Les travailleurs demandent l'arbitrage et l'intervention du premier ministre


Conférence de presse de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos pour annoncer la demande d'arbitrage accéléré pour mettre fin au lockout à l'Aluminerie de Bécancour, le 23 février 2019 (D. Matelle)

Forum ouvrier : Les travailleurs d'ABI ont tenu une assemblée générale le 23 février pour faire le point sur la situation. Peux-tu nous dire comment l'assemblée s'est déroulée et ce qui en est ressorti ?

Clément Masse : Près de 700 travailleurs y ont participé. Nous avons expliqué ce qui s'est passé dans les négociations dans les dernières semaines. Les travailleurs ont vu que nous avons une volonté de négocier mais que l'employeur maintient ses positions et ne démontre aucune intention de négocier. Nous sommes allés chercher un mandat de l'assemblée pour demander l'arbitrage dans le dossier. Cela a été adopté à l'unanimité. Nous demandons au gouvernement de mettre de la pression sur l'employeur pour qu'il accepte ce processus-là ou qu'il vienne négocier de bonne foi. Nous demandons aussi au premier ministre François Legault d'intervenir sur les contrats d'énergie comme il avait promis de le faire pendant la campagne électorale. Ce sont en bref les derniers développements.

Essentiellement, l'employeur maintient ses nouvelles demandes de concessions malgré que ces points-là étaient déjà réglés dans l'offre finale de décembre 2018. Nous avons accepté de les revoir, nous avons accepté certaines d'entre elles mais l'employeur a refusé de bouger sur les concessions les plus importantes, sinon de manière minime. Tout ce que l'employeur demande, ce sont des concessions, et pour que la négociation avance, il faudrait que nous les acceptions. La négociation n'est pas bloquée par rapport à des demandes que nous avons, et que l'employeur refuse, mais nous faisons face à un employeur qui demande constamment des concessions. Un règlement, selon Alcoa, cela veut dire que nous devons nous plier à toutes ses demandes. Au lieu d'avoir des emplois avec de bons salaires et de bonnes conditions, Alcoa veut avoir la possibilité d'en créer avec des salaires moindres, envoyer nos emplois aux sous-traitants et les gens n'auront pas de conditions. Essentiellement, ce que veut faire Alcoa, c'est gérer l'usine sans le syndicat, c'est faire tout ce qu'il veut sans contraintes de la part du syndicat à l'usine. C'est inacceptable en ce qui nous concerne.

FO : Peux-tu nous en dire plus sur la demande d'arbitrage ?

CM : Nous demandons un arbitrage accéléré, pas quelque chose qui va prendre un an. Le gouvernement devrait établir un échéancier pour que les parties plaident leur point de vue et un échéancier pour que l'arbitre rende sa décision. Au terme de l'arbitrage, les parties seraient tenues par la décision de l'arbitre. Cela nous apparaît une issue réelle à ce lockout qui a trop duré

Si on se rend à l'arbitrage, il faudra que cela soit très précis, et les parties bien sûr pendant que l'arbitrage se fait, peuvent toujours conclure une entente. Le ministre du Travail dit tout le temps qu'il veut mettre de la pression sur les parties. S'il fait pression pour qu'il y ait un arbitrage et que l'employeur accepte, cela va mettre de la pression pour en arriver à un règlement. C'est certain que les modalités d'arbitrage seraient à discuter et il y a des points sur lesquels nous ne demanderons pas à l'arbitre de trancher parce que ce sont des points qui font l'objet d'une entente.

Il faut que l'employeur accepte l'arbitrage dans un premier temps, ce qu'il a refusé avant même qu'on fasse la demande, mais nous faisons la demande quand même et on va mettre de la pression sur le gouvernement.

FO : Qu'en est-il de votre demande d'intervention de la part du premier ministre François Legault ?

CM : Nous demandons une rencontre avec le premier ministre. Ce dernier doit intervenir pour corriger le déséquilibre des forces en présence, alors qu'Hydro-Québec finance le lockout de la multinationale américaine, à raison de 165 millions en 2018 seulement. On veut que le premier ministre s'en mêle comme il avait dit qu'il le ferait pendant la campagne électorale. On veut qu'il rouvre le contrat d'énergie qui permet à l'employeur de faire perdre 700 000 $ par jour à Hydro-Québec. L'employeur n'est pas obligé de payer pour son bloc d'énergie qui est lui réservé, et il profite quand même de son contrat. Il en profite à Baie-Comeau, il en profite à Deschambault et il en profite même à ABI, parce qu'il paie encore à rabais l'électricité sur la partie de l'usine qui fonctionne. Cela ne tient pas debout que le gouvernement ait négocié un contrat comme ça. Cela nuit aux travailleurs et c'est au gouvernement à corriger cette situation.

Alcoa parle de « changement de culture ». On en a parlé à l'assemblée. Quelle culture ? La culture que l'employeur veut changer, c'est qu'il ne veut plus fonctionner avec un syndicat. C'est ça sa culture. Est-ce qu'on est dans une dictature où ce sont les employeurs qui décident de tout ? Est-ce que le gouvernement va favoriser la compagnie Alcoa ou favoriser les 1 000 familles qui sont en lockout ? On demande au premier ministre est-ce que c'est ça le Québec ? Le premier ministre parle d'un « Québec économique », il veut créer des emplois de qualité, mais ce que l'employeur veut faire, c'est en créer qui ne sont pas de qualité. Si le premier ministre veut créer des emplois de qualité, qu'il le prouve en se mêlant du dossier.


Cet article est paru dans

Numéro 7 - 28 février 2019

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