Forum ouvrier

28 février 2019

Manoeuvres pour outrepasser les conventions collectives

Demande inacceptable d'Alcoa d'exploiter l'aluminerie ABI sans syndicat

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Les travailleurs demandent l'arbitrage et l'intervention du premier ministre - Entrevue avec Clément Masse, président de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos
La résiliation « légale » des conventions collectives -- l'exemple australien - Pierre Chénier

Transport
Lutte courageuse des cheminots pour affirmer le facteur humain
Les préoccupations des travailleurs ferroviaires - Lyndon Isaak, président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada


Manoeuvres pour outrepasser les conventions collectives

Demande inacceptable d'Alcoa d'exploiter l'aluminerie ABI sans syndicat

Réunis en assemblée générale le 23 février, les travailleurs d'ABI ont demandé l'arbitrage exécutoire pour mettre fin à leur lockout par la signature d'une convention collective. Ils ont demandé l'intervention du premier ministre François Legault pour faire pression sur le cartel Alcoa/Rio Tinto pour qu'il accepte l'arbitrage. Les travailleurs demandent aussi au premier ministre de rouvrir l'entente énergétique qui déclare le lockout une force majeure qui libère les propriétaires de leur obligation de payer pour le bloc d'hydroélectricité qui leur est réservé à tarif prérentiel.

Les propriétaires d'ABI ont tout de suite fermé la porte à l'arbitrage comme moyen de régler le conflit. « L'arbitrage ne sécurisera pas l'avenir d'ABI. Les processus alternatifs ne sont pas les solutions appropriées pour résoudre le conflit », a répondu la direction par courriel.

Ce à quoi l'adjoint au directeur québécois des Métallos, Dominic Lemieux, a répondu lors de l'assemblée : « Si l'arbitrage n'est pas une option, si les processus 'alternatifs' ne sont pas une solution et que les négos sont annulées, il reste quoi ? L'imposition unilatérale de la position patronale. C'est contraire au principe même d'une négociation de bonne foi. Des citoyens québécois sont pris en otage par une multinationale de mauvaise foi, engraissée par nos tarifs d'électricité, dans un lockout financé par nos impôts. Le gouvernement doit intervenir. François Legault doit intervenir. »

Le ministre du Travail Jean Boulet a dit ne pas pouvoir faire pression sur les propriétaires pour accepter l'arbitrage et qu'il va proposer une hypothèse de règlement aux deux parties au début du mois de mars. Les travailleurs n'acceptent pas les propos du ministre au sujet de l'arbitrage et ne sont pas favorables à cette hypothèse de règlement parce qu'elle va être élaborée sans qu'ils puissent présenter leurs revendications concrètes. Déjà, le ministre a déclaré que son hypothèse va partir des positions néolibérales mises de l'avant par le conseil de médiation nommé par lui et présidé par l'ancien premier ministre Lucien Bouchard : « Les objectifs ont été clairement identifiés [...] : la flexibilité opérationnelle, la productivité, la stabilité des emplois, la pérennité de l'usine et le climat de relations de travail. »


Les travailleurs de l'aluminium d'Alma, membres de la section locale 9490 du Syndicat des Métallos, expriment leur solidarité avec les travailleurs d'ABI en lockout.

Ces grandes phrases sont bien connues comme étant des couvertures pour les pires attaques contre les conditions de travail et le droit des travailleurs de mener la lutte collective organisée pour leurs revendications et leur mot décisif dans la détermination de leurs conditions d'emploi et dans la conclusion d'une convention collective. Forum ouvrier publie un article dans ce numéro sur la situation des travailleurs d'Alcoa dans l'ouest de l'Australie qui montre bien jusqu'où mène ce fatras néolibéral qui sort de la bouche du ministre Boulet. En pratique, cela veut dire que les monopoles mondiaux imposent leur volonté grâce aux pouvoirs arbitraires de l'État à leur disposition.

Dans la situation où au Québec le cartel Alcoa/Rio Tinto refuse totalement de négocier avec les travailleurs, ceux-ci demandent un arbitrage où ils peuvent présenter leurs points de vue et leurs revendications à un arbitre impartial qui entendra aussi les propriétaires et qui va trancher en ce qui concerne la convention collective. Forum ouvrier appelle tous les Québécois et Canadiens à se rallier en appui à la juste position des travailleurs d'ABI en lockout.

(Photos : Syndicat des Métallos)

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Les travailleurs demandent l'arbitrage et l'intervention du premier ministre


Conférence de presse de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos pour annoncer la demande d'arbitrage accéléré pour mettre fin au lockout à l'Aluminerie de Bécancour, le 23 février 2019 (D. Matelle)

Forum ouvrier : Les travailleurs d'ABI ont tenu une assemblée générale le 23 février pour faire le point sur la situation. Peux-tu nous dire comment l'assemblée s'est déroulée et ce qui en est ressorti ?

Clément Masse : Près de 700 travailleurs y ont participé. Nous avons expliqué ce qui s'est passé dans les négociations dans les dernières semaines. Les travailleurs ont vu que nous avons une volonté de négocier mais que l'employeur maintient ses positions et ne démontre aucune intention de négocier. Nous sommes allés chercher un mandat de l'assemblée pour demander l'arbitrage dans le dossier. Cela a été adopté à l'unanimité. Nous demandons au gouvernement de mettre de la pression sur l'employeur pour qu'il accepte ce processus-là ou qu'il vienne négocier de bonne foi. Nous demandons aussi au premier ministre François Legault d'intervenir sur les contrats d'énergie comme il avait promis de le faire pendant la campagne électorale. Ce sont en bref les derniers développements.

Essentiellement, l'employeur maintient ses nouvelles demandes de concessions malgré que ces points-là étaient déjà réglés dans l'offre finale de décembre 2018. Nous avons accepté de les revoir, nous avons accepté certaines d'entre elles mais l'employeur a refusé de bouger sur les concessions les plus importantes, sinon de manière minime. Tout ce que l'employeur demande, ce sont des concessions, et pour que la négociation avance, il faudrait que nous les acceptions. La négociation n'est pas bloquée par rapport à des demandes que nous avons, et que l'employeur refuse, mais nous faisons face à un employeur qui demande constamment des concessions. Un règlement, selon Alcoa, cela veut dire que nous devons nous plier à toutes ses demandes. Au lieu d'avoir des emplois avec de bons salaires et de bonnes conditions, Alcoa veut avoir la possibilité d'en créer avec des salaires moindres, envoyer nos emplois aux sous-traitants et les gens n'auront pas de conditions. Essentiellement, ce que veut faire Alcoa, c'est gérer l'usine sans le syndicat, c'est faire tout ce qu'il veut sans contraintes de la part du syndicat à l'usine. C'est inacceptable en ce qui nous concerne.

FO : Peux-tu nous en dire plus sur la demande d'arbitrage ?

CM : Nous demandons un arbitrage accéléré, pas quelque chose qui va prendre un an. Le gouvernement devrait établir un échéancier pour que les parties plaident leur point de vue et un échéancier pour que l'arbitre rende sa décision. Au terme de l'arbitrage, les parties seraient tenues par la décision de l'arbitre. Cela nous apparaît une issue réelle à ce lockout qui a trop duré

Si on se rend à l'arbitrage, il faudra que cela soit très précis, et les parties bien sûr pendant que l'arbitrage se fait, peuvent toujours conclure une entente. Le ministre du Travail dit tout le temps qu'il veut mettre de la pression sur les parties. S'il fait pression pour qu'il y ait un arbitrage et que l'employeur accepte, cela va mettre de la pression pour en arriver à un règlement. C'est certain que les modalités d'arbitrage seraient à discuter et il y a des points sur lesquels nous ne demanderons pas à l'arbitre de trancher parce que ce sont des points qui font l'objet d'une entente.

Il faut que l'employeur accepte l'arbitrage dans un premier temps, ce qu'il a refusé avant même qu'on fasse la demande, mais nous faisons la demande quand même et on va mettre de la pression sur le gouvernement.

FO : Qu'en est-il de votre demande d'intervention de la part du premier ministre François Legault ?

CM : Nous demandons une rencontre avec le premier ministre. Ce dernier doit intervenir pour corriger le déséquilibre des forces en présence, alors qu'Hydro-Québec finance le lockout de la multinationale américaine, à raison de 165 millions en 2018 seulement. On veut que le premier ministre s'en mêle comme il avait dit qu'il le ferait pendant la campagne électorale. On veut qu'il rouvre le contrat d'énergie qui permet à l'employeur de faire perdre 700 000 $ par jour à Hydro-Québec. L'employeur n'est pas obligé de payer pour son bloc d'énergie qui est lui réservé, et il profite quand même de son contrat. Il en profite à Baie-Comeau, il en profite à Deschambault et il en profite même à ABI, parce qu'il paie encore à rabais l'électricité sur la partie de l'usine qui fonctionne. Cela ne tient pas debout que le gouvernement ait négocié un contrat comme ça. Cela nuit aux travailleurs et c'est au gouvernement à corriger cette situation.

Alcoa parle de « changement de culture ». On en a parlé à l'assemblée. Quelle culture ? La culture que l'employeur veut changer, c'est qu'il ne veut plus fonctionner avec un syndicat. C'est ça sa culture. Est-ce qu'on est dans une dictature où ce sont les employeurs qui décident de tout ? Est-ce que le gouvernement va favoriser la compagnie Alcoa ou favoriser les 1 000 familles qui sont en lockout ? On demande au premier ministre est-ce que c'est ça le Québec ? Le premier ministre parle d'un « Québec économique », il veut créer des emplois de qualité, mais ce que l'employeur veut faire, c'est en créer qui ne sont pas de qualité. Si le premier ministre veut créer des emplois de qualité, qu'il le prouve en se mêlant du dossier.

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La résiliation « légale » des conventions
collectives -- l'exemple australien


Les travailleurs d'Alcoa manifestent devant le Parlement de l'Australie occidentale à Perth, le 22 août 2018

En janvier, l'Australian Workers' Union a annoncé qu'il interjetait appel de la décision de la Fair Work Commission (FWC) d'accueillir favorablement la demande d'Alcoa de mettre fin à la convention collective de plus de 1 500 travailleurs.[1] Ses membres sont employés dans six usines d'Alcoa dans l'État de l'Australie occidentale : trois affineries d'alumine, deux mines de bauxite et un port. Ces travailleurs ont entamé en août 2018 une grève de 52 jours pour s'opposer aux demandes de concessions d'Alcoa en matière de sécurité d'emploi et à la menace de résiliation de la convention collective expirée depuis le 31 mars 2017. Ils ont tenté sans succès de négocier une nouvelle convention collective.

En décembre 2018, la géant mondial Alcoa a fait une demande de résiliation de la convention expirée. La FWC a accordé la demande de résiliation qui est entrée en vigueur en janvier. Cela signifie que les travailleurs d'Alcoa n'ont plus de convention collective et travaillent selon les normes minimales établies par le Fair Work Act 2009 et la législation ouvrière en vigueur en Australie ou toute autre norme minimale dictée par Alcoa. Le gouvernement du Parti travailliste d'Australie de l'époque a adopté cette loi rétrograde nationale du travail.

Selon les travailleurs d'Alcoa, le fait de travailler selon les normes minimales du travail plutôt qu'avec une convention collective entraîne des coupures réelles égales ou supérieures à 50 % de leur salaire actuel, et des pertes énormes d'avantages sociaux ainsi qu'au niveau des pensions.

En janvier, Alcoa a annoncé qu'elle maintiendrait pendant six mois les taux actuels de la convention collective pour les rémunérations, les congés et les clauses sur les pensions. Cela veut dire qu'Alcoa a tous les pouvoirs de dicter les conditions d'emploi sans le consentement des travailleurs. Ce pouvoir imposé par l'État signifie que lorsqu'une nouvelle convention collective sera mise aux voix cette année, les oligarques s'attendent à ce que les travailleurs se soumettent aux concessions antiouvrières qu'ils demanderont.

Par une approche typiquement antiouvrière et irrationnelle, le Fair Work Act 2009 et le pouvoir d'État de la FWC permettent aux entreprises de mettre fin aux conventions collectives des travailleurs et de leurs organisations de défense collective afin de les forcer à travailler selon des normes minimales sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle et pour lesquelles ils n'ont pas donné leur consentement. La loi dit:

« 225. Demande de résiliation d'une convention (collective) avec une entreprise après sa date d'expiration nominale

« Si une convention avec une entreprise a dépassé sa date d'expiration nominale, l'une des parties suivantes peut demander à la FWC de résilier la convention :

« a) un ou plusieurs des employeurs visés par la convention ;

« b) un employé visé par la convention ;

« c) une organisation de l'employé visée par la convention. »

La loi mentionne avoir comme objectif sous-jacent de promouvoir « la prospérité économique nationale » en assurant aux monopoles opérant en Australie la liberté d'opérer et de rivaliser sur les marchés mondiaux. Afin d'atteindre cette « prospérité » et le succès pour les monopoles, les travailleurs doivent accorder cette « flexibilité » requise dans les opérations et se soumettre à des « relations de travail coopératives et productives », au sujet desquelles les travailleurs n'ont pas voix au chapitre dans les décisions qui les touchent.

La loi émane de cette conception que les travailleurs ne produisent pas la valeur dont l'entreprise et l'économie ont besoin pour leur existence et qu'ils sont un coût qui écrase l'entreprise. Selon cette conception, il faut limiter la partie de la valeur reproduite par les travailleurs qui sert à la reproduction de leur existence afin qu'Alcoa puisse exproprier plus de profits pour elle-même et de cette façon rivaliser avec les autres entreprises mondiales. Rabaisser les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière équivaudrait à accroître la « prospérité économique nationale ». Telle est la vision rétrograde de l'oligarchie financière mondiale.

Selon les pouvoirs arbitraires et la logique antiouvrière de la loi, la vice-présidente de la FWC, Abbey Beaumont, a accueilli favorablement la demande d'Alcoa de priver les travailleurs de leur convention collective en déclarant que « le contrat de travail était échu et imposait des restrictions, des inefficacités et des coûts inutiles et déraisonnables aux opérations d'Alcoa. Les dispositions du contrat de travail ne permettaient donc pas à Alcoa d'obtenir la flexibilité nécessaire pour ajuster ses opérations de manière rapide et efficace afin de maximiser sa capacité à tirer parti des conditions économiques et opérationnelles existantes ou à faire face aux changements dans les conditions du marché, au fur et à mesure qu'ils apparaissent. »

Le mandat de la FWC va dans le sens des arguments d'Alcoa que de mettre fin à la convention avec l'entreprise ne nuisait pas à « l'intérêt public » puisque l'intérêt public est synonyme avec les intérêts privés de l'élite dirigeante. Cela montre à quel point l'autorité publique a été usurpée par des intérêts privés mondiaux.

La situation en Australie rappelle celle vécue par les travailleurs québécois d'ABI, confrontés aux mêmes exigences de flexibilité et d'efficacité aux dépens de leurs droits, de leurs conditions de travail et de leur force collective organisée, aggravées par le refus total d'Alcoa/Rio Tinto de négocier avec eux, sous l'oeil approbateur du gouvernement du Québec.

À titre d'exemple, la FWC dans sa décision de 366 pages a jugé que la convention collective devait être déclarée nulle et non avenue car il y avait des dispositions concernant le minimum de personnel qui, selon la FWC, empêchent Alcoa de mettre en place des planchers d'affectation du personnel qu'elle jugerait convenable pour ses « besoins opérationnels particuliers, ou de les modifier au fur et à mesure qu'ils apparaissent ».

Selon la vice-présidente de la FWC, « le fait de maintenir des planchers d'affectation du personnel limite la capacité d'Alcoa de faire appel à des tiers ou à des sous-traitants en main-d'oeuvre pour effectuer des travaux lorsque cela s'avère rentable et efficace de fonctionner ainsi. À la fin de 2015, il était évident qu'Alcoa subissait une pression financière en partie causée par une baisse d'environ 40 % du prix de l'alumine ».

La FWC a craché le morceau par inadvertance lorsqu'elle déclare que le prix du marché mondial de l'alumine avait chuté de 40 % et que les travailleurs devaient en faire les frais et renoncer à leurs droits. Au lieu d'enquêter sérieusement sur les problèmes de la mondialisation impérialiste, qui est à l'origine de ces crises récurrentes et qui pointe à la nécessité d'une nouvelle direction pour l'économie, la classe ouvrière devient la cible de la folie destructrice de l'oligarchie financière.

La plainte que la convention collective « limite la capacité d'Alcoa de faire appel à des tiers ou à des sous-traitants en main-d'oeuvre pour effectuer des travaux lorsque cela s'avère rentable et efficace de fonctionner ainsi » fait référence aux « taux de l'embauche de personnel ». Cette clause restreint la sous-traitance des emplois syndiqués, une question majeure dans le conflit chez ABI, au Québec.

Alcoa plaide que, où que ce soit dans le monde, elle ne peut être privée de l'avantage économique de pouvoir sous-traiter par le biais d'agences de recrutement de personnel et de trafiquants d'humains à l'échelle internationale. La convention collective australienne stipule qu'elle doit verser à ces travailleurs embauchés par sous-traitants entre 78 % et 100 % de la base de rémunération horaire correspondant à la classe d'emploi d'un employé d'Alcoa et maintenir les mêmes arrangements de quart de travail. Selon la décision rendue par la FWC, ces mesures de protection pour toute la classe ouvrière imposent une pénalité à Alcoa qui est « supérieure aux taux du marché ». Le marché en question est le marché du travail que les oligarques mondiaux ont maintenant élargi à l'échelle mondiale pour englober les millions de personnes opprimées qui, poussées au désespoir de gagner leur vie, deviennent des proies faciles pour les trafiquants d'êtres humains.

Lorsque l'Australian Workers' Union a souligné qu'Alcoa avait enregistré des profits nets record d'environ 2,2 milliards de dollars dans le monde alors que la même convention d'entreprise était en vigueur, la vice-présidente de la FWC a répondu :

« La rentabilité actuelle d'Alcoa n'est pas un argument pour ne pas résilier la convention ; en particulier, si la compagnie d'une base rationnelle pour poursuivre les modifications relatives aux restrictions de la nature visée par cette décision. Il s'agit d'un point important. Des preuves détaillées montrent qu'il y a eu des incidences pratiques et opérationnelles qui ont résulté de l'application de la convention. Les conséquences pratiques et opérationnelles du fonctionnement de la convention ont notamment pris la forme de retards importants dans l'adoption de changements opérationnels ou dans l'incapacité de donner suite aux décisions, de dépenses en matière de gestion du temps et de celle des membres, et du manque d'harmonie aux endroits de travail. »

Ainsi dans « l'Australie libérale démocratique » comme dans bien d'autres pays dans le monde, les oligarques au pouvoir renient les ententes négociées et juridiquement contraignantes en faveur d'intérêts privés étroits. Les profits des entreprises doivent devenir encore plus importants au détriment des conditions de vie et de travail et des droits de la classe ouvrière. Les droits des travailleurs comptent pour rien dans ce monde impérialiste et sont sacrifiés au profit des aventures téméraires et de la rivalité féroce des oligopoles mondiaux, des crises économiques et des guerres récurrentes . La nécessité de changement est un défi que les travailleurs doivent accepter pour bâtir le nouveau.

L'Australian Workers' Union et ses membres à l'emploi d'Alcoa résistent avec raison à la négation de leur convention collective et au droit de discuter, de décider et de donner leur consentement ou non à leur salaire et à leurs conditions de travail. Leur lutte ne fait qu'une avec la lutte des travailleurs d'Alcoa du monde entier et mérite l'appui soutenu de tous. La lutte des travailleurs australiens a clairement mis en lumière ce que les gouvernements sont en train de faire au nom d'un prétendu devoir de garantir la « prospérité économique ». Si le prétexte est de servir la société, il fait simplement référence aux profits de l’oligarchie financière et des oligopoles. Au Québec également, le gouvernement Legault répète que le Québec est « ouvert aux affaires » pour justifier de nouvelles dispositions qui détruisent les programmes sociaux, les syndicats et les négociations de bonne foi, détruisent les normes de santé et de sécurité au travail et attaquent les immigrants en faveur de la traite des êtres humains. Cela ne doit pas passer !


Perth, le 22 août 2018

Note

 1. Fair Work Commission est le tribunal des relations de travail en Australie.

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Transport

Lutte courageuse des cheminots pour
affirmer le facteur humain

Les cheminots sont confrontés à d'énormes défis dans la lutte pour leurs droits et les droits de tous, y compris l'importante bataille pour leur propre sécurité et celle du public. Ils luttent courageusement depuis de nombreuses années pour faire valoir leurs droits face aux concepts et pratiques antisociaux de toutes sortes des monopoles du rail et des gouvernements fédéraux, libéraux et conservateurs, qui se sont succédés. La conception du monde de l'élite dirigeante nie le facteur humain et la conscience sociale et fait du profit maximum pour les intérêts privés le facteur décisif en toute chose.

Les travailleurs ferroviaires subissent la déréglementation de l'industrie, ce qui permet aux monopoles ferroviaires de fixer eux-mêmes les règles de sécurité tandis que le gouvernement se contente de les approuver. Cela inclut les programmes de sécurité privés et privilégiés, qui ne peuvent être examinés par personne en dehors des compagnies de chemin de fer.

Les travailleurs sont confrontés à ce qu'on appelle la gestion des risques plutôt qu'un effort réel pour éliminer autant que possible, par principe, tous les risques et dangers pour les travailleurs et pour le public. Ces risques incluent la fatigue des travailleurs, notamment le fait que les cadres les appellent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. L'objectif déclaré des monopoles ferroviaires est d'exploiter les chemins de fer sans la présence et l'intervention d'êtres humains et sans normes ni prescriptions en matière de responsabilité sociale. Cela a eu pour effet de réduire les effectifs et de prendre des mesures disciplinaires contre les travailleurs sous divers prétextes, notamment ceux qui soulèvent des problèmes de sécurité des opérations, d'espionnage des travailleurs via des enregistreurs, ce qui a pour conséquence de nier les droits et d'occasionner de nombreux accidents ferroviaires.

Les travailleurs ferroviaires se battent pour affirmer le facteur humain, le rôle joué par des êtres humains socialement conscients, en particulier ceux qui exploitent et entretiennent réellement les trains et qui cherchent à défendre leur sécurité et celle du public. Ils sont organisés en organisations de défense collective, qui deviennent la force collective pour soutenir leurs efforts individuels pour se défendre et défendre le public. Ils se battent pour avoir une voix décisive sur la manière dont les chemins de fer sont exploités afin de les intégrer dans le domaine moderne de la responsabilité sociale. Leur combat mérite le plein appui de tous les travailleurs canadiens et du grand public.

Forum ouvrier reproduit ci-dessous un article écrit par Lyndon Isaak, président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada nouvellement élu, qui met en lumière certaines des préoccupations des travailleurs du chemin de fer.

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Les préoccupations des travailleurs ferroviaires

Mon nom est Lyndon Isaak et je suis le président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC). J'ai été élu à ce poste le 11 janvier par les membres de la CFTC et nous sommes un syndicat qui représente plus de 10 000 membres au Canada.

J'ai travaillé pour le CN depuis 1987 en tant que serre-frein, chef de train et ingénieur de locomotive. Je travaille au département législatif du syndicat depuis 2007. Cela comprend la santé et la sécurité et des questions relatives à la réglementation du point de vue des travailleurs.

Trois des principales préoccupations de la CFTC présentement sont :

1. La formation de nouveaux employés

La formation de nouveaux employés est régie par le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, un document qui est entré en vigueur en 1987. Dans ce document, on dit que l'instance nommée Commission canadienne des transports est l'agence gouvernementale auprès de laquelle les compagnies ferroviaires doivent signaler des changements apportés à leurs normes de formation. En 1988, la Commission canadienne des transports a été rebaptisée l'Office des transports du Canada qui n'a pas le même champ de compétence que son prédécesseur. Maintenant, les normes de formation sont laissées à la discrétion des compagnies ferroviaires. L'histoire récente d'accidents, de blessures et de décès dans le domaine ferroviaire vient appuyer nos sérieuses préoccupations.

2. La fatigue

En décembre 2018, un arrêté ministériel en vertu de la section 19 de la Loi sur la sécurité ferroviaire a été annoncé sur la question des règlements relatifs au temps de travail et de repos pour les employés d'exploitation (ingénieurs de locomotive, chefs de train, etc.). L'industrie ferroviaire doit procéder à une mise à jour des règlements actuels relatifs au temps de travail et de repos établis pour la première fois en 2002. En vertu de cet arrêté, les compagnies ferroviaires sont tenues d'avoir recours aux données scientifiques modernes et établies en matière de science de la fatigue dans les changements apportés aux règlements. Une grande majorité de nos membres travaillent actuellement sur appel 24 heures sur 24 sans journées de congé désignées autres que leurs vacances annuelles. La question de la fatigue et de ses conséquences sur nos membres est une préoccupation constante d'aussi loin que je me souvienne, et j'ose espérer qu'au moins quelques-uns de nos problèmes seront abordés dans cette révision.

3. Le régime disciplinaire

Le régime disciplinaire privilégié par les compagnies ferroviaires pour sévir contre nos membres est soit le système Brown (des points d'inaptitude) ou des suspensions sans solde. Nous constatons avec inquiétude un pattern qui consiste en des mesures disciplinaires moins sévères en temps de grande activité et lorsque le besoin en main-d'oeuvre est élevé et, à l'opposé, des mesures disciplinaires que nous jugeons excessives en rapport avec la faute commise lorsque l'activité ferroviaire est moindre. Les compagnies ferroviaires semblent vouloir maintenir le nombre de travailleurs disponibles le plus élevé possible, ce qui fait qu'elles trouvent peut-être préférable de suspendre ou de licencier des employés plutôt que d'avoir recours à des mises à pied. Un bon exemple de ces mesures disciplinaires injustifiées est ce qui se produit lorsque nos membres sont malades ou incapables de travailler. Il est arrivé que nos membres se soient fait attribuer des points d'inaptitude ou une suspension sans solde simplement parce qu'ils étaient malades. Certaines compagnies ferroviaires disent qu'elles n'acceptent plus les certificats médicaux pour justifier une absence pour raison de maladie. Bien que toute mesure disciplinaire pour problème de santé aille à l'encontre de la section 239, partie 3 du Code du travail du Canada , certaines compagnies ferroviaires continuent quand même d'y recourir.

Enfin, je me suis souvent demandé quelle est la logique à la base des règlements conçus pour l'industrie ferroviaire au Canada. Présentement, on mentionne dans la section 19 de la Loi sur la sécurité ferroviaire que le ministre peut ordonner à une compagnie d'élaborer ou de réviser un règlement dans un cas précis. Le rôle de la CFTC est de faire des commentaires au sujet du règlement proposé par les compagnies ou leurs lobbyistes. Je remets en question qu'un gouvernement puisse confier à un groupe de chefs d'entreprises ou à leurs lobbyistes rémunérés la responsabilité de formuler ou de réviser un règlement. L'accent devrait être sur la sécurité des employés et du public et qui est mieux placé que les gens qui travaillent sur les chemins de fer et sont représentés par leur syndicat pour formuler ou réviser un règlement, en consultation avec Transport Canada ? Lorsqu'on y pense, le syndicat offre le meilleur équilibre : l'accent sur la santé et la sécurité tout en tenant compte que les employeurs doivent faire un profit pour assurer la viabilité de leurs compagnies.

(Traduction Forum ouvrier)

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