'Alcoa de faire appel à des tiers ou
à des sous-traitants en main-d'oeuvre pour effectuer des
travaux
lorsque cela s'avère rentable et efficace de fonctionner
ainsi » fait référence aux « taux
de
l'embauche de personnel ». Cette clause restreint la
sous-traitance des emplois
syndiqués, une question majeure dans le conflit chez ABI,
au Québec.
Alcoa plaide que, où que ce soit dans le
monde,
elle ne peut être privée de l'avantage
économique
de pouvoir sous-traiter par le biais d'agences de recrutement de
personnel et de trafiquants d'humains à l'échelle
internationale. La convention collective australienne stipule
qu'elle
doit verser à ces travailleurs embauchés par
sous-traitants
entre 78 % et 100 % de la base de
rémunération horaire correspondant à la
classe
d'emploi d'un employé d'Alcoa et maintenir les mêmes
arrangements de quart de travail. Selon la décision rendue
par
la FWC, ces mesures de protection pour toute la classe
ouvrière
imposent une pénalité à Alcoa qui est
«
supérieure aux
taux du marché ». Le marché en question
est le
marché du travail que les oligarques mondiaux ont
maintenant
élargi à l'échelle mondiale pour englober
les
millions de personnes opprimées qui, poussées au
désespoir de gagner leur vie, deviennent des proies
faciles pour
les trafiquants d'êtres humains.
Lorsque l'Australian Workers' Union a
souligné
qu'Alcoa avait enregistré des profits nets record
d'environ 2,2 milliards de dollars dans le monde alors que
la
même convention d'entreprise était en vigueur, la
vice-présidente de la FWC a répondu :
« La rentabilité actuelle d'Alcoa
n'est
pas un argument pour ne pas résilier la
convention ; en particulier, si la compagnie d'une base
rationnelle pour poursuivre les modifications relatives aux
restrictions de la nature visée par cette décision.
Il
s'agit d'un point important. Des preuves détaillées
montrent qu'il y a eu des incidences
pratiques et opérationnelles qui ont résulté
de
l'application de la convention. Les conséquences pratiques
et
opérationnelles du fonctionnement de la convention ont
notamment
pris la forme de retards importants dans l'adoption de
changements
opérationnels ou dans l'incapacité de donner suite
aux
décisions, de dépenses en matière de gestion
du
temps et de celle des membres, et du manque d'harmonie aux
endroits de
travail. »
Ainsi dans « l'Australie libérale
démocratique » comme dans bien d'autres pays
dans le
monde, les oligarques au pouvoir renient les ententes
négociées et juridiquement contraignantes en faveur
d'intérêts privés étroits. Les profits
des
entreprises doivent devenir encore plus importants au
détriment
des conditions de vie et de travail et des
droits de la classe ouvrière. Les droits des travailleurs
comptent pour rien dans ce monde impérialiste et sont
sacrifiés au profit des aventures téméraires
et de
la rivalité féroce des oligopoles mondiaux, des
crises
économiques et des guerres récurrentes . La
nécessité de changement est un défi que les
travailleurs doivent accepter pour bâtir le
nouveau.
L'Australian Workers' Union et ses membres
à
l'emploi d'Alcoa résistent avec raison à la
négation de leur convention collective et au droit de
discuter,
de décider et de donner leur consentement ou non à
leur
salaire et à leurs conditions de travail. Leur lutte ne
fait
qu'une avec la lutte des travailleurs d'Alcoa du monde entier et
mérite
l'appui soutenu de tous. La lutte des travailleurs australiens a
clairement mis en lumière ce que les gouvernements sont en
train
de faire au nom d'un prétendu devoir de garantir la
«
prospérité économique ». Si le
prétexte est de servir la société, il fait
simplement référence aux profits de
l’oligarchie
financière et des oligopoles. Au Québec
également,
le gouvernement Legault répète que le Québec
est
« ouvert aux affaires » pour justifier de nouvelles
dispositions qui détruisent les programmes sociaux, les
syndicats et les négociations de bonne foi,
détruisent
les normes de santé et de sécurité au
travail et
attaquent les immigrants en faveur de la traite des êtres
humains. Cela ne doit pas passer !
Perth, le 22 août 2018
Note
1. Fair Work Commission est le tribunal des
relations de travail en Australie.
Transport
Les cheminots sont confrontés à
d'énormes défis dans la lutte pour leurs droits et
les
droits de tous, y compris l'importante bataille pour leur propre
sécurité et celle du public. Ils luttent
courageusement
depuis de nombreuses années pour faire valoir leurs droits
face
aux concepts et pratiques antisociaux de toutes sortes des
monopoles du
rail
et des gouvernements fédéraux, libéraux et
conservateurs, qui se sont succédés. La conception
du
monde de l'élite dirigeante nie le facteur humain et la
conscience sociale et fait du profit maximum pour les
intérêts privés le facteur décisif en
toute
chose.
Les travailleurs ferroviaires subissent la
déréglementation de l'industrie, ce qui permet aux
monopoles ferroviaires de fixer eux-mêmes les règles
de
sécurité tandis que le gouvernement se contente de
les
approuver. Cela inclut les programmes de sécurité
privés et privilégiés, qui ne peuvent
être
examinés par personne en dehors des compagnies de chemin
de
fer.
Les travailleurs sont confrontés à
ce
qu'on appelle la gestion des risques plutôt qu'un effort
réel pour éliminer autant que possible, par
principe,
tous les risques et dangers pour les travailleurs et pour le
public.
Ces risques incluent la fatigue des travailleurs, notamment le
fait que
les cadres les appellent 24 heures sur 24, 7
jours sur 7. L'objectif déclaré des monopoles
ferroviaires est d'exploiter les chemins de fer sans la
présence
et l'intervention d'êtres humains et sans normes ni
prescriptions
en matière de responsabilité sociale. Cela a eu
pour
effet de réduire les effectifs et de prendre des mesures
disciplinaires contre les
travailleurs sous divers prétextes, notamment ceux qui
soulèvent des
problèmes de sécurité des opérations,
d'espionnage des travailleurs via des enregistreurs, ce qui a
pour
conséquence de nier les droits et d'occasionner de
nombreux
accidents ferroviaires.
Les travailleurs ferroviaires se battent pour
affirmer
le facteur
humain, le rôle joué par des êtres humains
socialement conscients, en particulier ceux qui exploitent et
entretiennent réellement les trains et qui cherchent
à
défendre leur sécurité et celle du public.
Ils
sont organisés en organisations de défense
collective,
qui deviennent la force collective pour
soutenir leurs efforts individuels pour se défendre et
défendre le public. Ils se battent pour avoir une voix
décisive sur la manière dont les chemins de fer
sont
exploités afin de les intégrer dans le domaine
moderne de
la responsabilité sociale. Leur combat mérite le
plein
appui de tous les travailleurs canadiens et du grand public.
Forum ouvrier reproduit ci-dessous un
article
écrit par Lyndon Isaak, président de la
Conférence ferroviaire de Teamsters Canada nouvellement
élu, qui met en lumière certaines des
préoccupations des travailleurs du chemin de fer.
- Lyndon Isaak, président de
la
Conférence ferroviaire de Teamsters Canada -
Mon nom est Lyndon Isaak et je suis le
président
de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC).
J'ai
été élu à ce poste le 11 janvier
par
les membres de la CFTC et nous sommes un syndicat qui
représente
plus de 10 000 membres au Canada.
J'ai travaillé pour le CN depuis 1987
en
tant que serre-frein, chef de train et ingénieur de
locomotive.
Je travaille au département législatif du syndicat
depuis 2007. Cela comprend la santé et la
sécurité et des questions relatives à la
réglementation du point de vue des travailleurs.
Trois des principales préoccupations de la
CFTC
présentement sont :
1. La formation de nouveaux
employés
La formation de nouveaux employés
est
régie par le Règlement sur les normes de
compétence des employés ferroviaires, un document
qui est
entré en vigueur en 1987. Dans ce document, on dit
que
l'instance nommée Commission canadienne des transports est
l'agence gouvernementale auprès de laquelle les compagnies
ferroviaires
doivent signaler des changements apportés à leurs
normes
de formation. En 1988, la Commission canadienne des
transports a
été rebaptisée l'Office des transports du
Canada
qui n'a pas le même champ de compétence que son
prédécesseur. Maintenant, les normes de formation
sont
laissées à la discrétion des compagnies
ferroviaires.
L'histoire récente d'accidents, de blessures et de
décès dans le domaine ferroviaire vient appuyer nos
sérieuses préoccupations.
2. La fatigue
En décembre 2018, un
arrêté
ministériel en vertu de la section 19 de la Loi
sur la
sécurité ferroviaire a été
annoncé sur la question des règlements relatifs au
temps
de travail et de repos pour les employés d'exploitation
(ingénieurs de locomotive, chefs de train, etc.).
L'industrie
ferroviaire doit procéder à une mise à jour
des règlements actuels relatifs au temps de travail et de
repos
établis pour la première fois en 2002. En
vertu de
cet arrêté, les compagnies ferroviaires sont tenues
d'avoir recours aux données scientifiques modernes et
établies en matière de science de la fatigue dans
les
changements apportés aux règlements. Une grande
majorité de nos
membres travaillent actuellement sur appel 24 heures
sur 24
sans journées de congé désignées
autres que
leurs vacances annuelles. La question de la fatigue et de ses
conséquences sur nos membres est une préoccupation
constante d'aussi loin que je me souvienne, et j'ose
espérer
qu'au moins quelques-uns de nos problèmes seront
abordés dans cette révision.
3. Le régime disciplinaire
Le régime disciplinaire
privilégié par les compagnies ferroviaires pour
sévir contre nos membres est soit le système Brown
(des
points d'inaptitude) ou des suspensions sans solde. Nous
constatons
avec inquiétude un pattern qui consiste en des mesures
disciplinaires moins sévères en temps de grande
activité et lorsque le besoin en
main-d'oeuvre est élevé et, à
l'opposé, des
mesures disciplinaires que nous jugeons excessives en rapport
avec la
faute commise lorsque l'activité ferroviaire est moindre.
Les
compagnies ferroviaires semblent vouloir maintenir le nombre de
travailleurs disponibles le plus élevé possible, ce
qui
fait qu'elles trouvent peut-être préférable
de
suspendre
ou de licencier des employés plutôt que d'avoir
recours
à des mises à pied. Un bon exemple de ces mesures
disciplinaires injustifiées est ce qui se produit lorsque
nos
membres sont malades ou incapables de travailler. Il est
arrivé
que nos membres se soient fait attribuer des points d'inaptitude
ou une
suspension sans solde simplement parce qu'ils
étaient malades. Certaines compagnies ferroviaires disent
qu'elles n'acceptent plus les certificats médicaux pour
justifier une absence pour raison de maladie. Bien que toute
mesure
disciplinaire pour problème de santé aille à
l'encontre de la section 239, partie 3 du Code du
travail
du Canada , certaines compagnies ferroviaires
continuent quand même d'y recourir.
Enfin, je me suis souvent demandé quelle
est la
logique à la base des règlements conçus pour
l'industrie ferroviaire au Canada. Présentement, on
mentionne
dans la section 19 de la Loi sur la
sécurité
ferroviaire que le ministre peut ordonner à une
compagnie
d'élaborer ou de réviser un règlement dans
un cas
précis. Le rôle de la
CFTC est de faire des commentaires au sujet du règlement
proposé par les compagnies ou leurs lobbyistes. Je remets
en
question qu'un gouvernement puisse confier à un groupe de
chefs
d'entreprises ou à leurs lobbyistes
rémunérés la responsabilité de
formuler ou
de réviser un règlement. L'accent devrait
être sur
la sécurité des employés et du
public et qui est mieux placé que les gens qui travaillent
sur
les chemins de fer et sont représentés par leur
syndicat
pour formuler ou réviser un règlement, en
consultation
avec Transport Canada ? Lorsqu'on y pense, le syndicat offre
le
meilleur équilibre : l'accent sur la santé et
la
sécurité tout en tenant compte que les employeurs
doivent faire un profit pour assurer la viabilité de leurs
compagnies.
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Site web: www.pccml.ca
Email: forumouvrier@cpcml.ca
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