Numéro 54 - 22 août 2020
Non au monument anticommuniste!
Non à la Journée du Ruban noir!
Piquetage d'information contre la
glorification du nazisme
Piquetage d'information contre la glorification du
nazisme à Ottawa le 21 août 2020
• Des
calomnies et des mensonges pour glorifier le
nazisme
- Louis Lang -
Le pacte de non-agression soviéto-allemand
du 23 août 1939
• Les
falsifications sur les origines de la Deuxième
Guerre mondiale
- Dougal MacDonald -
• Le
rôle des banquiers anglo-américains
- Valentin Katasonov -
À titre d'information
• Falsificateurs de
l'histoire: Chapitre III. Isolement de
l'Union soviétique. Pacte de non-agression
soviéto-allemand
- Bureau soviétique
d'information, février 1948 -
Non au monument anticommuniste!
Non à la Journée du Ruban noir!
cLe 21 août, Jeunes pour le renouveau
démocratique a organisé un piquetage d'information
à Ottawa sur la Journée du Ruban noir que le
Parlement du Canada a adoptée et observe le 23
août chaque année. Le 23 août 1939 est le jour où
l'Union soviétique a signé un pacte de
non-agression avec l'Allemagne hitlérienne après
que la Grande-Bretagne, la France et les
États-Unis aient refusé de conclure un accord de
sécurité collective avec l'Union soviétique qui se
retrouva seule pour repousser l'invasion
hitlérienne anticipée.
Les promoteurs de la Journée du Ruban noir, dont
le premier ministre Justin Trudeau lui-même,
accusent l'Union soviétique, qui a libéré l'Europe
du fascisme et du nazisme pendant la Deuxième
Guerre mondiale, d'avoir déclenché la Deuxième
Guerre mondiale, d'avoir divisé l'Europe et
d'avoir imposé la tyrannie communiste.
Tout cela permet
aux gouvernements britannique et français de se
disculper pour leur trahison de la Tchécoslovaquie
et de la Pologne à Munich le 30
septembre 1938, avec le soutien des
gouvernements américain et canadien. Pourquoi le
30 septembre n'est-il pas la « Journée du Ruban
noir » ?
Jeunes pour le renouveau démocratique s'oppose
également au monument anticommuniste que le
gouvernement du Canada érige et finance dans le
Jardin des provinces et des territoires en face de
Bibliothèque et Archives Canada sur la rue
Wellington à Ottawa.
Le monument que le gouvernement Trudeau aide à
construire pour commémorer les « victimes du
communisme » glorifie les nazis et les
collaborateurs nazis comme des combattants de la
liberté contre les communistes.
Il n'y a pas de monument à la mémoire des 27
millions de citoyens et de soldats soviétiques qui
ont donné leur vie pour vaincre le nazisme, ni à
celle des 60 millions de personnes tuées par
les nazis, les fascistes et les militaristes
pendant la Deuxième Guerre mondiale. Cela comprend
de nombreux Canadiens qui ont sacrifié leur vie
pour vaincre Hitler et dont les descendants ont un
immense respect pour les exploits héroïques des
Soviétiques qui ont défié la mort à Stalingrad et
tout au long de la guerre.
Ce projet anticommuniste est une insulte à tous
les hommes et à toutes les femmes du Canada et aux
peuples du monde qui ont sacrifié leur vie pour
vaincre le nazisme, le fascisme et le militarisme
japonais.
À l'heure où les peuples des États-Unis, du
Canada, de la Grande-Bretagne, de la France, de
l'Allemagne, de la Belgique et de nombreux autres
pays, et également les peuples d'Afrique
impitoyablement asservis et exploités, font tomber
des monuments qui glorifient l'esclavage, le
génocide et ceux qui ont commis des crimes contre
l'humanité, il est inacceptable que le Canada
érige un tel monument fondé sur des croyances
idéologiques fanatiques.
Le Canada doit être un refuge pour toutes les
victimes de l'esclavage, du génocide, des
conquêtes coloniales, des guerres impérialistes et
des coups d'État. Ne faut-il pas un monument en
leur honneur ?
- Louis Lang -
Lors d'une action de masse sur la colline du
Parlement le 19 septembre 2015, les
Canadiens ont rejeté la tentative du gouvernement
Harper d'imposer son monument anticommuniste et
son offensive antisociale sous couvert de valeurs
canadiennes.
Le 23 août, le gouvernement Trudeau entend
célébrer la Journée du Ruban noir, une journée de
commémoration concoctée par les cercles dirigeants
européens en 2009 pour promouvoir
l'anticommunisme par la calomnie et le mensonge,
et pour glorifier le nazisme.
La véritable signification historique du 23
août est délibérément occultée par la campagne
anticommuniste. Le 23 août 1939 est la
date de la signature du pacte de non-agression
soviéto-allemand, le pacte Molotov-Ribbentrop.
L'Union soviétique n'avait d'autre choix que de
signer un pacte de non-agression avec l'Allemagne
parce que les Britanniques, les Français et les
Américains avaient refusé de conclure un accord de
sécurité collective avec elle contre l'Allemagne
nazie. Au lieu de cela, ils ont cherché à isoler
l'Union soviétique et à pousser Hitler à atteindre
les objectifs qu'il avait clairement énoncés dans
son livre Mein Kampf qui prône la
supériorité de la soi-disant race aryenne et la
conquête de territoire en Europe de l'Est et en
Russie soviétique pour servir d'« espace
vital » pour le peuple allemand.
Parmi les autres
crimes commis par les forces anglo-françaises
pendant les années d'avant-guerre, il y a la
signature des accords de Munich avec Hitler
le 30 septembre 1938, par lequel elles
cédaient la région des Sudètes de la
Tchécoslovaquie à l'Allemagne et, plus
généralement, approuvaient la stratégie
d'apaisement envers Hitler. Le pacte de
non-agression signé par l'Union soviétique avec
l'Allemagne a donné aux Soviétiques 22 mois
supplémentaires pour renforcer ses défenses contre
l'invasion nazie anticipée.
La propagande anticommuniste impérialiste
anglo-américaine habituelle consiste à assimiler
les nazis, qui sont bien connus comme les plus
grands criminels de guerre de cette époque, à
l'Union soviétique, qui a joué le rôle majeur dans
la défaite des hitlériens et la libération du
monde du fléau du nazisme. Elle défend
délibérément l'idée que les nazis hitlériens et
leurs collaborateurs qui ont massacré les peuples
d'Europe et d'Union soviétique, entre autres
peuples, étaient des combattants de la liberté
parce qu'ils ont lutté contre le communisme et que
les forces antifascistes qui les ont combattus
jusqu'à la mort, surtout les communistes,
devraient être effacées de l'histoire.
Justin Trudeau a également l'intention de
terminer le projet de prédilection de Jason Kenney
et du gouvernement de Stephen Harper pour
glorifier les nazis et les collaborateurs nazis
comme combattants de la liberté contre le
communisme. Il s'agit d'un monument financé par
des fonds publics, officiellement appelé «
Monument aux victimes du communisme - Le Canada,
une terre d'accueil ». Le projet est inspiré
du Mémorial américain aux victimes du communisme,
inauguré en 2007, dont le président d'honneur
est le criminel de guerre George W. Bush et qui
compte parmi ses bienfaiteurs des monopoles comme
l'entreprise de défense Lockheed Martin et Amway
Corporation, propriété de la famille dominioniste
DeVos.
La Commission de la capitale nationale, ignorant
l'opposition de nombreux secteurs de la société à
Ottawa et de partout au pays, a approuvé un design
architectural et procède à la construction du
monument au centre-ville d'Ottawa.
L'organisation
privée au nom de laquelle agit le gouvernement
Trudeau est Tribute to Liberty (TTL - Hommage à la
liberté), une organisation anticommuniste dirigée
par divers individus au passé très douteux lié à
l'holocauste contre les juifs et d'autres peuples
considérés comme des « races inférieures ».
Depuis 2009, Tribute to Liberty tente de
recueillir des fonds auprès des Canadiens, mais a
lamentablement échoué. Le financement du monument
anticommuniste provient du gouvernement canadien
ainsi que de plusieurs gouvernements d'Europe de
l'Est qui sont des anticommunistes virulents et
soutiennent les activités criminelles des
mouvements pronazis dans leur pays.[1]
À l'heure où les peuples du monde entier font
tomber les statues et les symboles commémorant
l'esclavage, le génocide colonial et l'oppression
impérialiste, les Canadiens n'accepteront pas les
actions du gouvernement Trudeau qui agit au nom
d'intérêts privés en construisant des monuments
glorifiant les nazis et leurs collaborateurs pour
renverser les verdicts de l'histoire.
Le peuple canadien appuie la liberté et la
démocratie authentiques. Ce qu'il faut, c'est un
monument commémorant les millions de victimes des
conquêtes coloniales, de l'esclavage, des
génocides, des guerres d'agression impérialistes,
des coups d'État, des sanctions et des «
changements de régime ».
Pourquoi n'y a-t-il pas de monument à la mémoire
des victimes du génocide pluriséculaire de l'État
canadien contre le peuples autochotnes de l'Île de
la Tortue ? Ci-dessus: des milliers de personnes
participent à la marche commémorative annuelle à
Vancouver, le 14 février 2014, pour les
femmes et les filles autochtones disparues et
assassinées.
Note
1. Des contributions
financières étrangères à Tribute to Liberty pour
le monument anticommuniste ont été reçues des
gouvernements de Hongrie, Lettonie, Estonie,
Géorgie, Pologne, Ukraine, République tchèque et
Taïwan. La Lettonie, l'Estonie et l'Ukraine en
particulier sont connues pour les célébrations
publiques des collaborateurs nazis ou de ceux qui
ont servi dans les armées nazies pendant la
Deuxième Guerre mondiale. De nombreux
gouvernements des pays d'Europe de l'Est ont
cherché à dénaturer le rôle de l'Armée rouge
soviétique dans la libération de ces pays de
l'occupation nazie. Taïwan, en tant que siège du
pouvoir du Kuomintang réactionnaire renversé par
les communistes dans la guerre civile en Chine, a
créé la Ligue anticommuniste de l'Asie-Pacifique
en 1954 avec les gouvernements des
Philippines et de la Corée du Sud, connue
aujourd'hui sous le nom de Ligue mondiale pour la
liberté et la démocratie dont le siège social est
à Taïwan.
Le pacte de non-agression
soviéto-allemand du 23 août 1939
- Dougal MacDonald -
Piquetage d'information contre la glorification du
nazisme à Ottawa le 21 août 2020
Le gouvernement canadien a déclaré le 23 août
Journée du Ruban noir pour répandre des mensonges
qui accusent l'ancienne Union soviétique d'avoir
déclenché la Deuxième Guerre mondiale. L'Union
soviétique a signé un pacte de non-agression avec
l'Allemagne d'Hitler le 23 août 1939, et le
gouvernement canadien affirme qu'il s'agissait
d'une « alliance militaire » pour mener une action
militaire commune contre un pays tiers. Le pacte
ne contenait pas une telle entente. L'entente
était seulement que les deux pays ne
s'attaqueraient pas.
Accuser l'Union soviétique d'avoir déclenché la
Deuxième Guerre mondiale sert également à
détourner l'attention des faits concernant les
accords de Munich que les Britanniques et les
Français ont signés avec l'Allemagne hitlérienne
le 30 septembre 1938, lesquels ont cédé la région
des Sudètes en Tchécoslovaquie à l'Allemagne et
ont donné le feu vert à l'Allemagne et aux
hitlériens pour s'emparer de la Tchécoslovaquie,
envahir la Pologne et perpétrer les crimes de
guerre et les atrocités qu'ils ont commis contre
les peuples d'Europe pendant la Deuxième Guerre
mondiale.
Aujourd'hui encore,
les réactionnaires utilisent l'anniversaire du
pacte de non-agression non pas pour acclamer la
grande victoire des peuples du monde sur
l'Allemagne nazie, mais pour calomnier les grands
exploits de l'Union soviétique en répétant des
affirmations qui falsifient l'histoire. Le premier
ministre Justin Trudeau s'est déshonoré lorsque,
le 23 août 2019, il a qualifié la signature du
pacte Molotov-Ribbentrop de « sombre anniversaire
». Il a dit, sans aucun sentiment de honte : «
Signé entre l'Union soviétique et l'Allemagne
nazie en 1939 pour diviser l'Europe centrale et
orientale, ce pacte tristement célèbre a ouvert la
voie aux atrocités effroyables perpétrées par ces
régimes. »
Quel est l'objectif de cette assimilation du
combat implacable de l'Union soviétique pour
vaincre l'agression nazie aux crimes de guerre
nazis ? Dans les faits, les deux principaux
facteurs qui ont conduit à la Deuxième Guerre
mondiale déclenchée par l'Allemagne nazie sont les
énormes investissements américains pour
reconstruire l'économie allemande, à commencer par
le plan Dawes de 1924, dirigé par J.P. Morgan,
avec lequel a été financée la reconstruction
industrielle de l'Allemagne, en particulier la
reconstruction de son industrie de guerre, et la
politique perfide d'apaisement envers l'Allemagne,
une politique de renoncement à la sécurité
collective qui a été suivie par le Royaume-Uni et
la France, avec l'accord tacite du Canada, tandis
que les États-Unis s'affairaient à financer la
production de guerre de l'Allemagne.
Les grands mensonges concernant la prétendue
alliance germano-soviétique ont commencé en
janvier 1948 avec la publication par le
Département d'État des États-Unis, en
collaboration avec les ministères des affaires
étrangères britannique et français, de documents
extraits des notes du journal de fonctionnaires
hitlériens, ce qui a déclenché une nouvelle vague
de calomnies et de mensonges en rapport avec le
pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop. Nous
sommes censés ignorer que les documents allemands
étaient tous écrits à partir du point de vue du
gouvernement de Hitler et n'ont pas fait l'objet
d'une vérification indépendante. Il s'agissait
d'une campagne délibérée de guerre froide contre
l'Union soviétique menée par les États-Unis et ses
alliés pour masquer leurs propres actions infâmes
de l'après-guerre.
L'Union soviétique n'a pas traité ces mensonges à
la légère, le Bureau d'information soviétique a
publié presque immédiatement un document très
important pour les réfuter : la note «
Falsificateurs de l'histoire »[1]. Aujourd'hui,
ces mêmes mensonges sur le pacte
Molotov-Ribbentrop ne doivent pas non plus être
traités avec indifférence. Ils visent à présenter
les valeurs de ceux qui sont animés par des
croyances idéologiques étroites comme étant des
valeurs canadiennes. En fait, les promoteurs de la
Journée du Ruban noir sont les descendants des
mêmes forces nazies qui ont semé la mort et la
destruction dans toute l'Europe. Ils présentent
leurs ancêtres, qui étaient des collaborateurs
nazis qui ont envoyé les Juifs, les Polonais, les
Roms et plusieurs autres à la mort dans des camps
de concentration, comme étant des combattants de
la liberté parce qu'ils ont combattu le
communisme. Leurs valeurs ne sont pas des valeurs
canadiennes.
Un monument qui épouse ces valeurs basées sur des
croyances idéologiques anticommunistes étroites
dans un espace appelé Jardin des provinces et des
territoires n'a pas sa place. Les Canadiens ont
combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale pour
vaincre les nazis. Ils ont sacrifié leurs vies
pour remporter la liberté, la démocratie et la
paix. Leurs fils et filles n'avaient que de
l'admiration pour les sacrifices consentis par les
communistes dirigés par l'Union soviétique.
Déclarer que nous avons besoin d'un monument aux «
victimes du communisme » et non aux victimes du
fascisme et du nazisme et des guerres d'agression
impérialiste des États-Unis, de leurs coups
d'État, de leurs sanctions et de leurs crimes
contre l'humanité depuis les temps coloniaux, est
indigne de ce que les Canadiens chérissent.
Si signer un pacte de non-agression en 1939 était
« aider Hitler », alors les Anglais et les
Français avaient aidé déjà Hitler pendant au moins
un an en signant de tels pactes l'année précédente
et la Pologne « aidait Hitler » depuis 1934. Il
est également significatif que ces mêmes
réactionnaires ne mentionnent jamais le rôle
pronazi répugnant de sociétés américaines comme
Ford, General Motors, Standard Oil, Texaco, Dupont
et IT&T qui ont fourni à la machine de guerre
nazie des équipements et du matériel essentiels
qui ont rendu possible leur invasion de l'Europe[2].
La Grande-Bretagne et la France ont signé une
déclaration commune de non-agression avec
l'Allemagne en 1938, sans oublier la signature du
« Pacte d'entente et de collaboration » de 1933
peu de temps après l'accession d'Hitler au
pouvoir. La Pologne a signé un pacte de
non-agression avec les nazis en 1934, cinq ans
avant l'Union soviétique, mais ce pacte n'est
jamais mentionné comme cause de guerre. De toutes
les grandes puissances non agressives de l'Europe,
l'Union soviétique a été la dernière à accepter un
pacte avec les Allemands, une décision à laquelle
elle a été contrainte par le rejet de la sécurité
collective par la Grande-Bretagne et la France.
Les événements de 1938, avant et après
l'occupation de l'Autriche par Hitler, en mars,
montrent que, comme elle l'avait fait quelques
années plus tôt, l'Union soviétique a fait de
nombreux efforts pour persuader l'Angleterre et la
France de maintenir une assistance mutuelle
collective, et en particulier de prendre des
mesures pour défendre la Tchécoslovaquie contre
une agression. L'Union soviétique était non
seulement disposée à se joindre à la France pour
défendre la Tchécoslovaquie, si la France tenait
sa parole, mais aussi, dans le cas d'un refus de
la France, elle était prête à défendre seule la
Tchécoslovaquie[3].
Tous les efforts de l'Union soviétique pour
construire la sécurité collective ont été rejetés
par les Britanniques, les Français et les
Américains. La Grande-Bretagne et la France ont
refusé de signer tout pacte d'assistance mutuelle
collective avec l'Union soviétique parce que leurs
dirigeants espéraient toujours que l'Allemagne
attaquerait et détruirait l'Union soviétique. Un
dernier effort de l'Union soviétique en avril 1939
a de nouveau été rejeté, même si les sondages dans
les deux pays montraient un soutien populaire
massif à un pacte d'assistance mutuelle. Au lieu
de cela, la Grande-Bretagne et la France ont signé
les accords de trahison de Munich du 30 septembre
1938 avec l'Allemagne et l'Italie, qui ont permis
à l'Allemagne de démembrer la Tchécoslovaquie et
d'incorporer les Sudètes, ordonnaient aux Tchèques
de ne pas résister à l'agression nazie et
donnaient aux nazis le feu vert pour lancer leurs
attaques dans toute l'Europe.
Les réactionnaires ne veulent jamais discuter
des accords de Munich, car ils étaient une
trahison si honteuse des peuples du monde que même
Winston Churchill, au parlement britannique, a
déclaré au premier ministre Chamberlain : « Vous
aviez le choix entre la guerre et le déshonneur.
Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la
guerre. » Il est indéniable que face à la trahison
britannique et française, l'Union soviétique
n'avait d'autre choix que de prendre toutes les
mesures en son pouvoir pour se défendre et
défendre la cause de la paix.
De gauche à droite : Chamberlain, Daladier,
Hitler, Mussolini et Ciano lors de la signature
des accords de Munich en 1938
Tous ces faits sont vérifiables. Ils se trouvent
dans les rapports, discours, comptes rendus et
documents de l'époque. Pour ne donner qu'un
exemple de la politique d'apaisement envers
Hitler, on peut lire dans le Mémo #8604, envoyé à
Moscou de Prague par les services de renseignement
russes quelques jours avant la signature des
accords de Munich : « Le 19 septembre,
l'ambassadeur britannique, Newton, et
l'ambassadeur français, De Lacroix ont transmis à
Milan Hodza [premier ministre tchécoslovaque], au
nom de Chamberlain et de Daladier, les
dispositions suivantes, respectueusement : ‘Guidés
par les nobles principes de préservation de la
paix en Europe, ils estiment nécessaire de
rattacher les Sudètes à l'Allemagne. Un système de
pactes d'assistance mutuelle entre la
Tchécoslovaquie et d'autres pays devraient être
annulés.' »[4].
Cette trahison du peuple tchèque, qui a conduit à
l'occupation allemande, aurait été « guidée par
les nobles principes de la préservation de la
paix ». Pourtant, moins d'un an après avoir
envahi la Tchécoslovaquie, l'Allemagne envahissait
la Pologne, le Danemark, la Norvège, la Belgique,
les Pays-Bas et la France et bombardait la
Grande-Bretagne.
Un autre mensonge souvent répété est que l'Union
soviétique et l'Allemagne nazie avaient convenu
dans le pacte Molotov-Ribbentrop de « se partager
la Pologne », affirmant faussement à nouveau que
le pacte comprenait un engagement à mener une
action militaire commune contre un pays tiers.
Alors que les nazis ont envahi la Pologne le 1er
septembre 1939, commettant l'un des pires crimes
de guerre que le monde n'ait jamais connu,
massacrant près de six millions de personnes, le
rôle de l'Union soviétique était totalement
différent. L'armée soviétique est entrée en
territoire polonais le 17 septembre, seulement
après l'effondrement de l'État polonais, après la
désintégration de l'armée polonaise, après que le
gouvernement a cessé de fonctionner et que ses
dirigeants ont fui le pays. De plus, l'Union
soviétique est entrée dans les territoires de
l'Ukraine et de la Biélorussie qui faisaient
partie de la Russie soviétique jusqu'à ce que la
Pologne les annexe par la force pendant la guerre
russo-polonaise de 1919-1921. La Pologne à cette
époque faisait partie de l'alliance des 14 pays
impérialistes, dont le Canada, qui ont envahi la
République soviétique socialiste naissante pour
tenter de l'étrangler, mais n'y sont pas parvenus.
Environ 8 % seulement des habitants de l'Ukraine
et de la Biélorussie étaient d'origine polonaise.
Quel a été le résultat de l'entrée de l'armée
soviétique en Pologne ? « Grâce à l'intervention
opportune de l'Union soviétique dans ces
territoires qui avaient appartenu à l'État
polonais maintenant effondré, Hitler a dû accepter
une ligne de démarcation entre ses troupes et
l'Armée rouge bien à l'ouest de la frontière
russo-polonaise[5].
» L'Armée rouge a sauvé des millions d'habitants
d'Ukraine, de Biélorussie et de Pologne du sort
qu'Hitler a fait subir au peuple polonais. Même
Winston Churchill, un réactionnaire endurci, a
justifié publiquement l'entrée des Soviétiques en
Pologne orientale comme étant nécessaire non
seulement pour la sécurité des peuples de Pologne
et d'Union soviétique, mais pour les peuples des
États baltes et de l'Ukraine. Le 1er
octobre 1939, Churchill a déclaré à la
radio : « Que les armées russes se tiennent
sur cette ligne [la ligne Curzon] était clairement
nécessaire pour la sécurité de la Russie devant la
menace nazie. Un front de l'Est a été créé que
l'Allemagne nazie n'ose pas attaquer. Quand Herr
von Ribbentrop est allé à Moscou la semaine
dernière, c'était pour apprendre et accepter le
fait que les desseins nazis sur les pays baltes et
sur l'Ukraine doivent s'arrêter. »
Et, bien sûr, c'est l'Armée rouge soviétique qui,
en janvier 1945, a été le fer de lance de la
libération finale de la Pologne de l'occupation
nazie, libérant Varsovie puis perçant les
formidables défenses nazies sur la Vistule-Oder
qui marquait la frontière de la Pologne et de
l'Allemagne. Le succès complet de cette opération
a créé les conditions favorables à l'entrée en
Allemagne le 20 janvier et à l'avancée au
coeur de l'Allemagne, à l'élimination des forces
nazies, à la prise de Berlin et à la défaite
définitive du IIIe Reich.
L'Armée rouge soviétique libère la Pologne en
1945.
Reconnaissant cette immense contribution,
le 6 février 1945, le président et le
premier ministre de la Pologne écrivirent à
Staline : « Le peuple polonais n'oubliera
jamais qu'à l'époque la plus difficile et la plus
éprouvante de son histoire, il a reçu une aide
fraternelle du peuple soviétique, non seulement
sous forme de sang et d'armes de l'Armée rouge,
mais aussi de pain, ainsi qu'une aide considérable
de nature économique[6]. »
Les agissements infâmes des Anglo-Américains et
des Français dans le dos de l'Union soviétique ont
provoqué la destruction des éléments de sécurité
collective établis contre l'Allemagne nazie. Ce
sont les accords de Munich, l'acte de lâcheté
ultime, signés par la Grande-Bretagne, la France,
l'Allemagne et l'Italie qui ont mené à la Deuxième
Guerre mondiale, au massacre de millions de
personnes et à l'holocauste européen. Le verdict
de l'histoire confirme la vérité au sujet de la
trahison anglo-américaine et française des peuples
du monde et au sujet du rôle héroïque de l'Union
soviétique et de Staline dans la victoire sur les
nazis. Aucun falsificateur de l'histoire ne peut
changer ces faits.
Environ 50 millions de personnes sont mortes et 35
millions ont été blessées sérieusement pendant la
Guerre antifasciste, pendant laquelle les peuples
de l'Union soviétique ont subi la plus grande
partie des pertes. Telle est la vérité sur cette
question.
Notes
1. Falsificateurs de
l'histoire, Bureau soviétique d'information
auprès du Conseil des ministres de l'U.R.S.S.,
Moscou, 1948
2. Voir par exemple Black,
Edwin, Nazi Nexus : America's Corporate
Connections to Hitler's Holocaust, Dialogue
Press, Washington DC, 2009, et Pauwels,
Jacques, Big Business and Hitler, James
Lorimer, Toronto,2009.
3. Staline « avait prévu
déployer un million de soldats contre Hitler si la
Grande-Bretagne et la France acceptaient le
pacte » : Staline était « prêt à envoyer
plus d'un million de soldats soviétiques à la
frontière allemande pour dissuader l'agression
hitlérienne juste avant la Deuxième Guerre
mondiale », Nick Holdsworth, Telegraph,
Londres, 18 octobre 2008.
4. « Accords de Munich
de 1938 : Moscou ouvre ses archives
secrètes », Valeri Iarmolenko, RIA
Novosti, 30 septembre 2008
5. « Les Causes et les
leçons de la Seconde Guerre mondiale »,
Hardial Bains, Institut MELS, Toronto, 1990
6. « World War II :
Decisive Battles of the Soviet Army », V.
Larionov, N. Yeronin, B. Solovyov, V. Timokhovich,
Moscou, Progress Publishers, 1984.
- Valentin Katasonov -
Cet article a été initialement publié
en 2015 par Strategic Culture Foundation et
également reproduit par LML la même
année. Nous le republions aujourd'hui
pour éclairer les lecteurs sur le rôle joué par
les financiers internationaux dans la Deuxième
Guerre mondiale et démystifier la falsification
anglo-américaine qui blâme l'Union soviétique
pour cette tragédie pour essayer de se
disculper.
L'article examine les origines des
institutions financières internationales à un
moment où le gouvernement Trudeau et les
gouvernements provinciaux endettent encore une
fois le pays auprès d'intérêts privés à des
niveaux sans précédent et le justifient en
disant que c'est ainsi qu'on assurera la reprise
économique. Non seulement cela, mais le
gouvernement Trudeau aime prétendre que
l'adhésion du Canada à ces institutions
financières internationales le rend démocratique
et prouve son multilatéralisme. Cet article
fournit de nombreux renseignements qui montrent
qu'il existe manifestement divers types de
multilatéralisme ayant divers types d'objectifs
et que tous ne servent pas le Canada. Ce dont le
gouvernement Trudeau et les autres gouvernements
au Canada ne veulent pas discuter.
Première partie
La guerre n'a pas été déclenchée par un Führer
enragé qui se trouvait à diriger l'Allemagne à
cette époque. La Deuxième Guerre mondiale est
l'oeuvre d'une oligarchie mondiale, ou plus
précisément des ploutocrates anglo-américains.
Utilisant des instruments tels que la Réserve
fédérale US et la Banque d'Angleterre, ils ont
commencé à se préparer pour le prochain conflit
d'ampleur mondiale immédiatement après la Première
Guerre mondiale. Leur cible était l'URSS.
Les plans Dawes et Young, la création de la
Banque des règlements internationaux (BRI), la
suspension du paiement des réparations par
l'Allemagne prévues par le Traité de Versailles et
l'acquiescement des anciens alliés de la Russie à
cette décision, les investissements étrangers
massifs dans l'économie du Troisième Reich, la
militarisation de l'économie allemande et les
violations du Traité de Versailles sont autant de
jalons sur le chemin conduisant à la guerre.
Derrière ce complot se tenaient des
personnages-clefs : les Rockefeller, les
Morgan, Lord Montagu Norman (gouverneur de la
Banque d'Angleterre) et Hjalmar Schacht (président
de la Reichsbank et ministre de l'Économie du
gouvernement de Hitler). Le programme stratégique
des Rockefeller et des Morgan était de subjuguer
l'Europe économiquement, de saturer l'Allemagne
d'investissements et de crédits étrangers, et de
l'amener à livrer un coup mortel à la Russie
soviétique, afin que celle-ci revienne au
capitalisme en tant que colonie.
Montagu Norman (1871-1950) a joué un rôle
important d'intermédiaire dans le dialogue entre
les milieux financiers américains et les chefs
d'entreprise allemands. Hjalmar Schacht a organisé
la reconstitution du secteur de la défense de
l'économie allemande. L'opération menée par les
financiers anglo-américains était dissimulée par
des politiciens tels que Franklin Roosevelt,
Neville Chamberlain et Winston Churchill. En
Allemagne, ces projets étaient exécutés par Hitler
et Hjalmar Schacht. Selon certains historiens,
Hjalmar Schacht a joué un rôle plus important que
Hitler. Seulement, il restait dans l'ombre.
À l'issue de la Première guerre mondiale, le Plan
Dawes visait à compromettre la Triple Entente et à
collecter les réparations de guerre auprès de
l'Allemagne. Le Plan Dawes (proposé par le Comité
Dawes, présidé par Charles G. Dawes) désignait une
tentative faite en 1924 de résoudre le problème
des réparations, qui avait miné la politique
internationale après la Première guerre mondiale
et le Traité de Versailles (la France, réticente,
a perçu plus de 50 % du montant des
réparations). Entre 1924 et 1929,
l'Allemagne a reçu 2,5 milliards de dollars
des États-Unis et 1,5 milliard de la
Grande-Bretagne dans le cadre du Plan Dawes. Il
s'agit de sommes considérables, qui correspondent
à 1 billion (mille milliards) de dollars
d'aujourd'hui. Hjalmar Schacht a joué un rôle
actif dans la mise en oeuvre du Plan Dawes.
En 1929, il a résumé les résultats en
déclarant qu'en 5 ans, l'Allemagne avait reçu
davantage de prêts étrangers que les États-Unis au
cours des 40 années ayant précédé la Première
guerre mondiale. En conséquence, en 1929,
l'Allemagne était devenue la deuxième puissance
industrielle mondiale, devant la Grande-Bretagne.
Dans les années 1930, l'Allemagne a continué
de bénéficier d'investissements et de prêts.
Rédigé en 1929 et adopté officiellement
en 1930, le Plan Dawes désignait un programme
visant à régler les dettes de guerre allemandes à
l'issue de la Première guerre mondiale. Il a été
présenté par le comité présidé par l'industriel
américain Owen D. Young (1929-1930), fondateur et
ex-premier président de Radio Corporation of
America (RCA). À l'époque, Young siégeait
également au conseil d'administration de la
Fondation Rockefeller, et il avait en outre été
l'un des représentants impliqués dans un
dispositif de réaménagement des réparations de
guerre, le Plan Dawes de 1924. Selon le plan,
la Banque des Règlements Internationaux (BRI) a
été créée en 1930 pour permettre à
l'Allemagne de payer les réparations aux
vainqueurs. En réalité, l'argent a pris une toute
autre direction, à savoir qu'il est parti des
États-Unis et de la Grande-Bretagne pour arriver
en Allemagne. Le capital de la majorité des
sociétés allemandes ayant une importance
stratégique était, intégralement ou partiellement,
américain. Une partie était détenue par des
investisseurs britanniques. Les secteurs du
raffinage du pétrole et de la liquéfaction du
charbon de l'économie allemande étaient dans les
mains de Standard Oil (les Rockefeller). Le géant
de l'industrie chimique Farbenindustrie AG est
passé sous le contrôle du groupe Morgan. Quarante
pour cent du réseau téléphonique et 30 %
des actions de Focke Wulf étaient sous le contrôle
de la société américaine ITT. La radio et les
géants de l'industrie électrique AEG, Siemens et
Osram sont passés sous le contrôle d'American
General Electric. ITT et General Electric
faisaient partie de l'empire de Morgan. Cent pour
cent des actions Volkswagen appartenaient à
l'Américain Ford. Au moment où Hitler a accédé au
pouvoir, le capital financier américain contrôlait
quasiment tous les secteurs d'importance
stratégique de l'industrie allemande :
raffinage du pétrole, production de carburant de
synthèse, chimie, construction automobile,
aviation, ingénierie électrique, radio, ainsi
qu'une grande partie de l'industrie de la
construction mécanique (278 sociétés au total).
Les grandes banques allemandes, telles que la
Deutsche Bank, la Dresdner Bank, la Donat Bank et
quelques autres, étaient sous contrôle américain.
* * *
Le 30 janvier 1933, Hitler devenait
chancelier d'Allemagne. Auparavant, sa candidature
avait été étudiée à la loupe par les banquiers
américains. Hjalmar Schacht s'est rendu aux
États-Unis à l'automne 1930 pour parler de
cette nomination avec des collègues américains. La
désignation de Hitler a finalement été approuvée
lors d'une réunion secrète de financiers aux
États-Unis. Schacht a passé toute
l'année 1932 à convaincre les banquiers
allemands que Hitler était le meilleur candidat au
poste. Il a atteint son objectif. À la
mi-novembre 1932, 17 des plus grands
banquiers et industriels allemands ont adressé une
lettre au président Hindenburg, dans laquelle ils
exigeaient qu'il nomme Hitler chancelier. La
dernière réunion de travail des financiers
allemands avant l'élection s'est tenue le 4
janvier 1933 à Cologne, au domicile du
banquier Kurt von Schröder. Ensuite, le parti
national-socialiste est arrivé au pouvoir. Les
relations financières et économiques de
l'Allemagne avec les Anglo-Américains se sont
alors resserrées d'un cran.
Hitler a immédiatement annoncé qu'il refusait de
payer les réparations de guerre. Il a mis en doute
la capacité de l'Angleterre et de la France à
rembourser leurs propres dettes de la Première
guerre mondiale aux États-Unis. Washington n'a
émis aucune objection à l'annonce de Hitler. En
mai 1933, Hjalmar Schacht s'est rendu une
nouvelle fois aux États-Unis. Il y a rencontré le
président Franklin Roosevelt et les grands
banquiers en vue de demander une ligne de crédit
de 1 milliard de dollars. En juin de la même
année, Hjalmar Schacht s'est rendu à Londres pour
s'entretenir avec Montagu Norman. Tout est passé
comme une lettre à la poste. Les Britanniques ont
consenti un prêt de 2 milliards de dollars.
Ils n'ont soulevé aucune objection quant à la
décision de l'Allemagne de suspendre le
remboursement de sa dette.
Selon certains historiens, les Américains et les
Britanniques étaient accommodants parce que,
dès 1932, l'Union soviétique avait réalisé le
plan quinquennal de développement économique en
vue d'atteindre de nouveaux sommets en tant que
puissance industrielle. Quelques milliers
d'entreprises avaient vu le jour, en particulier
dans l'industrie lourde. La dépendance de l'URSS à
l'importation de produits industriels avait ainsi
considérablement diminué. Les chances d'étrangler
l'Union soviétique économiquement s'en trouvaient
quasiment réduites à zéro. Il a alors été décidé
de recourir à la guerre et de lancer la
militarisation accélérée de l'Allemagne.
Pour celle-ci, l'obtention de crédits américains
ne posait aucun problème. Hitler est arrivé au
pouvoir dans son pays à peu près en même temps que
Franklin Roosevelt aux États-Unis. Les banquiers
qui ont soutenu Hitler en 1931 sont
précisément ceux qui ont soutenu l'élection de
Roosevelt. Une fois en poste, le nouveau président
ne pouvait guère faire moins qu'accorder de
généreux crédits à l'Allemagne. D'ailleurs,
beaucoup ont remarqué la grande similitude entre
le New Deal de Roosevelt et la politique
économique du Troisième Reich. Rien d'étonnant. Ce
sont en effet les mêmes qui assuraient le
sauvetage des deux gouvernements tout en les
conseillant. Ils représentaient principalement les
milieux financiers américains.
Le New Deal de Roosevelt n'a pas tardé à prendre
l'eau. En 1937, les États-Unis étaient
embourbés dans la crise économique. En 1939,
l'économie américaine tournait à 33 % de
sa capacité industrielle (19 % aux pires
moments de la crise de 1929-1933).
Rexford G. Tugwell, un économiste du premier
Brain Trust, équipe d'universitaires de
l'Université de Columbia mise en place par
Franklin Roosevelt et ayant contribué aux
recommandations politiques qui ont conduit au New
Deal de Roosevelt, écrivait qu'en 1939 le
gouvernement avait échoué. La situation est restée
figée jusqu'à l'invasion de la Pologne par Hitler.
Seuls les puissants vents de la guerre pouvaient
dissiper la brume. Quoi que Roosevelt puisse
tenter, ses initiatives étaient condamnées à
l'échec. [1]
Seule une guerre mondiale pouvait sauver le
capitalisme américain. En 1939, les
ploutocrates ont mis en oeuvre tous les moyens à
leur disposition pour faire pression sur Hitler et
l'inciter à lancer une guerre à grande échelle à
l'Est.
Deuxième partie
La Banque des règlements internationaux (BRI) a
joué un rôle important pendant la Deuxième Guerre
mondiale. Tête de pont des intérêts américains en
Europe, elle assurait la liaison entre les
entreprises anglo-américaines et allemandes.
C'était en quelque sorte une zone parallèle
abritant le capital cosmopolite contre les
initiatives politiques, les guerres, les
sanctions, etc.
Cette banque a été créée sous la forme d'une
entité commerciale publique. Son immunité face aux
interférences gouvernementales et, par exemple, à
l'imposition, était garantie par l'accord
international signé à La Haye en 1930. Les
banquiers de la Réserve fédérale de New York,
proches des Morgan, de Montagu Norman, gouverneur
de la Banque d'Angleterre, ainsi que des
financiers allemands tels que Hjalmar Schacht
(président de la Reichsbank et ministre de
l'économie du gouvernement de Hitler), Walther
Funk (qui a remplacé Hjalmar Schacht au poste de
président de la Reichsbank) et Emil Puhl, tous ont
joué un rôle important dans la fondation de la
Banque. Parmi les fondateurs figuraient les
banques centrales de Grande-Bretagne, de France,
d'Italie, d'Allemagne, de Belgique et quelques
banques privées.
La Banque fédérale de New York a fait de son
mieux, mais n'a pas fait partie des établissements
fondateurs de la BRI. Les États-Unis étaient
représentés par la banque privée First National
Bank of New York, J.P. Morgan and Company, la
First National Bank of Chicago, qui faisaient
toutes partie de l'empire Morgan. Le Japon était
également représenté par des banques privées.
En 1931-1932, 19 banques centrales
européennes rejoignaient la Banque des règlements
internationaux. Gates W. McGarrah, banquier du
clan des Rockefeller, était le premier président
du conseil d'administration de la BRI. Il a été
remplacé par Leon Fraser, qui représentait le clan
des Morgan. Pendant la guerre, la banque était
présidée par un citoyen américain, Thomas H.
McKittrick.
Beaucoup d'encre a coulé au sujet des activités
de la BRI au service des intérêts du Troisième
Reich. La Banque était impliquée dans des
transactions avec différents pays, y compris ceux
avec lesquels l'Allemagne était en guerre.
Depuis Pearl Harbor, la Banque des règlements
internationaux jouait le rôle de correspondant de
la Federal Reserve Bank de New York. Elle était
sous contrôle nazi pendant la guerre, même si
c'est l'Américain Thomas Huntington McKittrick qui
la présidait. Les soldats mouraient sur les champs
de bataille pendant que la direction de la BRI se
réunissait à Bâle avec les banquiers d'Allemagne,
du Japon, d'Italie, de Belgique, de
Grande-Bretagne et des États-Unis.
Dans ce havre de paix que constituait la zone
parallèle suisse, les représentants des
belligérants travaillaient tranquillement dans un
climat de compréhension mutuelle.
C'est en Suisse que l'Allemagne a mis en lieu sûr
l'or saisi aux quatre coins de l'Europe. En
mars 1938, lorsque Hitler s'est emparé de
Vienne, une partie de l'or autrichien a été
transférée dans les coffres-forts de la BRI. La
même chose a été faite avec l'or de la Banque
nationale tchèque (48 millions de dollars).
Lorsque la guerre a éclaté, l'or entrait à pleines
portes à la Banque des règlements internationaux.
L'Allemagne le récupérait dans les camps de
concentration et par le pillage des pays occupés
(y compris de tout ce qui appartenait à des
civils : bijoux, dents en or, étuis à
cigarettes, ustensiles divers, etc.). C'est ce que
l'on a appelé l'or nazi. Il était fondu en lingots
afin d'être entreposé à la Banque des règlements
internationaux, en Suisse ou hors d'Europe.
Dans son livre Trading With The Enemy : An
Expose of The Nazi-American Money Plot 1933-1949,
Charles Higham écrit que, pendant la guerre, les
nazis ont transféré 378 millions de dollars
sur les comptes de la Banque des règlements
internationaux.
Quelques mots au sujet de l'or tchèque. Certaines
informations ont fait surface après l'ouverture
des archives de la Banque d'Angleterre
en 2012 [2].
En mars 1939, l'Allemagne s'emparait de
Prague. Les nazis ont exigé 48 millions de
dollars des réserves d'or nationales. Il leur a
été répondu que cette somme avait déjà été
transférée à la Banque des règlements
internationaux. Par la suite, on a su que cet or
avait été transféré de Bâle dans les coffres-forts
de la Banque d'Angleterre. Sur l'ordre de Berlin,
l'or a été transféré sur le compte de la
Reichsbank à la BRI. Ensuite, la Banque
d'Angleterre a été impliquée dans les transactions
effectuées sur les ordres donnés par la Reichsbank
à la Banque des règlements internationaux. Ces
ordres étaient retransmis à Londres. Il y a donc
eu collusion entre la Reichsbank allemande, la
Banque des règlements internationaux et la Banque
d'Angleterre. En 1939, un scandale a éclaté
en Grande-Bretagne lorsqu'on a su que la Banque
d'Angleterre exécutait les transactions portant
sur l'or tchèque sur les ordres de Berlin et de
Bâle, et non du gouvernement tchèque. Par exemple,
en juin 1939, trois mois avant le début de la
guerre entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne, la
Banque d'Angleterre a aidé les Allemands à
transférer sur leur compte l'équivalent en or
de 440 000 livres sterling, et à
acheminer une partie de l'or à New York
(l'Allemagne s'assurait ainsi de la neutralité des
États-Unis en cas d'intervention allemande en
Pologne).
Ces transactions illégales sur l'or tchèque ont
été effectuées avec l'accord tacite du
gouvernement de Grande-Bretagne, qui savait
parfaitement ce qui était en train de se passer.
Le premier ministre Neville Chamberlain, le
Chancelier de l'Échiquier sir John Simon et les
autres responsables de haut rang ont tout fait
pour dissimuler la vérité, y compris en mentant
éhontément (en affirmant que l'or avait été
restitué à son propriétaire légitime ou qu'il
n'avait jamais été transféré à la Reichsbank). Les
documents de la Banque d'Angleterre rendus publics
dernièrement révèlent les faits et montrent que
les responsables gouvernementaux ont menti, afin
de se couvrir eux-mêmes et de couvrir les
activités de la Banque d'Angleterre et de la
Banque des règlements internationaux. La
coordination de ces activités criminelles
conjointes était un jeu d'enfant lorsqu'on sait
que Montagu Norman, directeur de la Banque
d'Angleterre, présidait également le conseil
d'administration de la Banque des règlements
internationaux. Il n'a d'ailleurs jamais caché ses
sympathies pour les fascistes.
La Conférence de Bretton Woods, officiellement
Conférence monétaire et financière des Nations
unies, a réuni les 730 délégués des 44
pays alliés à l'hôtel Mont Washington, à Bretton
Woods (New Hampshire), aux États-Unis, en vue de
réguler la vie monétaire et financière
internationale à l'issue de la Deuxième Guerre
mondiale. Cette conférence s'est tenue du 1er
au 22 juillet 1944. La Banque des
règlements internationaux se retrouvait soudain
sous le feu des projecteurs. On rapportait qu'elle
avait collaboré avec l'Allemagne fasciste. Sans
entrer dans les détails, je me limiterai à dire
qu'après bien des aléas (certains délégués
étatsuniens s'étant opposés à la motion), les
délégués sont tombés d'accord pour fermer la BRI.
Cette décision de la conférence internationale n'a
jamais été appliquée. Toutes les informations
susceptibles de jeter le discrédit sur les
activités de la BRI pendant la guerre ont été
classées. Aujourd'hui, cela contribue à falsifier
l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale.
Pour finir, quelques mots sur Hjalmar Schacht
(1877-1970), ancien président de la Reichsbank et
ministre de l'Économie du gouvernement fasciste de
l'Allemagne. Il a joué un rôle de premier plan
dans le contrôle de la machine économique du
Troisième Reich en agissant comme ambassadeur
extraordinaire et plénipotentiaire du capital
anglo-américain en Allemagne. En 1945,
Schacht a été jugé à Nuremberg et acquitté
le 1er octobre 1946. Il échappait aux
accusations de meurtre. Tout comme Hitler. Pour
des raisons qui demeurent inexpliquées, il ne
figurait pas sur la liste des principaux criminels
de guerre de 1945. Mieux, Schacht a repris sa
vie professionnelle comme si de rien n'était et
fondé la société Schacht GmbH à Düsseldorf. Ce
détail peut sembler insignifiant, mais il confirme
une fois de plus que les financiers
anglo-américains et leurs représentants
plénipotentiaires en Allemagne avaient préparé et,
dans une certaine mesure, influencé l'issue de la
Deuxième Guerre mondiale. Les financiers veulent
réécrire l'histoire de la guerre et changer ses
résultats.
Notes
1. P. Tugwell, The
Democratic Roosevelt, A Biography of Franklin D.
Roosevelt, New York, 1957, p 477.
2. Voir les
archives de la Banque d'Angleterre de 1939-1945
À titre
d'information
- Bureau soviétique d'information,
Février 1948 -
Après l'occupation de la Tchécoslovaquie,
l'Allemagne fasciste commença à préparer la guerre
tout à fait ouvertement, sous les yeux du monde
entier. Hitler, encouragé par l'Angleterre et la
France, ne se gêna plus et cessa de se poser en
partisan d'un règlement pacifique des problèmes
européens. Les mois les plus dramatiques de la
période d'avant-guerre commençaient. À ce moment
déjà, il était évident que chaque jour qui passait
rapprochait l'humanité d'une catastrophe militaire
sans précédent.
Quelle était
donc alors, la politique de l'Union soviétique
d'une part et, d'autre part, celle de la
Grande-Bretagne et de la France ?
La tentative d'éluder la réponse à cette
question, tentative entreprise par les
falsificateurs de l'histoire aux États-Unis,
montre seulement que ceux-ci n'ont pas la
conscience tranquille.
La vérité est que l'Angleterre et la France,
soutenues par les milieux dirigeants des
États-Unis, dans cette période fatale du printemps
et de l'été 1939, quand la guerre frappait à
la porte, suivaient toujours l'ancienne ligne de
leur politique. C'était une politique de
provocation poussant l'Allemagne hitlérienne
contre l'Union soviétique. Pour donner le change,
on voilait cette politique, non seulement par des
phrases hypocrites où l'on se déclarait prêt à
coopérer avec l'U.R.S.S., mais par certaines
manoeuvres diplomatiques peu compliquées qui
devaient cacher à l'opinion des peuples le
caractère réel de la ligne politique suivie.
Ces manoeuvres consistaient avant tout dans les
pourparlers de 1939 que l'Angleterre et la
France avaient décidé d'engager avec l'Union
soviétique. Pour tromper l'opinion publique, les
milieux dirigeants anglo-français essayèrent de
présenter ces pourparlers comme une sérieuse
tentative d'empêcher les progrès de l'agression
hitlérienne. Mais, à la lumière de tout le cours
ultérieur des événements, il devenait absolument
manifeste que, pour les Anglo-Français, ces
pourparlers n'étaient, dès le début, qu'un nouveau
coup dans leur double jeu.
Cela était également clair aux dirigeants de
l'Allemagne hitlérienne, pour qui le sens des
pourparlers entamés par les gouvernements de
l'Angleterre et de la France avec l'Union
soviétique n'était naturellement pas un secret.
Voici, par exemple, ce qu'écrivait à ce propos
Dircksen, ambassadeur d'Allemagne à Londres, dans
son rapport daté du 3 août 1939, adressé
au ministère allemand des Affaires Étrangères,
comme le montrent les documents saisis par l'armée
soviétique lors de la défaite de l'Allemagne
hitlérienne :
« L'impression prédominait ici que les liens qui
se sont établis au cours des derniers mois avec
d'autres États ne sont qu'un moyen de réserve en
vue d'une véritable réconciliation avec
l'Allemagne et que ces liens disparaîtront
aussitôt qu'on aura atteint le seul but important
et digne d'efforts : l'accord avec
l'Allemagne. »
Tous les diplomates allemands qui ont observé la
situation à Londres partageaient entièrement cette
opinion.
Dans un autre rapport secret envoyé à Berlin,
Dircksen écrivait :
« Par ses armements et en acquérant des Alliés,
l'Angleterre veut accroître sa puissance et se
mettre au niveau de l'Axe. Elle veut en même temps
essayer d'aboutir à un accord avec l'Allemagne par
la voie de négociations.[1] »
Les calomniateurs et falsificateurs de l'histoire
voudraient cacher ces documents car ils projettent
une lumière crue sur la situation qui a régné dans
les derniers mois d'avant-guerre. Or, sans
apprécier d'une façon juste cette situation, il
est impossible de comprendre la vraie préhistoire
de la guerre. En entamant des pourparlers avec
l'Union soviétique et en accordant des garanties à
la Pologne, à la Roumanie et à certains autres
États, l'Angleterre et la France, avec l'appui des
milieux gouvernants des États-Unis, jouaient un
double jeu en vue de conclure un accord avec
l'Allemagne hitlérienne et d'orienter son
agression vers l'Est, contre l'Union soviétique.
Les négociations entre l'Angleterre et la France,
d'une part, et l'Union soviétique, de l'autre, ont
commencé en mars 1939 et ont duré près
de 4 mois.
Toute la marche de ces pourparlers a fait
ressortir avec évidence que, tandis que l'Union
soviétique voulait aboutir à un accord, sur un
pied d'égalité avec les puissances occidentales,
accord qui puisse empêcher l'Allemagne, ne fût-ce
qu'au dernier moment, de déchaîner la guerre en
Europe, les gouvernements de l'Angleterre et de la
France, forts de l'appui des États-Unis, se
proposaient un tout autre but. Les milieux
gouvernants anglo-français, habitués à faire tirer
les marrons du feu par d'autres, avaient, une fois
de plus, tenté d'imposer à l'Union soviétique des
engagements en vertu desquels l'U.R.S.S. devait
assumer tout le poids des sacrifices que coûterait
la riposte à l'agression hitlérienne éventuelle,
tandis que ni l'Angleterre ni la France ne
prenaient la moindre obligation envers l'Union
soviétique.
Si les gouvernants anglo-français avaient
réussi cette manoeuvre, ils se seraient fort
rapprochés de la réalisation de leur principal
objectif, qui était de jeter le plus tôt possible,
l'une contre l'autre, l'Allemagne et l'Union
soviétique. Cependant, ce plan fut deviné par le
gouvernement soviétique qui, à toutes les phases
des négociations, opposa aux manoeuvres
diplomatiques et aux subterfuges des puissances
occidentales ses propositions franches et nettes,
dont le seul but était de défendre la cause de la
paix en Europe.
Point n'est besoin d'évoquer toutes les
péripéties de ces pourparlers. Il convient
seulement d'en rappeler certaines phases
particulièrement importantes. Il suffit de se
remémorer les conditions que le gouvernement
soviétique formula au cours des
négociations : signature entre l'Angleterre,
la France et l'U.R.S.S. d'un pacte efficace
d'assistance mutuelle contre l'agression ;
garantie donnée par l'Angleterre, la France et
l'U.R.S.S. aux États de l'Europe centrale et
orientale, y compris tous les pays européens, sans
exception, limitrophes de l'U.R.S.S. ;
signature d'une convention militaire concrète
entre l'Angleterre, la France et l'U.R.S.S. sur
les formes et les proportions de l'assistance
immédiate et efficace que ces puissances se
prêteraient réciproquement, ainsi qu'aux États
bénéficiaires de la garantie en cas d'agression[2].
À la troisième session du Soviet suprême de
l'U.R.S.S., le 31 mai 1939, V. Molotov a
fait remarquer que le principe élémentaire de la
réciprocité et de l'égalité des obligations,
éléments nécessaires de tous accords conclus sur
une base d'égalité, faisait défaut dans certaines
propositions anglo-françaises formulées au cours
de ces négociations.
« Se garantissant – a dit V. Molotov – contre une
attaque directe de la part d'agresseurs par des
pactes d'assistance mutuelle entre eux et avec la
Pologne, et s'assurant le concours de l'U.R.S.S.
en cas d'attaque de la part d'agresseurs contre la
Pologne et la Roumanie, les Anglais et les
Français laissaient pendante la question de savoir
si l'U.R.S.S. pouvait à son tour compter sur une
aide de leur part en cas d'attaque directe de la
part d'agresseurs contre elle. De même, ils
laissaient ouverte la question de savoir s'ils
pouvaient participer à la garantie des petits
États limitrophes de l'U.R.S.S. et couvrant sa
frontière nord-ouest, au cas où ceux-ci seraient
impuissants à défendre leur neutralité contre une
attaque de la part d'agresseurs. La situation
était donc inégale pour l'U.R.S.S.[3] »
Même lorsque les représentants anglo-français
commencèrent à accepter, en paroles, le principe
de l'assistance mutuelle entre l'Angleterre, la
France et l'U.R.S.S. à titre de réciprocité en cas
d'attaque directe de la part d'agresseurs, ils
firent nombre de réserves qui rendaient cet accord
fictif.
En outre, les propositions anglo-françaises
prévoyaient l'assistance de l'U.R.S.S. pour les
pays auxquels les Anglais et les Français avaient
fait des promesses de garantie sans rien dire de
leur assistance aux pays situés aux frontières
nord-ouest de l'U.R.S.S., c'est-à-dire aux États
baltes, au cas où ceux-ci seraient victimes d'une
attaque de la part de l'agresseur.
Partant des considérations énoncées plus haut, V.
Molotov déclarait que l'Union soviétique ne
pouvait assumer d'engagements à l'égard de
certains pays sans que des garanties analogues
soient accordées aux pays situés aux frontières
nord-ouest de l'Union soviétique.
Rappelons d'autre part que, lorsque l'ambassadeur
de Grande-Bretagne à Moscou, Seeds, s'informa
le 18 mars 1939 auprès du Commissaire du
Peuple aux Affaires Étrangères de l'attitude de
l'Union soviétique en cas d'agression hitlérienne
contre la Roumanie, agression sur les préparatifs
de laquelle les Anglais étaient renseignés, et
lorsqu'il fut demandé du côté soviétique quelle
serait l'attitude de l'Angleterre dans cette
éventualité, Seeds se déroba, en faisant remarquer
qu'au point de vue géographique, la Roumanie est
plus près de l'Union soviétique que de
l'Angleterre.
Ainsi, dès le premier pas, apparut nettement le
désir des milieux dirigeants anglais à lier
l'Union soviétique par des engagements déterminés
en restant eux-mêmes à l'écart. Ce procédé, plutôt
simpliste, se répéta ensuite systématiquement à
maintes reprises, au cours de toute la marche des
pourparlers.
En réponse à la demande anglaise, le gouvernement
soviétique proposa de convoquer une conférence des
représentants des États les plus intéressés, et
notamment de la Grande-Bretagne, de la France, de
la Roumanie, de la Pologne, de la Turquie et de
l'Union soviétique. De l'avis du gouvernement
soviétique, cette conférence aurait offert le plus
de possibilités de tirer au clair la situation
réelle et de déterminer les positions de tous ses
participants. Cependant, le Gouvernement
britannique répondit qu'il estimait prématurée la
proposition soviétique.
Au lieu de réunir une conférence qui aurait
permis de s'entendre au sujet des mesures
concrètes de lutte contre l'agression, le
Gouvernement anglais proposa au gouvernement
soviétique, le 21 mars 1939, de signer
conjointement avec lui, ainsi qu'avec la France et
la Pologne, une déclaration dans laquelle les
gouvernements signataires s'engageraient « à se
consulter sur les mesures à prendre en vue d'une
résistance commune », au cas où «
l'indépendance d'un État quelconque se trouverait
menacée ».
L'ambassadeur de la Grande-Bretagne, cherchant à
démontrer l'admissibilité de sa proposition,
insistait particulièrement sur cette circonstance
que la déclaration était rédigée en termes qui
n'obligeaient que fort peu.
Il était de toute évidence que cette déclaration
ne pouvait contribuer sérieusement à la lutte
contre une menace imminente de la part de
l'agresseur. Présumant, cependant, que cette
déclaration, malgré le peu d'espoir qu'elle
offrait, pouvait marquer ne fut-ce qu'un certain
pas en avant dans le refrènement de l'agresseur,
le gouvernement soviétique consentit à adopter la
proposition anglaise. Mais déjà, le 1er
avril 1939, l'ambassadeur de la
Grande-Bretagne à Moscou communiquait que
l'Angleterre considérait comme abandonnée la
question d'une déclaration commune.
Après deux nouvelles semaines d'atermoiements, le
Ministre des Affaires Étrangères anglais Halifax
fit au gouvernement soviétique, par
l'intermédiaire de l'ambassadeur de la
Grande-Bretagne à Moscou, une nouvelle proposition
consistant en ce que le gouvernement soviétique
ferait une déclaration, selon laquelle :
« En cas d'un acte d'agression contre un voisin
européen quelconque de l'Union soviétique, lequel
opposerait résistance, on pourrait compter sur
l'assistance du gouvernement soviétique, si cette
assistance était désirable. »
Le sens principal de cette proposition consistait
en ce que, au cas d'un acte d'agression de
l'Allemagne contre la Lettonie, la Lituanie,
l'Estonie, la Finlande, l'Union soviétique était
obligée de leur accorder son assistance sans
aucune obligation de la part de l'Angleterre
d'accorder la sienne, c'est-à-dire de s'engager
seul à seul dans une guerre avec l'Allemagne. En
ce qui concerne la Pologne et la Roumanie,
auxquelles l'Angleterre avait donné sa garantie,
l'Union soviétique devait dans ce cas également
leur prêter assistance contre l'agresseur. Mais
même dans ce cas, l'Angleterre ne voulait assumer
aucune obligation, quelle qu'elle fût, en commun
avec l'Union soviétique, en se réservant les mains
et le champ libres pour toute manoeuvre, sans
compter que conformément à cette proposition la
Pologne et la Roumanie, ainsi que les États
baltes, ne s'engageaient à rien à l'égard de
l'U.R.S.S.
Le gouvernement soviétique ne voulait pas
cependant laisser échapper une seule possibilité
d'arriver à un accord avec les autres puissances
sur la lutte commune contre l'agression
hitlérienne. Il présenta sans le moindre retard au
Gouvernement britannique une contre-proposition.
Cette proposition consistait en ceci :
premièrement, l'Union soviétique, l'Angleterre et
la France s'engageaient mutuellement à se prêter
les uns aux autres toute assistance immédiate, y
compris l'assistance militaire, au cas où l'un de
ces états serait victime d'une agression ;
deuxièmement, l'Union soviétique, l'Angleterre et
la France s'engageaient à accorder toute
assistance, y compris l'assistance militaire, aux
États de l'Europe de l'Est, situés entre la mer
Baltique et la mer Noire et limitrophes de l'Union
soviétique en cas d'agression contre ces
États ; enfin, troisièmement, l'Union
soviétique, l'Angleterre et la France devaient
s'engager à établir à bref délai les proportions
et les formes de l'assistance militaire, devant
être accordées à chacun de ces États dans les deux
cas mentionnés plus haut.
Tels étaient les points les plus essentiels de la
proposition soviétique. Il n'est pas difficile de
voir la différence radicale qui existait entre les
propositions soviétiques et britanniques pour
autant que la proposition soviétique renfermait en
elle-même des mesures réellement efficaces de
résistance conjointe à l'agression.
Au cours de trois semaines aucune réponse ne fut
donnée à cette proposition par le Gouvernement
britannique. Ce silence provoqua même en
Angleterre une inquiétude croissante, si bien que
le Gouvernement anglais dut, en fin de compte,
recourir à une nouvelle manoeuvre pour duper
l'opinion publique.
Le 8 mai, la réponse anglaise parvint à
Moscou ; il serait plus juste de dire les
contre-propositions anglaises ; il était
suggéré de nouveau au gouvernement soviétique de
faire une déclaration unilatérale, par
laquelle :
« Il s'engagerait, au cas où la Grande-Bretagne
ou la France seraient entraînées dans les
opérations militaires en exécution des engagements
pris par elles [envers la Belgique, la Pologne, la
Roumanie, la Grèce et la Turquie] de leur prêter
immédiatement son concours si ce dernier s'avérait
désirable, la nature de ce concours et les
conditions auxquelles il serait prêté devant être
l'objet d'un accord. »
De nouveau, dans cette proposition, il s'agissait
d'obligations unilatérales de l'Union soviétique.
Elle devait s'engager à prêter assistance à
l'Angleterre et à la France, qui, de leur côté, ne
prenaient absolument aucune obligation à l'égard
de l'Union soviétique concernant les Républiques
Baltes. De cette façon, l'Angleterre proposait de
placer l'U.R.S.S. dans une situation d'inégalité
inadmissible pour tout État indépendant, et
indigne de lui.
Il est facile de comprendre que, de fait, la
proposition anglaise s'adressait moins à Moscou,
qu'à Berlin. Les Allemands étaient invités à
attaquer l'Union soviétique et on leur donnait à
entendre que l'Angleterre et la France resteraient
neutres, pourvu seulement que l'agression
allemande ait lieu à travers les pays Baltes.
Le 11 mai une nouvelle complication
intervint dans les pourparlers entre l'Union
soviétique, l'Angleterre et la France par suite de
la déclaration de l'ambassadeur de Pologne à
Moscou, Grzybowski, qui communiqua que :
« La Pologne n'estime pas possible de conclure un
pacte d'assistance mutuelle avec l'U.R.S.S. »
Il va de soi que cette déclaration du
représentant polonais n'avait pu être faite qu'à
la connaissance et avec l'approbation des milieux
dirigeants d'Angleterre et de France.
La conduite des représentants britanniques et
français dans les pourparlers de Moscou portait un
caractère si nettement provocateur, que même dans
le camp dirigeant des puissances occidentales, il
se trouva des personnes pour critiquer âprement un
jeu aussi grossier. Ainsi, en été 1939, Lloyd
George publia dans le journal français Ce Soir un
article virulent, dans lequel il s'attaquait aux
dirigeants de la politique anglaise. Parlant des
raisons des atermoiements interminables, dans
lesquels s'étaient enlisés les pourparlers entre
l'Angleterre et la France d'une part et l'Union
soviétique d'autre part, Lloyd George écrivait
qu'à cette question il ne pouvait y avoir qu'une
seule réponse :
« Neville Chamberlain, Halifax et John Simon ne
veulent aucun accord avec la Russie. »
Il va de soi que ce qui était clair pour Lloyd
George, ne l'était pas moins pour les meneurs de
l'Allemagne hitlérienne, qui se rendaient
parfaitement compte que les puissances
occidentales ne pensaient à aucun accord sérieux
avec l'Union soviétique, mais poursuivaient un
tout autre but. Ce but consistait à pousser Hitler
à attaquer le plus tôt possible l'Union
soviétique, en lui assurant, pour ainsi dire, une
prime pour cette agression du fait que l'Union
soviétique était placée dans les conditions les
moins favorables en cas de guerre avec
l'Allemagne.
En outre, les puissances occidentales faisaient
traîner indéfiniment en longueur les pourparlers
avec l'Union soviétique, en s'efforçant de noyer
les questions essentielles dans la bourbe des
mesquins amendements et des variantes
innombrables. Chaque fois que la question tombait
sur des engagements réels quelconques, les
représentants de ces puissances faisaient mine de
ne pas comprendre ce dont il s'agissait.
Vers la fin de mai, l'Angleterre et la France
déposèrent de nouvelles propositions améliorant
quelque peu la variante précédente, mais qui,
cependant, laissaient toujours pendante la
question essentiellement importante pour l'Union
soviétique de la garantie des trois Républiques
baltes, situées sur sa frontière Nord-Ouest.
Ainsi tout en consentant à certaines concessions
verbales, sous la pression de l'opinion publique
de leurs pays, les gouvernants de l'Angleterre et
de la France continuaient à suivre obstinément
leur première ligne en entourant leurs
propositions de réserves qui les rendaient
notoirement inacceptables à l'Union soviétique.
La conduite des représentants anglo-français
pendant les pourparlers à Moscou était devenue à
ce point intolérable, que V. Molotov se vit
obligé, le 27 mai 1939, de déclarer à
l'ambassadeur d'Angleterre Seeds et au chargé
d'Affaires de France Payart, que le projet
d'accord présenté par eux au sujet de la
résistance commune à l'agresseur en Europe ne
prévoyait aucun plan d'organisation d'assistance
mutuelle efficace et même ne témoignait pas d'un
sérieux intérêt des gouvernements anglais et
français pour un pacte correspondant avec l'Union
soviétique. En même temps, il était directement
déclaré que la proposition anglo-française portait
à penser que les gouvernements d'Angleterre et de
France tenaient moins au pacte lui-même qu'aux
pourparlers autour du pacte. Peut-être ces
conversations étaient-elles nécessaires à
l'Angleterre et à la France pour certains buts.
Mais ces buts étaient inconnus du gouvernement
soviétique. Ce dernier était intéressé non pas aux
pourparlers au sujet du pacte, mais à
l'organisation d'une assistance mutuelle effective
entre l'U.R.S.S., l'Angleterre et la France,
contre l'agression en Europe. Les représentants
anglo-français étaient prévenus que le
gouvernement soviétique n'avait pas l'intention de
participer aux pourparlers au sujet d'un pacte
dont les buts étaient inconnus de l'U.R.S.S. et
que les gouvernements anglais et français
pouvaient mener ces pourparlers avec des
partenaires faisant mieux l'affaire que l'U.R.S.S.
Les pourparlers de Moscou traînaient
interminablement. Les causes de ce retard
inadmissible furent révélées par le Times
de Londres qui écrivait :
« Une alliance rapide et résolue avec la Russie
peut empêcher d'autres pourparlers...[4] »
Par « autres pourparlers » le Times
entendait sans doute les négociations de Robert
Hudson, ministre du commerce d'outre-mer, avec le
docteur Hellmut Wohltat, conseiller économique
d'Hitler, au sujet des possibilités d'un prêt
britannique fort considérable à l'Allemagne
hitlérienne, ce dont il sera question plus loin.
En outre, comme l'on sait, le jour où l'armée
hitlérienne fit son entrée à Prague, une
délégation de la Fédération de l'industrie
anglaise négociait à Düsseldorf, selon une
information de presse, la conclusion d'un accord
de vaste envergure avec la grande industrie
allemande.
Ce qui attirait également l'attention, c'était le
fait que des personnalités de deuxième rang
avaient été chargées de mener les pourparlers au
nom de la Grande-Bretagne, à Moscou, tandis que
Chamberlain lui-même était allé d'Angleterre en
Allemagne, et plus d'une fois, pour négocier avec
Hitler.
Il importe également de noter que le délégué
anglais Strang, pour les négociations avec
l'U.R.S.S., n'était pas muni de pouvoirs pour
signer quelque accord que ce soit avec l'Union
soviétique.
L'U.R.S.S. demandant de passer à des pourparlers
concrets au sujet des mesures de lutte contre un
agresseur éventuel, les gouvernements d'Angleterre
et de France durent consentir à envoyer leurs
missions militaires a Moscou. Mais celles-ci
mirent plus de temps que de raison à atteindre
Moscou. Et lorsqu'elles y arrivèrent, il se trouva
qu'elles étaient composées de personnalités
secondaires, qui, de plus, n'étaient pas munies de
pouvoirs pour signer quelque accord que ce soit.
Dans ces conditions, les pourparlers militaires
s'avérèrent aussi infructueux que les négociations
politiques.
Les missions militaires des puissances
occidentales montrèrent d'emblée qu'elles ne
désiraient pas débattre sérieusement les moyens
d'assistance mutuelle en cas d'agression de
l'Allemagne. La mission militaire soviétique
partait du fait que, si la guerre éclatait,
l'U.R.S.S. n'ayant pas de frontière commune avec
l'Allemagne, pouvait aider l'Angleterre, la
France, la Pologne seulement à la condition qu'on
laissait les troupes soviétiques traverser le
territoire polonais. Mais le Gouvernement de la
Pologne déclara qu'il n'acceptait pas l'aide
militaire de l'U.R.S.S., montrant ainsi qu'il
craignait le renforcement de l'Union soviétique
plus que l'agression hitlérienne. Les missions
anglaise et française appuyèrent cette attitude de
la Pologne.
Dans le cours des pourparlers militaires, on posa
également la question de l'effectif des forces
armées que les participants de l'accord devaient
faire entrer en ligne immédiatement, en cas
d'agression. Alors les Anglais mentionnèrent un
chiffre dérisoire, déclarant pouvoir mettre en
ligne 5 divisions d'infanterie et une
division motorisée. Les Anglais proposaient cela
au moment où l'Union soviétique se déclarait prête
à envoyer au front, contre l'agresseur, 136
divisions, 5 mille canons, moyens et lourds,
environ 10.000 tanks et tanquettes, plus
de 5 mille avions de combat, etc. Cela montre
combien peu sérieuse fut l'attitude du
Gouvernement anglais à l'égard des pourparlers sur
la conclusion d'un accord militaire avec
l'U.R.S.S.
Les données mentionnées ci-dessus suffisent à
confirmer la conclusion que se présente tout
naturellement à l'esprit. Voici cette
conclusion :
1. Le gouvernement soviétique, dans tout le cours
des pourparlers, s'est efforcé, avec une patience
extraordinaire, d'assurer une entente avec
l'Angleterre et la France au sujet de l'assistance
mutuelle contre l'agresseur sur la base de
l'égalité et à la condition que cette assistance
fût réellement efficace, c'est-à-dire que la
conclusion du traité politique s'accompagnât de la
signature d'une convention militaire établissant
les proportions, les formes et les délais de
l'assistance. Car toute la marche antérieure des
événements avait montré d'une façon suffisamment
nette que seul un accord pareil pourrait être
efficace et capable de mettre à la raison
l'agresseur hitlérien, gâté par de longues années
d'impunité totale et de laisser-faire de la part
des puissances occidentales.
2. La conduite de l'Angleterre et de la France au
cours des pourparlers avec l'Union soviétique
confirma pleinement qu'elles ne songeaient même
pas à un accord sérieux avec celle-ci. Car la
politique anglaise et française s'inspirait de
buts autres, n'ayant rien à voir avec les intérêts
de la paix et de la lutte contre l'agression.
3. Le dessein perfide de la politique
anglo-française était de donner à entendre à
Hitler que l'U.R.S.S. n'avait pas d'alliés, que
l'U.R.S.S. était isolée, qu'Hitler pouvait
attaquer l'U.R.S.S. sans risquer de se heurter à
une résistance de la part de l'Angleterre et de la
France.
Dans ces conditions, on ne doit pas s'étonner que
les pourparlers anglo-franco-soviétiques aient
fait fiasco. Cet échec n'était certes pas fortuit.
Il devenait de plus en plus évident que les
représentants des puissances occidentales, dans
leur double jeu, s'étaient proposés d'avance de
faire échouer ces pourparlers. Le fait est que
parallèlement aux négociations avec l'U.R.S.S.
publiquement conduites, les Anglais menaient dans
les coulisses des pourparlers avec l'Allemagne,
auxquels ils attachaient une importance infiniment
plus grande.
Si, par leurs pourparlers de Moscou, les milieux
dirigeants des puissances occidentales cherchaient
avant tout à assoupir la vigilance de l'opinion
publique de leurs pays, à tromper les peuples
qu'on entraînait dans la guerre, les négociations
avec les hitlériens étaient d'une autre nature.
Le programme des pourparlers anglo-allemands
était formulé en termes suffisamment clairs par
Halifax, ministre des Affaires étrangères de
Grande-Bretagne, qui adressait à l'Allemagne
hitlérienne des appels non équivoques au moment
même où ses fonctionnaires poursuivaient leurs
négociations à Moscou.
Prenant la parole au cours d'un banquet à
l'Institut Royal des relations internationales,
le 29 juin 1939, Halifax se déclarait
prêt à s'entendre avec l'Allemagne sur toutes les
questions « qui angoissent le monde ». Il
disait notamment :
« Dans une pareille atmosphère nouvelle nous
pourrions examiner le problème colonial, le
problème des matières premières, celui des
barrières s'opposant au commerce, de l'"espace
vital", de la limitation des armements, et tous
autres problèmes qui intéressent les Européens.[5] »
Si l'on se souvient de la manière dont le journal
conservateur Daily Mail, lié à Halifax,
traitait dès 1933 le problème de l'« espace
vital », en proposant aux hitlériens de s'en
tailler un en U.R.S.S., on n'aura plus aucun doute
sur la portée réelle de la déclaration de Halifax.
C'était là une franche proposition faite à
l'Allemagne hitlérienne de s'entendre sur le
partage du monde et des sphères d'influence, de
résoudre tous les problèmes sans l'Union
soviétique et surtout à ses dépens.
Dès le mois de juin 1939, les représentants
de l'Angleterre engageaient dans le plus grand
secret des pourparlers avec l'Allemagne, par
l'entremise de Wohltat venu à Londres en qualité
de délégué d'Hitler pour le plan quadriennal.
Hudson, ministre anglais du Commerce d'outre-mer,
et G. Wilson, conseiller intime de Chamberlain,
s'entretinrent avec lui. Le sujet des pourparlers
de juin est encore entouré du mystère des archives
diplomatiques. Mais en juillet Wohltat revenait à
Londres et les pourparlers étaient repris. Le
sujet de ce deuxième tour des négociations est
maintenant connu grâce aux documents saisis en
Allemagne qui sont entre les mains du gouvernement
soviétique et qui seront prochainement publiés.
Hudson et G. Wilson ont proposé à Wohltat puis à
Dircksen, ambassadeur d'Allemagne à Londres,
d'entamer des pourparlers secrets pour la
conclusion d'un accord de grande envergure qui
comprendrait un accord sur le partage des sphères
d'influence à l'échelle mondiale et pour mettre
fin à la « concurrence mortelle sur des marchés
communs ». Il était prévu que l'Allemagne
obtiendrait dans le sud-est de l'Europe une
influence prépondérante. Dans son rapport au
Ministère allemand des Affaires Étrangères, daté
du 21 juillet 1939, Dircksen faisait
remarquer que le programme discuté par Wohltat et
Wilson embrassait des questions politiques,
militaires et économiques. Parmi les questions
politiques une place particulière était réservée
parallèlement au Pacte de non-agression, à un
Pacte de non-intervention, qui devait comprendre «
la délimitation des espaces vitaux entre les
grandes puissances, surtout entre l'Angleterre et
l'Allemagne[6] ».
Lors de l'examen des problèmes relatifs à la
conclusion de ces deux pactes, les représentants
anglais avaient promis qu'en cas de signature des
dits pactes l'Angleterre renoncerait aux garanties
qu'elle venait d'accorder à la Pologne.
Dans le cas d'un accord anglo-germanique, les
Anglais étaient prêts à laisser les Allemands
régler seuls à seuls avec la Pologne le problème
de Dantzig et celui du corridor polonais,
s'engageant à ne pas intervenir dans ce règlement.
De plus, Wilson confirma, ainsi que le prouvent,
documents à l'appui, les rapports de Dircksen qui
seront bientôt publiés, qu'en cas de signature,
par l'Angleterre et l'Allemagne, des pactes
susmentionnés, la politique anglaise des garanties
serait abandonnée en fait.
« Dans ce cas la Pologne — écrit Dircksen dans
son rapport — restera pour ainsi dire face à face
avec l'Allemagne. »
Tout cela signifiait que les gouvernants de
l'Angleterre étaient prêts à livrer la Pologne en
pâture à Hitler alors que l'encre avec laquelle
venaient d'être signés les garanties anglaises à
la Pologne n'avait pas encore séché.
En même temps, en cas de conclusion d'un accord
anglo-allemand, le but que se proposaient
l'Angleterre et la France lorsqu'elles entamèrent
les pourparlers avec l'Union soviétique aurait été
atteint et il aurait été plus facile de précipiter
le conflit entre l'Allemagne et l'U.R.S.S.
Enfin, on envisageait de compléter l'accord
politique entre l'Angleterre et l'Allemagne par un
accord économique comprenant une transaction
secrète sur les questions coloniales, sur la
répartition des matières premières, le partage des
marchés, etc., et aussi sur un prêt anglais
important à l'Allemagne.
Ainsi donc, les gouvernants de l'Angleterre
entrevoyaient le tableau attrayant d'un accord
solide avec l'Allemagne et ce qu'on appelle la «
canalisation » de l'agression allemande vers
l'Est, contre la Pologne, à laquelle ils venaient
de donner des « garanties » et contre l'Union
soviétique.
Quoi d'étonnant que les calomniateurs et les
falsificateurs de l'histoire passent soigneusement
sous silence, s'efforçant de dissimuler ces faits
d'importance capitale pour bien comprendre la
situation dans laquelle la guerre devenait ainsi
inévitable.
Aucun doute ne pouvait subsister, à ce moment-là,
que l'Angleterre et la France, loin d'avoir
l'intention d'entreprendre quoi que ce soit de
sérieux pour empêcher l'Allemagne hitlérienne de
déclencher la guerre, ont au contraire fait tout
ce qui était en leur pouvoir pour inciter
l'Allemagne hitlérienne contre l'Union soviétique
au moyen de tractations et de marchés secrets, en
se livrant à toutes les provocations possibles.
Les falsificateurs quels qu'ils soient ne
réussiront pas à effacer de l'histoire ni de la
conscience des peuples le fait décisif que, dans
ces conditions, l'Union soviétique était placée
devant cette alternative :
- ou bien accepter, dans un but
d'autodéfense, la proposition faite par
l'Allemagne de signer un Pacte de non-agression et
d'assurer, par là même, à l'Union soviétique la
prolongation de la paix pour un certain laps de
temps, que l'État soviétique utiliserait pour
mieux préparer ses forces en vue de la riposte à
l'attaque éventuelle de l'agresseur ;
- ou bien décliner la proposition de
l'Allemagne sur le Pacte de non-agression et
permettre de ce fait aux provocateurs de guerre du
camp des puissances occidentales d'entraîner
immédiatement l'Union soviétique dans un conflit
armé avec l'Allemagne, cela dans une situation
tout à fait défavorable à l'Union soviétique dans
les conditions de son isolement complet.
Dans ces conditions, le gouvernement soviétique
s'est vu obligé de faire son choix et de signer un
Pacte de non-agression avec l'Allemagne.
Ce choix a été un acte sagace et clairvoyant de
la politique extérieure soviétique dans la
situation qui existait alors. Cet acte du
gouvernement soviétique a déterminé, dans une très
grande mesure, l'issue favorable, pour l'Union
soviétique et pour tous les peuples épris de
liberté, de la Deuxième Guerre mondiale.
Ce serait une grossière calomnie que d'affirmer
que la conclusion d'un pacte avec les hitlériens
eût fait partie du plan de la politique extérieure
de l'U.R.S.S. Au contraire, l'U.R.S.S. s'est
toujours efforcée d'arriver à un accord avec les
états occidentaux non-agressifs contre les
agresseurs germano-italiens, dans le but d'assurer
la sécurité collective sur les bases de l'égalité.
Mais l'accord est un acte fondé sur la
réciprocité. Alors que l'U.R.S.S. s'efforçait
d'arriver à un accord sur la lutte contre
l'agression, l'Angleterre et la France le
repoussaient systématiquement et préféraient mener
la politique visant à l'isolement de l'U.R.S.S.,
la politique de concessions aux agresseurs, la
politique de l'orientation de l'agression vers
l'Est, contre l'U.R.S.S. Les États-Unis
d'Amérique, loin de s'opposer à cette politique
funeste, la soutenaient au contraire par tous les
moyens. En ce qui concerne les milliardaires
américains, ils continuaient d'investir leurs
capitaux dans l'industrie lourde allemande,
aidaient les Allemands à développer leur industrie
de guerre et armaient ainsi l'agression allemande,
comme s'ils voulaient dire :
« Guerroyez, Messieurs les Européens, à votre
aise, guerroyez avec l'aide de Dieu, tandis que
nous, modestes milliardaires américains, nous nous
enrichirons à votre guerre, en accaparant des
centaines de millions de dollars de
surprofits ! »
On comprend que, vu l'état de choses en Europe,
il ne restait à l'Union soviétique qu'une
issue : accepter la proposition des Allemands
au sujet de la conclusion d'un pacte. C'était,
malgré tout, la meilleure de toutes les issues
possibles.
De même qu'en 1918, par suite de la
politique hostile des puissances occidentales,
l'Union soviétique s'était trouvée forcée de
conclure la paix de Brest avec les Allemands, de
même, en 1939, 20 ans après la paix de
Brest, l'Union soviétique se voyait contrainte de
conclure un pacte avec les Allemands par suite de
la même politique hostile de l'Angleterre et de la
France.
Les conversations de calomniateurs de toute
espèce prétendant que l'U.R.S.S. ne devait
pourtant pas aller jusqu'à un pacte avec les
Allemands, ne sauraient être considérées autrement
que comme risibles. Si la Pologne. Ayant pour
alliés l'Angleterre et la France, avait pu aller
jusqu'à un Pacte de non-agression avec les
Allemands en 1934, pourquoi l'U.R.S.S., qui
se trouvait dans des conditions moins favorables,
ne pouvait-elle pas se permettre ce même pacte
en 1939 ? Pourquoi l'Angleterre et la
France, qui représentaient la force dominante en
Europe, avaient-elles pu faire en 1938, en
commun avec les Allemands, une déclaration de
non-agression alors que l'Union soviétique, isolée
grâce à la politique hostile de l'Angleterre et de
la France, ne pouvait aller jusqu'à un pacte avec
les Allemands ?
N'est-ce pas un fait que, de toutes les grandes
puissances non-agressives de l'Europe, l'Union
soviétique a été la dernière à se décider à un
pacte avec les Allemands ?
Naturellement, les falsificateurs de l'histoire
et autres réactionnaires ne sont pas contents de
ce que l'Union soviétique ait réussi à utiliser
habilement le Pacte soviéto-allemand aux fins
d'affermir sa défense ; qu'elle ait réussi à
déplacer ses frontières loin vers l'Ouest et à
barrer la route à l'avance non contrariée de
l'agression allemande vers l'Est ; que les
troupes hitlériennes aient été obligées de
commencer leur offensive vers l'Est, non pas de la
ligne Narva-Minsk-Kiev, mais d'une ligne passant à
des centaines de kilomètres plus à l'Ouest ;
que l'U.R.S.S. n'ait pas été vidée de son sang par
la guerre nationale, mais qu'elle fût sortie
victorieuse de la guerre. Toutefois ce
mécontentement rentre déjà dans le domaine de la
fureur impuissante de politiciens faillis.
Le mécontentement furibond de ces messieurs ne
peut être considéré que comme la démonstration de
ce fait incontestable, que la politique de l'Union
soviétique a été et reste juste.
Notes
1. Rapport de Dircksen «
Sur le développement des relations politiques
entre l'Allemagne et l'Angleterre pendant ma
mission à Londres », rédigé en
septembre 1939.
2. Voir rapport de V.
Molotov à la IIIe session du Soviet Suprême de
l'U.R.S.S. en date du 31 mai 1939, p. 8.
3. Ibidem.
4. Sayers and Kahn, The
Great Conspiracy. The Secret War Against Soviet
Russia, p. 329.
5. « Discours de lord
Halifax sur la politique internationale »,
Oxford. Londres, 1940, p. 296.
6. Rapport de Dircksen,
ambassadeur d'Allemagne en Angleterre, en date
du 21 juillet 1939, Archives du
Ministère allemand des Affaires Étrangères.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
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